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vendredi 30 janvier 2009

Madagascar : « chercher ce qui est perdu » N°389 - 2eme année

Antananarivo est le théâtre de violents affrontements (100 victimes) entre les partisans de l’actuel Président, Marc Ravalomanana et ceux du maire de la capitale malgache, Andry Rajoelina. Les Etats-Unis et la France se concurrencent pour trouver une solution d’apaisement.
Madagascar est une île lointaine, énigmatique, tragique toujours marquée par la terrible répression des autorités françaises menée contre les Malgaches en 1947 (treize ans avant l’indépendance) qui fit entre 30 000 et 40 000 tués. L’armée française alla jusqu’à jeter vivants d’un avion des nationalistes pour impressionner la population !
Quelques années auparavant, en 1937, Madagascar apprenait le suicide au cyanure de Jean-Joseph Rabearivelo, plus tard considéré comme le plus grand poète de l’Afrique moderne. Né en 1901 dans une famille noble ruinée, il ne pourra aller à l’école. Son itinéraire sera paradoxal :
« d'un côté, autodidacte fasciné par les milieux coloniaux, il fera une timide carrière à l'ombre de l'administration française. Mais parallèlement, [il] poursuit une quête poétique d'un très haut vol, qui l'inscrit en fer de lance des mouvements littéraires de son époque. »¹
Ce lecteur jamais satisfait embrasse toutes les activités intellectuelles (romancier, dramaturge, essayiste, poète) et publie son premier recueil, La coupe de cendres, dés 1924 avant de traduire en malgache les œuvres de Baudelaire, Rimbaud et même celles de l’Américain
Walt Whitman. Toute sa vie, il voudra être un lien double entre sa culture et celles du monde extérieur. Il ressentira durement la promesse non-tenue de la part des autorités coloniales d’être le représentant de Madagascar à Paris lors de l’Exposition universelle. Ce sera la goutte d’eau de trop : il écrira une dernière lettre à son épouse et ses cinq enfants avant de se suicider en juin 1937.
C’est dans les recueils poétiques jumeaux
Presque-Songes et Traduit de la nuit (1931-1932) qu’il tentera la double écriture simultanée, française et malgache. La préface n’est-elle pas :
« À tous mes Amis, morts et vivants fils d’Orient et d’Occident « ?
N’était-ce pas « chercher ce qui est perdu » ?

« Flûtistes

Ta flûte,
tu l’as taillée dans un tibia de taureau puissant,
et tu l’as polie sur les collines arides
flagellées de soleil ;
sa flûte,
il l’a taillée dans un roseau tremblotant de brise,
et il l’a perforée au bord d’une eau courante
ivre de songes lunaires.

Vous en jouez ensemble au fond du soir,
comme pour retenir la pirogue sphérique
qui chavire aux rives du ciel ;
comme pour la délivrer
de son sort ;
mais vos plaintives incantations
sont-elles entendues des dieux du vent,
et de la terre, et de la forêt,
et du sable ?

Ta flûte
tire un accent où se perçoit la marche d’un taureau furieux
qui court vers le désert
et en revient en courant,
brûlé de soif et de faim,
mais abattu par la fatigue
au pied d’un arbre sans ombre,
ni fruit, ni feuilles.

Sa flûte
est comme un roseau qui se plie
sous le poids d’un oiseau de passage –
non d’un oiseau pris par un enfant
et dont les plumes se dressent,
mais d’un oiseau séparé des siens
qui regarde sa propre ombre, pour se consoler,
sur l’eau courante.

Ta flûte
et la sienne –
elles regrettent leurs origines
dans les chants de vos peines.
»²



« Ton œuvre

Tu n’as fait qu’écouter des chants,
tu n’as fait toi-même que chanter ;
tu n’as pas écouté parler les hommes,
et tu n’as pas parlé toi-même.

Quels livres as-tu lus,
en dehors de ceux qui conservent la voix des femmes
et des choses irréelles ?

Tu as chanté, mais n’as pas parlé,
tu n’as pas interrogé le coeur des choses
et ne peux pas les connaître
disent les orateurs et les scribes
qui rient de te voir magnifier
le miracle quotidien de la mer et de l’azur.

Mais tu chantes toujours
et t’étonnes en pensant à l’étrave
qui cherche une route intracée
sur l’eau étale
et va vers des golfes inconnus.
Tu t’étonnes en suivant des yeux cet oiseau
qui ne s’égare pas dans le désert du ciel
et retrouve dans le vent
les sentiers qui mènent à la forêt natale.

Et les livres que tu écris
bruiront de choses irréelles –
irréelles à force de trop être,
comme les songes.
»²




Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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Sources et notes :

1-
http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/rabearivelo.html

2- Presque Songes, Éd. Tsipika, Antananarivo 2007, pp.20-21 ; 56
Traduit de la nuit, Éd. Tsipika, Antananarivo 2007


http://www.lrdb.fr/articles.php?lng=fr&pg=383

jeudi 29 janvier 2009

Charles Guérin : « La voix du soir » N°388 - 2eme année

« Ah, ce bruit affreux de la vie », tel est presque le premier cri de ce poète lorrain né et mort à Lunéville à l’âge de 34 ans en 1907.
Son ton de tristesse, de mélancolie est la traduction de son état insatisfait d’homme comme de son œuvre où il tenta d’unir deux courants poétiques, celui des poètes du monde extérieur avec les analystes du moi du Parnasse et du Symbolisme :
« Pourquoi, ne suis-pas ainsi/Resté naïvement poète ? »


« La voix du soir est sainte et forte,
Lourde de songes et de parfums,
Et son flot d’ombre me rapporte
La cendre des espoirs défunts.

J’ai dit à l’amour qu’il s’en aille,
Et son pas d’aube, je l’écoute
Qui dans la gaieté des sonnailles
S’étouffe au tournant de la route.

La douceur de ce soir témoigne
De la bonté calme des choses.
Je voudrais vivre ! qu’on éloigne
Le vin où macèrent les roses,

Qu’on éloigne les mots subtils,
Les rythmes triples en tiare,
Les stylets stellés de béryls
Et les simarres d’or barbares.

Je suis las des perversités,
Je voudrais que mon âme lasse
Redevienne enfant des cités
Où le lys règne sur les places,

Que mon âme d’ombre délaisse
Les jardins de ronces haineuses,
Et laisse l’orgueil pour l’humblesse
Et redevienne lumineuse.

Le ciel est tendu d’améthyste,
Et maints péchés sont déliés…
Je songe un livre de pitié
Pour les âmes simples et tristes
. »¹


Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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Source :

1-Charles Guérin, Le sang des crépuscules, Mercure de France, Paris, 1895

mercredi 28 janvier 2009

Obama et le gaz irano-russe N°387 - 2eme année

Le Président américain, Barack Obama, a adressé un signal fort via le chef d’Etat-major de l’armée, l’amiral Mullen, auprès de l’Iran ; comme en écho, la Russie indiquait qu’elle suspendait l’installation de ses nouveaux missiles dans l’enclave de Kaliningrad suite aux signaux positifs envoyés depuis la Maison Blanche.
On le sait le second mandat de Georges Bush a véhiculé une foule de projets, de menaces d’attaques y compris nucléaires contre la république iranienne. De leurs côtés les autorités de Téhéran ont proféré un certain nombre de menaces. Janvier 2009, la donne aurait-elle changé ? Barack Obama entend gagner la guerre contre les Talibans installés en Afghanistan et au Pakistan ; ceux-ci sont soutenus par l’Iran.
Entre 2004 et 2008, la présidence républicaine n’a cessé de souffler le chaud et le froid à l’encontre de la Russie. Le choix de vouloir disposer des batteries de lance-missiles (BDME) en Pologne, en Tchéquie, officiellement pour riposter à une attaque venue d’Iran, a durci la position russe qui comprenait bien que l’Iranien en question, c’était le Russe ! Dés le 5 novembre Moscou indiquait son choix d’établir les SS-26 Iskander à Kaliningrad ex-Königsberg et ancienne capitale des rois prussiens.
Barack Obama s’il donne la priorité à la double crise, économique et sociale, qui jette dans la détresse des millions d’Américains, il doit également fixer une politique étrangère qui ne remette pas en cause le rang d’hyperpuissance. Le Président Américain n’ignore, évidemment pas, ni la très forte opposition républicaine ni celle d’une minorité démocrate, a toute remise en cause fondamentale du leadership de la bannière étoilée !
Assisterions-nous à une réévaluation politique tant en direction de l’Iran que de la Russie, deux puissances qui disposent d’une aire d’influence régionale historique ?
Cela étant dit, est-il dans l’intérêt de Téhéran et de Moscou de répondre positivement à Washington ?
L’Iran n’a jamais eu une politique agressive et ne possède pas une volonté hégémonique. De tous temps, ce pays a considéré, à l’ouest, la Mésopotamie (de la Georgie jusqu’au golfe persique) comme une frontière non écrite ; vers l’est sa relation pluriséculaire avec l’Inde (d’avant et après le partage de 1947) est vue comme un chemin sans obstacle. Pour preuve, la construction du gazoduc reliant l’Iran à l’Inde via le Pakistan. New Delhi, a décliné, en 2008, la suggestion américaine d’investir dans un gazoduc qui partirait du Turkménistan, traverserait l’Afghanistan, le Pakistan et arriverait en Inde. Les troupes de l’OTAN –dont celles françaises – en auraient assumé la sécurisation permanente.
La république islamique d’Iran s’est placée au centre d’une troïka du gaz entourée de la Russie et du Qatar, ce qui lui donne une position évidemment considérable. Contrairement à ce que répètent un peu trop les médias, l’Iran n’est pas isolé et n’est en rien considéré comme une nation renégate. Le roi d’Arabie Saoudite a rappelé l’an dernier qu’Ahmadinejad était son frère, tout chiite qu’il est !
Depuis l’affaire Georgienne d’août 2008 et les manœuvres maladroites du Président Ukrainien, Viktor Ioutchenko au moment de la guerre du gaz (décembre/janvier), la Russie a brisé son isolement sur la scène internationale et surtout européenne. Vladimir Poutine peut se targuer d’un parcours sans faute ainsi que d’une habileté remarquable à pousser ses adversaires à la faute et à faire reconnaître aux Européens combien il était dans leur intérêt d’accepter la Russie comme une puissance continentale. Avec l’Asie sa coopération se renforce et la flotte russe s’est offerte le luxe d’une tournée en Amérique latine et dans les Caraïbes. Moscou a bien profité de la faiblesse américaine durant les derniers mois de la présidence Bush.
La main tendue du Président Obama d’abord à l’Iran puis par contre-coup à la Russie marque le terme d’une période de négation systématique du rôle de ces deux nations qui ont appris à s’ouvrir de nouvelles voies avec les cartes énergétiques entre leurs mains. La Maison Blanche cherche de toute évidence un apaisement extérieur alors que son attention est retenue par la crise intérieure.
Les Etats-Unis ont besoin de l’Iran et de la Russie pour espérer briser dans l’œuf les Talibans. Téhéran et Moscou ont-ils besoin de Washington ? Chacun des trois recherche un point d’appui tiers. La Russie parce qu’elle ne conçoit une politique qu’à l’échelle impériale, les Etats-Unis restent donc un partenaire recherché au même titre que la Chine. Si l’Iran voit sa position géopolitique confirmée de la mer Caspienne à l’océan Indien, il en connaît, néanmoins la fragilité, les Etats-Unis pourraient être un intermédiaire parmi d’autres.
Les Etats-Unis s’ils veulent rester en Irak (voir les déclarations de Robert Gates) et pacifier l’Afghanistan (voir l’envoi de l’énergique Richard Holdbrooke, créateur du « Kosovo ») pour reprendre l’endiguement de la Chine, n’ont d’autre choix que de tendre la main en tirant les conséquences négatives de la présidence Bush. Barack Obama n’expérimente-t-il pas le monde multipolaire ?

