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jeudi 5 octobre 2023

Caucase : enchevêtrements N°5706 17e année

 L’offensive menée par l’armée azérie contre la république auto-proclamée du Haut-Karabagh a été rapide et violente mettant la communauté internationale devant le fait accompli. Certains évoquent une seconde étape de la part de Bakou qui viserait à établir de facto un corridor, à travers le territoire arménien, reliant l’Azerbaïdjan à la république autonome du Nakhitchevan dont la Turquie est garante depuis le traité de Moscou (1921). Jusqu’alors l’exclave du Nakhitchevan jouissait d’une relative tranquillité quoique bordée par la Turquie, l’Iran et l’Arménie.

Le Caucase est une région explosive depuis des siècles du fait des mélanges ancestraux ou des enchevêtrements des populations, des religions, d’une géographie montagneuse rendant les communications difficiles. Le Caucase est aussi un nœud géostratégique renforcé par les abondances, pétrolifère, gazière.

A l’historique des puissances régionales qui se veulent aussi caucasiennes (Turquie, Iran, Russie) s’ajoutent celles éloignées, USA, Israël et même l’Union européenne qui appuie l’entrée de la Géorgie dans l’Otan et l’Union1. La récente inclination du premier ministre arménien, Nikol Pachinian, vers l’Otan dans un souci de rééquilibrage de ses accords avec la Russie n’abaissa pas les tensions, Moscou y voyant un lâchage en plein conflit russo-ukrainien : notons que le Président Zelenski appuie Bakou contre le Haut-Karabagh en référence au Donbass2.

 

L’enclave du Haut-Karabagh et l’exclave du Nakhitchevan résultent des découpages soviétiques à la suite des existences éphémères des multiples républiques caucasiennes socialistes nées après la chute de Nicolas II en mars 1917. La fin de l’Union soviétique en décembre 1991 ne résolut pas les problèmes, les États, arménien, azéri naquirent abrupto3. Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en mars 2000, ce dernier s’est fixé de rétablir la Russie dans sa puissance géopolitique et bien évidemment le Caucase par sa situation devenait un enjeu majeur déjà secoué par les guerres tchétchènes puis le dossier Géorgien en 2008.

 

La question que l’on pourrait se poser serait la suivante : qu’est-ce qui a incité le Président Ilham Aliev a lancé cette opération spéciale pour reprendre une terminologie russe ?

Sans doute, la rencontre entre l’ambition de Recep Erdogan de rapprocher les pays turcophones d’Asie (les langues, azérie et turque sont intelligibles) et la concentration des moyens militaires russes contre l’Ukraine facilitèrent cette opération, l’Arménie étant un pays faible, sans ressource énergétique ? A cela, s’ajoute l’intérêt américain qui veut en Asie, barrer les routes de la soie à la Chine, fixer la Russie en-deçà du Caucase. Or Bakou est proche, de Washington, d’Ankara, membre fondateur de l’Otan. De l’autre côté, la présidence Aliev accepte d’écouler le pétrole russe en plus du sien faisant fi des sanctions décidées par les Occidentaux, sans soulever la moindre protestation et dans le même temps devient un fournisseur en gaz aux européens, et veille à garder ses bonnes relations avec l’Iran où vivent plus de 12 millions d’azéris ; Téhéran4, de son côté soutenant l’Arménie par crainte de non-accès à la mer noire et à la Russie, son partenaire stratégique !

Sans savoir si oui ou non, l’Azerbaïdjan poursuivra ou non son objectif de corridor de Zangezur vers le Nakhitchevan, nous voyons bien se dessiner un blocage géopolitique et géostratégique, chacun des acteurs étant tenu par l’autre à moins d’enflammer l’ensemble du Caucase:

-        -La Russie ne peut intervenir directement au risque d’une représailles azérie

-       - L’Azerbaïdjan ne courra pas le risque de perdre le fructueux marché avec l’Europe,

-        -la Turquie conduisant sa politique d’influence en oscillant de deux côtés doit rester en équilibre,

-        -l’Iran, à peine, son assise régionale reconnue les BRICS et les accords avec Riyad via la Chine est trop fragile,

-       -LesÉtats-Unis qui entrent en campagne électorale, peineront à trouver des Etats prêts à envoyer au front des soldats d’une part, et d’autre part ont des arsenaux réduits par le soutien à l’Ukraine

-      - l’Union européenne complétement attachée à Washington n’est pas en position de troisième voie : la preuve en est avec le sommet de Grenade organisé dans le cadre de la CPE (Communauté politique européenne qui regroupe 50 Etats dont le Royaume-Uni et la Géorgie ) initié par Emmanuel Macron où seront absents, la Turquie et l’Azerbaïdjan.

-       -L’Arménie par le choix de son premier ministre de reconnaître le Haut-Karabagh comme entité azérie dans le même temps où s’opérait un rapprochement avec l’OTAN donne un avantage aux « Occidentaux » dont les Turcs et Azéris profitent pleinement. Mais Erevan risque gros dans cette affaire de repositionnement géostratégique entre le marteau russe (même affaibli) et l’enclume otanienne (turco-américaine) un peu trop au bon vouloir d’Ankara.

