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mardi 11 juin 2024

Macron coup de sang n’est pas coup de génie N°5800 18e année

 En toile de fond, les élections européennes ne changent rien à l’ordre européen, le PPP dont Ursula Von der Leyen est la cheffe, garde la haute main. Mais de possibles législatives anticipées en Allemagne et un coup de sang macronien chatouillent quelque peu, déjà les agences de notation disent leurs craintes…Bref comme dans les albums d’Astérix, une loupe césarienne européenne se fixe sur un village de gaulois…

Depuis l’annonce de cette dissolution qui sonne comme le lancement politique des JO  où la France est historiquement assez championne pour emporter la médaille d’or surprenant le monde dans ce que nous avons d’éruptif gaulois, beaucoup de gens discourent sur le côté calculateur et préparatoire d’Emmanuel Macron…étoffant précipitamment un coup d’éventail ou un coup de sang.

Logiquement, le parti présidentiel répand les éléments de langage pour abonder un acte fruit d’une longue maturation, à disposer sur l’échiquier les personnages prêts à entrer sur la scène. Je n’y crois guère. A la tête des États comme des entreprises, tout dirigeant passe en revue l’ensemble des cas face à des projets de décision afin d’être le mieux informé possible avant de lancer une opération. Pour autant, cette disposition ne fait pas de la personne un être visionnaire, c’est un individu organisé.

Oui, l’Élysée a envisagé tout un panel de choix avant les européennes. Emmanuel Macron s’est investi comme jamais dans cette campagne érigée au rang de second tour de la présidentielle. Il a donné une dimension qui dépassait largement les éventualités prévues par l’Élysée. Depuis les Gilets Jaunes et même lors de la campagne de 2017/2017, Emmanuel Macron, qui a une formation de comédien, a un faible pour les monologues, les tirades interminables et une habitude d’asséner des propos dont il ne supporte pas la contestation.

Il a surdimensionné une campagne européenne en y incorporant l’Ukraine, les cérémonies du D-Day, se revêtant de facto d’un habit césarien au départ d’une croisade européenne contre l’ogre russe ne recevant l’aval que de quelques baltes errants. Pour les Français qui regardent la campagne européenne comme quelque chose d’assez éloignée où l’on peut s’épancher sans risque : qui connait les candidats sur les listes ? des listes qui ensuite se fondront dans d’autres partis à Strasbourg ? , point n’était besoin d’en faire trop. Or, une heure après l’annonce des premiers résultats tangibles, Emmanuel Macron dissout l’Assemblée nationale. Par ce geste, il créait de toute pièce une crise politique que les Français ne comprennent pas, les rendant furieux. La conséquence majeure étant une prise de conscience que tout ce qu’ils supportaient depuis un long moment présidentiel du « en même temps » atteignait une ligne rouge.

Emmanuel Macron, en donnant le temps minimum pour la campagne législative, espère conjurer toute sédimentation de ses adversaires en sous-estimant, par effet inverse, une envie de tout renverser. Si la gauche se précipite à former « un Front populaire » contre le « fascisme » et « une bande de racistes », qui donnera lieu sur le terrain à bien des disputes et des accrocs, le parti présidentiel paniqué voit surgir Edouard Philippe escomptant l’aubaine quand les Républicains se réunissent entre eux et le RN se disant prêt à gouverner le 8 juillet au matin ayant déjà escompté au moins 289 élus ! Entre les craintes, les précipitations et la certitude, sur ce point Emmanuel Macron peut s’applaudir d’avoir généré un concert de poules et de pintades : la gauche part sur la seule thématique qui lui reste quand elle est prise au dépourvue l’antifascisme, Renaissance part sur l’ordre dans l’Union européenne et le RN sur l’ordre national !!

Évidemment Emmanuel Macron ne pouvant rester muet (il convoque déjà les journalistes ce jeudi) et immobile, il ne fera qu’exacerber et crisper. Je n’imagine pas un seul instant, Emmanuel Macron vivre une cohabitation même d’une année. Donc toute cette courte campagne sera violente, très violente pour conjurer le mauvais sort potentiel du 7 juillet.

