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mercredi 31 mars 2021

Audrey Pulvar : Delga des eaux à gauche! N°5635 15e année

Audrey Pulvar, l’égérie d’Anne Hidalgo pour les régionales de juin en Ile de France, s’illustre encore par ses commentaires et affirmations qui enclenchent des tempêtes au sein de la gauche. Cette gauche qui soit accuse l’un des siens de faire le lit de l’extrême-droite (Jean-Luc Mélenchon contre la socialiste Carole Delga) soit de trop écouter une extrême-gauche. Olivier Faure le secrétaire général du PS dit que son parti tient bon face aux disputes. En réalité, l’extrême-gauche, en tant que telle (Lutte Ouvrière, NPA) n’apparait que peu électoralement autour des débats racialisés et autres thématiques LGBT, c’est plutôt la gauche elle-même : PS, les Verts et La France insoumise qui s’houspillent. Il y a bien là un aveuglement volontaire de cette gauche à ne pas vouloir se regarder dans la glace. La gauche se divise elle-même politiquement et dans le corps enseignant, son vivier de poids

Effectivement, au-delà des embrouillaminis covidiens gouvernementaux, la vie universitaire ne s’exempte pas de virus et de variants contre lesquels aucun laboratoire n’ose une pharmacopée : islamophobie, manifestes transgenres, débats racialisés, indigénistes, dénonciations d’enseignants supposés n’être pas dans la doxa de tel ou tel syndicat étudiant, réunions interdites aux blancs…et ainsi de suite.

L’UNEF dévoile tout un attirail pour combattre celles et ceux qui, par la seule pensée, contreviendraient à l’orthodoxie du moment. Plus drôlement, la présidente de l’UNEF se plaint d’être attaquée : « l’arroseur arrosé » se plaignant de l’eau ! Même Jean-François Cambadélis qui fut un des protagonistes de ce syndicat au milieu de disputes internes lamberto-trotskystes, remarque avec amertume sa décadence actant que cette UNEF ne sait plus ce qu’est la laïcité !

Audrey Pulvar, sans revenir sur ses propos, charge une extrême-droite qui en tant que telle est microscopique. C’est plus un mécontentement épars qui abonde dans les rangs du RN que des apologistes des ligues de l’entre-deux guerres ou de l’époque de l’OAS. D’ailleurs Marine Le Pen ne vient-elle pas de condamner l’intrusion de militants de l’Action française dans l’hôtel de région d’Occitanie : « ce sont des idiots » !

En réalité, quand on observe bien la France, les extrêmes politiquement (extrême-gauche, extrême-droite) se situent dans des périphéries quand bien d’autres thématiques occupent désormais le champ sociétal autres que celles dont se plaisent à croire en leur survivance Audrey Pulvar et Jean-Luc Mélenchon.

Ce qui séparait jusqu’à présent la droite de la gauche se résumait ainsi : à la gauche les causes et les opprimés, à la droite les principes. Désormais, si la droite est nue comme un ver, la gauche s’ébroue dans le lit d’une rivière apparemment abondante et poissonneuse sans avoir la maîtrise du courant, d’un courant qui prend de la puissance sans barrage à l’horizon !

La situation politique française est à la fois populiste et divisée, découpant en mille feuilles tous les partis classiques. Un état qui satisfait totalement un Emmanuel Macron qui peut espérer être « En marche » pour 2022 , sauf événement soudain et en dépit d’une gestion sinistre de la pandémie dont le corollaire est la « policiarisation » de notre pays tout en continuant à appliquer les consignes bruxelloises : réduction des lits dans les hôpitaux et de leurs moyens matériels…

Les travers où sont les antiques puissances politiques françaises précipiteront-ils un rabattage des cartes ? D’autres extrêmes sont en gestation dont certains émergeront de débats qui agitent « la gauche ». La poudre est là !

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

mardi 30 mars 2021

L’Iran et la Turquie à fleurets mouchetés par Jean-Michel Morel N°5634 15e année

« Leurs ambitions régionales s’affirmant de plus en plus, les relations semblent se dé-tériorer entre les deux anciens empires qui rêvent de retrouver leur grandeur perdue. La Turquie est manifestement à l’origine de ce climat de tension avec l’Iran. »

 « Zéro problème avec les voisins » : la fameuse stratégie issue de la réflexion d’Ahmet Da-vutoğlu lorsqu’il était ministre des affaires étrangères de Turquie s’est peu à peu transformée en « zéros voisins sans problème ». L’Iran s’ajoute à la liste des pays qui regardent la poli-tique étrangère de la Turquie avec suspicion et inquiétude. 