-    -La Chine qui commence tout juste à prendre ses assises en Afghanistan ne peut pas compromettre les routes de la soie. Elle se place, aujourd’hui, trop loin du front des hostilités.

 

Le Caucase ne fait pas mentir son histoire antiquement enchevêtrée qui forme, peut-être, le barrage le plus efficace pour qu’une seule puissance la gouverne totalement et durablement bien aidé par une géographie montagneuse obstacle à des escalades géostratégiques.

 

Après les événements dans le Sahel africain, s’amène celui du Caucase prouvant que les essais d’extension du conflit russo-ukrainien par des nouveaux fronts sont difficiles, escarpés5 : on ne court pas plusieurs lièvres à la fois….

 

Notes :

 

1-Le Royaume-Uni autrefois était très influente pour contrer la descente russe vers les mers chaudes : lire La mort du Vazir-Moukhtar de Iouri Tynianov (1928) récemment réédité par Gallimard

2-le soutien d’Israël au gouvernement azerbaidjanais contre l’enclave du Haut-Karabagh n’est pas sans lien avec le conflit palestinien.

3-Idem pour l’Ukraine où lors de son indépendance, la Russie ne contesta pas la possession de la Crimée à Kiev alors que son rattachement à l’Ukraine soviétique était une décision administrative de Nikita Khrouchtchev.

4- L’Azerbaïdjan et l’Iran sont d’une part de confession chiite, d’autre part l’Azerbaïdjan est vue comme territoire zoroastrien

5-Regardons ce qui se passe en Finlande  

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023

jeudi 25 mai 2023

Arménie : adieu le Haut-Karabagh ? N°5690 17e année

 Sur la question arméno-azérie qui l’emportera : les USA ou la Russie ? Ce jour une réunion est prévue à Moscou entre le Président Poutine et ses homologues, arménien et azéri. Quelques jours plus tôt, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian se déplaçait à Washington et à Bruxelles pour envisager, déjà, la signature d’un trait de paix à Chisinau, la capitale moldave le 1er juin. L’Arménie serait prête à reconnaitre la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabagh, enjeux conflictuels depuis des décennies,  en échange de la garantie de la protection des populations arméniennes. Ce serait un bouleversement caucasien et au-delà car le Caucase est un chaudron qui historiquement ne s’est jamais éteint quels que soient les empires qui le prétendirent et nous ramène à des siècles historiques si lointains et si présents.

Pauvre Arménie dont l’histoire glorieuse fut courte et dont les derniers rois, ceux de la maison française de Lusignan ne régnèrent plus que sur la Cilicie bien loin d’Erevan…Mais aujourd’hui, le conflit russo-ukrainien parce qu’il dure et sans doute parce qu’il le doit, s’étend, atteignant au Caucase, le balcon sur l’Asie centrale, direction la Chine. C’est un secret de polichinelle les USA rêvent d’une OTAN à Tbilissi et à Erevan avec en prime certainement l’incorporation à l’Union européenne : une Europe qui court derrière Washington sans réfléchir une seule seconde si ce suivisme est de son intérêt ou pas.

Rien n’est en encore fait car le président azéri, LLam Aliyev a de bonnes relations avec Poutine et Erdogan et nous ne sommes pas à l’abri d’un coup de théâtre. La Russie investie dans l’Ukraine peine visiblement à garder des forces suffisantes pour rassurer l’Arménie qui se sent encerclée par l’Azerbaïdjan : au-delà du Haut-Karabagh il y a la république autonome azérie du Nakhitchevan, autrefois majoritairement arménienne qui a subi de la part de Bakou les pires tourments : déplacement des populations et destruction totale de toutes les églises et monastères. Sur ces faits, on peut douter de la viabilité de la protection de la population arménienne dans le Haut Karabagh et que les Américains penseraient régler à coup de dollars s’ils l’emportaient.

En 2023, l’Arménie est encerclée ou cernée par Bakou soutenu par Ankara, deux capitales qui tiennent malgré tout à garder deux fers au feu : d’un côté les USA, de l’autre la Russie avec en arrière-plan, l’Iran. On peut se demander si son choix de se placer sous l’égide américain serait véritablement la bonne option. Karine Bechet-Kolovko, dans son article sur ce sujet cite l’ancien ministre des Affaires étrangères, Vardan Oskanyan :

"La communauté internationale et l'Azerbaïdjan doivent être conscients que la décision de Pachinian (sur la reconnaissance du Karabakh comme faisant partie de l'Azerbaïdjan) n'apportera pas la paix entre les deux peuples. Même si le Premier ministre signe le document, ce ne sera qu'une déviation temporaire du cours naturel de l'histoire"1

Les Américains sont dans leur logique de containment de la Russie avec une lecture peut-être trop lisse des antagonismes et des histoires caucasiens. Erevan qui jouissait, avec la Russie d’une liberté totale la perdra certainement avec Washington qui aura en plus l’idée d’attiser le patriotisme arménien pour contenir la Turquie et l’Azerbaïdjan : jouer avec de la dynamite…sans oublier qu’au Caucase l’Iran exerce une influence et que la Russie même écartée en gardera une aussi ?