Dans le C dans l’air d’hier, Jérôme Jaffré, commentant un sondage, notait que les Français considéraient que le RN ferait moins bien que l’actuel chef de l’Etat, que le second tour de scrutin mettrait très souvent face à face un candidat de la gauche unie contre un candidat RN laissant les électeurs présidentiels dans un ébahissement les amenant ou à l’abstention ou au vote pour l’un des deux. Ce qui voudrait dire que le défi d’Emmanuel Macron de rafler une mise lui échapperait complétement, naturellement avec un RN majoritaire, aussi avec une chambre sans majorité, pour partie avec une chambre à majorité de gauche grâce au bon report des macronistes dont un grand nombre vient du parti socialiste, laissant augurer des combinaisons dignes des Républiques III et IV.

Voilà, un Emmanuel Macron incertain d’atteindre le terme normal de son second mandat, il serait au mieux Pyrrhus au pire, gros-jean comme devant

 

 

Jean Vinatier

Seriatim2024

lundi 10 juin 2024

Macron vers la chambre introuvable : Macron pat ? N°5799 18e année

 Pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, une élection européenne provoque une crise politique dans un pays fondateur et pas n’importe lequel : la France ! Il y aura des impacts qui pourraient connaitre une amplification par les résultats des législatives des 30 juin et 7 juillet.

Un François Mitterrand ou un Jacques Chirac n’aurait pas précipité une dissolution le soir même d’une déroute électorale, il aurait donné du temps au temps. Mais de guerre lasse, ne cessant d’instrumentaliser les commémorations du D-Day, d’en exclure la Russie dans une France sincèrement russophile qui n’en condamne pas moins les événements du 22 février 2022, ne s’arrêtant pas de presser tout le monde, de garder en permanence un galop, de brutaliser les populations, il allume un probable incendie…En sept années de présidence, Emmanuel Macron n’a cessé de regarder la France comme un accordéon que l’on presse et que l’on déploie…Haï à l’intérieur, moqué à l’extérieur, il n’en croit pas moins à son génie, à ses « missions ». Le Paris d’Anne Hidalgo est à son image : des chantiers, des embouteillages, une pratique politique fanatique et méprisante…Emmanuel Macron est le problème, pas la solution.

En annonçant la mine renfrognée la dissolution, il compte sur un énième arc républicain, c’est—à-dire à moi ou Marine Le Pen. La classe politique se regarde elle-même et pense à ses ambitions personnelles avant d’avoir une vue panoramique sur la France de demain. Nous avons une gauche qui reconstituée en NUPES égaliserait avec le Rassemblement national et Reconquête : encore faudrait-il que cette union de la gauche se réalise sur fond de drapeaux palestiniens, de banlieues, de flux migratoires et de petits oiseaux avec en arrière-fond la musique anticapitaliste, anti-riche, ce qui ne manque pas de sel quand le parti socialiste a lui-même mis le pied à l’étrier à Bernard Arnault ! Il est fort à parier que Jean-Luc Mélenchon tenant compte du bon score de Manon Aubry pro-gaza n’entendra pas s’en remettre à une fédération dont il ne serait pas le cocher principal quand Olivier Faure/Raphaël Glucksmann , l’écologiste Marie Toussaint et le duo communiste Luc Deffontaines/Fabien Roussel accepteraient la position de postillon : chacun de ces acteurs pense à 2026 pour les municipales, à 2027 pour la présidentielle.

En face, le RN qui jouait depuis longtemps le rôle d’épouvantail né d’un « deal » entre Mitterrand et Le Pen père, se sent pousser des ailes ou plus exactement est poussé par des colères françaises qui le conduit à croire à une arrivée aux commandes. Depuis hier soir, Reconquête du duo Eric Zemmour/Marion Maréchal marque à la culotte le RN le forçant à prendre position, à sortir d’une critique générale pour exprimer des choix au risque de fracturer une communication « œcuménique » le conduisant ou bien à un durcissement de son programme ou bien à un flou forcément néfaste dans un moment général de radicalité. Les Républicains où excelle François-Xavier Bellamy, restent entre le marteau et l’enclume : ou bien ils se joignent à Renaissance et ils disparaissent ou bien ils conviennent avec le RN et ils feraient partir leurs cadres.

Entre la NUPES supposée reconstituée et une droite qui n’irait pas vers une plateforme, le parti Renaissance et ses ailes centristes à droite, à gauche catalysent le ressentiment français contre Emmanuel Macron. La dissolution les oblige à suivre le Président dans un hypothétique arc républicain « antifasciste » ou « anti-peste brune ».

