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jeudi 31 décembre 2009

2009 : France : identité nationale contre le musée de l’histoire de France ? –N°605-3e année

Nicolas Sarkozy a posé lui-même les bornes : d’une part, il annonce la création d’un musée de l’histoire de France, d’autre part, il promeut le débat sur l’identité nationale. Entre les deux, la communication. Nous sommes au cœur du sarkozysme et le tort serait de ne pas rester vigilant et réactif.
D’un côté, la vie nationale se figerait au travers d’un espace muséal, de l’autre, les Français se diviseraient en débattant de l’identité nationale. Nicolas Sarkozy, contrairement à ce qui se répète sait ce qu’il entreprend. L’homme élu au suffrage universel ne veut être embarrassé par rien ; ni par un passé qu’il estime poussiéreux et sur lequel il n’a pas d’emprise, ni par un avenir auquel il n’aurait pas fixé le cadre de contrôle.
Son programme politique n’a pas subi de contraintes majeures, les réformes passent pour la plupart même si elles sont bâclées et bancales. Le Parlement qui devait offrir, selon le Chef de l’Etat, un réel contre-pouvoir est une chambre d’enregistrement. Les syndicats tenus par la publication de leurs comptes en 2010 font la mine basse. Les partis politiques ne le gênent plus et les quelques personnalités de droite qui le critiquent sont mises au coin avec un bonnet d’âne ! Plus de contrepouvoirs ? Si, Internet et l’Etat.
Internet demeure le seul espace d’expression et de recherche libre quoiqu’il soit de plus en plus sous surveillance. On a vu comment Internet, et non la presse, a contraint Nicolas Sarkozy de renoncer à placer son fils cadet, Jean, à la tête de l’EPAD. Les Français manifestent plus devant leur écran que dans la rue : en buzzant, ils ne risquent pas de recevoir du gaz lacrymogène ! Il n’y a plus que les paysans et les ouvriers pour oser la rue !
L’Etat s’interpose via les grands corps : la Cour des comptes, le Conseil d’Etat, le Conseil Constitutionnel ; les préfets qui se sont rebellés ont obtenu, oralement, le droit de constituer un club c’est-à-dire un syndicat de fait. C’est la surprise de cette année 2009. Est-ce étonnant ? La Cour des comptes et le Conseil Constitutionnel ne sont-ils pas présidés par les gaullo-chiraquiens, Philippe Seguin, Jean-Louis Debré ? Ces deux hommes sont désormais dans le viseur présidentiel.
Nous voyons bien s’installer un pouvoir sarkozien ultra-centralisé tissant sa toile d’araignée sur l’ensemble des Français. En regardant attentivement toutes les réformes passées nous nous apercevons que sous-couvert, de modernité, elles oeuvrent à abattre tout référent collectif aux dépens de l’individu isolé bien incapable de se défendre. L’éducation est par conséquent un domaine de prédilection pour l’Elysée : la fin de l’enseignement obligatoire de l’histoire en Terminale S n’est pas anodine. Ce choix préfigure l’abandon progressif de tout savoir général au profit de la spécialité. Richard Descoings, le patron de Sciences-Po et grand inspirateur de cette décision, ne qualifie-t-il pas son école d’«
entreprise de services d’éducation » ?
Le contexte économique et social entre dans une phase difficile qui grandira, malheureusement alors que le pouvoir sarkozien ne se gêne pas pour conforter les plus privilégiés des Français en garantissant le bouclier fiscal tandis qu’il pénalise les salariés (fiscalisation des journées d’arrêt, non-relèvement du SMIC) et les classes moyennes.
C’est dans ce contexte agité, troublé où de plus en plus de Français ne discernent plus l’important du détail qu’entre sur scène l’identité nationale. Pourquoi introduire cette question ? Que recherche Nicolas Sarkozy ? Le Chef de l’Etat ne varie pas d’un iota, il veut briser dans l’œuf toute contestation qui pourrait se raccrocher à l’Histoire. De la nation, ne voudrait-il pas en faire une conjugaison de communautés ? On croît que la question des minarets ou de la burqa le contrarie ? C’est tout le contraire, tout ferment de division entre dans son jeu de déconstruction. Ecrivons-le, Nicolas Sarkozy veut dénationaliser la nation au profit d’un ensemble de communautés qui renforceront son autoritarisme.
Si l’on va plus loin, n’approcherions-nous pas de la fin de la démocratie ? Emmanuel Todd et Daniel Bensaïd dans leurs derniers ouvrages («
Après la démocratie, Démocratie dans quel état ? ») le suggèrent en parlant de l’ère post-démocratique !
L’identité nationale et le projet de musée de l’histoire de France se relient. Le sarkozysme ne se renie pas, il progresse à grands pas persuadé que le mandat électif le protége de toute insurrection.
L’année 2009 a donc vu l’accélération d’un processus de pouvoir personnel désormais proche de celui du pouvoir exorbitant. Comment croire que la démocratie gardera ses vertus quand elle ne sera plus qu’un instrument de théâtre ?
Nicolas Sarkozy est-il pour autant un esprit libre ? Eh bien non ! Il ressent la très forte nécessité de se placer sous une aile protectrice, ici, celle américaine ! N’a-t-il pas remis la France sous conduite otanienne ? Ne va-t-il pas envoyer des soldats supplémentaires en Afghanistan ?
Les Français ne sont-ils pas amenés , malgré eux, à un carrefour ? Soit ils se réjouissent d’avoir un musée de leur histoire (donc ce qui est passé) soit ils se plaisent à se disputer entre eux par identité nationale interposée soit, ils décident de se lever pour continuer en toute indépendance leur histoire et donc d’être identitairement Français.


Jean Vinatier
Copyright©SERIATIM 2009

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2009 : « Le secouement du monde » -N°604- 3e année