Jusqu’alors les relations entre les deux pays — dont les échanges énergétiques constituent l’aspect principal des relations commerciales — étaient parvenues à maintenir un état de non-belligérance et même de non-agressivité en dépit de leur positionnement antinomique dans le conflit syrien où la Turquie s’oppose au régime de Damas alors que l’Iran le soutient.

Regain de tension dans le Sinjar 

Mais, ces dernières années, les choses se sont envenimées dans la région irakienne du Sinjar puis lors de la crise du Haut-Karabakh. La ville éponyme de Sinjar, au nord-ouest de Mossoul, est un lieu sacré pour les yézidis, une minorité confessionnelle kurde dont la religion plonge ses racines dans les mythologies perses. En 2014, estimant qu’ils étaient des kouffar (mécréants), les djihadistes de l’organisation de l’État islamique (OEI) ont massacré des mil-liers d’hommes yézidis et ont réduit en esclavage les femmes et les enfants. Les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), après avoir libéré la région de la présence dji-hadiste, ont aidé à la constitution de milices yézidis autonomes. Ensuite, le PKK est resté dans le Sinjar comme il l’est sur le mont Qandil, dans le nord-est du Kurdistan irakien. 

En janvier, dans le cadre des bonnes relations que la Turquie s’efforce d’entretenir avec l’Irak et le gouvernement régional du Kurdistan (KRG), le ministre turc de la défense Hulusi Akar s’est rendu dans les deux capitales, Bagdad et Erbil. À l’issue de cette visite, le président Re-cep Tayyip Erdoğan a lancé en guise d’avertissement à propos du Sinjar : « Nous pourrions débarquer soudainement une nuit ». Cette hypothèse est d’autant plus crédible que le 10 février 2021, l’armée turque s’est fourvoyée dans la région de Gara (toujours dans le nord de l’Irak) dans une tentative qui a mal tourné de libération de prisonniers du PKK, de militaires et de membres des services secrets turcs. Un fiasco qui s’est conclu par la mort des 13 prisonniers. 

En réponse à cette menace latente d’intervention de la Turquie, Achab Al-Qahf, une milice chiite soutenue par l’Iran, a exigé que « la Turquie cesse ses actes hostiles ; nous nous at-tendions à ce que la Turquie achève son retrait du territoire irakien, pas qu’elle augmente son intrusion ». En cas d’attaques, la milice a menacé la Turquie de représailles en diffusant une vidéo dans laquelle figurent des missiles Arash de fabrication iranienne. 

Pour les Iraniens, la région du Sinjar est stratégique au regard d’un vaste projet de construc-tion d’une autoroute ralliant Téhéran à la Méditerranée, dont le tracé passe par la province de Diyâlâ à 60 kilomètres au nord de Bagdad avant de remonter vers le Sinjar et atteindre la Sy-rie. Une fois la frontière franchie, l’autoroute continuerait jusqu’à Qamishlo puis Kobané, pas-serait par le nord d’Alep et se terminerait au port de Lattaquié. 

Les Turcs, eux, perçoivent le Sinjar comme un point de jonction dans le nord de l’Irak entre Qandil, base arrière du PKK, et le Rojava syrien tenu par les Forces démocratiques sy-riennes (FDS) dont le Parti de l’union démocratique kurde (PYD) est la force déterminante. La province de Ninive est aussi un territoire où les Hachd al-Chaabi (Unités de mobilisation populaire, UMP), milices chiites, sont fortement présentes. Intervenir avec l’aviation, les drones et, comme à Gara, des troupes au sol permettrait à Ankara de faire d’une pierre deux coups. 

Le dossier empoisonné du Haut-Karabakh »

 La suite ci-dessous : 

https://orientxxi.info/magazine/l-iran-et-la-turquie-s-affrontent-a-fleurets-mouchetes,4598

 

A voir : 

Erdogan restaurera-t-il le califat en 2024 ? Entretien avec Jean-François Colosimo 

Jean Vinatier 

Seriatim 2021

 

lundi 29 mars 2021

Grèce : renaissance dans un contexte européen N°5633 15e année

Pétros Mavromichàlis (1765-1848) lance l’insurrection grecque en mars 1821 par ce Cri :

« Jamais cause ne fut plus juste ni plus sacrée que la nôtre ; nous combattons pour notre sainte religion, pour notre vie, pour notre honneur, pour nos propriétés, que nos farouches oppresseurs ne respectèrent jamais. Cette terre défendue par des héros illustres, par le génie et les vertus de nos ancêtres, et si longtemps, hélas ! arrosée de nos larmes ; cette terre nous appartient, elle est notre héritage. Toute l'Europe lui est redevable de ses arts, de ses lumières et de tous les bienfaits de la civilisation. Voici le moment pour vous, nations et gouvernements éclairés, d'acquitter votre dette envers la Grèce, notre patrie. Nous ne vous demandons que des conseils, des armes et des secours pécuniaires, que nous vous rendrons avec reconnaissance : la gloire de nos bienfaiteurs durera autant que celle de la Grèce. ».