Et les Français ? In fine, ils ont la clef de la dissolution. Si les européennes ont permis un défoulement, les législatives obéissent à d’autres attitudes plus locales où les nuances de gris comptent dans l’élection du député. Ou bien les Français comprennent qu’en désavouant massivement Emmanuel Macron, ils le contraindraient à la démission ou bien en ne se résolvant pas à un choix clair, ils opteraient pour pousser à la fois la « NUPES » et le « RN/Reconquête » sans donner aucune majorité au président qui ne pourrait pas combiner avec le seul centre rabougris de Renaissance et de ses ailes centristes. Emmanuel Macron serait alors, pat…au moment des Jeux Olympiques.

En renvoyant les députés devant les électeurs au soir d’une échéance européenne Emmanuel Macron montre involontairement que bien plus qu’une élection européenne, c’est l’élection législative qui prime donc que la nation est incontournable

Emmanuel Macron compterait distraire l’opinion publique de l’état désastreux de nos finances, des dégradations sociales, des insécurités croissantes, des flux migratoires d’un en même temps oppressant en la forçant à choisir entre la « liberté » ou la « nuit », il inflige aux Français un supplice de plus, peut-être celui de trop, de rendre évident qu’Emmanuel Macron est le problème et point du tout la solution.

 

Jean Vinatier

Seriatim2024

dimanche 9 juin 2024

Comment Jean Sobieski se prépare à la prise de Vienne par Florian Schaffenrath N°5798 18e année

 « À propos de l’ekphrasis dans la Viennis de Ioannes Damascenus (1717) par Florian Schaffenrath, professeur associé à l’Université d’Innsbruck

Pour la littérature polonaise néo-latine des XVIIe et XVIIIe siècles, les événements de 1683 ont constitué un moment central : le roi de Pologne s’est précipité au secours de l’empereur et a sauvé l’ensemble de l’Europe chrétienne de l’invasion turque – c’est du moins le récit qu’en ont fait de nombreux auteurs polonais de l’époque. »

Le piariste Jan Kaliński (Ioannes Damascenus), qui était prédicateur de la cour et recteur du collège piariste de Dąbrowica, est l’un d’entre eux. Son œuvre épique majeure, la Viennis (Varsovie, 1717), narre le deuxième siège de Vienne par les Turcs en 1683.

Comme tant d’épopées néo-latines, elle comporte une ekphrasis. La particularité de celle-ci est de ne pas décrire une œuvre d’art plastique, comme un relief ou une tapisserie, mais un livre qui captive longuement le héros du poème, le roi polonais Jean III Sobieski, héros de la guerre contre les Turcs : à la fin du chant IV, Sobieski s’arrête au château de Juliusburg et se voit présenter par son hôte un livre dont il est dit : codex iste [...] cuncta docebit. Le roi en lit quatre livres entiers pendant toute une nuit, et ce n’est qu’au début du neuvième livre qu’il laisse tomber sa lecture et retourne à sa tâche. La conférence portera sur la place de cette ekphrasis dans l’ensemble de l’œuvre, et tout particulièrement sur la signification que peut avoir le fait que le déclencheur en soit un livre, et non une œuvre d’art.”

Jean Vinatier 

Seriatim2024

jeudi 6 juin 2024

Les enjeux politiques de la cartographie du territoire au XVIIIe siècle par Mireille Touzery N°5797 18e année

Conférence du 21 février 2018 par Mireille Touzery, professeure d'histoire moderne et directrice du département histoire de l'Université Paris-Est Créteil. Dans le cadre de l’exposition « Carto, cartographier l'Oise » qui s'est déroulée aux Archives départementales de l'Oise. 

Jean Vinatier 

Seriatim2024

mardi 4 juin 2024

Les manuscrits perdus de l’Europe médiévale par Jean-Baptiste Camps N°5796 18e année

« Même les personnes qui ne connaissent pas les épopées médiévales ont probablement entendu le récit du neveu de Charlemagne, Roland, et de sa mort héroïque dans les montagnes pyrénéennes. Elle aurait même été chantée aux soldats de Guillaume le Conquérant, à la veille de la bataille d'Hastings. Près de 1000 ans plus tard, elle est toujours reprise dans des cours universitaires ou réinventée dans des romans fantastiques populaires. Lorsqu'on évoque la Chanson de Roland, on pense d'abord à sa version courte et archaïque. Pourtant, elle a été presque entièrement perdue et n'est conservée que dans un seul manuscrit, bon marché et d'aspect amateur, copié quelque part près d'Oxford dans la première moitié du XIIe siècle. Pourquoi ne conservons-nous qu'un seul manuscrit de cette illustre version, alors que nous possédons 10 manuscrits des versions rimées ultérieures, dont certaines ont été copiées en Italie près de 200 ans plus tard ? 

