« Critique de l’ouvrage pour La vie des idées par Bertrand Lançon auteur, notamment de La chute de l’Empire romain, une histoire sans fin (Perrin, 2017:
Passerelle entre l’Empire romain tardif et le haut Moyen Âge, charnière entre l’Orient romain et les royaumes de l’Ouest, Ravenne a été davantage qu’une capitale : une entité politique au croisement de plusieurs mondes.
C’est une heureuse initiative qu’ont eue les éditions Passés composés de publier une traduction du livre que Judith Herrin a consacré à Ravenne entre le IVe et le IXe siècle, paru chez Penguin Press en 2020. Il s’agit d’une belle édition, agréablement traduite, superbement illustrée de planches en couleur, avec notes et index. La bibliographie sélective de trois pages apparaît comme sa seule faiblesse, car les sources sont parfois incomplètement référencées.
Cette somme de plus de 500 pages vient combler en France une lacune éditoriale devenue criante pour quiconque s’intéresse à l’Antiquité tardive et au haut Moyen Âge, période où les historiens placent la genèse de l’Europe. Ravenne y tient une place éminente et originale, qui méritait une telle monographie, sous le signe de la longue durée (pas moins de cinq siècles).
Un mélange original
Mettons d’emblée à la corbeille le bandeau « à l’estomac » choisi par l’éditeur, « Quand l’Occident naît des ruines de l’Empire romain » : il est suranné dans les erreurs qu’il véhicule. L’Occident existait déjà auparavant et l’Empire romain n’a pas pris fin dans les ruines. Ravenne est une passerelle entre l’Empire romain tardif et le haut Moyen Âge. Son mélange original entre Italie ostrogothique, prolongation byzantine, intervention lombarde et tutelle carolingienne, dessine un creuset européen pluriséculaire.
De ce point de vue, l’auteure combine avec talent les deux polarités historiographiques qui tentent souvent les historiens anglo-saxons : la Ravenne de l’Antiquité tardive était-elle un sarcophage de la romanité ou le creuset d’un nouveau monde ? Une bipolarisation simpliste n’est pas de mise, car les deux termes ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. C’est en tant que foyer culturel romano-byzantin rémanent qu’elle a nourri les empreintes ostrogothiques, lombardes et franques. Comme Rome avait préalablement digéré l’héritage culturel hellénique.
Le plan adopté par Judith Herrin, byzantiniste britannique émérite, est chronologique. Il dessine de ce fait une ligne claire, classique, qui apparente parfois son livre à un manuel. Le mérite en est que Ravenne est étudiée et racontée dans ses contextes successifs. Elle n’est pas qu’une ville, qui plus est capitale, mais une entité politique au croisement de plusieurs mondes. La perpétuation de son lien avec Constantinople en a fait un reliquat romano-byzantin dans l’Occident des royaumes romano-barbares. En témoigne la richesse des vestiges monumentaux que conserve la ville aujourd’hui.
L’âge d’or de Théodoric »
La suite ci-dessous :
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2021 : Judith Herrin, « Ravenne et Constantinople aux VIe-VIIIe siècles : influences et détracteurs grecs »
« Dans cette conférence illustrée (donnée aux membres et sympathisants de la Ligue le 30 mars 2021), le professeur Judith Herrin aborde le statut de Ravenne comme avant-poste de l'empire en Occident ; son importance pour les liens diplomatiques, militaires et culturels avec Constantinople et la culture grecque ; et la preuve de la connaissance et de l'appréciation du grec du début du Moyen Âge au sein de la ville. Elle nous fait découvrir quelques-uns des principaux monuments et vestiges de la ville du VIe au VIIIe siècle.»
Jean Vinatier
Seriatim2024