Qu’aura
été pour le Royaume-Uni son moment dans l’Union européenne ? Une
aventure ? Un épisode ? Un exercice ? Une déception ? Le
saura-t-on jamais ?
Que
fut pour l’Union européenne la présence britannique : une évidence ?
Une nécessité ? L’idée que le Channel pouvait être européen ? La
certitude que toute ambition européenne ne se pouvait que par le biais des
idéaux anglo-américains ?
Le
gouvernement de Sa Majesté a remis très officiellement au Président non élu de l’Union européenne,
Donald Tusk, sa lettre de congé. Le même jour le Premier ministre Teresa May
faisait un superbe discours à la Chambre des Communes : il était beau t’entendre
les dires d’un politique libre, souverain et à cela la réponse bruxelloise
ne pouvait avoir aucune comparaison. Quant aux médias et français notamment,
ils épousent sans difficulté les avis menaçants sur les négociations de
séparation entre Londres et l’Union.
A
regarder de plus près l’une des raisons serait celle de l’échec de l’Union
européenne à devenir une puissance politique capable par son autonomie
souveraine à disposer de toutes les latitudes pour peser géopolitiquement entre
les deux mondes celui des Etats-Unis et l’Asie. On répondra que Londres aurait
combattu jusqu’au bout cette ambition. Oui sauf si l’Union européenne avait
convenu d’épouser les propres visées britanniques c’est-à-dire de
contrebalancer habilement la violence washingtonienne avec la montée en
puissance de l’Asie (qui comprend l’Orient) dans les domaines énergétiques. Ce qui ne fut
pas puisque Bruxelles se fit un devoir de prendre au mot le diktat
néoconservateur étatsunien.
Valéry
Giscard d’Estaing affirme ce jour que le Brexit n’est pas une catastrophe pour
l’Union européenne, ce qui est vrai mais aussi faux puisque celle-ci se montre
incapable à la fois de réaliser une fédération et de concevoir par conséquent
la moindre souveraineté. N’étant ni l’une ni l’autre, quelle est donc son
identité ?
Le
départ du Royaume-Uni serait l’occasion pour les européens de renverser la
table, d’établir de nouveaux principes. Mais le peu glorieux déplacement de la
chancelière Merkel à Washington pour convaincre un homme qu’elle vilipendait
quelques mois plus tôt se résuma à s’assurer de la permanence de l’OTAN,
indique de la manière la plus indiscutable la tétanisation des « élites
européennes ». La campagne présidentielle française évoque peu ou pas du
tout sauf par affaires interposées le futur à la fois du continent européen et
de l’Union. Hormis le fait que François Fillon et Emmanuel Macron se
disputèrent l’honneur d’être adoubé par la Dame Merkel rien absolument rien.
Quant au début de la campagne électorale allemande, les principaux acteurs
calculent leur rapport de force respectif consultation par consultation
ignorant d’un coup à la fois le Royaume-Uni, la Russie, l’Ukraine mais pas les
affreux Grecs. L’Union européenne est une masse administrative omniprésente et
impotente rendant glaiseux tout terrain fertile : elle est à quai. Le Royaume-Uni
lâche les amarres d’un port qui fut pour lui l’essai d’y développer un comptoir,
première étape d’une politique bien pesée. Après tout Londres a le Commonwealth,
la signature du CESA entre le Canada (dont la souveraine est Elisabeth II) et l’Union
européenne vaut bien un gage de sureté pour les négociations à venir. Et
Bruxelles croit réaliser un bon coup en interdisant l’union entre les bourses
de Londres et Francfort. Quant à Paris, sa mairesse Hidalgo est fiérote de
recevoir avec pompe son homologue de Londres qui vient de se déconsidérer par
ses commentaires lors du dernier attentat : c’est fin !
Les
Européens ne savent décidément pas ce qu’est un Britannique sûr de son
identité, de sa solidité politique. Le gouvernement conduit par Teresa May sait
où il va, Bruxelles est un coq perché sur ses ergots cherchant ses poules.
Jean Vinatier
Seriatim 2017