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mardi 28 septembre 2021

FDP/Grünen aux antipodes français N°5717 15e année

Tandis que les attentions étaient captées par les déclarations des deux têtes de liste du SPD et de la CDU/CSU, les Verts et les libéraux annonçaient les pourparlers entre eux. C’est un front renversé qui se déroule en Allemagne et qui dépasse en importance le fait de savoir si nous aurions à Noël une coalition « Jamaïque » ou « tricolore ». La coalition ne serait plus le fait d’une des deux grands partis ou même des deux grands partis qui pourraient très bien renouveler leur expérience gouvernementale totalisant la majorité des sièges au Bundestag.

Le premier point est de noter que la notion de droite ou de gauche est, en Allemagne, très réduite : les Grünen et les libéraux du FDP envisageant tranquillement d’aller entre eux et vers l’un ou l’autre des grands partis. C’est une évolution dans la vie politique allemande conséquence des coalitions pendant le règne de Mutti. Les extrêmes, Die Linke et AFD, ne constituent pas une menace de déséquilibre.

Le second conséquence du premier, un centrage politique allemand infiniment plus prononcé que chez nous. Les Verts sont ancrés à gauche. Les libéraux (les vrais pas les énarcho-libéraux) sont éparpillés sans former un parti libéral. LAREM et ses périphéries illusionnent sur leur libéralisme, il s’agit plutôt pour les sommets de la haute fonction publique et du « CAC40 » de tenir ensemble sur des adhésions à la doxa dominante, à l’Union et à l’OTAN : Emmanuel Macron était leur champion parfait et l’espère le rester.

Le troisième, une assez générale adhésion des principaux partis allemands sur la politique étrangère, les différences étant de forme et non de fond. C’est le résultat d’une politique constante du redressement allemand tant sur l’échiquier européen qu’à l’international où le militaire se situe en retrait. J’écrivais dans différents Seriatim qu’Angela Merkel avait une vision hanséatique du monde, cela se confirme auprès de tous les partis (extrêmes exclus) et la seule chose que différencie cette Hanse de la précédente est que son appareil militaire est entre les mains otaniennes.

Le quatrième point est la haute participation en Allemagne (76%), un chiffre qui illustre l’intérêt du peuple pour la vie politique et de sa reconnaissance dans les partis existants.

Que les deux grands partis s’unissent ou bien que se forment des coalitions via les Grünen et le FDP, nous voyons bien un cheminement vers le parfait ou l’absolu. L’Allemagne débute un absolutisme politique qui n’effraie personne en Europe, ni au-delà : les Etats-Unis et la Russie ne feront rien contre elle, la Chine non plus au vu de ses capitaux.

De l’autre côté du Rhin, la Seine est différente de la Spree : c’est un repli général masqué par des élans mondialistes c’est-à-dire des messages fraternels réduits à la seule communication. Si l’on regarde bien les partis politiques français, vous ne trouverez ni une réunion ni une désunion, vous aurez une espèce de glacis qui n’est point une rampe de lancement pour des partis mais un repli devant une défiance générale : les taux d’abstention submergent la légitimité des élus au socle électoral sur un fil. C’est là l’illustration du malaise français qui ne trouve plus, ni sa place en Europe, ni dans celle du monde. Le grand mal français a été sa désindustrialisation décidée majoritairement par l’Etat, un aveuglement au sujet de l’Allemagne (« couple ») et aussi notre incapacité à faire des DOM-TOM et Territoires un « Commonwealth ». Pour nombre d’Etats européens, la France demeure une puissance coloniale, apportant la preuve de sa difficulté à tourner la page et nombreux sont ceux qui estimeraient logique que la Nouvelle-Calédonie entrât dans l’aire australienne, la Polynésie dans celle néozélandaise, les Antilles dans celle étatsunienne.

J’ai pris les exemples des Grünen et du FDP, annoncés comme les plus portés vers les élans et qui se retrouvent à être des acteurs incontournables pour les partis fondateurs de la IIe République allemande eux-mêmes se retrouvant sur un socle européen pour partie germanisé en les comparant aux Verts et aux « libéraux » français tout un retrait pour les premiers même s’il y a des similitudes sur les idées sociétales, dans un éparpillement pour les seconds. Quand aux autres partis anciens, PS, LR, Centre…etc, ils s’attachent à convaincre des électeurs de leurs différences quand la réalité politique montre le contraire. Sur ce point leur refus d’accepter le vote français de 2005 est toujours en train d’opérer ses effets dévastateurs….