Difficile exercice que celui de se livrer en quelques lignes à un panorama politique général du monde, nécessairement partiel et artificiel, mais, force est de constater que l’année finissante a été la source d’une accélération de l’Histoire. A cet égard, le sommet de Copenhague a acté la fin de la toute puissance Atlantique : souvenons-nous de quelle façon Barack Obama a été snobé par les puissances émergentes ; n’oublions pas le cafouillis sarkozien et l’impudence de Gordon Brown. A côté la chancelière Angela Merkel, passe pour une sage pragmatique !!!
Que dire face à ce
« secouement du monde » comme l’exprimait Vergennes au soir de l’Indépendance américaine ? Tous les regards se portent en direction de l’Est et du Sud. On guette le moindre battement d’aile. On s’inquiète du risque inflationniste de l’économie indienne, s’en souciait-on, il y a deux ans ? La Chine a annoncé, presque discrètement, au détour d’une phrase, qu’elle restreindrait l’exportation de terres rares dont le lithium. La mise en valeur de la Sibérie puis de l’Arctique par plusieurs puissances asiatiques indique puissamment que le sens du monde capitaliste changera d’orientation. L’Asie centrale où le Kazakhstan entend jouer le rôle d’Etat relais pour tous les oléoducs et gazoducs avec en bout de piste la Turquie, nation située à un point névralgique pour l’Union européenne ; l’Asie du Sud n’est pas en reste pour affirmer son poids : elle forme une longue ligne qui assure, notamment, une voie navale primordiale pour les échanges. L’Arabie péninsulaire, elle aussi d’Asie, travaille à une communauté autant marchande que monétaire : la signature par les Emirats arabes unis d’une construction de plusieurs centrales nucléaires avec la Corée plutôt qu’avec la France souligne aussi que ce choix est autant politique qu’économique.
C’est cette Asie motrice qui débarque sur le continent africain, bouleversant sur son passage l’économie par de vastes investissements. N’omettons pas de rappeler que l’année 2010 sera celle du cinquantième anniversaire de l’indépendance de bien des Etats africains : commenceront-ils une nouvelle histoire ?
De l’autre côté, les Amériques ! Le Brésil se dégage résolument, tel un navire amiral, des Etats hispanophones sans que ceux-ci restent les bras ballants. Il y a sur ce continent une activité de ruches et dans le même temps s’avance du Paraguay à la frontière américano-mexicaine la question indienne dont le poids grandira dans les années à venir : regardons la révolution bolivienne en cours où Eva Morales entend bien disposer d’un trésor appelé lithium. Sur le plan politique, l’union se bâtit lentement mais sûrement, la victoire d’un milliardaire au Chili ne changera pas énormément la donne, l’opposition gardant la majorité au Parlement. Le point de confrontation avec les Etats-Unis, en plus de la construction de la gigantesque base de Palenquero en Colombie, sera la zone Caraïbe où Cuba, très liée à des pays sud-américains et d’Amérique centrale aura un rôle important. Détail qui compliquera la normalisation entre La Havane et Washington.
En remontant vers le Nord, l’Amérique centrale reste un espace géostratégique important comme nous le voyons avec les conjurations honduriennes qui ont abouti à la destitution du Président légitime : on y retrouve pêle-mêle des extrémistes locaux, des sous-agences de la CIA et du Pentagone qui oeuvrent, sans doute, pour des oligarchies étasuniennes opposées à l’actuel Président des USA.
Les Etats-Unis, justement, toujours désireux de réunir sous un seul sceptre Rome et Jérusalem, le temporel et le spirituel, entourés des rois mages financiers. La première année du mandat de Barack Obama est une désillusion complète pour celles et ceux qui ont cru à une action politique forte, à une audace. Barack Obama, pas encore sorti du débat sur le système de la réforme de santé, est devant les gouffres : à l’intérieur, la situation économique et sociale est catastrophique, plus de 25 Etats devraient être en quasi-banqueroute en 2010 ; à l’extérieur, l’envoi de renforts en Afghanistan résonne comme une fuite en avant désespérée dans une guerre perdue d’avance. C’est un Président qui n’en n’impose pas et qui craint par-dessus, que le premier Président noir soit celui du déclin américain ! Est-ce pour cela qu’il se soumet de bonne grâce aux lobbies de Wall Street, de la FED, du complexe militaro-industriel ?Quoi qu’il en soit, il n’ignore pas, à moins de s’aveugler, que les Etats-Unis prennent, qui sait le chemin d’une seconde révolution, dont le mouvement Tea party pourrait être l’avant-garde.
Enfin, voici l’Union européenne (France voir le
Seriatim suivant n°605), un caravansérail hagard ! Le grand perdant de cette année est, à n’en pas douter, hélas, notre continent qui se retrouve coincé entre le marteau et l’enclume. La ratification en catimini, quasiment honteuse du traité de Lisbonne réalisé dans le mépris des peuples rétifs, a quelque chose de crépusculaire. Voilà un rassemblement de 27 Etats sans liens ni solidarités internes, qui réfutent tout ce qui pourrait les consolider, en premier lieu de devenir une puissance politique c’est-à-dire, notamment, militairement indépendante de l’OTAN. Nos dirigeants oseraient-ils nous faire sortir de l’histoire de nos pays pour nous en imposer une autre dans laquelle nous ne nous reconnaîtrions pas ?
En tout cas, l’Europe, outre qu’elle sera dépassée à court terme, industriellement, scientifiquement, technologiquement par l’Asie, doute, également, de la démocratie : ne réussit-t-elle pas l’exploit de la promouvoir urbi et orbi et de l’amoindrir en son sein ?
Les peuples justement ne sont-ils pas les grands absents de ce
« secouement du monde » ? Sur tous les continents ils souffrent et sont malmenés à coups de répressions sanglantes, de matraques et de fichiers qui métastasent. Il est bien beau de plancher sur le réchauffement climatique quand on bafoue autant les hommes, que l’on maintient sur eux une chape de plomb. Paul Valéry nous incitait dans les années 20 à réfléchir au début de l’histoire du monde fini et après lui d’autres auteurs comme Orwell, Huxley et leurs successeurs. Au vu des événements, les incitations n’ont pas été retenues. L’absence d’une philosophie commune permet à tous les coqs de village d’imprimer leurs lois à notre détriment.
La fragilité planétaire est aujourd’hui flagrante, angoissante. Nous n’avons plus de force structurante, socialisante. La mise en orbite des spécialistes, des techniciens annonce des duretés sociales terribles : c’est le fait même de penser, de critiquer, de raisonner qui est menacé.
2009 a été le
« secouement du monde » : tous les ébranlements qu’il a engendré modifieront de fond en comble la planète. Les connections entre les groupes industriels et financiers et les mercenaires ou sociétés privés de guerre toujours plus nombreux, contribueront aux drames. Si les Etats-Unis et l’Union européenne se rapetissent, les autres puissances émergentes sont, elles aussi, fragiles (Inde, Chine). Avant que le monde ne retrouve un certain équilibre, nous passerons par une longue période agitée, tourmentée. Le début du périple va commencer.


Jean Vinatier
Copyright© SERIATIM 2009

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mercredi 30 décembre 2009

Taxe carbone : les attendus des Sages: -N°603- 3e année

Le Conseil Constitutionnel a infligé un camouflet au Président de la République en déclarant contraire à la Constitution le principe de la taxe carbone tel que le gouvernement l’a rédigé et défendu.
Le Conseil justifie sa décision en relevant que le système des quotas est gratuit jusqu'en 2013 ; jusqu'à cette date les entreprises seront exonérées de l'impôt. Le Conseil sanctionne la période qui va entre janvier 2010 et 2013 et qui cause un préjudice certain.
Ci-dessous les extraits de la décision 2009-599 du Conseil.


« SUR LA CONTRIBUTION CARBONE :
77. Considérant que l'article 7 de la loi déférée institue au profit du budget de l'État une contribution carbone sur certains produits énergétiques mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible ; que l'article 9 institue un crédit d'impôt en faveur des personnes physiques afin de leur rétrocéder de façon forfaitaire la contribution carbone qu'elles ont acquittée ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée qui lui est afférente ; que l'article 10 dispose que la consommation de fioul domestique, de fioul lourd et de divers autres produits énergétiques par les agriculteurs fait l'objet d'un remboursement des trois quarts de la contribution carbone ;
78. Considérant, en particulier, que l'article 7 fixe, pour chacune des énergies fossiles qu'il désigne, le tarif de la contribution sur la base de 17 euros la tonne de dioxyde de carbone émis ; que cet article et l'article 10 instituent toutefois des exonérations, réductions, remboursements partiels et taux spécifiques ; que sont totalement exonérées de contribution carbone les émissions des centrales thermiques produisant de l'électricité, les émissions des mille dix-huit sites industriels les plus polluants, tels que les raffineries, cimenteries, cokeries et verreries, les émissions des secteurs de l'industrie chimique utilisant de manière intensive de l'énergie, les émissions des produits destinés à un double usage, les émissions des produits énergétiques utilisés en autoconsommation d'électricité, les émissions du transport aérien et celles du transport public routier de voyageurs ; que sont taxées à taux réduit les émissions dues aux activités agricoles ou de pêche, au transport routier de marchandises et au transport maritime ;
79. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement " ; que son article 3 dispose : " Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences " ; que, selon son article 4, " toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi " ; que ces dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, ont valeur constitutionnelle ;
80. Considérant que, conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles qu'il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ;
81. Considérant qu'il ressort des travaux parlementaires que l'objectif de la contribution carbone est de " mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions " de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement de la planète ; que, pour atteindre cet objectif, il a été retenu l'option " d'instituer une taxe additionnelle sur la consommation des énergies fossiles " afin que les entreprises, les ménages et les administrations soient incités à réduire leurs émissions ; que c'est en fonction de l'adéquation des dispositions critiquées à cet objectif qu'il convient d'examiner la constitutionnalité de ces dispositions ;
82. Considérant que des réductions de taux de contribution carbone ou des tarifications spécifiques peuvent être justifiées par la poursuite d'un intérêt général, tel que la sauvegarde de la compétitivité de secteurs économiques exposés à la concurrence internationale ; que l'exemption totale de la contribution peut être justifiée si les secteurs économiques dont il s'agit sont spécifiquement mis à contribution par un dispositif particulier ; qu'en l'espèce, si certaines des entreprises exemptées du paiement de la contribution carbone sont soumises au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, il est constant que ces quotas sont actuellement attribués à titre gratuit et que le régime des quotas payants n'entrera en vigueur qu'en 2013 et ce, progressivement jusqu'en 2027 ; qu'en conséquence, 93 % des émissions de dioxyde de carbone d'origine industrielle, hors carburant, seront totalement exonérées de contribution carbone ; que les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre ; que la contribution carbone portera essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l'une des sources d'émission de dioxyde de carbone ; que, par leur importance, les régimes d'exemption totale institués par l'article 7 de la loi déférée sont contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
83. Considérant qu'il s'ensuit que l'article 7 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution, à l'exception du E de son paragraphe I qui est relatif à l'exonération temporaire, dans les départements d'outre-mer, du prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes ; qu'il en va de même, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs des saisines, de ses articles 9 et 10 ainsi qu'à l'article 2, des mots : " et la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au vingt et unième alinéa du paragraphe I de l'article 1586 sexies du code général des impôts et des mots : " et de la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au dix-septième alinéa de son paragraphe VI ;

D É C I D E : (extrait)
Article premier.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances pour 2010 :
- à l'article 2, les mots : " Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2°, ", figurant au 1° de l'article 1467 du code général des impôts, le premier alinéa de son 2° et le second alinéa du paragraphe I de l'article 1586 ter du même code ;
- au même article 2, les mots : " et la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au vingt et unième alinéa du paragraphe I de l'article 1586 sexies du code général des impôts et les mots : " et de la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au dix-septième alinéa de son paragraphe VI ;
- l'article 7, à l'exception du E de son paragraphe I, ainsi que les articles 9, 10, 108, 116 et 145. »

Jean Vinatier
Copyright©SERIATIM 2009

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Source :


http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2009/2009-599-dc/decision-n-2009-599-dc-du-29-decembre-2009.46804.html


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mardi 29 décembre 2009

« Identité nationale et passé colonial.Pour un véritable débat » -N°602-3e année

Seriatim relaie évidemment ce manifeste qui survient après l’Appel des appels, Mediapart et Non à la fin de l’enseignement de l’histoire en Terminale S . Veuillez le lire puis diffuser-le autour de vous.