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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mardi 27 janvier 2009

Bolivie : « Ici et aujourd’hui finit l’état colonial » N°386 - 2eme année

C’est par cette formule toute gaullienne que le Président bolivien, Evo Morales, a annoncé la victoire de son référendum constitutionnel qui vise à établir une nation républicaine multiethnique et multiculturelle.
Le texte donne une place prépondérante aux communautés indigènes aymara et quetchua (environ 70 % de la population), renforce le contrôle de l’Etat sur les richesses naturelles, notamment les ressources en gaz et la taille des propriétés agricoles sera limitée à 5 000 hectares. Précisons que cette dernière disposition n’est pas rétroactive.
Sur le plan religieux, la nouvelle constitution entérinera la «séparation» avec l’Eglise catholique en devenant «indépendante» des religions.
Si toutes les provinces sécessionnistes ont voté majoritairement « Non », il n’empêche que l’ensemble de la population (60%) a dit un « oui » franc, massif.
L’Amérique latine est en plein bouleversement. Des leaders aussi différents :
Fernando Lugo (Paraguay) d’Hugo Chavez (Venezuela), Evo Morales (Bolivie), Luiz Inácio Lula da Silva (Brésil) secouent à leur manière l’histoire générale du continent pour s’affranchir définitivement de toutes les pesanteurs léguées par les anciens empires coloniaux et de la redoutable surveillance par l’Oncle Sam.
Le coup de tonnerre engendré par le référendum bolivien aurait dû se faire entendre jusqu’en Europe mais l’information est passée presque sous silence. L’accent a été mis sur les risques d’un coup d’état militaire financé par la CIA et Ruben Costas, le meneur le plus hostile au Président Morales parmi les préfets sécessionnistes. On oublie que tous les chefs d’Etat de l’Amérique Latine ont garanti l’intégrité des frontières et ont rappelé que rien ne devait entacher les processus démocratiques. Avis aux perturbateurs !
Evo Morales, dictateur ? Et pourquoi le serait-il ? Le deviendrait-il parce qu’il supprimerait d’un coup de plume toute ségrégation entre les blancs, les Amérindiens et les métisses ? Le but d’Evo Morales n’est pas substituer une inégalité par une autre mais de prouver que les Boliviens sont capables de garder leur unité en abolissant un apartheid, c’est tout !
Les provinces sécessionnistes disposent, il est vrai des richesses naturelles boliviennes et elles comptent bien négocier avec Evo Morales pour que la nouvelle constitution ne s’applique pas. Mais cette posture ne peut pas durer à moins de tenter un coup de force qui s’il était tenté, débuterait une guerre civile. Où serait le gain ? Les préfets élus de ces provinces obéissent aux « blancs » boliviens alors que leur temps est révolu. Qu’ils regardent tous les évènements d’Amérique Latine et qu’ils pensent surtout au nouveau président nord-américain, Barack Obama : croient-ils qu’il approuverait un putsch contre un homme qui défend des idées bien proches des siennes ?


Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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Carte :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Bolivia_secession.png

Sources :

http://amlatineterecuerdo.blogspot.com/2009/01/et-encoe-une-branlee-signee-evo-morales.html

lundi 26 janvier 2009

Le 29 janvier : pshitt ou boum ? N°385 - 2eme année

Voilà plusieurs jours que les médias disent à l’envi que la journée du 29 janvier pourrait augurer plusieurs autres manifestations de plus en plus nombreuses et de de plus en plus violentes.
Le ton monte de tous les côtés dans le pays, c’est exact. Mais, pour l’heure, chacun est dans son coin en pensant fort peu à former une chaîne avec les voisins. Le Président de la République répète que l’année 2009 sera difficile avec des risques de dérapages. Pour l’heure le seul déraillement intervenu, en sus des événements de la gare Saint-Lazare, est le fait des députés de l’opposition le 20 janvier qui bloquèrent la séance à l’Assemblée nationale pour protester, à juste titre, contre la réforme du fonctionnement des débats.
La chute du capitalisme « anglo-saxon » ultra-libéral et sans contrôle, précipite une crise économique laquelle devance la crise sociale. En Europe, l’Islande, le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Espagne sont les quatre pays européens les plus touchés. Les Islandais occupent la rue tandis que leurs ministres démissionnent, certains, sous le coup d’une soudaine maladie : illustration intéressante. L’Irlande qui compte le plus de fonds d’investissements sur son sol, pâtit beaucoup de l’effondrement des grandes bourses. Le Royaume-Uni s’est déclaré officiellement en récession et craint de connaître le même sort que l’Islande, c’est-à-dire la faillite de l’Etat. L’Espagne s’affaisse dans une indifférence quasi générale : le secteur immobilier s’écroule tandis que les crédits à taux variables mettent à la rue des milliers de gens.
La France n’échappe évidemment pas à la morosité européenne. Les classes moyennes grognent de plus en plus alors que les classes populaires savent depuis belle lurette se serrer la ceinture et elles ne sont pas enclines, aujourd’hui, à s’unir aux peurs de ceux de la « haute » ! Et les jeunes ? Le mouvement lycéen s’est calmé, celui des étudiants peine à commencer, la ministre des universités, Valérie Pécresse, distribuant quelques gâteries aux uns et aux autres. Les travailleurs ? Chaque jour annonce une charrette, des semaines de chômage technique dans les différents secteurs. Les syndicats sont divisés : la CFDT, dont le leader François Chérèque est fort prés des idées de Nicolas Sarkozy, a seule signé, la convention d’assurance-chômage !
On a un front désuni mais aux multiples facettes. Nicolas Sarkozy, s’il craint toujours des débordements parce que d’une part,’il a en mémoire la jeunesse grecque soutenue par les parents et les enseignants et que d’autre part, il n’est pas à l’abri d’un syndrome Malik Oussekine (6 décembre 1986) garde pour le moment, la pleine maîtrise de la situation et du calendrier politique.
Se passe-t-il quelque chose en France ?
Loin des centrales syndicales et d’autres corps intermédiaires, la désobéissance civile fait, elle, de plus en plus d’adeptes. On l’a vu, des enseignants, des élèves et des parents ont occupé des écoles pendant plusieurs nuits. Il y a bien une réappropriation de la « rue » ou de l’espace public par les citoyens. Si elle reste trop incertaine et surtout fragile faute de connexions, elle forme, cependant, un terreau important.
Le pouvoir agite le spectre de l’ultra-gauche (Tarnac, Sud-SNCF) et montre du doigt la LCR de Besancenot pour effrayer les adeptes des JT : anticiperait-il une montée en puissance du populisme - l’UMP changerait de nom – ? L’Elysée cherche à profiter du mécontentement général pour accentuer son emprise sur la société française. Lors de ces vœux décentralisés, tenus dans différentes villes, Nicolas Sarkozy s’est entouré d’un service d’ordre massif et susceptible : ne s’agissait-il pas de prévenir tout défi à son pouvoir ? A La Mutualité, le Président a bel et bien jeté les bases d’un parti si immense qu’il deviendrait unique par l’ambition d’absorber le maximum de toutes les autres formations politiques.
Comment qualifier l’état d’esprit actuel ? Comparée aux Etats-Unis, au Japon et à certains pays européens, la France vient à peine d’entrer dans la crise que déjà les mécontentements se multiplient de tous les côtés. La journée du 29 janvier pourrait être celle qui officialiserait le début du désenchantement des Français et la peur d’avoir à connaître, demain, les mêmes tourments, par exemple, que les Espagnols ou les Anglais. Les Français sont en amont d’une crise et non en aval. Comment communiquer sur ce point ? Comment borner telle ou telle manifestation et comment transformer sa signification ? En annonçant plusieurs jours à l’avance le côté « révolutionnaire » du 29 janvier, l’Elysée comme les syndicats, ne vident-ils pas une partie du tonneau de poudre ? Une révolution surprend et fauche le pouvoir, on en est encore loin !

