Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



vendredi 21 avril 2023

Macron et la guerre des casseroles N°5671 17e année

 

A Ganges, outre le comité d’accueil, étaient aussi en grand nombre les casseroles après lesquelles les gendarmes couraient afin de les saisir : ordre du préfet ! Faire entendre par le bruit incessant et répétitif son mécontentement est vieux comme Hérode…Toujours est-il que des arrêtés préfectoraux pour bannir les ustensiles de cuisine comme s’il s’agissait d’armes de guerre à quelque chose de ridicule, révélateur, aussi, d’une certaine servilité de la haute fonction publique : « Il pourrait être dans l’intérêt de l’administration que chacun prenne ses responsabilités. Mais contraindre un dirigeant à assumer les siennes serait, en termes de carrière, un véritable suicide. »1

L’intention d’Emmanuel Macron étant de refaire ce qu’il fit après les Gilets jaunes : débattre (c’est-à-dire, qu’il imposait son monologue) en chemise blanche, les manches retroussés à la façon d’Obama, les cocottes minutes siffleront. Or, le successeur de François Hollande persuadé qu’il peut manipuler, endormir, engourdir les gens et que même s’ils l’invectivent, il saura par une formule MacKinsey retourner la situation, la répétition des bruits n’en sera que plus constante et forte.

Je me souviens d’un événement historique survenu en Espagne à la Pâques de 1766 : le ministre réformateur de Charles III, le marquis de Squillace qui menait une politique éclairée, perturbait et heurtait bien des intérêts sur fond d’un ressentiment nationaliste. L’installation de la maison de Bourbon sur le trône espagnol en 1700 était encore assez fragile : bien des Espagnols considéraient les rois de cette nouvelle dynastie comme « étrangère ». Cet agacement se doublait d’une lassitude d’avoir des ministres italiens. Or Charles III d’abord roi de Naples et de Sicile les amena avec lui en 1759. Pour des raisons de sécurité publique, Squillace prit une mesure de police prohibant le sombrero et la cape longue qui masquaient les visages au profit du tricorne et de la cape courte. Perçue comme une atteinte aux usages espagnols tout le pays s’enflamma au point que Charles III, fuyant Madrid, se sépara de son ministre, mettant un terme aussi à la présence d’étrangers dans les gouvernements à venir :

« exil de Squillace et de sa famille, le marquis devant être expressément renvoyé en Italie,

 renvoi des ministres d'origine étrangère,

 dissolution de la Garde wallonne,

 baisse du prix des produits d'alimentation,

 disparition des Conseils de ravitaillement,

 retour des troupes dans leurs quartiers,

 retrait des réformes vestimentaires,

 que le roi assiste personnellement aux requêtes que voulaient lui présenter la foule. »

Ce détour par l’histoire espagnole pour écrire que cette (contre) réforme des retraites est bien regardée en France comme une mesure étrangère (fonds de pension mondiaux, Bruxelles…etc) que c’est quelque chose de contraire à notre histoire. A force, à la fois, de tourner la page et de remettre sur le tapis d’autres projets qui seront observés comme une suite de ce qui rend les Français mécontents, le pouvoir  risque de démultiplier une crise au lieu de la circonscrire : 78% de nos compatriotes ont estimé l’intervention élyséenne médiocre !

Maladroitement le pouvoir s’est donné cent jours pour arriver à ses fins ; or, les Cent jours remémorent une fin de règne définitive à la suite d’une défaite. L’exécutif se met dans les pas de l’abdication ce qu’il ne veut évidemment pas. Mais voilà, et la France connaît chaque jour des manifestations sauvages : des petits nombres surgissent ici et là, fondent sur une rue pour en disparaitre aussitôt, la police courant après. Hier à Paris, du Louvre aux Invalides en passant par Montparnasse, j’assistais à ces mouvements policiers (cars, motards) et découvrais les abribus détruits, poubelles brûlées. Un désordre se met en place. Quelle en sera l’évolution ?