« En réponse au débat sur « l'identité nationale » lancé par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, Eric Besson, - et en résonance aux appels de Médiapart et de SOS Racisme/Libération - un collectif de personnalités du monde scientifique et culturel s'est constitué afin de réfléchir aux conditions d'un autre débat, possible et nécessaire.
Ce texte initialement diffusé comme « l'appel de noël » sur le site de
Rue 89 le 24 décembre 2009 et relié le jour même sur le site de Respectmag, sur le site de la Ligue des droits de l'homme de Toulon et sur le site d'Africultures, et largement relayé depuis 5 jours sur internet, vous est adressé aujourd'hui dans sa version intégrale. Merci de le diffuser largement et de le faire connaître autour de vous. Dans les cinq semaines qui viennent et jusqu'au « colloque » annoncé par le ministre à l'issue du « débat sur l'identité nationale », début février 2010, nous allons poursuivre la diffusion de ce texte le plus largement possible (en France, en Europe, en Afrique et aux Etats-Unis), en français, mais aussi en anglais. En outre, nous appelons les chercheurs, universitaires, acteurs associatifs ou culturels, auteurs et artistes à apporter leurs signatures. En effet, pour les nouvelles publications, notamment dans la presse écrite début janvier 2010, tous les noms signataires du texte seront identifiés sur les prochaines publications. Dans la perspective de votre intérêt et souhait de signature, merci de nous envoyer un mail (contact@achac.com), avec en objet « je signe » et dans le texte du mail : Nom et prénom (spécialité/profession, université/structure).
Début février 2010, si le colloque annoncé par le ministre est maintenu, c'est l'ensemble des personnalités rassemblées par cet appel qui se regroupera pour un contre-colloque à Paris afin de faire clairement entendre notre point de vue.
Un grand débat sur l'identité nationale. » Des centaines de milliers de connexions, des rencontres en province dans les préfectures et 40.000 contributions (dont de nombreux « dérapages ») sur le site du ministre Éric Besson... Un succès ? Les critiques virulentes à gauche et les doutes à droite se multiplient depuis quelques jours et donnent, déjà, un sentiment contraire. Des intellectuels, des chercheurs, des écrivains, des journalistes qui travaillent sur le colonial, l'immigration et le postcolonial proposent ici, tout en refusant depuis le début de participer à cette manipulation, une alternative au faux débat actuel.