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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mardi 20 janvier 2009

Barack Obama : « Ô Etats-Unis » N°384 - 2eme année

Le Président Obama a fait le discours que les Américains attendaient et que le monde croyait hors du temps présent !
Extraits :

« Nul n'ignore que nous sommes au beau milieu d'une crise. Notre nation est en guerre contre un vaste réseau de violence et de haine.
[…]
En ce jour, nous sommes réunis car nous avons préféré l'espoir à la peur, la volonté d'agir en commun au conflit et à la discorde.
[….]
En ce jour nous proclamons la fin des doléances mesquines et des fausses promesses, des récriminations et des dogmes éculés qui ont pendant trop longtemps étouffé notre vie politique.
[….]
Nous demeurons une jeune nation. Mais pour reprendre les mots de la Bible, le temps est venu de se défaire des enfantillages. Le temps est venu de réaffirmer la force de notre caractère, de choisir la meilleure part de notre histoire, de porter ce précieux don, cette noble idée transmise de génération en génération: la promesse de Dieu que nous sommes tous égaux, tous libres et que nous méritons tous la chance de prétendre à une pleine mesure de bonheur.
….]
Nous demeurons la nation la plus prospère, la plus puissante de la Terre.
[….]
Nous dompterons le soleil, le vent et le sol pour faire avancer nos automobiles et tourner nos usines. Nous transformerons nos écoles et nos universités pour répondre aux exigences d'une ère nouvelle. Nous pouvons faire tout cela et nous le ferons.
[….]
A tous les peuples et les gouvernants qui nous regardent aujourd'hui, depuis les plus grandes capitales jusqu'au petit village où mon père est né (au Kenya, ndlr): sachez que l'Amérique est l'amie de chaque pays et de chaque homme, femme et enfant qui recherche un avenir de paix et de dignité, et que nous sommes prêts à nouveau à jouer notre rôle dirigeant.
….]
Nous n'allons pas nous excuser pour notre façon de vivre, ni hésiter à la défendre, et pour ceux qui veulent faire avancer leurs objectifs en créant la terreur et en massacrant des innocents, nous vous disons maintenant que notre résolution est plus forte et ne peut pas être brisée; vous ne pouvez pas nous survivre et nous vous vaincrons. »

Quelle impression générale retire-t-on de ce discours taillé sur mesure pour un peuple qui se considère promis à Dieu ? Barack Obama premier Président Noir des Etats-Unis se devait, plus que ses prédécesseurs, de rappeler urbi et orbi ce qu’étaient les Etats-Unis. On est frappé dans ces paroles par l’absence de citations des pays et des continents hormis l’Irak. Les croyants de toutes les religions et les athées sont citées par-delà les frontières et les continents. Barack Obama a fait passer le message, le monde américain est universel. Cette affirmation détonne alors que nous assistons au début d’immenses transformations pendant lesquelles nul pays si grand fut-il ne pourra être le centre.
Le discours de Barack Obama a, cependant, de positif, de placer au premier plan l’idée nationale balayant d’un coup toute idée d’une gouvernance planétaire.
Cette prise de fonction mondiale biffe-t-elle tous les écrits autour du « déclin américain » ? François Lenglet de
La Tribune, parmi d’autres, l’affirme haut et fort. Mais ces hommes se trompent. Il ne s’agit pas de dire si les Etats-Unis s’effacent ou pas devant la Chine ou l’Inde mais de noter que c’est le monde lui-même qui s’ébranle. En un sens, ce sont toutes les grandes nations qui se métamorphoseront selon leur histoire singulière.
Le 44e Président sait bien que son mandat aura à bien des égards des moments dramatiques. Saluons,alors, sa pleine conscience des défis avant que ne vogue son navire parmi la tempête !

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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Source :

Le Figaro :
http://www.lefigaro.fr/elections-americaines-2008/2009/01/20/01017-20090120ARTFIG00683-extraits-du-discours-de-barack-obama-.php

lundi 19 janvier 2009

Gaza : Interlude? N°383 - 2eme année

Est-ce l’effet Obama au Proche Orient ? Tour à tour, Israël puis le Hamas ont accepté de déclarer unilatéralement le cessez-le-feu. Tzipi Livni s’est envolée pour Washington avant de se rendre au Caire : les bombardements terribles dans la bande de Gaza ont cessé !
Ce week-end, les pays européens ont été conviés à se réunir à Charm El-Cheik, non pas pour consolider la fragile paix mais pour mettre la main au porte-monnaie et prendre acte de la fin des combats. Le Président français était bien discret, très éloigné de sa satisfaction de sa première venue à Charm El-cheikh où il arracha les oreillettes du président égyptien pour l’embrasser promptement ! Sa déception venait, peut-être, du fait que Ehud Olmert ne l’avait guère écouté ?
Maintenant que les épaisses fumées se dissipent et que les Gazaouis sortent dans les rues, c’est petit à petit que l’ampleur du drame humain prendra toute sa dimension. Si Israël s’estime victorieuse, l’après conflit ne lui sera guère favorable. Les ONG ne manqueront pas de montrer tout le désastre humanitaire.
Et la paix, me direz-vous ? Mais qu’est-ce que la paix au Proche Orient ? Au-delà des hourras prononcés tant par Tsahal que par le Hamas, l’avenir israélo-palestinien ne s’annonce, ni plus heureux, ni moins malheureux, il demeurera conflictuel. Mais alors pourquoi autant de bombes, de roquettes ? Que gagne le gouvernement de Tel-Aviv ? Ehud Olmert, Premier ministre poussé à la démission pour corruption, espère que son parti l’emportera aux élections de février contre le Likoud. En face, Mahmud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne en fin de mandat, vient de dire son projet d’union avec le Hamas alors que la popularité de cette formation politique est au zénith tant à Gaza qu’en Cisjordanie. Qu’adviendra-t-il si le Hamas succède au Fatah d’Abbas ? Tsahal dégainera-t-elle encore ?
Israël a catalysé
contre elle plus de détestation que jamais, c’est dire que rien ne change, hélas ! Les rivalités inter-palestiniennes restent aussi vives et prêtent le flanc aux habiletés de Tel-Aviv et des chefs politiques Arabes, Turcs et Iraniens sans oublier les Américains. Au milieu, nous avons deux peuples, Palestinien et Israélien qui s’entredéchirent et qui subissent les ambitions de leurs dirigeants.
Suffirait-il que le Président Obama menace de couper les vivres à Israël pour que les derniers verrous sautent ? Suffirait-il que les puissances orientales s’unissent pour que l’existence d’Israël soit une bonne fois pour toute acceptée ? Le hic est que nous avons une approche binaire, typiquement occidentale, qui ne fonctionne jamais en Orient. Les Arabes le disent bien, « nous sommes d’accord pour n’être pas d’accord » et la négociation renouvelée reste leur moteur principal. Tel Aviv le comprend bien mieux que les Européens et estime avoir le temps en sa faveur pour encercler tous les villages palestiniens de Cisjordanie. Mais, l’Etat israélien commet une faute majeure en plaçant d’abord la guerre comme l’arme première en reléguant la discussion dans un coin de la scène. En cela, il défie l’Orient et il devrait se souvenir des fautes commises par les Etats croisés au Moyen Âge ! On ne reste en Orient qu’après avoir reçu la confiance des Orientaux. Le jour où un Premier ministre israélien sera admis dans la tente d’un bédouin alors un pas aura été accompli.
Si une pression devait être faite auprès des Israéliens par les Américains et derrière eux les Européens, serait celle de les obliger d’abord à la discussion avant toute option militaire. La révolution ou le changement se situe là et nulle par ailleurs. L’Orient a le temps pour lui, les millénaires sont avec eux, Israël ne l’a pas.
Rappelons, enfin, que le point névralgique du monde n’est plus en Palestine mais sur une ligne Sud-Sud du Japon aux Etats-Unis via le Cap Horn. Le Président Barack Obama le sait parfaitement. Il entend débuter une nouvelle histoire américaine où la Méditerranée occuperait de facto une place moindre.

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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dimanche 18 janvier 2009

Thierry de Montbrial : « Vingt ans qui bouleversèrent le monde » 2008 N°382 - 2eme année

Thierry de Montbrial de l’Institut (1943), fut l’initiateur et le premier directeur du Centre d’Analyse et de Prévision (CAP) au ministère des Affaires Etrangères entre 1973 et 1978 avant de fonder en 1979, l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) qui publie, outre la revue Politique Etrangère, le fameux RAMSES ou Rapport Annuel Mondial sur le Système Economique et les Stratégies.
Dans l’ouvrage Vingt ans qui bouleversèrent le monde, l’auteur propose une série d’analyses à chaud des différents événements internationaux qui marquèrent le monde depuis la chute du Mur de Berlin jusqu’à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Pékin en août 2008.
Thierry de Montbrial n’est pas un littéraire, pas davantage un historien, les sujets sont décrits très froidement et le style rappelle le ton d’un rapport. L’auteur ne prend pas parti, il privilégie l’analyse des faits, il les décortique, il met en avant des articulations sans prétendre avoir une opinion ou une quelconque prise sur l’événement. Chaque chapitre correspond à une année à l’exception de 1989 ; chaque année se divise, à son tour, entre trois et neuf sous-parties d’environ cinq à dix pages. Au final, on a plus de six cents pages compactes. Pour quel lectorat ? Etudiants, doctorants, fonctionnaires et cadres internationaux, journalistes soucieux d’avoir une base de données fort riche que l’on consulte en fonction des interrogations ou tout simplement pour avoir sous la main le suivi analytique d’un thème sur deux décennies. Ainsi, par exemple, sur l’Europe, la Chine, les relations transatlantiques….etc
Thierry de Montbrial suit la route de l’histoire contemporaine
( « Vers un nouvel ordre mondial » (juillet 1991), « Le rééquilibrage du système international » (juillet 2002), « Le nouveau système international » (juillet 2006), « Vers un monde multipolaire » (juillet 2007) puis au dernier chapitre en juillet 2008, « Le nouveau système international » et « Il n’y a plus de pilote dans l’avion ») qu’il définit « comme une modeste contribution à l’aide à la décision ».
L’auteur plaide tout au long de ces pages pour l’émergence d’un modèle de gouvernance planétaire et il met bien en lumière l’extrême difficulté à devancer les événements en parlant de la « gouvernance réactive ». Il voit dans l’Union européenne une expérience inédite plutôt heureuse et moderne du partage de la souveraineté menée à l’échelle de tout un continent et ce malgré le drame de l’implosion de la Yougoslavie.
Au fond, Thierry de Montbrial, sans se faire théologien,, souligne que l’Union européenne reste la partie du monde la plus novatrice dans le domaine de la coresponsabilité des grandes affaires planétaires face, par exemple, aux Etats-Unis qualifiés d’hyperpuissance (est-ce Montbrial ou Védrine qui a la paternité de ce qualificatif ?) et à l’Asie et l’Amérique du Sud en quête de relations mondiales harmonieuses.
Le constat d’absence de pilote dans l’avion au terme de deux décennies est le signe que les modèles des organisations internationales nées entre 1914 et 1945 sont arrivés à terme. Nous sommes bel et bien au commencement d’un monde nouveau qui garde un potentiel révolutionnaire.