Une chose est presque certaine, le tintamarre fait l’entrée et la sortie des villes du cortège présidentiel au point de devenir un charivari malgré les distributions d’argent à telle ou telle catégorie professionnelle : aujourd’hui les enseignants, demain une autre, la BCE assurant l’abondance monétaire…

Note :

1-Voghera (Giorgio) : Comment faire carrière dans les grandes administrations, Paris, Allia, 2021

Jean Vinatier

Seriatim 2023

jeudi 20 avril 2023

Macron et après ? N°5670 17e année

Le déplacement en Alsace donna lieu à un concert de casseroles et à une coupure de courant pendant le discours présidentiel sans omettre les échanges directs avec les Français présents. Bref au lendemain d’une intervention présidentielle qui ne dit rien hormis le fait qu’il fallait tourner la page et passer à d’autres sujets (travail, immigration…etc), les manifestations sauvages continuent sur le territoire, les forces de l’Ordre (FDO) courent d’un point à un autre. Ultimes soubresauts qui culmineront le 1er mai ou bien l’engrenage d’une colère dépassant la contre-réforme des retraites ?

Emmanuel Macron a gagné la bataille des retraites en restant dans la légalité des institutions de la Ve République et obtenu la validation par le Conseil Constitutionnel qui, au passage, fit sauter les dispositions particulières pour les policiers…Pour son électorat dont le socle le plus âgé lui reste dévoué, il tient à montrer sa fermeté dans un contexte économique français qui n’est pas si mauvais. Sur le papier, en raisonnant de façon cartésienne, il a la maitrise du jeu. Tout repose sur l’idée que les mois de mai et de juin verraient l’essoufflement de la colère, l’exécutif mettant en chantier d’autres propositions de lois qui occuperaient le champ médiatique, que le front syndical se fissurerait avec l’arrivée de dirigeantes à la CGT, à la CFDT.

Sociologiquement, pourquoi les jeunes se mobiliseraient contre cette réforme alors même que leur horizon retraite est bien éloigné, que l’idée progresse selon laquelle la retraite de « papa » a fait son temps, que plus les années passeront, plus il faudra établir soi-même son capital : cela impliquerait également que les salaires croitraient avec l’inflation. Or le discours général est plutôt à serrer la vis salariale….

Sur le plan politique, la NUPES et les Verts occupent le champ contestataire tout en veillant à ne pas aller trop loin, redoutant une dissolution qui ne leur serait pas favorable. C’est donc à droite que se joue la partie. Le RN ne bouge pas, il se meut à la marge guignant une partie des Républicains, ces même Républicains divisés voulant à la fois être l’opposition et le participant. Reste donc le Centre/Renaissance quelque peu tourneboulé par les menaces venus du terrain mais qui ont aussi intérêt à bien soutenir le Président, une dissolution pouvant les affaiblir un peu. Cet axe Républicains/Renaissance voit déjà pointer la personne d’Édouard Philippe (Républicain et marconiste), issu du sérail, maire du Havre et déjà Premier ministre en 2017. Il incarne l’ordre et le convenable qui sied à son électorat. Se dégage politiquement un axe centre-droit capable de séduire une partie du côté gauche de Renaissance où l’on retrouve le même souci pour l’ordre et la préservation du capital. C’est l’axe des honnêtes gens….

Reste évidement la grande interrogation des Français abstentionnistes, le parti majoritaire, qui est en attente ou pas d’un fédérateur. Ces Français sont nombreux à être dans les rues mais sans être décidés politiquement à casser le système en favorisant Marine Le Pen, la très vraisemblable candidate de 2027.

Prédomine largement, une envie de balayer une classe politique dont une bonne partie (socialistes, républicains, centristes) disposent encore de réseaux locaux considérables tenant encore les plus remontés.

Emmanuel Macron est d’autant plus tenté à aller de l’avant qu’il sait que l’élection se fait autour d’une minorité de votants, que ces votants là sont majoritairement pour l’ordre, le capital, l’Union, l’OTAN…etc. Que faute d’alternatives idéologiques véritables, ce qu’il symbolise est la seule voie dans un pays vieillissant (moyenne d’âge 47 ans, 30 000 centenaires).

L’alternative politique et aussi institutionnelle qui découlerait naturellement d’un nouveau programme forment un bouillon à l’instar des colères sociales : les envies de VIe République se limitent à vouloir un parlement mieux doté qui peut-être, ne s’accommoderait pas d’une démocratie participative.