Identité nationale et passé colonial. Pour un véritable débat

« Un grand débat sur l’identité nationale. » Des centaines de milliers de connexions, des rencontres en province dans les préfectures et 40.000 contributions (dont de nombreux « dérapages ») sur le site du ministre Éric Besson… Un succès ? Les critiques virulentes à gauche et les doutes à droite se multiplient depuis quelquesjours et donnent, déjà, un sentiment contraire. Des intellectuels, des chercheurs, des écrivains, des journalistes qui travaillent sur le colonial, l’immigration et le postcolonial proposent ici, tout en refusant depuis le début de participer à cette manipulation, une alternative au faux débat actuel.
Disponibles sur le site www.debatidentitenationale.fr, des contributions de toutes sortes, des
extraits et citations de personnalités, une centaine d’extraits d’articles et de déclarations soigneusement choisis, mais aussi une rubrique éclairante, sous le titre : « Bibliothèque. » Les ouvrages contemporains sont triés sur le volet et une vingtaine d’auteurs sont mis en exergue avec quelques retouches depuis la première semaine de mise en ligne. Observons cela de plus près : aux côtés des classiques (Claude Nicolet, Maurice Agulhon, Marc Bloch, Dominique Schnapper, Eugen Weber…), des ouvrages souvent anachroniques (Léopold Sédar Senghor, mais pas Aimé Césaire ; François Mitterrand, mais pas Pierre Mendès France ; Simone Weil, mais pas le spécialiste de l’immigration Patrick Weil ; Léon Blum et Théodore Zeldin pour faire bonne figure ; Pierre-Jakez Hélias et Jacques Julliard pour que le tour d’horizon soit complet). On peut surtout distinguer les piliers sur lesquels doit reposer le débat et les « bonnes lectures » proposées par Éric Besson à l’attention des internautes : Luc Ferry (Luc pas Jules), Max Gallo (et son Fiers d’être français), Daniel Lefeuvre (héraut de l’« anti-repentance »), Gaston Kelman (son nouveau conseiller), De Gaulle et André Malraux (deux références pour ce dernier !) et pour finir, au milieu des ouvrages et des « penseurs », l’hebdomadaire Marianne (retiré depuis du site). Un peu juste pour que nos concitoyens aient une vue d’ensemble d’une problématique aussi vaste.
Mais le but n’est pas là, il est dans l’incroyable manipulation de l’opinion à laquelle invite le ministre. Nous savons tous que la manière de poser une question et d’en présenter le contexte et ses présupposés déterminent souvent la réponse. Il faut donc lire soigneusement les discours du ministre, de ses collègues et des députés qui soutiennent le gouvernement, et analyser les références proposées par le ministère pour « guider » les débats. Les réponses des internautes ou des personnes qui participeront au débat n’y changeront pas grand-chose, les dés sont pipés, la réponse est déjà là : les Français doivent honorer la France, son drapeau, ses grands hommes, son hymne national, son passé glorieux, mais les Français doivent aussi respecter ses valeurs de générosité et d’ouverture… bref le retour à un nationalisme de symboles, étriqué, excluant, qui ne répondra pas aux questions les plus contemporaines.
De toute évidence le débat, sans le nommer, ne cesse de tourner aussi (à la veille des élections régionales) autour du thème de l’immigration (en particulier postcoloniale) et de ses conséquences sur l’« identité nationale », même si de nombreuses personnalités de l’UMP et d’anciens premiers ministres commencent à sentir le « vent mauvais » et s’écartent de la démarche. Pourtant, sur le site, pas une référence sur l’immigration, sur la colonisation ou sur
l’esclavage ! Le véritable débat est toujours dans l’ombre. Le message est clair : évitons ces sujets qui fâchent et revenons aux principes fondamentaux des « pères fondateurs » de la Nation, actualisés par les thuriféraires de la fierté nationale.
On aurait, en effet, pu s’attendre à trouver en matière d’immigration des références larges ouvrant au débat dans toute sa complexité, avec les ouvrages de Pascal Blanchard, Ahmed Boubeker, Suzanne Citron (en lien avec la Nation), Éric Fassin, Piero Galloro, Yvan Gastaut, Vincent Geisser, Nancy Green, Nacira Guénif-Souilamas, Alec G. Hargreaves, Hervé Le Bras, Pierre Milza, Pap Ndiaye, Gérard Noiriel, Abdelmalek Sayad, Ralph Schor, Patrick Simon, Émile Temime, Patrick Weil, Michel Wieviorka… Sur l’esclavage, on aurait pensé lire les noms de Myriam Cottias, Marcel Dorigny, Benoît Falaize (en lien avec la pédagogie), Hubert Gerbeau, Michel Giraud, Frédérique Régent, Nelly Schmidt ou Françoise Vergès… Et, sur la période coloniale, ceux de Charles-Robert Ageron, Nicolas Bancel, Yves Benot, Catherine Coquery-Vidrovitch, Marc Ferro, Raoul Girardet, Mohammed Harbi, Daniel Hémery, Sandrine Lemaire, Claude Liauzu, Gilles Manceron, Achille Mbembe, Elikia M’Bokolo, Gilbert Meynier, Alain Ruscio, Benjamin Stora ou Sylvie Thénault, comme ouverture à toutes les analyses. Et bien non. Tout prétend, sur le site du ministre, que depuis vingt ans il n’y aurait eu aucun débat dans ce pays, ni réflexion, ni analyse.
Pas une référence sur les contributions des populations des outre-mers qui se sont longuement exprimées sur la culture, l’identité, la mémoire et l’histoire au cours des États généraux de l’outre-mer ces derniers mois. Pas une référence sur le questionnement dans nos quartiers, les expressions culturelles urbaines ou les combats de l’immigration. Est-ce à dire que le ministre considère ces contributions comme sans intérêt, d’autres souhaitent dans le même temps que l’histoire quitte les classes de Terminale S ? Pourquoi demander une nouvelle fois aux populations des outre-mers ou à celles des « banlieues » d’aller s’exprimer sur l’identité alors qu’elles l’ont déjà fait, en 2005 ou en 2009 ? Cela révèle-t-il que finalement ces consultations n’ont aucune importance ?
De nombreux auteurs ont pourtant travaillé, indirectement le plus souvent, à la complexité des transformations des identités, irriguées par les expériences outre-mer et les flux diasporiques, permettant d’éclairer dans toutes leurs dimensions ces questions. Et bien non, sur le site mis en ligne, toute cette recherche semble nulle et non avenue, il ne nous reste plus qu’àrelire Max Gallo, Daniel Lefeuvre, Gaston Kelman, de saupoudrer le tout d’un peu de Malraux, d’un zeste du Général, d’une pincée de Blum-Mitterrand et pour donner un ton « diversité » de quelques lignes de Senghor, et de recouvrir le tout de classiques comme Bloch-Braudel pour que tout soit dit !
Pourtant, derrière le « débat sur l’identité nationale » se tapit un autre débat, omniprésent, sur le passé colonial de la France et ses héritages dans le présent (immigration, connaissance de cette histoire, guerre des mémoires, place de l’islam, pseudo-repentance…). Le Président de la République, dans une tribune, mélange les notions d’intégration et d’assimilation, renvoyant à une dialectique qui risque de provoquer des amalgames. La question est moins en effet « Qu’estce qu’être Français ? » mais bien, dans ce « grand débat », qui ne dit pas son nom : « Peut-on être Noirs, Arabes, Asiatiques, ultramarins et Français ? », car nous sommes encore, comme le rappelle très justement dans une tribune Yazid Sabeg, « hantés souterrainement » par l’histoire coloniale (Le Monde, 7 novembre 2009).
Cinq ans après le coup-de-feu sur la « colonisation positive » (fin 2004) qui va aboutir à la loi de février 2005 (et notamment à son article premier sur la reconnaissance de l’oeuvre coloniale de la France), nous est proposé un second round sur un retour à l’« identité de la France », qui s’annonce d’ores et déjà comme une entreprise réactionnaire. En toile de fond, les immigrés, leurs enfants (et petits-enfants). Mais pas n’importe lesquels. Ceux qui sont plus « colorés » que les autres. Ceux qui sont les « héritiers » du temps des colonies, ceux qui seraient avides de « communautarisme », ceux qui ne s’assimilent pas (comme nous l’explique la pasionaria Élisabeth Lévy chez Yves Calvi ou dans les colonnes du Figaro Magazine). En un mot « ceux qui n’aiment pas la France », sifflent l’hymne national ou manifestent lorsque l’Algérie se qualifie pour la Coupe du monde, terrorisent les banlieues, détruisent l’économie de « nos » paradis exotiques, et veulent diversifier la République tant « ethniquement » qu’en terme de religion. Ils nous font perdre « notre âme », notre « essence » et obligent leurs « soeurs » à porter la burka.
À ignorer, et pire, à stigmatiser ces composantes de la société française en parlant« d’assimilation », le débat sur l’identité est piégé : à la recherche d’une essence nationale, il exclut du champ du « national » les formes d’altérité qui sont la marque de notre société mondialisée et de sa constante créolisation.
Ce passé et ses conséquences sont aujourd’hui au coeur du véritable débat. Or, débattre sur « l’identité nationale » a toutes les chances d’aboutir à réifier de nouveau un « roman national » mythique, tout en volant la vedette à une extrême droite chancelante à la veille d’une élection stratégique, à mi-mandat, pour la majorité en place. Signe des temps, il faut maintenant ne plus faire référence au « colonial » : c’est la leçon du semi-échec de 2005 pour les tenants du « statu quo mémoriel » après l’abrogation de l’article 4 par le président Jacques Chirac, un an plus tard.
Pour autant, la résonance médiatique de l’opération (qui doit connaître son point d’acmé début février 2010) est en phase avec l’un des discours majeurs de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007 prononcé à Toulon.
En quelques lignes il donnait le ton de ce que devait être la « France éternelle » : « Le rêve européen a besoin du rêve méditerranéen. Il s’est rétréci quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient [les Croisades], le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint-Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Égypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation. Cessons de noircir le passé […]. » Et de conclure : « Je veux leur dire : de quel droit les jugez-vous ? Je veux leur dire : de quel droit demandez-vous aux fils de se repentir des fautes de leurs pères, que souvent leurs pères n’ont commises que dans votre imagination ? […]. » Dans la même perspective, l’initiative sur l’identité nationale du ministre Éric Besson veut faire croire que ceux qui s’attachent à une lecture plus critique du passé colonial seraient des « repentants », et ne seraient pas dignes de participer à la réflexion sur nos mémoires collectives.
Comment réagir face à ce tsunami identitaire lancé par le ministre et appuyé par le Président de la République : y participer selon le cadre posé et accepter la manipulation, refuser de contribuer à ce débat tronqué en période électorale et rester silencieux, recadrer le débat sur les véritables enjeux et entrer en résistance ?
On l’aura compris, nous penchons depuis plus d’un mois vers la seconde option, tant le « débat » est biaisé et joué d’avance (ce qui explique notre silence jusqu’alors). En même temps, le silence et le refus du débat laissent nos concitoyens face à la seule machine gouvernementale, c’est d’ailleurs ce que vient de souligner avec justesse Yves-Charles Zarka dans une tribune publiée par Le Monde sous le titre « Pour en finir avec le piège de l'identité nationale » (le 11 décembre 2009). C’est pourquoi nous n’aurons de cesse, dans les prochains mois, de recentrer laréflexion vers d’autres enjeux et de proposer de façon concrète des outils de compréhension pour les Français. En même temps, nous avons conscience de la saturation relative de l’opinion sur ces questions, du refus de la grande majorité des médias d’aborder cette problématique, et du manque d’intérêt des politiques pour un « débat » qui serait peu électoral. Pour autant, nous avons choisi d’agir, pour aller au-delà du seul appel à l’interdiction du « ministère de l’ambiguïté » ou à l’auto-interdiction de toute prise de parole qui risque de faire croire que nous n’aurions plus rien à dire sur nos « identités » en France. Dans un premier temps, il faut revenir à l’essentiel et comprendre l’histoire. Il faut faire connaître ce passé colonial/esclavagiste et l’histoire de l’immigration des Suds dans notre pays, dont nos contemporains ignorent presque tout. Cette histoire et ses « apports » (comme le demande le ministre) ne feront plus « débat » lorsque la connaissance aura transcendé les fantasmes. C’est ce que montre, par exemple, l’exposition Générations. Un siècle d’histoire culturelle des Maghrébins qui vient d’ouvrir à la CNHI, c’est ce que proposent sous forme de comparatisme franco-américain les rencontres à l’ENS autour des « Minorités visibles en politique » ou le coffret de huit livres Un siècle d’immigration des Suds en France. Il faut enseigner, comparer, transmettre et non débattre avant d’avoir acquis un savoir.
Dans un second temps, certains d’entre nous ont pris l’initiative (dès juin 2009) de lancer le 20 janvier 2010 (un an après le mouvement social dans les outre-mers et pour le 50e anniversaire des indépendances africaines) un appel rassemblant une centaine de contributeurs reposant sur des propositions concrètes pour une « République multiculturelle et post-raciale » capable d’être le reflet de nos histoires et de la diversité de notre pays.
Enfin, pour replacer ce débat franco-français dans les enjeux internationaux, une partie d’entre nous, en mars 2010, proposera l’ouvrage Ruptures postcoloniales avec une quarantaine d’auteurs de tous horizons, références dans plus d’une dizaine de pays des questions postcoloniales, pour analyser les mutations de notre temps et expliquer pourquoi les « enjeux identitaires » doivent être appréhendés en même temps « ici » et « ailleurs ». Dans la même perspective, plusieurs ouvrages (dont Enjeux politiques de l’histoire coloniale, Les immigrés algériens en France ou L’histoire bling-bling), rencontres et colloques ont déjà proposé cette année ou proposeront « d’autres débats » tout au long du premier trimestre 2010, avec pour point d’orgue début février 2010 où des contre-colloques viendront en réponse de celui annoncé par le ministre.
Ces initiatives, parmi beaucoup d’autres, sont les armes de l’intelligence et du savoir, face aux fantasmes et à l’émotion. Nous croyons dans la force de la connaissance pour une autre participation citoyenne au « véritable débat », pour éviter que « le piège du débat consiste à réifier l'identité nationale, à la chosifier, pour la faire passer pour une identité permanente dont on pourrait facilement exclure un certain nombre de gens en raison de la couleur de leur peau, de leur culture, ou de leur religion, ou n'importe quoi d'autre » comme l’écrit le philosophe Yves-Charles Zarka.
Il ne faut donc pas se tromper de perspective. L’identité est faite d’éléments durables et de strates nouvelles, et l’histoire brasse les identités pour en construire d’autres, dans un mouvement permanent. Il faut expliquer aussi que les transformations très rapides de notre pays, ses métissages anciens, font peur et que ces peurs doivent être éclairées et vaincues, et non valorisées et manipulées. Il faut sortir des guerres de mémoire sur le passé colonial, pour enfin entrer dans le temps postcolonial. Il faut valoriser les mémoires autour de l’esclavage parce que c’est notre patrimoine commun. Il faut sortir des faux débats sur le déclin de « l’identité nationale » et de la France, comme si le changement de nos identités collectives n’était que péril et reniement. Il faut lutter contre les diatribes violentes qui ne voient que « communautarisme » ou « repentance » lorsque l’on parle de diversité des origines et des cultures.
Enfin, il faut rappeler que lorsqu’une société a rendu son passé inaudible (colonisation, esclavage…), a marginalisé une partie de ses histoires (immigrations, luttes ouvrières…), a ignoré la diversité de ses mémoires et ses zones d’ombre (par l’absence d’un grand musée de l’esclavage et de la colonisation par exemple), cette même société, incapable d’affronter le réel,ne peut qu’être en crise avec son non-concept d’« identité » au singulier.
Après avoir commémoré la destruction d’un mur à l’Est (1989-2009), il convient d’en abattre un autre : celui de nos imaginaires collectifs qui, à l’égard des populations des Suds ou ultramarines, n’a pas encore été déconstruit. C’est un des enjeux majeurs auxquels notre génération est confrontée et nous devons relever le défi avant que d’autres crises ne traversent nos outre-mers ou nos quartiers. Alors oui, il faut choisir « son » débat et ce n’est pas celui de « l’identité nationale », mais bien celui de la manière dont se construisent nos identités collectives et nos valeurs communes, républicaines, dans la France postcoloniale, cinquante ans après les indépendances africaines.