Jean Vinatier pour
Babelio

©SERIATIM 2009

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Source :

Thierry de Montbrial, Vingt ans qui bouleversèrent le monde –De Berlin à Pékin-, Paris, Dunod, 2008

jeudi 15 janvier 2009

CYRIL MUSILA : les enjeux autour des Grands lacs et le Congo N°381 - 2eme année

Cyril Musila est expert et consultant de l’OCDE sur la gouvernance dans les Etats fragiles (post-conflits), chargé de cours de géopolitique des conflits à l’Institut Catholique de Paris, chargé de cours de géopolitique des matières premières à l’Ecole Internationale des Sciences de Traitement de l’Information (EISTI – Cergy). Au sein d’International Focus, il dirige le programme « Observatoire de la Reconstruction et du Développement de la Région des Grands Lacs ».
Valérie Fert, fondatrice et directrice générale d
’International Focus, qui se spécialise dans l’ingénierie stratégique internationale, m’a donné l’autorisation de reproduire et de diffuser ce document dans le cadre de Seriatim. Je la remercie vivement.


"Quels sont les enjeux politiques et économiques des conflits des Grands Lacs,
en particulier à l'Est de la RDC ?

Depuis la fin des années 80, le coeur de la région des Grands Lacs – Burundi, Est de la République Démocratique du Congo, Rwanda et le sud-ouest del'Ouganda – est agité par un tourbillon de conflits. D'abord internes, ils sont entrés en résonance les uns avec les autres, jusqu'à constituer un conflit régional. De manière synthétique, on peut dire que les enjeux majeurs qui ressortent sont au nombre de quatre.

En premier lieu, il s'agit de crises politiques internes qui ont vu s'épuiser le système des partis uniques mais aussi l'effondrement des blocs Est-Ouest, qui protégeaient en quelque sorte ce système monopartite militarisé. La crise économique - chute des cours du café et du thé notamment - les effets conjugués des politiques d'ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale (chômage massif d'anciens fonctionnaires purgés des administrations) ont créé des tensions sociales alors que les revendications du multipartisme se faisaient plus insistantes devant des régimes qui ne voulaient pas lâcher leur pouvoir.
Dans ce contexte de mutation, plusieurs conflits liés à la nationalité, à l'identité, aux tensions foncières, au retour des réfugiés ou à l'accès au pouvoir ont été instrumentalisés jusqu'à dégénérer en massacres plus ou moins circonscrits ou généralisés. Mais, jusqu'à la première moitié des années 1990, chacun des pays était confronté à ses propres problèmes.

En second lieu, il y a le vide géopolitique et la recherche du leadership régional. Jusqu'au début des années 1990, l'équilibre régional était garanti en quelque sorte par le leadership du président zaïrois Mobutu. Néanmoins, fragilisé de l'intérieur par l'opposition et, de l'extérieur, par une série de sanctions internationales ainsi que par la perte de l'appui dont il jouissait auprès des puissances occidentales, il avait perdu cette autorité. Dès lors, cette place vacante était à occuper. Ainsi, de « nouveaux leaders africains », pour reprendre l'expression du président Bill Clinton, devaient être promus. Ce dernier se référait aux présidents Museveni en Ouganda, Isaias Afeworki en Erythrée et Paul Kagame au Rwanda ainsi qu’au Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi. Dans la région des Grands Lacs, deux présidents appartenaient donc à cette catégorie des nouveaux leaders. Engagées dans la guerre en RDC, au sein d'une coalition militaire en appui à une rébellion contre le gouvernement congolais, les armées ougandaises et rwandaises s’opposèrent finalement pour contrôler certains territoires congolais. Cette guerre « fratricide » est la traduction de la lutte pour le leadership régional.

Le troisième enjeu est la recomposition géopolitique. Entre avril et juillet 1994, la guerre civile au Rwanda a dégénéré dans un génocide des Tutsi et Hutu de l'opposition. Un afflux de fugitifs et réfugiés(plus d'un million de personnes) ont trouvé asile dans des camps de réfugiés installés dans le Nord et le Sud Kivu, à l'Est de la RDC et aux portes du Rwanda. Parmi ces fugitifs, se trouvaient des milices et membres de l'ancienne armée, impliqués dans le génocide et constituant une menace pour le Rwanda. Le démantèlement de ces camps et la dispersion de ces populations ont contribué à fragiliser les équilibres et à généraliser l'insécurité à l'Est de la RDC. La guerre civile, puis régionale, qui a éclaté en RDC a opposé une rébellion et l'armée congolaise, toutes deux appuyées par deux coalitions d'armées étrangères. Au total, ce furent jusqu'à une dizaine de pays africains qui se retrouvèrent engagés directement ou indirectement dans ce conflit. Mais, au-delà de cette guerre, une nouvelle géopolitique se dessinait petit à petit à partir du Rwanda où le nouveau pouvoir, constitué d'anciens réfugiés et rebelles venus de l'Ouganda, était anglophone. Par son influence, le Rwanda basculait vers « l'anglophonie ». La guerre à l'Est de la RDC a été alors analysée comme une tentative de faire basculer la RDC francophone vers l'influence anglophone.

Le quatrième et dernier enjeu est économique. Il s'agit du contrôle des ressources naturelles (bois et minerais) de cette partie de la RDC. En effet, des groupes armés, des rébellions et certaines armées étrangères se sont répartis le territoire national de la RDC en y exploitant ses ressources. Dès lors, la guerre pouvait se financer de l'intérieur tout en favorisant une économie de guerre faite de contrebande et de trafic illégal de ces ressources.

Dans les repositionnements stratégiques observés pour le marché de la reconstruction post-conflit, quelles sont les forces en présence ?

Les institutions internationales, en particulier la Banque Mondiale et les agences des Nations Unies, sont les premiers acteurs présents sur ce marché. La première a, par exemple, été l'artisan du nouveau code minier congolais. L'ONU est très présente avec ses « peace keepers » de la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC). Les Etats fournisseurs d'officiers de commandement ou de soldats sont sans nul doute assez bien positionnés pour disposer d'informations de premier plan.
Les Etats-Unis sont également très présents à travers leur agence d'aide (USAID) et de nombreuses ONG dont le rôle d'observateur avisé me semble important. De même, l'Union Européenne en tant qu'institution communautaire ou à travers ses membres est très active : la Grande-Bretagne et les Pays-Bas me semblent les plus engagés à l'heure actuelle. L'influence française est plus politique, aussi bien au niveau de l'Union Européenne qu'au niveau du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ces efforts étatiques privilégient la remise en place de l'Etat, après avoir soutenu le processus électoral : la réforme de l'armée, la consolidation des institutions, etc., tout en veillant sur le volet humanitaire et du respect des droits humains. En puissance africaine, l'Afrique du Sud est bien présente, aussi bien dans la sphère politique et diplomatique qu'économique, à travers des accords bilatéraux sur l'énergie, les communications ou les minerais. Je mentionnerai également l'Angola dont les projets conjoints avec la RDC cherchent à « sécuriser » sa production pétrolière dans l'Enclave de Cabinda – territoire angolais coincé entre l'Atlantique, la RDC et le Congo-Brazzaville.
Dans le domaine économique, la Chine s'est ouvertement positionnée comme acteur majeur de la reconstruction en RDC. Avec un contrat d'exploitation de concessions minières contre une dizaine de milliards de dollars et la réalisation de travaux d'infrastructure, la Chine voudrait lancer des chantiers de grande ampleur. Les pays arabes se sont quant à eux engagés dans le marché de l'hôtellerie de luxe.

Quels sont les pistes et les secteurs à reconstruire ?

En sortie de conflit, si l’on excepte une partie du Nord Kivu où persiste une poche de guerre, la RDC se présente comme un Etat où tout est à faire : des infrastructures de transport et de télécommunications au système administratif à moderniser, en passant par les secteurs touristique et minier, les structures bancaires, les technologies de l'information ou les réformes institutionnelles. La RDC est un pays chantier.
De nombreuses opportunités existent dans tous ces domaines où un tissu de PME recherche des partenariats pour devenir compétitives localement, régionalement ou internationalement.

Que peut-on dire des influences asiatiques – arabes, indiennes, chinoises – et de leurs impacts sur la reconfiguration des pôles émergents dans les Grands Lacs ?