Cela étant, rien n’indique que le fait pour le pouvoir de veiller à imposer d’autres sujets (immigration, travail, écologie…etc) pour oublier l’épisode retraite ne rallumerait pas l’incendie. Les Français voient bien que le Président ne change en rien sa manière de procéder depuis les Gilets Jaunes, qu’il assène sa vérité, qu’il méprise les corps intermédiaires, soupapes importantes. Emmanuel Macron est vu comme un absolutiste dans sa conception de la Ve République.

Aujourd’hui, la France se crispe, les Français se raidissent mais devant le Rubicon, tout le monde s’arrête. Qu’en sera-t-il demain ?

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023

mercredi 12 avril 2023

Alain Juillet : « nous sommes inféodés aux Américains » N°5669 17e année

 

« 30 mars 2023 : La guerre de la communication. Les médias, les chancelleries et les services de renseignement ont une influence primordiale dans l’issue de la guerre en Ukraine. Les Etats-Unis sont-ils les gagnants de cette guerre ? Comment expliquer l’incrédulité des services de renseignement français ? Pourquoi depuis 20 ans, nos espions se sont-ils concentrés uniquement sur la lutte anti-islamiste ? Livre Noir a le plaisir d’inviter Alain Juillet, l’ancien Haut-Représentant à l’Intelligence économique auprès du Premier ministre et l’ancien directeur du renseignement à la DGSE. » 

Jean Vinatier 

Seriatim 2023

lundi 10 avril 2023

Pâques chinoises N°5668 17e année

 Supplice chinois pour Emmanuel Macron : à l’arrivée, juste un gilet orange, pas de tapis rouge, ni garde d’honneur, une porte de voiture ouverte où l’attendait un vague vice-ministre…Une vaste table ovale où le protocole pékinois réussit à placer dans des coins Emmanuel Macron au milieu de son fatras et Ursula Von der Leyen..Loin de s’en offusquer, Emmanuel Macron commit l’impair de parler deux fois plus longuement que son hôte, jugea fin de mettre sa main dans la poche pour la photo officielle.. Il eut le thé avec Panda Céleste lequel s’offrit le luxe aisé de dire que la France pourrait retrouver une importance si elle cessait de s’aligner sur les seuls dires américains : Xi Jiping plaisantait-il ? Emmanuel Macron crut-il à une blague ? Mystère. Pendant ce temps Ursula Von der Leyen était présente et absente, elle fila, pour le retour parmi les passagers communs de l’aéroport. Bref, le voyage à deux dont l’objet était d’en imposer à Xi Jiping, s’effondra tout de suite. Une France humiliée non par la Chine mais par son représentant, une Europe bafouée non par la Chine mais sa représentante, voilà un désastre total que nos médias masqueront avec des tonnes de mastic.

Pendant l’interlude euro-français à Pékin, les ministres saoudiens et iraniens peaufinaient leur entente et se profile déjà à l’horizon la fin très probable de la guerre au Yémen qui était jusqu’à ce jour un lieu d’affrontement entre Riyad et Téhéran alimenté par des concurrence claniques, ethniques et religieuses. Une guerre affreuse qui n’émut jamais l’Occident (USA/Europe), on laissa à ces pauvres yéménites, les guerres, les épidémies, les famines….Au même moment, l’Inde fait savoir au Forbes India que l’Asie réfléchissait déjà à un pétro-yuan ou à un pétro-Brics. C’est bien l’Asie qui s’ébranle avec derrière les BRICS qui attirent à eux les Amériques, centrale, du Sud, l’Afrique….

Le décalage gigantesque entre les préoccupations occidentales, convaincre la Chine de modérer son appui à la Russie quand les plaques tectoniques géopolitiques s’activent, est impressionnant d’incompétence et d’arrogance. Même le pauvre New York Yimes se plante en affirmant que la France savonne les efforts américains pour brider la Chine. Hélas, la France ne savonne rien du tout si ce n’est elle-même et les Américains s’aveuglent en se fixant sur la seule Chine quand le continent asiatique prend conscience de ce qu’il est comme moteur du monde.