Le collectif « Pour un véritable débat » :

Nicolas Bancel (historien, université de Lausanne), Esther Benbassa (directrice d’études, EPHE), Pascal Blanchard (historien, laboratoire Communication et Politique CNRS), Florence Bernault (historienne, université du Wisconsin), Ahmed Boubeker (sociologue, université de Metz), Marc Cheb Sun (directeur de la rédaction, Respectmag), Catherine Coquery-Vidrovitch (historienne, professeur émérite de l’université de Paris VII), Didier Daeninckx (écrivain et romancier), François Durpaire (historien, chercheur-associé à l’université Paris I), Yvan Gastaut (historien, université de Nice),Vincent Geisser (sociologue-politologue, IREMAM CNRS), Didier Lapeyronie (sociologue, université de Bordeaux 2), Gilles Manceron (historien, LDH), Achille Mbembe (historien, université de Witwatersrand/Johannesburg), Elikia M’Bokolo (historien, EHESS), Fadila Mehal (présidente des Mariannes de la diversité), Dominic Thomas (historien, université d’UCLA). »

Jean Vinatier
Copyright©SERIATIM 2009

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lundi 28 décembre 2009

Iran : les chats persans se griffent entre eux-N°601-3e année

La fête religieuse de l’Ashoura a donné lieu à de fortes manifestations de l’opposition réprimées sans ménagement par le pouvoir iranien en place faisant 15 victimes. Certains dirigeants du monde Atlantique ont exprimé leur mécontentement et ont oublié de déplorer, le même jour, les 10 civils afghans tués suite à un bombardement de l’OTAN !
Depuis un moment, la tension monte dans certaines villes iraniennes. Assistons-nous au développement de la contestation contre le régime ou bien voyons-nous grandir des luttes internes ? En Europe, on se garde bien d’opérer la moindre distinction avec qui sait l’espoir de voir se réinstaller la dynastie Pahlavi, chassée par la révolution islamique en janvier 1979.
La République islamique est solide en ce sens que l’islam n’est pas remis en cause. Si, prenons cette hypothèse, le président Ahmadinejad était « renversé », les héritiers de l’ayatollah Khomeyni, ne quitteraient pas Téhéran à destination de villégiatures étrangères.
Les opposants au pouvoir ne remettent pas en cause le programme nucléaire en cours. Téhéran a tissé d’utiles alliances et rapprochements dans la région, et notamment avec la Turquie. L’Iran n’est pas un pays isolé, il n’est pas davantage collé au mur. En défendant son programme nucléaire, la mollacratie compte sur le patriotisme de la population mais aussi sur l’appui d’autres Etats soucieux de concevoir librement des orientations politiques. La République islamique de 2009 ne ressemble donc pas au régime du Shah de 1979 soutenu à bout de bras par Washington qui, à l’époque, disposait d’une influence régionale : ne se rappelle-t-on pas avec quelle facilité, l’Irak de Saddam Hussein déclencha une guerre horrible de huit années contre la jeune république iranienne avec les bénédictions sonnantes et trébuchantes américano-européennes ?
Aujourd’hui, des dirigeants européens, des cercles américains et israéliens balaient d’un revers de la main considérerant que tout défilé dans les rues iraniennes effondrerait les mollahs ! Pourquoi ? Les étudiants iraniens, généralement issus de la bourgeoisie aisée, formeraient-ils l’avant-garde de toute une nation ? Est-on si sûr que la jeunesse universitaire veuille abattre la République islamique ? Ne veut-elle pas plutôt secouer le carcan moral, dénoncer les hypocrisies du régime afin de le moderniser ? Ce sont des actions qu’on ne peut qu’applaudir et encourager.
En faisant fi d’un regard plus fin, nous courons le risque d’une désillusion et de recevoir quelques sévères coups de patte !


Jean Vinatier
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jeudi 24 décembre 2009

L’Appel des appels, un an après –N°600- 3e année

Seriatim relaie cet appel et vous invite à le lire ainsi qu’à vous rendre sur leur site : http://www.appeldesappels.org

"Le malaise en France est bien là, profond, palpable. Misère sociale, crise financière et économique, détresse morale, impasse politique. Le gouvernement navigue entre cynisme et opportunisme. La caporalisation des esprits accompagne la petite musique néolibérale, invitant tout un chacun à la servitude sociale librement consentie de tous. Lorsque le peuple résiste à consentir, on le réquisitionne, on l’opprime, on le licencie, on le « casse », bref le Pouvoir renoue avec les principes premiers de la tyrannie : populisme pour tous et décision d’un seul.

Au nom de « l’efficacité » mesurable érigée en loi suprême, les réformes visent à enserrer les populations dans des dispositifs de contrôle qui les accompagnent du berceau à la tombe. Psychologisation, médicalisation et pédagogisation de l’existence se conjuguent pour fabriquer une « ressource humaine » performante. La sévère discipline d’une concurrence de tous contre tous impose à chacun de faire la preuve à tout instant de sa conformité aux standards de l’employabilité, de la productivité et de la flexibilité. L’idéologie d’une civilisation du profit s’insinue jusque dans les subjectivités convoquées à se vivre comme un « homo economicus », un « capital humain » en constante accumulation. Cette normalisation, à la fois polymorphe et monotone, suppose que tous les métiers qui ont souci de l’humain soient subordonnés d’une manière ou d’une autre aux valeurs de rentabilité et fassent la preuve comptable de leur compatibilité avec le langage des marchés financiers et commerciaux. Convertis en entreprises de coaching psychiatrique, de recyclage psychique, de gestion de l’intime, une trame fine de services d’accompagnement individualisé, forcément bien intentionnés, proposent de nouvelles tutelles sociales et culturelles pour mieux mettre les hommes en consonance immédiate avec les exigences impitoyables des marchés qui nous disciplinent. Cette conversion du service public en contrôle social à la fois souple, constant et généralisé suppose que tous ceux qui concevaient encore leur métier comme une relation, un espace et un temps réservés à des valeurs et à des principes étrangers au pouvoir politique et à l’impératif de profit doivent être eux-mêmes convertis par toute la série de réformes qui s’abat sur la justice, l’hôpital, l’école, la culture, la recherche, le travail social. Contrôler les contrôleurs des populations, normaliser les normalisateurs des subjectivités, c’est la condition indispensable du bouclage des sociétés. Lorsque cela ne suffit pas, c’est à la santé que l’on recourt pour alarmer les populations sans leur donner véritablement les moyens de la préserver : à propos de la pandémie récente des professeurs de médecine parlaient du « management par la panique ».