Mavromichàlis évoque déjà la dette (en 1821, historique) grecque…qui ne quittera plus ce pays jusqu’à nos jours….

Au-delà de ce clin d’œil, les souffles des révolutions, américaine et française retrouvent de la force dès l’encre du congrès de Vienne séchée contraignant la Sainte-Alliance d’aller de congrès et congrès pour aplanir des tensions, italienne, espagnole. Pendant ce temps, la partie européenne de l’empire ottoman fait face aux premières révoltes balkaniques (Monténégro, Serbie), dans la future Roumanie (1856) où la Russie ne cesse depuis le XVIIIe siècle de pousser ses pions. Quant à la Russie, lors d’une succession au trône, elle verra l’écrasement d’une micro-révolution libérale en 1825 celle des Décembristes.

Plus largement encore toute l’Amérique espagnole entre en conflit avec Madrid quand le Portugal accepte l’émancipation brésilienne via l’empire.

 Ainsi la colère grecque ne surgit-elle pas dans un univers apaisé mais bel et bien sous tension. Car le XIXe siècle, on l’ignore souvent, sera le siècle des reconquêtes espérées, notamment en France : reconquête politique (pour les royalistes, les républicains, les bonapartistes), reconquête religieuse (pour les catholiques, les protestants, les juifs, les athées), reconquête sociale pour les ouvriers, les grands sacrifiés de la Révolution de 1789, à travers des idées socialistes et utopiques que les républicains repousseront jusqu’à la répression de la Commune en mai 1871.

Ainsi se dessine principalement, une Europe qui essaie de digérer la lave révolutionnaire et l’épopée bottée napoléonienne. Un paradoxe car de 1807 à 1813, ce furent les peuples qui combattirent les armées françaises occupantes au point que Leipzig, devint en 1813, la bataille des Nations. Le romantisme et ses larmes entrent sur la scène et redécouvrent la Grèce comme leurs prédécesseurs avaient revisité Rome depuis la Renaissance jusqu’à la Révolution de 1789.

Après Waterloo, on ne rêve plus d’empire ou d’ordre mondial, mais plutôt des causes plus politiquement ciblées, la démocratie, la nation libérée, les philosophies grecques que l’on veut relire sans passer par le latin. Cette appétence hellénique, littéraire, poétique n’aurait pu être si forte sans la question d’Orient qui nait bizarrement de l’échec de l’archiduc Charles de Habsbourg au trône d’Espagne contre Philippe V. De retour à Vienne, le désormais Charles VI et père futur de Marie-Thérèse, se tourne très rapidement vers les Balkans où de 1716 à 1739, victoires et défaites alterneront. Mais les Habsbourg tournent l’Europe vers le futur « homme malade » au moment où la Russie de Pierre le Grand et de ses successeurs guignent Istanbul : Catherine II ne baptisera-telle pas ses petits-fils, Alexandre et Constantin ? Donc Londres, Versailles, Vienne, Saint-Pétersbourg se meuvent vers cet empire assoupi qui sait, toutefois se battre avec vigueur.

Longtemps et aujourd’hui encore, on oppose les principes du congrès de Vienne aux émancipations des peuples, principalement parce que les diplomates de 1814/15 voulurent rassurer la légitimité dynastique. Je crois surtout que les hommes d’alors tinrent à rappeler l’équilibre entre les puissances et éviter de nouveaux empires que la Révolution française a fait ressurgir. Les prudences des gouvernements européens vis-à-vis de la Grèce en guerre d’indépendance était d’éviter qu’une puissance ne dépasse les autres d’où cette lenteur à s’entendre pour aider les Grecs et d’empêcher un découpage ottoman qui aurait, sinon, enclenché une guerre entre européens. La correspondance de lord Palmerston éclaire bien cette crainte du déséquilibre…et de la peur russe. A cet égard l’Europe post-1815 face aux crises multiples, a été plus intelligente que celle de l’été 1914.

