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jeudi 4 août 2022

Taiwan, Ukraine : le monde est une dépêche d’Ems globale N°5889 16e année

 Petit retour durant mon périple sur les tensions géopolitiques présentes dont l’Ukraine et Taiwan forment non pas tant une ligne que deux sommités potentiellement éruptives….

Le déchainement de la presse française à l’été 1870 poussant à la guerre contre la Prusse, a joué un rôle psychologique important quand survint le traficotage de la dépêche d’Ems par Bismarck afin de contraindre Napoléon III a ouvrir les hostilités. Ce qui s’est déroulé dans lors du voyage de Nancy Pelosi à Taipei s’accompagnait et s’accompagne encore de toute une rhétorique presque guerrière afin que Pékin, pour convenir à la tragédie scénarisée, abatte l’avion américain ou bien s’empare d’un obscur îlot inhabité. Dans cette histoire montée en épingle par des Américains et plus particulièrement par l’actuelle équipe gouvernante, une majeure partie de ce vacarme tient aux tensions intérieures américaines dans l’optique des mid-terms. Parallèlement à ce déplacement, l’élimination du chef d’Al-Qaïda par un drone entre également en jeu pour cette échéance électorale. (Au passage, la décapitation d’un chef d’Al-Qaïda ne scandalisa personne, surtout pas les Américains qui y virent une sorte de OK Korral légitime, souffrant pas la critique, rendant ainsi plus serein le prince saoudien MBS) C’est peu dire que les problèmes intérieurs s’exportent souvent, générant des guerres même si au départ, l’intention était de ne pas entrer en bataille.

Comme dans la France de 1870 où l’entourage de Napoléon III quoique vainqueur du plébiscite de janvier, s’alarmait du vote majoritairement négatif parisien commit toutes les bévues et fautes conte l’avis même de l’Empereur qui malade ne pouvait plus résister au bellicisme ambiant. Dans l’Amérique de Biden, lui aussi sénile, s’agitent des coteries et des intérêts belliqueux de l’Ukraine à Taïwan. Il est assez incroyable que Nancy Pelosi se complaise à répandre l’essence attendant que quelqu’un se dévoue pour l’allumette quand dans le même temps le porte-parole de la Maison blanche, l’amiral Kirby rappelait qu’il n’y avait qu’une seule Chine…Ce tangage permanent fait fi des intérêts des autres puissances lesquelles assistent à l’amalgame de la politique intérieure américaine avec le souci de préserver la première place urbi et orbi. C’est un peu comme si les États-Unis se considéraient détachés de toutes les conséquences de leurs agitations intérieures. L’Europe maillon faible, bouche bée face au big bang géopolitique et géostratégique et en crise politique avant de connaitre celles, sociale, financière, économique, a une responsabilité dans les dérives potentielles et les dérapages sur les rives de l’Hudson. A l’instar des places financières qui tiennent via les usages particuliers des algorithmes et parce que là aussi, si l’on répand les essences nul ne veut tenir l’allumette, l’édifice global tient apparemment. Cette voie géopolitique de mettre sous le tapis tout ce qui déplait pourrait finir à terme par être aussi explosif qu’une entrée en guerre classique. Il ne faut pas se leurrer, l’envie d’une troisième guerre mondiale est bien là mais la globalisation qui a fait jusqu’à présent le jeu de leurs plaideurs, souvent belliqueux, se trouverait être, maintenant, un obstacle à la mise au pas de la puissance concurrente qu’est la Chine. Mais voilà, il faut un mauvais et les mauvais (Russie, Chine) visiblement ne donnent aucun signe de l’être. Ces deux puissances font le dos rond face aux articles vengeurs de la presse atlantique.

Lors de l’enclenchement de la première guerre mondiale, on reprocha aux gouvernements britanniques dont celui de lord Grey la politique du « splendide isolement » qui laissa la bride molle tant à Berlin qu’à Saint-Pétersbourg et à Vienne et finit par entraîner la puissance isolée dans la fournaise de 1914. Ce n’est pas sans raison que Jean Jaurès vitupéra contre la guerre mondiale qu’il entrevoyait sous le prétexte d’un événement balkanique (assassinat de l’archiduc François-Ferdinand le 28 juin 1914), des Balkans qui étaient mal sortis de l’empire ottoman et mal accompagnés par les européens (aujourd’hui encore cette région reste instable). Ces lignes historiques pour rappeler la considérable fragilité de la politique et des gouvernements qui ne distinguent à force de plus distinguer la réflexion de l’émotion favorisent l’explosion.

Ainsi l’Ukraine devient chaque jour passant un enjeu majeur. Si au départ les Russes échouèrent à renverser le gouvernement ukrainien pro-Biden, désormais, ils montrent clairement qu’ils s’installent dans une guerre d’usure obligeant l’armée ukrainienne à réclamer de plus en plus d’armes et d’argent à une Union européenne qui commence à râler et qui constate qu’à Washington les lassitudes sur l’affaire de Kiev prennent de l’ampleur. Mais comme se trouvent imbriqués autant des intérêts particuliers (notamment ceux de la famille Biden) que des objectifs géostratégiques, le chemin se rétrécit. Alors, que cherchent à faire les puissances ? A étendre ou créer de nouveaux fronts ou tensions : par exemple, les Usa en Biélorussie, la Russie en Afrique, en Europe balkanique, à user d’armes autres que militaires (énergie, frumentaire, migrations…etc).

Faute de pouvoir achever une campagne, l’idée de la déplacer revient à raviver les querelles et augmenter les acteurs. Sans doute les Américains voudront-ils effondrer la Chine qui connait actuellement des secousses intérieures. Dans l’affaire ukrainienne les Russes autant que les Américains ont commis des erreurs : Moscou croyant que la prise du pouvoir par des commandos était possible car l’Ukraine était terre russe, Washington pensant que les sanctions tétaniseraient la Russie l’amenant à traiter. Or, rien ne s’est passé, rien ne se passe comme prévu : ni conquête ukrainienne, ni Russie affamée…(c’est plutôt l’Europe qui pleure !)

L’union euro-américaine fait bonne figure mais en face, se lève l’Asie (orientale, asiatique) qui complexe, divisée, capable d’être manœuvrée , a, cependant, pleinement, conscience de son autonomie future vis-à-vis de l’Ouest…

Reste la grande interrogation sur un monde devenu une dépêche d’Ems globale où les « Bismarck » seraient plus en Asie et les « Napoléon III » à l’Ouest (sans jeu de mot)

Jean Vinatier

Seriatim 2022