 Il ne s'agit pas d'un cas isolé de texte perdu, ou presque, depuis les livres bibliques perdus jusqu'à la majorité de l'Histoire de Rome de Tite Live, en passant par l'épopée de Beowulf ou le roman Iseut de Chrétien de Troyes. 

Cela soulève une question importante sur la transmission de la culture et des textes : quel est le rôle du hasard et des facteurs sociaux, culturels, textuels ou matériels dans la transmission de la culture et dans la survie, l'évolution ou l'extinction des œuvres littéraires ? 

 Les philologues, comme les biologistes et les linguistes, ont adopté depuis le XIXe siècle l'arbre généalogique comme métaphore pour représenter les relations entre les différents documents contenant une œuvre donnée, telles qu'elles peuvent être déduites des innovations (erreurs, mutations) qu'ils présentent. Depuis au moins Joseph Bédier en 1928, il a été observé que ces arbres présentent des formes très particulières et très déséquilibrées, difficilement explicables intuitivement. 

Ce problème des « arbres déséquilibrés » est également présent en biologie, où il a fait l'objet de beaucoup d'attention et de recherches. 

Pour répondre à cette question de longue date, un nouveau projet de recherche, appelé LostMa, démarre à l'École des chartes et sera présenté au cours de cet exposé. Il adopte une méthodologie entièrement révisée, combinant l'expertise philologique avec la modélisation mathématique et les simulations informatiques, l'analyse des données philologiques et l'intelligence artificielle pour l'analyse des manuscrits. 

Ce projet vise à évaluer le rôle des facteurs sociaux et culturels, tels que les changements dans la production des livres, l'autorité, ou les différents contextes des cultures insulaires ou continentales. Enfin, il espère ainsi mieux comprendre la « vie et la mort » des artefacts culturels et les pièces manquantes du puzzle qui sous-tendent la plupart de nos connaissances sur les cultures du passé. » 

Jean Vinatier 

Seriatim2024

Collège de France : L’Europe démocratique N°5795 18e année

Les conférences s'inscrivent dans le cycle Europe du Collège de France 2023-2024 consacré au thème L’Europe démocratique. 

1Conférencière invitée 20 novembre 2023 : Justine Lacroix, Professeure de théorie politique, Université libre de Bruxelles 

Au cours de la dernière décennie, la montée de régimes politiques à la fois électifs et autoritaires a donné du crédit à l’idée selon laquelle l’État de droit et le respect des libertés ne seraient que les formes d’une limitation libérale de la démocratie. Ce postulat, que partagent aussi bien les critiques que de nombreux défenseurs des droits humains, peut alimenter soit le repli inconditionnel sur les droits humains contre les aléas de la démocratie, soit la revendication d’une démocratie supposée plus authentique où la volonté du peuple primerait sur les libertés individuelles. Mais il ne s’agit là que d’un contresens (ou d’un subterfuge) qui manque le sens de l’expérience démocratique, confond le peuple avec l’affirmation d’une identité homogène et rabat les droits de l’homme du seul côté du libéralisme. 

 

2 Conférence du 30 mai 2024 invité : Jan-Werner Müller, Professeur de théorie politique et d’histoire des idées, université de Princeton 

La première conférence aborde les défis pour la démocratie en Europe aujourd’hui. Elle met particulièrement l’accent sur la consolidation des structures autocratiques dans quelques États membres de l’Union européenne. La question se pose de savoir si l’UE a le devoir et les capacités de défendre la démocratie et l’État de droit, sachant qu’elle est souvent accusée d’être elle-même une institution non démocratique. Il est important, du point de vue de la théorie juridique et politique, de souligner que ce qui est en cours de destruction est non seulement l’État de droit, mais aussi la démocratie (c’est donc une erreur de qualifier les systèmes qui se construisent dans certains États de « démocraties illibérales »). Ça ne veut pas dire que la démocratie et le « libéralisme » (au sens anglo-saxon du terme) reviennent au même, mais que dans les cas des nouvelles autocraties, il est urgent de ne pas accepter de rhétorique sur leur caractère démocratique. 