Les influences asiatiques sont la principale caractéristique de l'économie africaine de ces débuts du 21e siècle. La RDC n'échappe pas à cette tendance lourde. Il apparaît en effet que l'économie africaine et ses acteurs ont trouvé en Asie un dynamisme qui semblait leur faire défaut. Dans l'Est de la RDC, par exemple, cette énergie, véhiculée par des grands commerçants du Kivu, a introduit une dynamique qui contraste avec les effets de la guerre encore visibles (camps de populations déplacées par exemple). Ainsi observe-t-on plusieurs phénomènes liés au commerce avec les Asiatiques : le boom immobilier dans les villes de Goma, Bukavu ou Beni, la rénovation du parc automobile avec des véhicules neufs ou d'occasion ayant le volant à droite, l'importance commerciale et financière de la ville de Butembo, etc. L'émergence de Butembo comme nouvel axe est liée aux connexions établies par les commerçants congolais Nande, et leurs partenaires indopakistanais ou chinois, avec le triplet asiatique Dubaï-Mumbai-Ouangzhou. Il s’agit là d’une nouvelle donne économique et commerciale afro-asiatique dont il faut observer attentivement l'évolution dans l’est de la RDC.

Comment l’idée d'une base d'informations et de données présentant la région des Grands Lacs et ses opportunités aux entreprises, aux investisseurs, aux organisations d’Etat, est-elle née ?

Dire qu'il y a du « business » à faire en RDC ne suffit pas. Il faut disposer d’informations pointues, de terrain, actualisées en permanence. Il faut pouvoir bénéficier d’analyses, d’anticipations d’experts qui connaissent parfaitement la région et sont aussi capables de mettre l’information dans une perspective globale. Or, ces informations, qui existent, ne sont regroupées nulle part. Il y a donc un véritable manque pour tous ceux intéressés tant par les investissements, les affaires que la coopération et l’expertise internationale. En accompagnant sur place plusieurs entreprises européennes intéressées par tel ou tel secteur, j’en ai fait l’amère expérience avec tout son corollaire de débauche d’énergie, de perte de temps et, in fine, de découragement.

Concrètement, que trouvera-t-on dans cet observatoire ?

International Focus et Investissement Stratégie Grands Lacs (ISGL) mettent en place un outil dont les résultats seront d'ici peu à la disposition des décideurs des Etats concernés - Burundi, Ouganda, RDC, Rwanda et d'autres comme la Tanzanie ou l'Angola plus tard – mais aussi des entreprises ou de la coopération internationale. Cet observatoire comprendra une base de données constamment actualisées, un recensement des chaînes de valeur, des analyses pointues, des scénarios et des perspectives : autant d’éléments qui accompagneront les processus de décision. L'ambition de cet observatoire des dynamiques de reconstruction est de fédérer, croiser des informations existantes mais éparses et de dégager des indicateurs pour évaluer ce qui a été fait, ce qui reste à faire et surtout les décisions à prendre.

Cyril Musila "


Jean Vinatier

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Lien :


http://www.inter-focus.com/ ou http://www.inter-focus.eu


Pour aller plus loin :

Découvrez l’interview de Cyril Musila sur le Rwanda, le 13 Janvier 2009 à 19h30, sur KTO,
canal 73 (Numericable) ou 172 (Canalsat), ou retrouvez-la sur le site Internet
http://www.ktotv.com/, rubrique « Nos Emissions », puis « Eglises du Monde » : www.ktotv.com/cms/emissions/fiche-emissions.html?idP=182_

mercredi 14 janvier 2009

Nicolas Tenzer: “Quand la France disparaît du monde” N°380 - 2eme année

ci-dessous l’interview sur RFI de Nicolas Tenzer dont le dernier ouvrage vient d’être publié par Grasset :

http://www.dailymotion.com/video/x7j607_quand-la-france-disparait_news

http://www.rfi.fr/actufr/articles/108/article_75892.asp


Jean Vinatier

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Alfred de Musset : « La chanson de Barberine » N°379 - 2eme année

Musset excellait également dans les chansons légères ou tendres dont la « Chanson de Barberine » de 1836. Ses contemporains le raillèrent sur ce point en parlant du « pleureur à nacelles ».
C’est oublier que Musset était aussi un homme fantaisiste, iconoclaste, ironique à la manière du XVIIIe siècle, en plus du romantique le plus sensible et le plus pathétique de son temps. D’ailleurs n’est-ce pas Musset qui formula la définition du romantisme la plus singulière ou enflammée ?
« Le romantisme, c’est l’étoile qui pleure, c’est le vent qui vagit, c’est la nuit qui frissonne, l’oiseau qui vole et la fleur qui embaume ; c’est le jet inespéré, l’extase alanguie, la citerne sous les palmiers, et l’espoir vermeil et ses mille amours, l’ange et la perle, l’infini et l’étoilé, le chaud, le rompu, le désenivré, le diamétral, le pyramidal, l’oriental, le nu à vif, l’étreint, l’embrassé, le tourbillonnant ; quelle science nouvelle ! »


« Beau chevalier qui partez pour la guerre,
Qu’allez-vous faire
Si loin d’ici ?
Voyez-vous pas que la nuit est profonde,
Et que le monde
N’est que souci ?


Vous qui croyez qu’une amour délaissée
De la pensée
S’enfuit ainsi,
Hélas ! hélas ! chercheurs de renommée,
Votre fumée
S’envole aussi.

Beau chevalier qui partez pour la guerre,
Qu’allez-vous faire
Si loin de nous ?
J’en vais pleurer, moi qui me laissais dire
Que mon sourire
Etait si doux.
»




Jean Vinatier

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lundi 12 janvier 2009

Edito : Adieu Gaza? N°378 - 2eme année

La troisième phase de la guerre a débuté, par l’envoi des réservistes israéliens vers les villes palestiniennes.
Lentement, les serres de Tsahal broient et disloquent les bâtiments et les hommes, les femmes, les enfants du territoire de Gaza. Des médecins norvégiens font état de l’apparition d’une nouvelle balle utilisée par l’état-major israélien la DIME (Dense Inert Metal Explosive) :
« Petites boules de carbone contenant un alliage de tungstène, cobalt, nickel ou fer, elles ont un énorme pouvoir d'explosion, mais qui se dissipe à 10 mètres. "A 2 mètres, le corps est coupé en deux; à 8 mètres, les jambes sont coupées, brûlées comme par des milliers de piqûres d'aiguilles. Nous n'avons pas vu les corps disséqués, mais nous avons vu beaucoup d'amputés. Il y a eu des cas semblables au Liban sud en 2006 et nous en avons vu à Gaza la même année, durant l'opération israélienne Pluie d'été. Des expériences sur des rats ont montré que ces particules qui restent dans le corps sont cancérigènes", ont-ils expliqué. »¹
Quelques jours plus tôt, The Times signalait l’utilisation des bombes au phosphore. Quelles sont les réactions ? Où sont les protestations des intellectuels, des politiques ? Rien presque le silence total. Il suffit de dire que Palestinien ou Hamas = terroriste pour que tout le monde reste le doigt sur le pantalon, figé dans une sorte de garde-à-vous morbide et lâche. L’horreur rebondit sur nous, nous sommes éclaboussés par le sang d’Orient !
Barack Obama a promis de s’occuper du dossier dés sa prise de fonction : la belle affaire ! Nous devinons que les puissances mondiales et régionales ont fait le service minimum, Nicolas Sarkozy ayant dépensé le plus de carburant, pour aboutir à peu et donner, ainsi, le temps à l’armée israélienne d’éradiquer le Hamas. C’est, aujourd’hui, l’argument massue, le Hamas est le point central du conflit. Lui disparu, comme par enchantement, le Fatah et Tel-Aviv trouveront une série d’accords, l’Etat palestinien naîtra et Barack Obama donnera son onction. Si telle était la fin de l’histoire, on se résignerait mais la crainte est tout à fait grande de voir resurgir le conflit. Pourquoi ? D’abord parce que les hommes s’entretuent sur cette terre depuis des milliers d’années ; ensuite, n’oublions pas que le parti Kadima s’est aligné sur la ligne dure du Likoud, ce parti ne voulant absolument pas d’un état palestinien ; enfin, les Palestiniens sont une souris pour les félins d’Arabie.
Si le peuple d’Israël craint moins un Etat palestinien, leurs politiques et leurs généraux sont sur une autre ligne, alignés sur les idées défendues par les néo-conservateurs américains. On me répondra que les néo-cons ne sont plus ! Erreur, ils sont non seulement dans le parti républicain mais aussi dans les rangs démocrates ceux-là mêmes qui entourent Barack Obama.
Tsahal gagnera cette bataille en sachant que la guerre se poursuivra. Le drame est que les modérés ou des sages de l’Orient (israéliens, iraniens, turcs, du monde arabe) ne pensent pas à se réunir ou bien ne le peuvent plus.
Adieu Gaza ?


Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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Source :


1-
http://www.lemonde.fr/la-guerre-de-gaza/article/2009/01/12/des-medecins-evoquent-l-usage-d-un-nouveau-type-d-arme-a-gaza_1140545_1137859.html

vendredi 9 janvier 2009

Alain Joxe : « La Crise impériale et la menace de guerre mondiale. Pour une stratégie autonome de défense de l’Europe » N°377 - 2eme année

Alain Joxe, éminent spécialiste des problèmes stratégiques et de la guerre asymétrique, a rédigé dans le dernier numéro du Débat Stratégique de décembre 2008 (CIRPES-EHESS) un article en faveur d'une défense européenne face à la crise américaine et à la menace de guerre mondiale. Jean-Paul Hebert, directeur de la publication, m’a donné l’autorisation de reproduire et de diffuser ce document dans le cadre de Seriatim. Je le remercie vivement.
Alain Joxe est Directeur d’Etudes à
l’EHESS et Président du CIRPES (Centre Interdisciplinaire de Recherches sur la Paix et d'Etudes Stratégiques). Pour le côté Who’s who, Alain Joxe est le fils de Louis Joxe et le frère de Pierre Joxe, respectivement ministre du Général de Gaulle et de François Mitterrand.