Comme la quête illimitée de la performance ne cesse de produire ses anormaux, ses exclus, ses inutiles et ses inefficaces, elle engendre un appareil répressif proliférant, à la mesure de la peur sociale et des paniques subjectives qu’elle provoque. L’auto-alimentation de la peur et de la répression paraît sans limites. Elle produit l’espoir suprêmement dangereux pour les libertés d’une société parfaitement sécurisée, dans laquelle serait repérée et éliminée de la naissance jusqu’à la mort la dangerosité de tout individu. L’homme indéfiniment traçable par la surveillance génétique, neuronale et numérique n’est plus une figure de science-fiction, c’est un programme scientifique et politique en plein développement. La société de demain sera animale ou ne sera pas ! N’est-ce pas d’ailleurs ce que dit la « science » sur les résultats de laquelle tous les « tyrans » font cuire leur petite soupe pour justifier leur Pouvoir sans avoir à le soumettre au débat politique : c’est la Nature ou le Marché qui veut ça et on ne peut pas faire autrement que de s’y prendre comme l’on peut. Avec la Neuro-économie d’ailleurs on sait bien que la Nature et le Marché c’est du pareil au même et que le Cerveau fonctionne comme un actionnaire et réciproquement ! Il reste à apporter cette « Bonne Nouvelle » aux populations qui l’ignorent encore et les « corps intermédiaires » sont « réquisitionnés » entre deux pandémies et deux « spectacles » au cours desquels on a pu vendre à Coca-Cola un peu de temps disponible ! Entre les deux scènes le « risque » encore le « risque », vous dis-je, menace l’apathie sereine des populations managées par la peur et distraites par la télécratie.

Magistrats, enseignants, universitaires, médecins, journalistes, écrivains, travailleurs sociaux, acteurs culturels, tous doivent plier devant de nouveaux préfets qui, au nom des « risques » divers et variés, normalisent et évaluent leurs pratiques professionnelles selon des critères idéologiques de contrôle social des populations et de conformisation des individus : nouveaux préfets de santé, les directeurs des Agences Régionales de Santé contrôlent non seulement les établissements hospitaliers, les réseaux sanitaires, mais absorbent également tout le secteur social. Nouveaux inspecteurs d’université, les experts des Agences d’Évaluation (AERES et ANR) visitent les laboratoires et les équipes de recherche pour vérifier qu’en matière de production scientifique ils obéissent bien à la politique de marque des publications anglosaxonnes. Ces nouveaux préfets du savoir, descendants des inspecteurs d’université créés par Napoléon Premier et des services de marketing publicitaire des industries de l’édition et de l’information scientifique vérifient que les acteurs de la production des connaissances courbent suffisamment l’échine sous le poids de leur nouvelle civilisation. Prônant la guerre de tous contre tous, ils chantent les louanges d’une performance d’autant plus proclamée qu’elle s’avère réellement inefficace. Pour les magistrats et les éducateurs, on supprime les relais intermédiaires et les procédures qui pouvaient potentiellement assurer leur indépendance. C’est le contenu même des programmes d’éducation et de soin, de justice, de recherche et d’information que l’on modifie en définissant de nouvelles formes par lesquelles ils s’exercent ou se transmettent. Comme le pouvoir actuel n’est pas à une contradiction près, les réformes qu’il impose peuvent dans le même mouvement désavouer les débats qu’il propose : on diminue l’importance de l’histoire et de la géographie au moment même où s’ouvre un soi-disant débat sur l’identité nationale !

Pour faire oublier les inégalités sociales redoublées et délibérées, la peur de l’étranger est attisée et exploitée sans vergogne. La traque au clandestin favorise les passions xénophobes, installe insidieusement des dispositifs de vidéosurveillance des populations et de traçabilité des individus. A partir de la traque des « anormaux » et des « illégaux », par la manipulation de l’opinion par la peur, par les effets d’annonces, avec des dispositifs de contrôle, le Pouvoir prépare insidieusement et obscurément le quadrillage en réseau des populations dites « normales » et « nationales ». Cette infiltration progressive du « cancer » sécuritaire s’exerce au nom des risques que feraient courir les terroristes étrangers, les schizophrènes dangereux, les pédophiles en cavale, et ces sans domicile fixe que nous risquons tous, plus ou moins, de devenir dans la construction d’un État néolibéral qui fait de chacun d’entre nous un intérimaire de l’existence et un intermittent de la Cité. C’est cette civilisation dont nous ne voulons pas que démonte secteur professionnel par secteur professionnel le mouvement de l’Appel des appels. Civilisation de la haine qui invite à traiter les hommes comme des choses et à faire de chacun le manageur solitaire de sa servitude sociale et le contrôleur de gestion de sa faillite citoyenne.

De l’asphyxie à l’insurrection des consciences

Face à l’irresponsabilité des gouvernements, l’insurrection des consciences s’étend. Désobéissance individuelle, protestations, grèves, contestations multiformes : le refus d’obtempérer est la réponse de tous ceux qui ne se résignent pas au monde de la guerre économique et à cette civilisation d’usurier qui « financiarise » les valeurs sociales et psychologiques et « calibre » les individus comme la Commission Européenne calibre les tomates.

Dans le cours de ce vaste et divers mouvement de refus, il y a un an l’Appel des appels était lancé. Au mensonge de réformes qui, partout, font pire quand elles prétendent améliorer, des dizaines de milliers de professionnels de multiples secteurs, depuis le soin jusqu’à la justice en passant par la culture, le travail social, l’éducation et la recherche, ont dit non. Non, il n’est nulle part écrit que la concurrence de tous contre tous, que le management de la performance, que la tyrannie de l’évaluation quantifiée doivent détruire les uns après les autres nos métiers et l’éthique du travail qui lui donne son sens. Non, il n’est écrit nulle part que les ravages provoqués par un capitalisme sans limites doivent se poursuivre de crise en crise et que l’idéologie de la rentabilité doive modifier jusque de l’intérieur toutes les institutions, surtout celles qui constituent les derniers remparts à la dictature absolue du profit. Non, il n’est écrit nulle part que nous devions rester isolés et désolés face aux désastres en cours dans le monde du travail et dans le lien social.

L’Appel des appels, un an plus tard, est connu comme un des points de ralliement, de croisement et de coordination des résistances. Le travail continue. Il est double : transversalité et réflexion commune. D’abord, établir des liens concrets entre des activités qui subissent toutes la même normalisation professionnelle. Cela se fait dans les comités locaux, et par toutes les alliances locales et nationales tissées entre associations, syndicats et collectifs. Ce qui lie dans ce que nous vivons est plus fort que ce qui sépare nos activités spécialisées.

Ensuite, approfondir la réflexion commune. L’Appel des appels, c’est désormais un premier livre collectif[1] qui propose des analyses précises des réformes et des politiques en cours, et qui tente une compréhension globale de la situation. Pas de lutte efficace possible si l’on ne saisit la particularité du moment, tel est le sens de l’ouvrage conçu comme un outil de transversalité et un point de départ possible d’un travail collectif mené par celles et ceux qui s’inscrivent dans la démarche de l’Appel des appels.

Ici, ce ne sont pas des « intellectuels » qui s’adressent à des « travailleurs ». Ce sont des professionnels qui forment un collectif de pensée et d’action, un « nous raisonnable » qui traverse les frontières des métiers et des disciplines. Intellectuels transversaux, plutôt que spécifiques, professionnels voulant exercer en toute connaissance de cause, tels se veulent les acteurs de ce mouvement à beaucoup d’égards original. Enoncée du cœur de nos métiers notre parole est citoyenne et c’est aux citoyens sans exclusive qu’elle s’adresse pour qu’en retour elle soit non seulement entendue mais encore relancée et redéfinie pour construire cet espace d’un dialogue dans l’espace public d’où émerge la démocratie.