Jean Vinatier 

Seriatim2024

lundi 3 juin 2024

L’autre bataille de Poitiers par Philippe Sénac N°5794 18e année

 

« À propos de : Philippe Sénac, L’autre bataille de Poitiers. Quand la Narbonnaise était arabe (VIIIe siècle), Armand Colin »

 

Aurélien Monntel pour la Vie des idées fait la critique de cet ouvrage en l’intitulant : Charles Martel face aux sources :

« Au sein de l’imaginaire collectif, la bataille de Poitiers est souvent considérée comme un moment clé de l’histoire de France. En s’appuyant sur de nouvelles sources, notamment arabes, Ph. Sénac relativise l’importance de cet évènement - et plus généralement de la « dictature de l’événement ».

En 2016, l’annonce de la découverte de trois sépultures islamiques à Nîmes avait fait grand bruit. Identifiées par l’orientation du corps des défunts en direction de la Mecque, toutes trois datées du VIIIe siècle, ces tombes étaient venues verser de précieuses données matérielles à un dossier – la présence islamique dans le Sud de la France actuelle – qui demeurait presqu’exclusivement textuel. De fait, par la prise en compte de sources jusqu’ici inconnues, ou ignorées, mais aussi par l’actualisation des grilles d’analyse, l’histoire de la conquête islamique, qui a permis la formation d’un empire s’étendant des Pyrénées jusqu’à l’Indus, est en perpétuel renouvellement depuis les années 1980.

Poitiers, victoire franque et mythe français

Derrière « l’autre bataille de Poitiers » le livre propose une synthèse de cette présence islamique en Septimanie – c’est-à-dire l’ancienne Narbonnaise, qui correspondrait au Languedoc actuel. Philippe Sénac apporte une contribution originale, avec l’ambition de proposer des interprétations actualisées sur une histoire oubliée. Conscient d’écrire dans un contexte socio-politique marqué par des crispations autour de l’islam, il entend s’extirper de ce que l’on pourrait appeler la « dictature de l’évènement » (p. 5-12, 119-123). Dans l’historiographie comme dans la mémoire populaire françaises, la conquête islamique demeure en effet écrasée par la « bataille de Poitiers », remportée par Charles Martel en 732.

Abondamment glosé, cet évènement a récemment eu l’honneur d’une nouvelle étude. Dans un ouvrage magistral publié en 2015, William Blanc et Christophe Naudin ont en effet à la fois analysé l’événement en lui-même, en reprenant le dossier documentaire disponible ; mais aussi (et surtout ?) montré comment l’historiographie, médiévale, moderne ou contemporaine, l’avaient interprété. Leur étude avait montré comment la bataille de Poitiers avait fini par se retrouver affublée, à partir du xxe siècle, d’une signification politique majeure – et nouvelle

. L’importance « médiatique » acquise par cet évènement a dès lors créé un prisme déformant, qui a simplifié, voire caricaturé, les interprétations, écrasé la nuance, et laissé dans l’oubli d’autres aspects de la présence islamique en Gaule.

Dès lors, l’objectif de l’auteur est de restituer toute l’importance de cette présence islamique sur le littoral gaulois de la Méditerranée, injustement négligée - mais que le lecteur ne s’y trompe pas : Poitiers n’y est pas remplacé par une autre bataille majeure. À cet égard, cette publication s’inscrit comme un nouveau prolongement de l’œuvre de Philippe Sénac, qui s’est dédié depuis les années 1980 à l’étude des relations entre le monde franc, mérovingien ou carolingien, et le monde islamique – jalonné de publications qui, pour certaines, sont devenues des références incontournables. Cet ouvrage constitue ainsi le pendant d’un livre publié il y a plus de quarante ans , qui traitait – déjà – de la présence islamique en Provence.

Textes, monnaies et sceaux : les sources d’une région en marge »

 

La suite ci-dessous :

https://laviedesidees.fr/Philippe-Senac-L-autre-bataille-de-Poitiers

 

Jean Vinatier

Seriatim2024