« Face aux bouleversements que la Crise entraîne, et qui ne font que commencer, il faut une Europe capable de maîtriser activement la tendance conquérante offensive de l’empire américain que la victoire d’Obama ne peut contrôler qu’à moitié et qui pourrait entraîner le monde vers une guerre d’un genre global inédit. Ce thème (la crise va-t-elle engendre la troisième guerre mondiale ?) préoccupe déjà les économistes, à la recherche des manœuvres qui tendraient à favoriser une relance tout en évitant les blocages commerciaux et financiers qui furent à l’origine de la crise des années 30.
Mais il faut rester prêt en Europe pour se défendre contre la probabilité d’une guerre, à contrôler, de manière autonome, les facteurs militaires et la dynamique de la violence. L’idéologie nazie est une dérive nationaliste non reproductible dans la globalisation, mais les voies de la violence absolue sont toujours surprenantes et des syndromes de fascisation apparaissent d’abord en ordre dispersé.
Pour le CIRPES et le Débat stratégique, atteignant son 100° numéro (et sa 17° année), des médiations explicitement destinées à ramener la paix ou à s’opposer aux processus belligènes et aux génocides par l’appui à des interventions onusiennes doivent être élaborées comme un champ interdisciplinaire, c’est le moment de remettre en évidence la Recherche sur la Paix comme une dimension essentielle de la Stratégie, et même de penser à une Europe dotée des moyens de défendre sa Paix comme un contre-empire.
Pourquoi penser à la défense de l’Europe telle qu’elle devrait être ? Comment pourrait elle se défendre, à sa manière des conséquences catastrophiques des guerres d’Empire grossies par les effets de la crise financière ? Peut-elle jouer par sa masse et sa puissance un rôle particulier dans la manœuvre qui devra s’employer activement à réduire toute tendance impériale et guerrière dans le système de l’économie globalisée en crise ? Malheureusement les entrepreneurs de guerres sont plutôt localisés aux États-Unis, seul empire surarmé encore doté d’un programme d’extension de son leadership au monde entier.
Or le président français a lancé en juin 2007 l’opération « livre blanc » en poussant, à contre temps, la doctrine d’emploi des forces française dans le sens d’une mise aux normes du système stratégique, sécuritaire et expéditionnaire du Pentagone et d’un retour dans les organes intégrés de l’OTAN (le comité des plans et les commandements intégrés).
La crise modifie en quelques mois tous les paramètres des menaces et des décisions en matière de défense et de sécurité. La mode est aujourd’hui à la restauration de la compétence socio-économique des États. Le système américain est normalement en charge, avant tout, du renflouement de l’économie américaine et du suivi des guerres dont hérite Obama. L’Europe doit rester son propre arbitre.

VERS UN LIVRE BLANC EUROPÉEN

Le Général Gallois en 1994 écrivait son Livre Noir contre le Livre Blanc de 94, en cherchant, par cette bouteille à la mer - nucléaire - à maintenir, dans l’après guerre froide le principe d’une défense adossée à une politique, c’est à dire à une citoyenneté - française. Nous sommes parvenus aujourd’hui un cran au delà, dans l’urgence de penser la défense des citoyens européens contre un dérèglement global, dont l’épicentre est aux États-Unis, mais dont les causes sont ubiquitaires, donc localisées aussi dans l’Europe néolibérale.
Il nous faudrait donc rapidement concevoir un « livre blanc européen » sur la défense, idée parfois suggérée depuis quelques années, aux tournants des débats amorcés sur la défense européenne. Par quelles médiations pourrait surgir une telle mutation, qui mettrait en question la dérive « otanienne » de l’Union ? L’avenir stratégique de l’Union Européenne va être remis à plat, de toutes façons, dans la crise économique et les crises militaires de l’année 2008-2009, par les débats français, anglais, allemand, grec, hongrois etc qui ne pourront pas laisser la pratique de l’Union paralysée par les articles néolibéraux du traité de Lisbonne..

RÉUNIFICATION CONFÉDÉRALE DE CRISE, PAR L’EUROPE SOCIALE ?

Premièrement, avec ou sans constitution démocratique, la pratique politique européenne sera forcée d’être plus sociale que ce qui est prévu par les textes ; la Défense est une fonction de protection du peuple. La survie économique des classes défavorisée fait partie de cette protection ; reste à savoir comment transformer réellement l’Europe économique en Europe politique et militaire pour que sa paix interne pèse sur l’avenir global contre la dérégulation et contre la « religion des marchés financiers ».
Au lieu de dépendre de l’avenir du système militaire américain en crise, , l’Europe va devoir dépendre d’elle même. Cela signifie une certaine différence, par rapport au confusionnisme centriste, institutionnel du bipartisme américain ; une droite et une gauche européenne affrontées vont devoir se porter responsables de la partie de l’avenir du monde qui dépend de notre vision politique des choses. Aux Etats Unis, la gauche Démocrate victorieuse doit toujours rejoindre le centre pour gouverner (la droite Républicaine, aussi, si elle eût été victorieuse). Mais en Europe, c’est le centre qui devra rejoindre la gauche si elle est victorieuse, car si le centre au contraire rejoint la droite, nous irons vers des formes de pouvoir répressifs ou même fascisants.
Or le fascisme ordinaire commence sous nos yeux en Europe et en France avec le mépris et la violence physique s’exerçant sur le corps des exclus de la société, et modifiant l’éthique publique par accoutumance à la cruauté répressive légalisée de la police et de la justice, mise en place par les droites ; la précarisation des emplois, la criminalisation des enfants. le bourrage des prisons par « du chiffre » sont des symptômes préfascistes ; la persistance des populismes nationalistes sont des préconditions guerrières.
Tout le monde avait pu comprendre, lors du ‘non’ au « traité constitutionnel », que l’ouverture précipitée de l’Union Européenne aux républiques orientales, ex-communistes, décidée à la veille du vote était destinée à rendre plus difficile l’apparition d’une Europe réellement politique, c’est à dire d’une Europe prenant en charge la question sociale sur une base politique commune aux citoyens de l’Union. Les nouveaux membres ont découvert alors, avec une ivresse de néophytes, la liberté par la dérégulation économique et la richesse par la création de misère. La différence d’itinéraire socio-économique entre les pays ex-occidentaux et les pays ex-orientaux constituait donc, en première analyse, un obstacle durable à l’unification d’une politique sociale dans l’Union.
Les peuples européens, désormais frappés par la crise, sont tous bien obligés de penser cette Union, en dehors du problème de la doxa financière. On aperçoit déjà d’anciens membres du bloc soviétique revenir au souci de conserver des politiques de protection sociale, après un court moment d’illusion néolibérale. L’obligation des états de l’Union de penser une politique sociale concertée leur vient du fait qu’ils forment un système vivant de bon voisinage et que sans concertation, l’exportation des méfaits de la crise chez le voisin, deviendrait rapidement cause de troubles graves.
Bien que les politiques sociales demeurent de la compétence des États, alors que les compétences macro-économiques leur échappent, ils seront obligés, soit de retourner au protectionnisme national, soit de coordonner à l’échelle de l’Europe, une péréquation des secours et des décisions politiques économiques et sociales pour lutter contre les tensions violentes. Ils devront le faire au nom d’une politique de défense de la démocratie dans l’Union.

RÉCUPÉRATION DE LA SOUVERAINETÉ EUROPÉENNE DE DÉFENSE COMME « COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE » ?

Les institutions actuelles de l’Union ne se prêtent pas aisément à une telle évolution. Tout le monde avait bien compris que les cessions de souveraineté sous forme de « compétences » déléguées à l’Union (à la Commission) sont devenues des pertes de souveraineté, puisque les lambeaux de souveraineté, cédée par les Républiques composantes, ne se regroupent pas au niveau de l’Union en une souveraineté politique de l’Union. Le conseil légifère par traité et la commission réglemente hors parlement. Il y a eu perte en ligne de souveraineté démocratique dans ce transfert.
Le maintien de la compétence « défense » à l’échelle archaïque des souverainetés nationales, devait garantir, au moins, la survie de la souveraineté militaire. Mais l’autonomie stratégique des États Européens, un à un, est illusoire. Il faudrait que des moyens suffisants soient réunis et placés sous un commandement unique, doté d’un Etat Major interarmes et qui ne soit pas l’OTAN, pour assurer à l’Union une capacité de défense autonome. La disparition de la souveraineté de défense nationale est gérée, elle aussi, par un traité, de facto par l’OTAN. Quelques pas avaient été faits dans la direction d’une autonomie depuis 10 ans, à la suite de l’initiative franco-britannique de Saint Malo. Celle-ci reflétait à l’époque une divergence stratégique euro-américaine : Les États-Unis s’en étaient tenus au traitement militaire des Serbes par simple bombardement, alors que les Européens pensaient projection sur le terrain de forces de protection des populations, menacés de génocide et d’expulsion. L’Europe depuis dispose de quelques unités permanentes et d’éléments d’autonomie opérationnelle.
Mais beaucoup des pays et des partis européens - et le Royaume Uni lui même - ne souhaitent pas du tout une défense autonome ; ils se contentent parfaitement de l’OTAN et de la prééminence américaine. Cet arrêt sur image de la critique stratégique des Etats Unis permet de justifier le retour progressif de la France dans tous les organes de l’OTAN. Mais, comme on sait, les normes opérationnelles de l’OTAN sont américaines et le commandement stratégique reste américain. Ce qui pèse lourdement sur la définition des missions et leur échec.
Comment remettre en marche l’autonomie ? Peut être en mettant en avant dans l’esprit du traité de Bruxelles modifié, toujours en vigueur, le principe de défense collective plutôt que celui d’assistance mutuelle du traité de Lisbonne, qui exige une décision à l’unanimité. En se contentant pragmatiquement en matière d’organisation de la défense, du mécanisme de la « coopération structurée permanente », désormais prévue par les textes (Art. 42 (6) du traité de Lisbonne ? On pourrait progresser dans la vois d’une doctrine stratégique de l’Union.

