La semaine dernière la Chine a envoyé deux messages en
direction des États-Unis. D’abord par la voix du ministère des Affaires Étrangères rendant responsable de la guerre en Ukraine la présidence Biden, d’autre
part par l’envoi du fameux ballon, forcément destiné à être détruit qui indique
que nul ciel aérien n’est sécurisé en totalité. Dans toute action chinoise, il a
y une correspondance taïwanaise.
Si nous ne sommes pas dans une « troisième guerre
mondiale » comme le dit Emmanuel Todd, aucune déclaration de guerre n’étant
intervenue, cependant, nous nous enfonçons dans la conflictualité mondiale. Il
en va de la guerre en Ukraine comme de l’état des « marchés » où
jusqu’à présent tout le monde est d’accord pour que rien ne se fracasse, aucune
puissance ne voulant pas assumer les dommages collatéraux et peut-être ne sachant
pas mesurer précisément les ondes de choc.
A la vérité chacune recule la ligne rouge, chacune fait
preuve d’une résilience mais jusqu’à quand ? L’Union européenne vient de
décider un dixième paquet de sanctions, les neufs précédents ayant eu peu de
succès, un peu comme si l’on versait dans un tonneau des Danaïdes de l’Ukraine,
elle-même, secouée par deux vagues anti-corruption qui chacune se rapproche de son
dirigeant et de son entourage. Les Ukrainiens attendent les chars à la façon du
film Le désert des Tartares car l’on sait bien que l’acheminement des engins
blindés, Léopard, Leclerc, Abraham, suppose des formations, des logistiques et
des approvisionnements spécifiques. Nous sommes donc dans une phase de
communication avec en toile de fond, « l’offensive du printemps » où
aurait lieu une grande bataille de chars, Berlin rêvant, qui sait, de venger
Koursk ? Le congrès américain vient à peine de débuter sa législature, le
Pentagone affiche son scepticisme sur la fuite en avant armée. Les événements
intérieurs américains seront à surveiller de près.
Dans un monde globalisé et interdépendant, se développent des
alternatives qui souhaiteraient être à la fois protectionnistes et « mondialisantes ».
Ainsi avec, les BRICS qui forment une ligne intercontinental (Asie, Afrique, Amérique
du Sud) avec à la clés une monnaie et un espace mercantile parallèlement au dollar,
de son côté l’Organisation de Shanghai voudrait être structure harmonieuse asiatique
où la Chine jouerait un rôle stabilisant. On remarquera que l’Asie ne songe pas
encore à définir une alliance militaire commune, seuls les États-Unis veulent
étendre leur Otan.
Hier, je regardais le sommet de l’APEC, tenu récemment en Thaïlande.
L’Asie n’est vraiment pas l’aire Atlantique et quand arrivent un canadien, un
australien ou un américain, on se dit « cherchez l’intrus ? » n’empêchant
pas un Emmanuel Macron de dire à l’Asie indopacifique qu’il n’y aura qu’un ordre
mondial, pas deux !
La fin de l’histoire si chère à Fukuyama a sa vérité pour l’aire
Atlantique, l’Europe se glissant dans le lit nord-américain, son Union ne voulant
pas de souveraineté et s’installe dans
un avenir tibétain quand l’Asie semble, au contraire, se met sur orbite, à sa
manière et avec des codes et des histoires qui sont les leurs…. Quand j’entends
dire qu’en Ukraine nous nous battons pour nos valeurs dans le cadre d’une obéissance
absolue aux États-Unis prédestinés à être le monde, en réalité
nous reprenons nos certitudes coloniales puisqu’alors, nous allions y répandre
nos valeurs. Dans ce conflit en Ukraine, il y a comme un parfum d’ancien régime
du côté Atlantique, une sorte de charge de cavalerie face « aux armements
nouveaux ».
L’Ukraine prenant pratiquement le chemin de la Pologne du
XVIIIe siècle, se voit dans un conflit local, avec un défi régional européen
mais sous tempo américain qui chercherait la bonne partition pour avaler la
Chine puis l’Inde. La Russie étant eurasiatique, elle combat localement pour ne
pas perdre sa puissance régionale en ayant clairement conscience du vrai champ
de bataille : qui l’emportera demain de l’Asie ou des USA, quel modèle économique
s’imposera, celui d’Asie, celui de l’aire Atlantique…etc…etc.
Parfois on regrette que nous vivions dans un monde clos sans
perspective, aujourd’hui, d’aller vers de nouvelles terres/planètes « galaxiales »
qui dégonfleraient les conflictualités. Pour l’heure, la Chine et les États-Unis se mettent face à face…. Atlantique contre Pacifique, raz-de-marée
contre tsunami ?
Jean
Vinatier
Seriatim
2023