Pour conclure, la vie politique allemande est sur une dynamique que celle française n’a plus principalement parce que la classe politique a cru que pour être européen, il ne fallait plus être français : Berlin n’a pas commis cette faute et en recueille les fruits. Cela étant dit, l’Allemagne a un défi démographique à relever, la France moins mais c’est à Paris que se pose la question identitaire plus fortement qu’à Berlin sans doute parce que cette capitale n’a été ou pas du tout ou très peu de temps une puissance coloniale, une grosse aiguille en moins pour intégrer/assimiler….

Cela étant dit, après l’ère « merkelienne », combien de temps tiendra la correspondance entre l’Allemagne et l’Union européenne, entre l’Allemagne et le monde ?

A suivre.

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

lundi 27 septembre 2021

Les empires éphémères des steppes N°5716 15e année

« Les civilisations chinoises, indiennes ou bien encore perse auraient pu vivre paisiblement… « Leur tourment disait Fernand Braudel, sous la forme de fléaux bibliques, est venu des vastes déserts et steppes […] Sur ces terres inhumaines, une population de pasteurs : Turcs, turkmènes, Kirghiz, Mongols… des nuées de cavaliers. Dès que l’histoire permet de les apercevoir, ils sont déjà tels qu’ils se maintiendront –violents, pillards, cruels, d’une bravoure folle – jusqu’à la fin de leur grandeur historique, c’est-à-dire, en gros, jusqu’au milieu du XVIIe siècle. » Storiavoce vous propose de partir à la découverte des conquérants de la Steppe ou, mieux, des conquérants de l’éphémère… Leurs chefs ont pour nom Attila, Gengis Khan, Kubilaï ou encore Tamerlan… Qui étaient ces peuples nomades insaisissables aux puissants réseaux ? Comment construisaient-ils leur légitimité sur les terres conquises ? Quel rôle ont-ils joué dans l’histoire géopolitique des grands ensembles civilisationnels : l'Extrême-Orient bien sûr mais aussi l’Orient jusqu’à l’Occident ? Comment définir cet empire de 1000 ans, un empire qui n’a rien de commun avec nos perceptions politiques ? C’est ce que nous allons voir avec l'invité de Christophe, Arnaud Blin. 

L'invité: Arnaud Blin est spécialiste de l'histoire du terrorisme, des relations internationales et de la politique étrangère des Etats-Unis. Chercheur associé à l'Institut Français d'Analyse Stratégique, il a co-dirigé avec G. Chaliand Histoire du terrorisme de l'Antiquité à Al Quaeda. Il vient de publier chez Passés/Composés Les Conquérants des Steppes, D’Attila au khanat de Crimée Ve-XVIIIe siècle (368 pages, 23€). »  

Jean Vinatier 

Seriatim 2021

 

dimanche 26 septembre 2021

Angela Merkel: unser Deutschland = unser Europa N°5715 15e année

 Angela Merkel termine son gouvernement sous les louanges nationales, quelle que soit la génération. Les Allemands la remercient d’avoir redonner à leur pays une puissance et une place en Europe paraissant démentir la malédiction qui voulait qu’à chaque Reich, IIe et IIIe, correspondît une guerre mondiale, de poser des finances saines éloignant les deux ères inflationnistes, lors de la crise de 29 et juste après 1945. Ni guerre, ni inflation, Danke Angela !

La chancelière a continué la politique de ses prédécesseurs c’est-à-dire regagner des paliers de puissance pacifiquement via l’Union européenne qui servit merveilleusement ses intérêts et ses cercles concentriques d’influence au point qu’Angela Merkel eut à peine besoin de tenir un discours européen tant allait de pair de Berlin à Bruxelles. Géopolitiquement, Angela Merkel réussit à renforcer Berlin comme place incontournable pour Pékin, Moscou, Londres, Washington. Notre pauvre ministre des Affaires Étrangères, Le Drian, accueillant en français le secrétaire d’État américain Blinken, lui dit, « tu es chez toi », celui-ci lui répondit en français tout de go : « l’Allemagne est notre meilleure alliée » ! Cette réplique cinglante illustre bien combien, il a été assez facile pour la chancelière de maintenir North Stream II sans fâcher personne dans son environnement immédiat, Ukraine incluse qui toute dépitée de perdre une ressource et un levier réel contre la Russie a convenu qu’une Allemagne derrière était mieux qu’une Russie en face….