L’Appel des appels, sa force, il la tient de notre conviction partagée que la division subjective et la division sociale ne peuvent être liquidées quels que soient les efforts déployés par les pouvoirs. Réduire aujourd’hui l’homme à l’unité de compte d’une anonyme « ressource humaine », à une force enrôlée dans la mobilisation générale au service de la performance et de la compétitivité, asservie par des dispositifs de management des plus sophistiqués et souvent des plus persécutifs, ne peut qu’engendrer souffrance, révolte sourde, éclats demain qui diront l’insupportable de la négation de l’humain et du social. Nul pouvoir technique, scientifique, économique, quelles que soient ses prétentions à l’instrumentalisation totalitaire, ne saurait supprimer le sujet et le conflit, acquis anthropologiques de la démocratie. C’est la raison de l’Appel des appels. C’est pourquoi, partout où nous sommes, nous ne céderons pas, nous refuserons l’humiliation et le mépris sans le demander pour l’autre. Pari difficile pour chacun d’entre nous, dont seul le « Nous raisonnable » constitue l’assurance que nous pouvons encore et encore le gagner, pas contre mais avec l’autre, à condition et à condition seulement d’autoriser, d’accueillir et de prendre soin du conflit. Faute de quoi la reproduction de l’espèce finira par anéantir son humanité.

Pour le Bureau de l’Appel des appels

Roland Gori et Christian Laval, Le 22 Décembre 2009



[1] Roland Gori, Barbara Cassin, Christian Laval (sous la dir. de), 2009, L’Appel des appels Pour une insurrection des consciences. Paris : Mille et une nuits."

Jean Vinatier

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Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzegovine, Brésil, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guinée, Guinée, Haïti, Honduras, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Jamaïque, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Niger, Nigeria, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine , République Dominicaine, Russie, Rwanda, Sénégal, Serbie, Singapour, Slovénie, Somalie, Suisse, Thaïlande,Togo, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre–et-Miquelon), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Yémen

Aux Internautes

Pendant les fêtes de la fin d’année 2009, Seriatim ne publiera pas régulièrement.
Bon et joyeux Noël à toutes et tous,

Jean Vinatier
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mardi 22 décembre 2009

Népal : « un autre Afghanistan » ?- N°599- 3e année

La grève générale lancée sur l’initiative du parti communiste maoïste népalais conduit par l’ex-Premier ministre Prachanda (août 2008-mai 2009) paralyse le pays tout entier. Le 9 novembre dernier, les maoïstes ont proclamé l’autonomie de l’Etat du Kirat. Au même moment, l’ancien ministre des Finances, Baburam Bhattarai, a prévenu que son parti avait les moyens de bouleverser le Népal au point d’en faire « un second Afghanistan » !
Pendant ce temps, l’actuel Premier ministre et ancien secrétaire général du parti communiste marxiste-léniniste, Madhav Kiman Nepal, débute un voyage officiel en Chine. Depuis New Delhi, on suit avec la plus grande attention ce déplacement politique.
Après l’abolition de la monarchie au printemps 2008, le Népal est en proie à un désordre intérieur qui ne cesse pas de grandir. Le Président népalais, Ram Baram Yadav, le gouvernement et le parlement sont devant une crise intérieure qui leur échappe depuis que les maoïstes ont quitté avec fracas le pouvoir en mai 2009. Les disputes quotidiennes auxquelles assiste la population dans un climat économique tendu pourraient devenir explosives dans les prochains mois.
La situation présente est, en fait, l’aboutissement de toutes les tractations entreprises par les différents acteurs politiques népalais qui ont sollicité la Chine et l’Inde au moment des derniers mois du règne de Gyanendra. Les maoïstes ainsi que le parti du Congrès ont été soutenus par le gouvernement indien jusqu’alors soutien fidèle de la dynastie népalaise. Pourquoi ce revirement ? Le roi Gyanendra, pour mieux lutter contre la guérilla maoïste avait signé avec la Chine un contrat d’armement. Cet accord marquait la défiance habituelle chinoise pour tous les mouvements qui se réclament de l’idéologie du Président Mao Tse-Toung.
La République proclamée, cependant, Pékin a regardé de plus en plus favorablement la place prise par le parti maoïste dans sa nouvelle politique de voisinage avec les Etats himalayens (Népal, Bhoutan) jusqu’à présent placés sous l’influence directe de l’Inde.
Pourquoi ? La Chine observe bien les connections entre le parti maoïste et les naxalites (communistes indiens différents des communistes marxistes-léninistes indiens comme au Népal) et de ces derniers avec les Tamouls, présents dans le Sud-Est de l’Inde et
au Sri-Lanka jusqu’à leur écrasement par l’actuel Président, Mahinda Rajapakse. C’est donc toute une ligne « contestatrice » qui traverse une large partie de l’Est Indien et, surtout, le fameux Corridor rouge connu sous le nom de Ruhr en raison de l’implantation actuelle et à venir de complexes industriels et technologiques de première importance pour New Delhi.
De son côté, l’Inde essaie de revenir dans le jeu népalais sans le moindre succès. En toute logique l’actuel gouvernement de Katmandou, parce qu’opposé aux maoïstes de Prachanda, devrait accueillir les médiations indiennes mais, les ministres népalais s’atermoient : d’un côté, ils approuvent la construction d’un nouvel aéroport par les Indiens, de l’autre, ils se réjouissent des projets chinois de constructions routières qui désenclaveraient le pays le rendant moins dépendant des produits indiens et de la mise en valeur de leur eau. New Delhi n’a, en réalité, qu’un seul allié dans le pays, l’armée et son commandant en chef, Rookmangud Katawol, bête noire de Prachanda et..dit-on de Pékin !
A une situation intérieure délicate et face aux enjeux géostratégiques de l’Inde et de la Chine, s’ajoutent pour compliquer le tout, la question des réfugiés népalais au
Bhoutan. Ces derniers chassés par le pouvoir royal errent entre ce pays et le Népal dans l’ancien royaume du Sikkim, annexé par New Delhi en 1975 et dont la frontière borde la région autonome du Tibet ! Ces réfugiés népalais sont encadrés par des communistes opposés au roi du Bhoutan sous l’œil bienveillant chinois.
Que penser du propos du maoïste Baburam Bhattarai de faire du Népal «
un second Afghanistan » ? Les maoïstes pourraient-ils être les nouveaux « talibans » himalayens ? En fait, les rivalités intestines népalaises attisent les concurrences sino-indiennes qui courrent ainsi depuis le Cachemire jusqu’au Bhoutan sur fond de rivalités frontalières héritées de traités rédigés par les Anglais au XIXe siècle. La Chine a, pour l’heure, les cartes maîtresses en main et attend visiblement une réponse indienne : un sacré défi !
Le Népal est-il encore maître de son avenir ?



Jean Vinatier

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In Seriatim :

Voir in Seriatim Népal: N° 54 (16/10/2007), 119 (17/01/2008, 183 (15/04/2008)
Voir in Seriatim Inde : N° 31 (13/09/2007), 48 (8/10/2007), 98 (17/12/2007), 347 (1/12/2008) et plus particulièrement
N°546 (9/10/2009) « Sécuriser sa Ruhr dans le corridor rouge »
Voir in Seriatim Bhoutan : N° 119 (17/01/2008), 327 (6/11/2008)
Voir in Seriatim Sri Lanka : N°457 (4/05/2009)

Sources :

Dhruba Adhikary : “A red-carpet welcome for Nepal”
http://www.atimes.com/atimes/South_Asia/KL22Df01.html

Dhruba Adhikary : “Political impasse takes Nepal to brink”
http://www.atimes.com/atimes/South_Asia/KK18Df03.html

Peter Lee : « Sino-Indian rivalry fuels Nepal's turmoil »
http://www.atimes.com/atimes/South_Asia/KK14Df01.html

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lundi 21 décembre 2009

Louis XIII à Richelieu : « je vous protégerai contre qui que ce soit» -N°598- 3e année

Juin 1626, Louis XIII écrit au cardinal de Richelieu pour l’assurer de son soutien et lui rappeler par la même occasion que toute son ambition réside entre ses mains. Cette lettre exprime très bien le cadre dans lequel l’entente entre les deux hommes se posera jusqu’à la mort du cardinal en 1642.
Avant le siège de la Rochelle (1627) et la Journée des dupes (1630) Richelieu n’est pas encore le tout puissant ministre et Louis XIII garde une certaine prudence après avoir éprouvé successivement, outre sa mére Marie de Médicis, le maréchal d’Ancre (Concini), le duc de Luynes et affronte une première conspiration de la haute noblesse celle du comte de Chalais en 1625.
Les lignes ci-dessous contredisent, enfin, toute la légende bâtie au XIXe siècle tant par les historiens que par les écrivains (Dumas) d’un roi absent, amorphe et d’un cardinal se haussant au-dessus du souverain. En fait les deux hommes se mirent au service de l’Etat, une idée neuve à l’époque.