Ce conservatisme européen n’est pas aussi hostile aux idées car il faut bien voir ce que la Révolution de 1789 a interrompu en Europe et en Allemagne en particulier : l’arrêt brutal et général des souverains libéraux, grands lecteurs des philosophes français. Toute la période de 1815 à 1848 qu’on appelle de Berlin à Vienne, l’avant-mars (en référence au mois qui chassa Metternich) est une ébullition nouvelle au sein de laquelle on retrouve autant des socialistes allemands que des princes. De Francfort (1849) à Versailles (1871), les divisions s’aplaniront jusqu’à ce que Bismarck, en se jouant habilement de la France, ne réussisse l’empire allemand. Donc le conservatisme a, sa manière, accompagné l’émancipation.

In fine, la cause grecque a-t-elle- été aussi puissante que celle des treize colonies du Canada méridional (USA) de 1776 ? Si celle des futurs américains s’est appuyée sur un mélange de raisons protestantes et de l’historique de la vie politique anglaise via surtout l’Habeas corpus et le Bill of Rights (1679-1688/89), celle des Grecques est, semble-t-il, plus profonde encore par son antiquité sans laquelle, déjà, l’empire romain n’aurait jamais pu aller si haut et si longtemps. Pourquoi la Grèce tarda-t-elle à revenir dans nos univers mentaux…sans doute parce que l’empire romain d’Orient ne rendit l’âme qu’en mai 1454. Ce milieu du XVe siècle où l’Italie déjà renaissante artistiquement via Byzance, s’apprêtait par des guerres sur son sol, à faire entrer l’Europe dans l’ère de la Renaissance. C’est donc l’Italie qui occupera les attentions européennes sur tous les plans et notamment celui de l’équilibre européen jusqu’en 1748 (la guerre de succession de Pologne se déroulera principalement…en Italie). Les hommes de 1789 ne verront que Rome et ses glaives, de même que Napoléon. 1815 : plus de Rome, place à une Athènes épurée de son histoire mouvementée et orgueilleuse pour n’y retrouver que les idées philosophiques, celles autour de la démocratie et de la cité libre. L’hellénisme triomphera au XIXe siècle bien plus que la Grèce elle-même endettée et engagée dès les années 1820 dans l’Enosis (la grande idée : réunir tous les Grecs partout où ils furent) qui la conduira à la catastrophe de 1922/23 : anéantissement de Smyrne, génocide des Grecs du Pontios.

En fin de compte, aujourd’hui la Grèce et l’Europe (Union européenne) ne se retrouvent -elles pas sur la même galère existentielle après les apocalypses nationalistes des deux guerres mondiales : quelle est notre « Enosis » quand de l’autre côté, bien au-delà des colonnes d’Hercule, à Washington une certaine romanité se poursuit ? Et peut-être que dans cette lutte qui se prépare entre les États-Unis et la Chine, certains y verront une résurgence des cités grecques contre un Darius sinisé ?

 

A lire pour avoir une idée plus féconde de la période post-1815 et notamment en Allemagne:

Raphaël Cahen, Friedrich Gentz 1764-1832. Penseur post-Lumières et acteur du nouvel ordre européen, De Gruyter/Oldenbourg, 2017.

« Friedrich Gentz était un fonctionnaire prussien né en Silésie, un publiciste, un expert des finances publiques et de l'économie politique, un diplomate autrichien et un homme d'État. Après le congrès de Vienne en 1814-1815, il devient le "secrétaire de l'Europe" tout en restant un intellectuel indépendant, et un orientaliste à la tête de la politique ottomane de l'empire autrichien. Il fut aussi l'un des penseurs et acteurs de premier plan dans les réseaux antirévolutionnaires et antinapoléoniens et un européen convaincu. Après une partie biographique dans laquelle les correspondances et les sources inédites sont mises en valeur, la première partie de cette thèse porte sur l'étude de sa formation intellectuelle et sur la mise en perspective de sa pensée politique post-Lumières dans les réseaux d'opposition modérés à la Révolution Française. L'accent étant aussi porté sur les réseaux de diffusion de sa pensée politique. La deuxième partie est tournée sur l'analyse de sa pensée et de son action en faveur de l'ordre et de la stabilité pour la « République européenne ». Son rôle dans la théorisation et la création du Concert européen en tant qu'institution de maintien de la paix et de la sécurité en Europe est mis en exergue ainsi que la période plus conservatrice de sa pensée politique à travers les Décrets de Carlsbad et son interprétation restrictive de l'article 13 de la Confédération germanique. Enfin, sa position favorable aux mouvements révolutionnaires des années 1830 et le coeur de sa pensée politique, à savoir l'idée de réconciliation des extrêmes et de réformes progressives des régimes politiques et des constitutions, sont analysés à la fin de la thèse. »

Sources : https://www.theses.fr/2014AIXM1048#

               https://www.decitre.fr/livres/friedrich-gentz-1764-1832-9783110449716.html

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021