Quant à la France dont nos gouvernants, de gauche, de droite, ratiocinent à foison sur le « couple franco-allemand » pour exister au sein de l’Union, elle constate, aujourd’hui, le lent et minutieux travail de grignotage entrepris par Berlin dans certaines de nos entreprises de la défense nationale et même d’Ariane qui migrera de la Normandie vers l’Outre-Rhin ! Le décrochage industriel est patent de la France face à une Allemagne qui a pu, à la fois, délocaliser ses fleurons tout en gardant dans son immédiateté les pays de l’Europe de l’Est pour maintenir une concurrence tout à fait favorable.

Pour la première fois dans l’histoire du continent européen, une puissance phare est au milieu. Longtemps l’Italie fut regardée comme un centre névralgique même pour régler, par exemple, une guerre de succession en Pologne (1733). Idem pour la France terrorisante quoique bloquée par le Rhin et ayant perdu le comté de Flandres, au moment des Bourguignons, qui tomba dans l’escarcelle habsbourgeoise. Idem aussi pour les Habsbourg qui de Vienne à Madrid en passant par l’Italie formèrent un croissant enserrant contre la France. Également quand le Royaume-Uni tout en restant une île faisait et défaisait les coalitions sur le continent jusqu’au XIXe siècle.

A croire que l’année zéro allemande de 1945 a été, en réalité, une route neuve pour son avenir où soumise aux États-Unis, partagée en deux puis réunie, l’équilibre se fit autour d’elle et non plus par sa propre politique. Quelque part, Américains et Soviétiques accréditèrent l’idée, selon laquelle le point, d’équilibre et de limite, trouvait son tracé en Allemagne, confirmé dans les années 90 et le début du XXIe siècle. Berlin réussit ce que Paris échoua, être totalement Allemand et complétement Européen sans que sa souveraineté en pâtisse.

Ce tableau favorable ou apologie ne masque pas une démographie négative, l’obligeant à accueillir, en nombre, des populations étrangères même au prix d’une résurgence de l’extrême droite, l’AFD et arrive, apparemment à réussir l’intégration. Or, un pays dont la population vieillit et qui entend peser toujours plus à l’extérieur arrive assez rapidement à un carrefour dangereux.

Angela Merkel dont les tenues « pyjama » nous rappellent que l’Allemagne n’est pas un pays de haute-couture, mais plutôt celui des fermetures éclairs quand il fallut mettre au pas, sans ménagement, après 2008, l’Europe du club méditerranée dont la Grèce. Assise sur un tas d’or, la main ferme sur une monnaie européenne qui est presque la sienne, la chancelière Merkel représentera une période bénéfique mais où les craquements démographiques et les crevasses européennes risquent d’engendrer des difficultés. Faisant en sorte que l’Europe tourne autour d’elle en veillant à ce qu’elle ne devint pas une puissance géostratégique de peur de raviver une histoire, elle laisse en réalité, le continent dans une fragilité indéniable que la France est tout à fait incapable de contrebalancer tant elle s’est accrochée à l’arbre germanique.

L’Histoire dira si Angela Merkel (Mutti) a conjuré le malheur historique allemand ou bien si elle sut avec un air bonhomme illusionner dans les prodromes de bouleversements planétaires ?

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

mardi 21 septembre 2021

Automne : les feuilles tombent N°5714 15e année

Le communiqué très tardif de Von der Leyen est une petite pièce qui s’ajoutera aux autres au fur et à mesure que la présidence française de l’Europe de janvier 2022 se rapprochera : mettre en scène, par exemple à travers un événement, l’image du protecteur et du discoureur sur la puissance…Le soutien de la Commission européenne s’inscrit dans cet ordre, ni plus, ni moins.

Emmanuel Macron est un contenu vide abondé par ses soutiens, notamment, financiers, à charge pour les collaborateurs de construire un récit, une narration par des « éléments de langage ». Ainsi vont, En même temps et En marche….