L’arrogance américaine en Ukraine où comme en Irak et en Afghanistan, croit encore, malgré leur échecs sanglants, que construire une nation est faisable et que pour cela, faire battre entre eux des frères et des cousins (Russes et Ukrainiens le sont sauf dans la partie ouest) est une étape baptismale a quelque chose de terrifiant de fanatisme…L’Ukraine nait et vivra mais sans ailes ni pieds ni mains…Et qu’avec tout ce drame, s’ajouteront certainement les conséquences de la campagne présidentielle américaine de 2024 qui retomberont sur l’Union européenne….et les Ukrainiens. Depuis Pékin ce spectacle de batailles de poissons rouges dans un bocal est vu dans toute l’Asie….

Se met en place la plus importante des batailles, outre celle énergétique, celle monétaire. Aucun médias ne s’interroge sur l’accélération des alternatives à la monnaie dollar. L’Occident a sous-estimé totalement que le fait de saisir les comptes bancaires de simples citoyens russes, de décréter d’arrestation des gens lambda, de saisir les biens des uns et des autres, a été regardé dans le monde entier comme une opération de gangster. D’un coup d’un seul l’extra-territorialité du dollar déjà ressentie comme singulière apparait maintenant comme une captation arbitraire des biens : au grès des humeurs et calculs américains, vous serez ou vous ne serez plus. A cette remise en cause du dollar despotique, viendra inévitablement la révision des institutions internationales rédigées par les Etats-Unis en 1945 : elle est dans les tuyaux !

Le déplacement surréaliste d’Emmanuel Macron et de l’Union européenne (après tout, Bruxelles a validé ce voyage en duo) où les deux commerciaux se firent sonner les cloches au point d’en avoir le bourdon mais sans que se produise le miracle de la prise de conscience, les lunettes américaines fixées sur leurs nez, que nous étions l’ancien régime, emportant avec nous nos valeurs démocratiques sérieusement policiarisées et même sinisées tant le crédit social apparait à nos dirigeants fébriles comme un moyen idéal de terrifier nous-mêmes….

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023

 

dimanche 9 avril 2023

Julia Kristeva: « il existe une culture européenne » N°5667 17e année

 « Contre la déclinologie ambiante et dans un présent fracturé par les crises, l’espace culturel européen pourrait être une réponse audacieuse. Selon Julia Kristeva, c’est même la seule qui peut nous permettre de prendre au sérieux la complexité de la condition humaine, les leçons de sa mémoire et les risques de ses libertés. »

Article :

« Citoyenne européenne, de nationalité française, d’origine bulgare et d’adoption américaine, je ne suis pas insensible aux amères critiques, mais j’entends aussi le désir de l’Europe et de sa culture. Face à la crise financière, les Grecs, les Portugais, les Italiens et même les Français n’ont pas remis en cause leur appartenance à la culture européenne, ils se « sentent » européens. Que veut dire ce sentiment, si évident que la culture n’est même pas évoquée dans les traités de Rome, et que c’est très récemment qu’elle fut introduite dans l’agenda de ses dirigeants — bien que les initiatives, en faveur du patrimoine par exemple, ne manquent pas, mais sans vision prospective ? La culture européenne peut être la voie cardinale pour conduire les nations européennes à une Europe fédérale. Mais quelle culture européenne ?

Quelle identité ?

À l’encontre d’un certain culte de l’identité, la culture européenne ne cesse de dévoiler ce paradoxe : il existe une identité, la mienne, la nôtre, mais elle est infiniment constructible par la mise en question et la refondation. 

Je l’entends dans la parole du Dieu juif : « Eyeh asher eyeh » (Ex 3, 14), reprise par Jésus (Jean 8, 23) : une identité sans définition, qui renvoie le « je » à un irreprésentable, éternel retour sur son être même. Je l’entends, d’une autre façon, dans le dialogue silencieux du Moi pensant avec lui-même, selon Platon, toujours « deux en un », et dont la pensée ne fournit pas de réponse mais désagrège. Dans la philia politikè selon Aristote, qui annonce l’espace social et un projet politique en appelant à la mémoire singulière et à la biographie de chacun. Dans le voyage, au sens de saint Augustin, pour lequel il n’y a qu’une seule patrie, celle précisément du voyage : In via in patria. Dans les Essais de Montaigne, qui consacrent la polyphonie identitaire du Moi : « Nous sommes tous des lopins et d’une contexture si informe et diverse, que chaque pièce, chaque moment fait son jeu ». Dans le cogito de Descartes, où l’on entend « Je ne suis que parce que je pense ». Mais qu’est-ce que penser ? Je l’entends encore dans la révolte de Faust d’après Goethe : « Ich bin der Geist der stetz verneint » (« Je suis l’esprit qui toujours nie »). Dans « l’analyse sans fin… » de Freud : « Là où c’était, je dois advenir ».