L’ORIENTATION DU RAPPORT DUCARME À L’ASSEMBLÉE DE L’UEO (MAI 2008)

Cette perception du problème a commencé à se faire jour au sein des institutions qu’on peut appeler « latérales » voire « irresponsables » de l’Union européenne, comme l’Assemblée de l’Union de l’Europe Occidentale, héritière des préoccupations du traité de Bruxelles en faveur d’une solidarité européenne plus solidaire que celle de l’OTAN. l’Assemblée interparlementaire européenne de sécurité et de défense, se préoccupe de la révision ou même d’une reformulation de la Stratégie Européenne de Sécurité, telle qu’elle avait été mise en forme en décembre 2003 . Dans des termes mesurés, le rapport DUCARME pense la nécessité de renforcer les moyens d’une autonomie de l’Union par rapport à l’OTAN dans le traitement des relations de l’Union vers l’est ; on y trouve aussi la prise de conscience du fait que le traitement des conséquences paupérisantes de la Crise financière fait partie de la politique de défense et de sécurité . La relance de la question d’un livre blanc européen sur la défense devient d’autant plus logique que la prolifération des livres blancs nationaux n’est plus à l’échelle nécessaire, mais que l’OTAN « gonflante » vers l’Asie ne convient pas non plus.
L’OTAN est devenue une fabrique de coalitions ad hoc et une entreprise conquérante, offensive, par intrusion dans les antagonismes sans limites de l’ Asie centrale. On est en droit de se méfier du rôle que cherchera à lui faire jouer le commandement américain, même après la victoire d’Obama. Les États-Unis, certes, promettent, de nouveau, une moralisation de l’action internationale par la promotion d’un ldéal humaniste, mais ils diffèrent de l’Europe par le fait qu’ils souhaitent conserver un « droit » à l’usage unilatéral de la force en opérations extérieures et par le maintien de la mission impériale universelle réservée à l’Exécutif américain. (cf.,ci-après en encadré les déclarations « impériales » d’Obama).

LES GUERRES DE BUSH, UN HÉRITAGE IMPÉRIAL À ASSUMER ?

En fonction de l’abaissement que le leadership politique américain subit avec la crise du système financier, on peut craindre que le système américain cherche à compenser cette diminutio capitis par des actions manifestant sa supériorité militaire. Les Etats de l’Union vont devoir reprendre en main quelques responsabilités, sans accepter comme une fatalité la multiplication des foyers d’affrontements dans le Grand Moyen Orient.
La représentation de la « troisième guerre mondiale contre le terrorisme » dans la nouvelle configuration de crise, n’a plus la légitimité globale qu’elle avait eu au lendemain de l’attentat des deux tours, mais, par héritage, le slogan peut devenir pour son successeur un passage obligé, favorisant le glissement de la Crise mondiale vers la Guerre globale, par prolifération de conflits locaux, et effets de voisinage.
Actuellement, les tensions orchestrées sous Bush sur l’Iran, l’Ukraine et la Géorgie s’apaisent. Mais en s’engageant martialement, au cours de sa campagne à terminer en deux ans la guerre d’Iraq et à intensifier la guerre d’Afghanistan par un doublement des effectifs, par l’envoi des Marines, retirés d’Iraq et par la poursuite des bombardements dans les zones tribales frontalières pakistanaises, le futur président menace d’en faire une guerre contre la Pakistan, et de déboucher sur l’accentuation de l’offensive terroriste des islamistes indiens. Une « guerre du sous continent indien » serait une amorce possible pour une guerre bien plus étendue. L’Europe devra peser de tout son poids pour empêcher ce glissement.
Il faut penser qu’aucun accord sérieux n’existe encore pour resserrer la connivence stratégique avec les Etats Unis, du moins dans les termes impériaux hérités de l’Administration de G. W. Bush. La poursuite de guerre d’Afghanistan aux conditions actuelles de l’héritage serait aussi le signe d’une érosion du rôle régulateur de l’ONU, débordée dans la définition de sa mission par les pratiques d’un commandement américain autonome en Afghanistan. Les paramètres américains de la sécurité globale de l’environnement par la dominance militaire sont nécessairement différents des paramètres européens du maintien de la sécurité et la paix du voisinage eurasiatique. C’est pourquoi l’espèce de « course en sac » de l’Union Européenne et de l’OTAN vers les terres d’orient est soumise désormais à un débat politique clausewitzien qui, pour l’Europe, se situe en amont d’un débat militaire capacitaire.

SÉCURITÉ ET PAIX MONDIALE ; RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN ?

Paradoxalement l’Europe de la Défense ou plutôt, la défense de l’Europe, comme zone de protection contre la guerre, pourra ainsi introduire, plus de politique dans la formulation de l’identité européenne, et donc plus de social que ne l’autorise directement l’Europe de l’Economie Globale dans la phase critique qu’elle traverse actuellement. Pour que l’identité stratégique globale de l’Europe devienne réellement une instance souveraine, il faudra bien, en effet, un dispositif politique fondateur.
Même si l’Europe politique, (donc l’Europe sociale) reste en panne, il reste que l’Europe de la défense devra imposer techniquement l’examen des différents principes politiques communs de la sécurité européenne. Ils ne pourront pas être fondés sur la répression généralisée, et la seule défense des marchés, mais sur un tournant volontaire de la politique sociale en faveur des couches les plus défavorisées. Jusqu’au mois de mai 2008, le problème n’avait été soulevé que par la question d’un Lord Ecossais, à la Chambre haute du Royaume uni Il est certainement temps d’aborder directement ce problème, à Bruxelles et Strasbourg.
Les élections au suffrage universel des députés européens, font du Parlement le seul élément légitime directement démocratique dans l’Union européenne et son rôle comme représentant de l’opinion va devenir plus important dans la crise. Sera-t-il capable de prononcer un Serment du Jeu de Paume européen et de secouer l’Europe politique en panne ? On a déjà parlé d’un futur « Livre Blanc européen sur la défense et la sécurité » annexable à ce qui va surgir des nouvelles mobilisations de l’opinion sur les questions sociales et d’une poussée politique vers une reformulation stratégique de l’Europe.
Malgré le flou de la construction identitaire de l’Europe actuelle, malgré le décalage apparent de notre propos par rapport aux thèmes normalement à l’ordre du jour de la diplomatie européenne, le parlement Européen ne doit pas se détourner de ce travail préparatoire, mais s’y atteler .

Alain Joxe »

OBAMA DEMEURE « IMPERIAL »
FOREIGN AFFAIRS, 07/2007 “Je construirai une armée du XXI° siècle et un partenariat aussi puissant que l’alliance anticommuniste qui a remporté la guerre froide afin que nous demeurions partout à l’offensive, de Djibouti à Kandahar.”
DISCOURS DE BERLIN, 24/07 /2008 “« Personne n’aime la guerre. Je reconnais qu’il y a d’énormes difficultés en Afghanistan. Mais mon pays, comme le vôtre, a intérêt à ce que la première mission de l’OTAN en dehors des frontières de l’Europe se solde par un succès. ... Le peuple afghan a besoin de nos troupes et de vos troupes [allemandes] pour vaincre les Talibans et Al Qaeda, L’enjeu est trop grand pour qu’on rebrousse chemin maintenant.” ¹


Quelques publications de l’auteur :

Alain Joxe : La globalisation stratégique : causes, représentations, conséquences économiques, politiques et militaires de la globalisation, Paris, CIRPES- EHESS, 2006

Alain Joxe : L’Empire du chaos, les Républiques face à la domination américaine dans l'après-guerre froide Paris, La découverte, 2004

Alain Joxe : Le Rempart social: essai sur l'impérial-militarisme, Paris : Éditions Galilée, 1979

Sources CIRPES :

1-http://www.cirpes.net/article245.html
http://www.cirpes.net/rubrique41.html
Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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jeudi 8 janvier 2009

Edito : Sarko, dieu de justice ? N°376 - 2eme année

Nicolas Sarkozy annonce la fin du juge d’instruction ! Adieu, juge indépendant ! C’est la bombe de ce début d’année !
Les magistrats et beaucoup d’avocats hurlent au loup, l’opinion publique ne les soutiendra pas. Le juge d’instruction n’est pas populaire et, il a beau « exister » depuis 1811, cette date historique ne sensibilisera pas les Français. Le juge Burgaud lors du désastre d’Outreau, a symbolisé tout ce qui fait horreur chez un magistrat : insensibilité, attitude hautaine , la partialité. Bref, Burgaud a montré son incapacité à instruire à charge et à décharge, tâche fondamentale pour cette catégorie de magistrat. Les Français s’en souviennent.
Soyons clair, il est impossible pour un juge d’instruction de suivre des dizaines d’affaires et de prétendre posséder sans faillir l’instruction à charge et à décharge. La commission Vallini avait proposé, pour rompre l’isolement du juge, une collégialité. Cette proposition ne réglait pas du tout le problème posé par le nombre de dossiers à suivre !
En fait, ce n’est pas tant sa suppression – si elle a lieu – qui pose problème mais plus largement, le fonctionnement de la magistrature. En effet, placer le juge de l’instruction (bye bye « d’ ») sous l’autorité directe du procureur lequel dépend entièrement de la place Vendôme ne manque pas de faire naître des craintes sérieuses alimentées par la volonté présidentielle de tout contrôler, de pourvoir à tous les emplois, de ficher le plus grand nombre. Pour que cette suppression soit vécue de manière positive, il faudrait procéder à la réforme du parquet (procureur) et le rendre indépendant du pouvoir politique.
Les partisans de la « mise à mort » du juge d’instruction plaident pour un système anglo-saxon oubliant de dire qu’au Royaume-Uni le parquet est sans lien avec l’Etat et qu’aux Etats-Unis, les procureurs et les juges sont élus ! Les opposants rappellent l’indépendance du juge et préviennent que les affaires seront plus facilement étouffées. Ils n’ont pas tort !
Rappelons, enfin à titre historique, que les juges d’Ancien Régime (les parlements) étaient indépendants car propriétaires de leurs charges !
Pour l’heure, il y a eu une simple annonce, viendront le débat parlementaire et les débats publics qui prendront pour point central non pas le juge d’instruction mais le Président de la République qui est quelque part un juge suprême comme nos Rois jusqu'en 1789!

