Jean-Paul Belmondo est parti…Devant, le Café de l’Alma, je me souviens de lui, montant dans une Mercedes noire: il me parut de belle taille, bronzé, athlétique, barbe blanche, souriant, accessible, simple comme dans ses films et tribulations.
Jean-Paul Belmondo était un homme bien car il défendit son père, le sculpteur Paul Belmondo, injustement placé à l’index parce que trop ambigu pendant l’Occupation (la quasi-totalité du « monde de la culture » était dans cet état !), en refusant le César qui arrivait, selon lui bien trop tardivement (ce qui était vrai) : le tort de Jean-Paul Belmondo, tout comme pour Alain Delon ou Jean Gabin, était d’être de « droite » c’est-à-dire de n’être pas dans cet affalement permanent d’une « gauche » qui dit oui à toutes les causes pour, souvent, ne pas cesser sa façon de vivre et ses propres turpitudes. Belmondo n’était donc pas de cette hypocrisie. Mais d’une façon générale, l’acteur populaire est mal vu par la corporation pour laquelle, l’enthousiasme est vulgaire…Et au fond, même si Belmondo a été peiné de ne pas être reconnu par ses pairs, rien ne valait les spontanéités des Français de tous les jours.
Gouaille française, gentilhomme, guignolo, policier viril, séducteur mais avec des principes, il y avait aussi ses fragilités comme dans le superbe film, L’aîné des Ferchaux, face à Charles Vanel (glaçant dans Sept morts sur ordonnance), A bout de souffle (remarquable), Stavisky, L’héritier…
Ce que j’aimais chez Jean-Paul Belmondo était son côté virevoltant, léger, taquinant, d’un sourire enlevant les belles, ce panache si français que Jean Marais représenta bien dans les films de cape et d’épée mais où restait une gêne que Bebel n’avait pas : Cartouche, Les mariés de l’an II, parodie de la révolution française infiniment mieux appréhendée que dans le lourdaud film Les chouans.
Dans Les mariés de l’an II (1971) de Jean-Paul Rappeneau (ses beaux Cyrano et Le hussard sur le toit) avec pour scénaristes Maurice Clavel et Claude Sautet, Belmondo est de retour des Amériques pour se séparer de sa première femme interprétée par Marlène Jobert, tombe en plein moment vendéen et passe, sans problème du camp républicain ou camp royaliste, les deux recevant des claques…sur un rythme endiablé, léger (le tout se terminant par des chansons) : les comédiens sont tous superbes, emportés par l’allure. Il n’y a pas d’idéologie, davantage une farce pour raconter un moment tragique de notre Histoire et c’est ce qui suscita les applaudissements populaires.
Pour Les Chouans (1988) de Philippe de Broca et son scénariste Daniel Boulanger, pourtant à droite, dans un film qui apparait de commande à la veille du bicentenaire de 1789, mettent en avant des acteurs de « gauche » (Philippe Noiret, Lambert Wilson) pataugeants dans un récit pseudo-philosophique à bailler aux corneilles sur fond de « guerre » fratricide (Stéphane Freiss/Lambert Wilson) pour une jolie femme (Sophie Marceau). Dommage !
Cet aparté filmographique écrit, revenons vers Bebel de L’Homme de Rio et de Léon Morin prêtre de Melville (un très grand réalisateur !), Un singe en hiver (Henri Verneuil) avec Jean Gabin et Suzanne Flon, émouvant….On pourrait lister longtemps mais ce qui s’affiche, outre les qualités de Jean-Paul Belmondo, se sont aussi les excellences parmi les réalisateurs, les scénaristes (souvent écrivains de renom), les autres rôles si pas si seconds : des années 50 aux années 80, c’est une farandole talentueuse si française , une apothéose prélude au long chant du cygne…..Non pas que le cinéma français serait aujourd’hui médiocre, c’est plutôt qu’il se déferait de ce que faisait son identité pour ressembler à un cinéma américanisé, standardisé. Le rôle central de l’État dans le financement du cinéma et de comédiens emblématiques (Gérard Depardieu, Jean Dujardin) masquent cette dérive malencontreuse.
L’hommage national rendu à Jean-Paul Belmondo le jeudi 9 sera aux Invalides : remarquons qu’à l’inverse du siècle précédent, il n’y a plus de cortèges, tout est statique, c’est dommage. Quoi de plus prégnant, Victor Hugo en 1885, une traversée de Paris qui fait corps entre le défunt et le peuple.
Aux Invalides, Louis-Philippe Ier crut que des cendres impériales le renforceraient, son régime n’en chut que mieux… et c’est donc depuis cette cour d’honneur que nous aurons, aussi, les louangeurs officiels, entendre un Emmanuel Macron, guignolo mortifère, aux antipodes du Magnifique. En réalité, sous prétexte de célébration, Emmanuel Macron (Anne Hidalgo idem) veut liquider totalement cette certaine France dont est Jean-Paul Belmondo qui avait la France chevillée au corps, en savait l’histoire, sans être le moins du monde replié. Il a déployé, si longtemps ses qualités donc nos qualités, qu’aujourd’hui, nous nous reconnaissons en lui, en une France magnifique….
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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