À la question « Qui suis-je ? », la meilleure réponse, européenne, n’est évidemment pas la certitude, mais l’amour du point d’interrogation. Après avoir succombé aux dogmes identitaires jusqu’aux crimes, un nous européen est en train d’émerger. Ne serait-ce pas parce que l’Europe a succombé à la barbarie — ceci est à rappeler et à analyser sans fin — mais qu’elle en a fait l’analyse mieux que bien d’autres, qu’elle porte au monde une conception et une pratique de l’identité comme une inquiétude questionnante ? Il est possible d’assumer le patrimoine européen, en le repensant comme un antidote aux crispations identitaires : les nôtres et celles de tous bords.

Sans vouloir énumérer toutes les sources de cette identité questionnante, rappelons toutefois que l’interrogation permanente peut dériver en doute corrosif et en haine de soi  : une autodestruction dont l’Europe est loin d’être épargnée. On réduit souvent cet héritage de l’identité comme question à une permissive « tolérance » des autres. Mais la tolérance n’est que le degré zéro du questionnement, qui ne se réduit pas en généreux accueil des autres, mais les invite à se mettre en question eux-mêmes  : à porter la culture de l’interrogation et du dialogue dans des rencontres, qui problématisent tous les participants. Il n’y a pas de phobie dans le questionnement réciproque, mais une lucidité sans fin, seule condition du « vivre ensemble ». L’identité ainsi comprise peut déboucher sur une identité plurielle  : c’est le multilinguisme du nouveau citoyen européen.

La diversité et ses langues

« Diversité, c’est ma devise », disait déjà Jean de La Fontaine, dans son « Pâté d’anguille ». L’Europe est désormais une entité politique qui parle autant de langues, sinon plus, qu’elle ne comporte de pays. Ce multilinguisme est le fond de la diversité culturelle. Il s’agit de le sauvegarder, de le respecter — et avec lui les caractères nationaux — mais aussi de l’échanger, de le mélanger, de le croiser. Et c’est une nouveauté, pour l’homme et la femme européens, qui mérite réflexion.

Après l’horreur de la Shoah, le bourgeois du XIXe siècle aussi bien que le révolté du XXe siècle affrontent aujourd’hui une autre ère. La diversité linguistique européenne est en train de créer des individus kaléidoscopiques capables de défier le bilinguisme du globish english. Est-ce possible  ? Tout prouverait le contraire aujourd’hui. Pourtant, une nouvelle espèce émerge peu à peu  : un sujet polyphonique, citoyen polyglotte d’une Europe plurinationale. Le futur Européen sera-t-il un sujet singulier, au psychisme intrinsèquement pluriel, trilingue, quadrilingue, multilingue  ? Ou se réduira-t-il au globish  ?

L’espace plurilinguistique de l’Europe appelle plus que jamais les Français à devenir polyglottes, pour connaître la diversité du monde et pour porter à la connaissance de l’Europe et du monde ce qu’ils ont de spécifique. Ce que je dis du français est évidemment valable pour les autres langues de la polyphonie européenne à 28. C’est en passant par la langue des autres qu’il sera possible d’éveiller une nouvelle passion pour chaque langue — le bulgare, le suédois, le danois, le portugais… Celle-ci sera reçue alors non comme une étoile filante, folklore nostalgique ou vestige académique, mais comme l’indice majeur d’une diversité résurgente.

Sortir de la dépression nationale »

 

La suite ci-dessous :

https://legrandcontinent.eu/fr/2023/04/09/il-existe-une-culture-europeenne/

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023