« Mon cousin,

j’ai vu toutes les raisons qui vous font désirer votre repos, que je désire avec votre santé plus que vous, pourvu que vous le trouviez dans le soin et la conduite principale de mes affaires. Tout, grâce à Dieu, a bien succédé depuis que vous y êtes. J’ai confiance en vous et il est vrai que je n’ai jamais trouvé personne qui me servît à mon gré comme vous. C’est ce qui me fait désirer et prier de ne point vous retirer, car mes affaires iraient mal. Je veux bien vous soulager en tout ce qui se pourra et déchargez de toutes visites, et je vous permets d’aller prendre du relâche de fois à autre, vous aimant autant absent que présent. Je sais bien que vous ne laissez pas de songer à mes affaires. Je vous prie de n’appréhender point les calomnies, l’on ne s’en saurait garantir à ma cour. Je connais bien les esprits, et vous ai toujours averti de ceux qui vous portaient envie, et je ne connaîtrai jamais qu’aucun ait quelque pensée contre vous que je ne vous le dise. Je vois bien que vous méprisez tout pour mon service. Monsieur et beaucoup de grands vous en veulent à mon occasion ; mais assurez-vous que je vous protégerai contre qui que ce soit et que je ne vous abandonnerai jamais. La reine ma mère vous en promet autant. Il y a longtemps que je vous ai dit qu’il fallait fortifier mon conseil ; c’est vous qui avez toujours reculé de peur des changements, mais il n’est plus temps de s’amuser à tout ce qu’on en dira ; c’est assez que c’est moi qui le veux. Au reste, si ceux que j’y mettrai n’ont habitude avec vous, ils ne suivront pas vos avis, principalement vous étant quelquefois absent, à cause de vos indispositions. Ne vous amusez point à tout ce qu’on dira ; je dissiperai toutes les calomnies que l’on saurait dire contre vous, faisant connaître que c’est moi qui veut que ceux qui sont dans mon conseil aient habitude avec vous. Assurez-vous que je ne changerai jamais et que, quiconque vous attaquera, vous m’aurez pour second. »

Jean Vinatier

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Source :
Pierre Grillon, Les papiers de Richelieu, Paris, E.Pedone, 1975, Vol. 1, pp.353-354

Note:

Lectures conseillées: Françoise Hildesheimer (Richelieu, Paris, Flammarion, 2004) et Jean-Christian Petitfils, Louis XIII, Paris, Perrin, 2008)


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samedi 19 décembre 2009

Copenhague : la fin du « monde de l’Ouest » - N°597- 3e année

La confusion qui a régné lors de la fin du sommet réuni à Copenhague est un fait incontesté. Cette réunion mondiale se termine donc par un échec et le simili brouillon rédigé, vendredi soir, à la hâte et cosigné par Barack Obama et Nicolas Sarkozy ne modifiera pas la donne. Au contraire, cette ultime tentative, certainement initiée par le Président français a réussi à choquer la quasi-totalité des délégations présentes ! Pourtant, la France avait essayé par deux fois de co-conduire deux groupes, le premier celui des pays amazoniens, le second celui des pays africains. Mais face à la Chine, l’Inde, l’Indonésie qui seront quasiment les seules puissances au monde à afficher, en 2009, une croissance insolente (avec in extremis le Brésil) ni la France, ni l’Union européenne qui vient de faire la démonstration de son inefficacité en raison des disputes d’ego, ne font le poids devant de telles locomotives. Aucune ne voulait se faire dicter quoi que ce soit par le « monde de l’Ouest »
Le Président américain a ignoré complètement l’Europe au profit des acteurs précités. Etait-ce une surprise ?Avait-il le choix ? Non. Barack Obama sauve la face en dernière minute ce samedi, en co-écrivant un texte avec le Président chinois mais à quel prix !
Et le climat ? Mais le climat avec tout ce qui l’entoure, n’est-il pas une bataille politique menée, notamment, par les acteurs officiels et officieux de l’économie, de la finance en face, les ONG pèsent beaucoup moins ?
Que conclure au terme de ces dix jours ?
Premièrement, le sommet de Copenhague est sans doute le dernier sur ce thème à se dérouler sur le sol européen, en toute logique le prochain se situera plus à l’Est ou au Sud.
Deuxièmement, ce sont désormais les pays émergents qui proposeront aux pays du Sud depuis l’Océan Indien jusqu’au Pacifique d’innovantes ambitions : le climat c’est eux ! L’Afrique dont il a été question, quoi qu’elle subisse, entre de plein pied dans ce nouveau monde et nul doute qu’en avril 2010, elle commérera à sa manière le cinquantenaire de la fin des empires européens sur son sol.
Les luttes vues à Copenhague sont le prélude à d’autres turbulences et à une accélération de l’Histoire.

Jean Vinatier

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jeudi 17 décembre 2009

Copenhague : assemblée caquetante, cénacles bannis -N596- 3e année

Pour être sûr de ne pas être déçu par une réunion mondiale, n’est-il pas de n’en rien attendre ? Sans vouloir jouer les Cassandre, les débats commencés depuis presque dix jours mettent plus en avant les points de concurrence et de divergence entre les Etats regroupés de façons diverses. Un jour nous avons la France et les pays africains du bassin du Congo (Cameroun, République centrafricaine, Gabon, République du Congo, République démocratique du Congo, Guinée équatoriale, Tchad) qui semblent s’unir, un autre ce sont des pays émergents qui font front commun, une autre fois, nous assistons à l’opposition puis à une entente Chine/Etats-Unis. Au fil des jours, les prises de position mettent en évidence le véritable désordre du monde. Les ONG, elles-mêmes, ne présentent pas une ligne commune tandis que des centaines de hauts fonctionnaires planchent chaque jour et vont d’une réunion à une autre puis de débriefing en débriefing. Et cerise sur le gâteau, Nicolas Sarkozy interpelle Barack Obama rêvant que ce dernier s’avance dans l’arène pour un affrontement très people.
Le sommet de Copenhague est un sommet qui n’innove absolument pas : on est très étonné qu’à l’ère d’Internet et de tous les outils qui l’accompagnent, les gouvernements maintiennent toute la lourdeur d’organisation qui se justifiait, autrefois, faute de moyens de communication adaptés. Puisque l’économie de CO2 est l’objectif affiché, pourquoi ne pas avoir mis sur pied une réunion internationale sur le Net ? Bien sûr, au moment de la signature tous les chefs d’Etat et de gouvernement se retrouveraient. Ne ferait-on pas une sérieuse économie de CO2 ? Les hommes ne verraient-ils pas que les Etats, pour une fois, seraient logiques avec les objets qu’ils évoquent ? Il y aurait adéquation !
Le sommet sur le climat ne doit-il pas nous préparer à la mise en place d’un nouvel ordre économique, politique, social et mode de vie mondial qui aurait très peu à faire avec les messages diffusés en continu sur le danger du réchauffement climatique ? Pour le grand public, la tâche n’est pas aisée de définir qui veut quoi. En effet les ONG et les Verts, par exemple, sont-ils véritablement sur une ligne identique ? Pour l’heure, nous regardons une assemblée technicienne caquetante, de temps en temps perturbée par des manifestations accompagnées d’arrestations qui laissent songeurs par leur brutalité.
Au fond, ce qui manque à tout ce tintamarre, c’est une philosophie commune au monde, la seule à même de permettre d’œuvrer à une fraternité humaine. C’est une utopie, me dira-t-on ? Oui, c’en est une. Nous déplorons qu’elle n’existe pas et surtout que les Etats n’en veulent absolument pas. Comment pourra-t-on faire des avancées, amplifier les prises de conscience sans évoquer une philosophie commune planétaire ?
Copenhague est un sommet laïc sans représentants des religions et des philosophies (p.e : le bouddhisme) Pas davantage les intellectuels ne sont présents. Il est quand même assez incroyable de voir l’intellect banni des enceintes de cette réunion mondiale sur un tel sujet ! En négligeant ce point, en écartant, au profit des seuls avis scientifiques, les intellectuels et les représentants des religions, les hommes se privent certainement d’une espérance et d’une volonté historique.
Parler du climat c’est dire notre environnement et donc la société que nous bâtirons demain. Prétendre l’accomplir en s’appuyant exclusivement sur des hauts fonctionnaires ou techniciens, des lobbies de toutes les industries, ne serait-ce pas laisser les orgueils des Etats en roue libre alors que beaucoup d’entre eux sont sous l’influence et même le diktat d’oligarchies financières ?
Le sommet de Copenhague risque, ainsi, d’apparaître, comme une faillite morale en tout point dommageable aux hommes.


Jean Vinatier

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