Evidemment, Emmanuel Macron savait l’échec du contrat français avec l’Australie. Il laisse pérorer et éructer Le Drian, se réservant le rendez-vous téléphonique d’ici quelques jours avec Joe Biden d’où ressurgira la « profondeur des liens transatlantiques » et tout le blabla : tout ce que voudra le successeur de François Hollande, c’est un « cadeau » qui puisse servir de base aux discours futurs. On en est là : le sous-sol ou descenseur pour l’échafaud n’est pas encore atteint !

Quelle importance qu’Emmanuel Macron soit un candidat tôt ou tard, cela n’a aucune incidence puisque l’on est dans le « en même temps » : le temps n’est plus lui-même acteur, une mesure mais une atmosphère, une ambiance, un récit, un sentiment, une émotion.

Ainsi ne ressent-on strictement rien quand Emmanuel Macron fait réception aux demandes des harkis (harki est une unité combattante et non un peuple) avec une loi et une enveloppe. Que les Harkis soient enfin traités dignement, rien à dire là-dessus. Mais l’on sait bien que le geste présidentiel se sert de cette cause pour poursuivre son chemin de jardinier arroseur de tous les corps français : hier les petits commerçants, les artisans, aujourd’hui d’autres. Le « d’autres » n’est pas péjoratif envers les Harkis qui, malgré leur douleur, n’entrèrent jamais dans des violences envers nous, le « d’autres » désigne les suivants. Anne Hidalgo avec son doublement des traitements des enseignants est sur le registre identique, les deux étant un corps à deux visages ou visage double….Et d’une façon plus générale, la pratique politique a banni l’alternative (projet politique) pour accéder aux visibilités médiatiques. Sur ce point la « candidature » d’Eric Zemmour est instructive…

21 septembre, fin de l’été, début de l’automne, les feuilles jaunissent avant de tomber, la chute encore comme je l’écrivais au sujet de « l’homme tombé », c’est-à-dire de sa perte libre, de son accélération vers la servitude qui l’écrasera, l’atomisera….

Dans cette logique, s’annonce, se prépare, la prolongation du passe sanitaire ce qui devrait poser un problème pour le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’Etat qui ont donné un blanc-seing à la condition du temporaire. Mais qu’est-ce que le temporaire quand il n’y a plus de temps acteur ? Rien. La ruse étant de gérer le passe sanitaire localement comme si le virus et ses mutins variants distinguent Argenton-sur-Creuse du Creusot ! Le diable s’amuse du vice des uns et de la lâcheté des autres…

Il est à voir les personnes masquées dans les rues parisiennes, les jeunes surtout, la crainte s’effleurer un passant, les gens font des bons. J’étais hier dans un grand magasin près de la Madelaine : entre j’en foutisme (je passe la tête dans l’écran) et bond dès qu’un autre humain est trop près, les gens se séparent, s’éloignent. Quelque part, je crois que le masque plaît par son invisibilité à l’autre. Au fond le pouvoir qui dédaignait les masques (que nous n’avions plus), s’aperçut assez vite, dès les stocks reconstitués, que ceux-ci étaient de formidables accélérateurs de distanciation….

Je terminerai par la publication du plan de Paris qui interdira dès le printemps 2022, les voitures dans tout son centre nerveux donc historique si cher aux embarras narrés par La Bruyère. Après 1968, on déménagea les Halles (le ventre) puis l’on fit partir progressivement les universités et grandes écoles (le savoir), les sièges des entreprises (économie) avant que l’on restreigne le champ véhiculaire d’abord au nom de la pollution puis aujourd’hui, au nom de la sécurité (même les voitures électriques passent à la trappe), la fin de la voiture à Paris est la clé de voute, celle de la liberté à laquelle la voiture appartient et symbolise ce que sont infiniment moins les circulations douces (je suis cycliste), un ensauvagement (violence des pratiquants, indifférence, égoïsme du « moi »). A la voiture succèdent nous dit-on les transports en commun, absolument pas liés à la liberté mais à une facilité de mobilité conditionnée aux horaires et aux autorités qui gèrent les réseaux. Paris est évidée, les banlieues, elles, récupèrent tout ce que Paris repousse depuis 1968 et annonce que le Grand Paris réduira Paris au rang de village, d’enclos. De Paris cœur historique à Paris pour petits pas, jeux, kiosques à musique…

Voilà les feuilles tombent….

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021