Jean Vinatier

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mercredi 7 janvier 2009

Edito :Faible lumière à Gaza N°375 - 2eme année

Au terme d’une série incroyable d’aller-retour en Orient, Nicolas Sarkozy a arraché, au président Egyptien la promesse de travailler à la sécurisation de sa frontière avec la bande de Gaza. De son côté Tel-Aviv a accepté de cesser les tirs pendant trois heures et d’ouvrir un corridor humanitaire.
La sécurisation de la frontière implique la destruction de tous les tunnels construits par le Hamas. La tâche, si elle est effective, s’annonce grande, longue, dangereuse. Satisfera-t-elle le gouvernement finissant d’Ehoud Olmert ? Qu’adviendra-t-il si le Likoud l’emporte en février prochain ? Que se passera-t-il avec le successeur de Mahamoud Abbas ? Les dirigeants du Hamas ne craignent-ils pas que cette sécurisation provoque la création, en définitive, en camp de l’ensemble de la bande de Gaza soumis à la seule observation de Tsahal ?
On le voit, cette promesse contient beaucoup de fragilité, d’incertitude. Le Président de la République a dit qu’il ne fallait pas se presser pour voter une résolution à l’ONU en vue d’obtenir un cessez-le-feu alors que les cartes sont entre les mains de la Maison Blanche, la seule à pouvoir en imposer à l’état-major israélien. Quelle valeur accordera-t-on à une résolution onusienne qui se contenterait d’acter l’opération « Plomb Durci » sans préparer l’envoi d’une force internationale d’interposition entre le territoire de Gaza et Israël ? Quelle valeur aura une résolution qui ne mettra pas en place une commission d’enquête et n’imposera pas la fin des blocus ? En fait, on attend de la résolution onusienne qu’elle précipite la création de l’Etat palestinien ! Cela semble illusoire..............

Jean Vinatier

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Zvi Tenney : « Chers Habitants de la Planète terre…. » N°374 - 2eme année

Seriatim a reçu ce soir ce texte d’un Internaute israélien, l'ex-ambassadeur Zvi Tenney suite à sa lecture de l’article« Vers un grand Israël ». C’est, en quelque sorte, une demande de droit de réponse : c’est chose faite !



« Chers Habitants de la Planète terre,
Navré de vous perturber !
___
Je comprends qu’en ce moment, nous autres, Israéliens, vous irritons.
Il s’avère, en effet, que vous êtes vraiment contrariés, fâchés, voire indignés.
En fait, vous êtes souvent fâchés contre nous.
__
Aujourd’hui, c’est pour l’utilisation excessive de la force contre les dirigeants “innocents !” du Hamas.
Récemment, c’était pour “la répression brutale des Palestiniens”.
Avant cela, c’était pour le Liban.Avant encore, c’était à cause du bombardement du réacteur nucléaire de Bagdad,
De la guerre de Kippour
Et de la campagne du Sinaï.Il s’avère que la victoire des Juifs et, par conséquent, leur survie, vous fâchent énormément.
__
Naturellement, Chers habitants de la planète Terre,
Longtemps avant l’existence de l’Etat d’Israël, nous, membres du peuple juif, vous avons irrités.
Nous avons irrité le peuple allemand qui a élu Hitler.
Nous avons irrité le peuple autrichien qui l’a applaudi à son entrée dans Vienne.
Nous avons irrité un bon nombre de nations d’Europe de l’est, dont les Polonais, Slovaques, Lithuaniens, Ukrainiens, Russes, Hongrois, Roumains.
D’ailleurs, l’ i r r i t a t i o n que nous causons au monde remonte à fort loin dans l’histoire.
Nous avons irrité les Cosaques de Chmielnicki, qui ont massacré des dizaines de milliers d’entre nous, entre 1848 et 1849.
Nous avons irrité les Croisés qui, en route pour libérer la Terre Sainte, étaient tellement irrités par les Juifs, qu’ils nous ont massacrés en quantité énorme.
Nous avons irrité, durant des siècles, une Eglise catholique qui a fait de son mieux pour établir notre parenté par des inquisitions.
Nous avons irrité l’ennemi juré de l’Eglise, Martin Luther, qui, dans son appel à brûler les synagogues - avec les Juifs à l’intérieur -, a fait preuve d’un remarquable esprit chrétien œcuménique !
__
Et c’est parce que nous étions fâchés de vous fâcher de la sorte, Chers habitants de la planète Terre, que nous avons décidé de vous quitter, si l’on peut dire, et de créer un Etat juif.
__
Notre raisonnement était que, vivant en contact étroit avec vous, en tant que résidents étrangers dans les divers pays qui sont les vôtres, nous vous contrariions, vous irritions, vous dérangions.
Y avait-il, dès lors, une meilleure idée que celle de vous laisser, afin de vous témoigner notre affection et de bénéficier de la vôtre ?
__
Et c’est ainsi que nous avons décidé de revenir chez nous, dans la patrie même dont nous avions été expulsés, 1.900 ans plus tôt, par un monde romain qu’apparemment, nous avions aussi irrité !
Hélas, Chers habitants de la planète Terre, il s’avère que vous êtes difficiles à contenter.
Après vous avoir quittés, vous et vos pogroms, vos inquisitions, vos croisades et vos holocaustes, après avoir pris congé du monde en général pour vivre seuls dans un petit Etat à nous, nous continuons à vous irriter !
__
Vous êtes fâchés de ce que nous réprimions les pauvres Palestiniens.
Vous êtes très en colère de ce que nous ne renoncions pas aux territoires de 1967, qui sont, à l’évidence, l’obstacle à la paix au Proche-Orient.
Moscou est contrarié.
Washington est contrarié.
Les Arabes “radicaux” sont contrariés.
Et les doux Egyptiens modérés sont contrariés.
Eh bien, Chers habitants de la planète Terre, prêtez attention à la réaction d’un Juif normal d’Israël.
En 1920, 1921 et 1929, il n’y avait pas de “territoires de 1967″ pour faire obstacle à la paix entre les Juifs et les Arabes.
En fait, il n’y avait pas d’Etat juif pour irriter qui que ce soit.
Néanmoins, les mêmes Palestiniens, opprimés et réprimés, ont massacré des dizaines de Juifs à Jérusalem, Jaffa, Safed et Hébron.
En 1929, rien que dans cette dernière ville, 67 juifs ont été massacrés en une journée.
__
Chers habitants de la planète Terre, pourquoi les Arabes de Palestine ont-ils massacré 67 Juifs en un jour, en 1929 ?
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Etait-ce par colère contre l’agression israélienne de 1967 ?
Et pourquoi 510 Juifs, hommes, femmes et enfants, ont-ils été massacrés durant les émeutes arabes, entre 1936 et 1939 ?
Etait-ce en raison de l’irritation arabe pour 1967 ?
Et quand vous, Chers habitants de la planète Terre, avez proposé, en 1947, un plan onusien de partition de la Palestine - qui aurait permis la création d’un “Etat palestinien” à côté d’un Israël minuscule -, et que les Arabes ont crié “Non!” et ont déclenché la guerre et tué 6.000 Juifs, cette irritation avait-elle pour cause l’agression de 1967 ?
__
Et à propos, Chers habitants de la planète Terre, pourquoi n’avons-nous pas entendu votre cri de colère à ce moment-là ? !
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Les ‘pauvres Palestiniens’ qui, aujourd’hui, tuent des Juifs avec des mortiers, des explosifs, des bombes incendiaires et des pierres, font partie du même peuple qui, quand il avait tous les territoires dont il exige maintenant qu’ils lui soient donnés pour son Etat, a essayé de jeter l’Etat juif à la mer.
Les mêmes visages grimaçants, la même haine, le même cri de “itbah-al-yahud, massacrez le Juif !”, que nous voyons et entendons aujourd’hui, ont été vus et entendus alors.
Le même peuple, le même rêve : détruire Israël.
__
Ce qu’ils n’ont pas réussi à réaliser hier, ils en rêvent aujourd’hui…
Et nous ne devrions pas les réprimer ?
Chers habitants de la planète Terre,vous êtes restés les bras croisés durant l’Holocauste.
Vous êtes restés les bras croisés, en 1948, quand sept Etats déclenchaient une guerre que la Ligue Arabe comparait fièrement aux massacres perpétrés par les Mongols.
Vous êtes restés les bras croisés, en 1967, lorsque Nasser, follement acclamé par des foules déchaînées, dans toutes les capitales arabes du monde, fit le serment de jeter les Juifs à la mer.
Et vous resteriez les bras croisés demain, si Israël était menacé d’annihilation.
Et puisque nous savons que les Arabes Palestiniens rêvent chaque jour de cette annihilation, nous ferons tout ce qui nous est possible pour rester vivants sur notre terre.
__
Si cela vous ennuie, Chers habitants de la planète Terre, eh bien, rappelez-vous combien de fois, dans le passé, vous nous avez causé des ennuis.
__
De toute façon,Chers habitants de la planète Terre,
Même si cela doit vous causer du tracas,il y aura toujours un Juif en Israël
Qui voudra rester vivant
Et garantir la sécurité de ses enfants et petits-enfants.
Alors…
Navré de vous perturber !
Dr.Zvi Tenney »


Jean Vinatier

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