Quant à l’Union européenne…son suivisme tient lieu de maxime sans s’apercevoir que la Géorgie quoique via sa présidente ne cesse de parler d’appartenance européenne (où est-elle historiquement ?) ne suit pas pour des motifs de politique intérieure les sanctions antirusses rendant plus compliquée son otanisation : sur le chemin d’Erevan, Tbilissi n’est pas une étape si sûre.

Source :

1-https://russiepolitics.blogspot.com/2023/05/haut-karabakh-les-etats-unis-reprennent.html

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023

lundi 19 septembre 2022

Elisabeth II ou la couronne sertissant la nation N°5895 16e année

 La messe de funérailles, point d’orgue d’une semaine où le peuple britannique éblouit le monde…fut l’apothéose d’une nation mais dans la dignité, la ferveur, le respect. Il y a eu quelque chose de splendide que l’art inégalé du gouvernement britannique à maîtriser la cérémonie porta très haut... Cette perfection est la récompense de l’Histoire mais plus encore de cette fierté britannique, de cette identité jusqu’à la plus obscure taverne du royaume…Face à une Europe continentale malencontreuse qui s’emploie à fossoyer autant qu’il est possible au point, maintenant, de susciter ici et là des populismes divers pour l’heure d’infimes colères, Rule britannia fait figure de rock !

Évidement la disparition de la Reine Élisabeth II, au terme d’un règne de 70 années, a ce qu’il faut de « fin d’un monde » comme il en a été pour l’Impératrice Reine Victoria en 1901, pour que l’on pense comme certains qu’Elle est partie à temps. Charles III sera-t-il le sage Édouard VII qui, s’il avait vécu quelques années de plus, aurait sans doute empêché le déclenchement de la Première guerre mondiale ? A la différence des années 1900, le Royaume-Uni n’est plus dans son splendide isolement que lui permettait son empire d’alors, il est dans le monde où le Commonwealth, à la fois branlant mais suscitant l’envie de pays francophones d’y adhérer, est une barrière de corail fragile et il n’est pas jusqu’à l’intérieur du Royaume-Uni, en Écosse où raisonne aussi l’envie de tenter autre chose. Mais demeure l’ordre de l’Empire britannique…

Cette semaine hautement royale et identitaire, très Brexit, verra lui succéder des défilés moins ordonnés et plus furieux contre la vie chère et l’appauvrissement. Il se pourrait bien que le Royaume-Uni d’un côté et l’Italie de l’autre le 25 septembre ne fassent entendre des sons moins agréables que ceux des trompettes et des tambours.

Un règne de 70 années qui maintint autant qu’il put une allure britannique…qui n’alla cependant pas à permettre à Vladimir Poutine de s’incliner dans le cercueil d’Élisabeth II alors même qu’aucune entrée en guerre n’a eu lieu…Autrefois, ces moments ou instants permettaient de proposer un apaisement. Ici et là s’allument des feux, tout récemment entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, bien entre les mains du grand turc, qui tient l’Europe par sa fourniture de gaz, nous annonce de ce fait que cette Union si fière de s’émanciper énergétiquement risque de s’empêtrer dans de sacrés fils !

Mais revenons à cet adieu à la Reine et à ces journées exceptionnelles que le Royaume-Uni offrit au monde prouvant que jusqu’à présent rien n’était plus solide de la nation ici sertie de la Couronne de saint Édouard…..Rule britannia second hymne des britanniques depuis le milieu du XVIIIe siècle

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022

mardi 30 mars 2021

L’Iran et la Turquie à fleurets mouchetés par Jean-Michel Morel N°5634 15e année

« Leurs ambitions régionales s’affirmant de plus en plus, les relations semblent se dé-tériorer entre les deux anciens empires qui rêvent de retrouver leur grandeur perdue. La Turquie est manifestement à l’origine de ce climat de tension avec l’Iran. »

 « Zéro problème avec les voisins » : la fameuse stratégie issue de la réflexion d’Ahmet Da-vutoğlu lorsqu’il était ministre des affaires étrangères de Turquie s’est peu à peu transformée en « zéros voisins sans problème ». L’Iran s’ajoute à la liste des pays qui regardent la poli-tique étrangère de la Turquie avec suspicion et inquiétude. 

Jusqu’alors les relations entre les deux pays — dont les échanges énergétiques constituent l’aspect principal des relations commerciales — étaient parvenues à maintenir un état de non-belligérance et même de non-agressivité en dépit de leur positionnement antinomique dans le conflit syrien où la Turquie s’oppose au régime de Damas alors que l’Iran le soutient.

Regain de tension dans le Sinjar 

Mais, ces dernières années, les choses se sont envenimées dans la région irakienne du Sinjar puis lors de la crise du Haut-Karabakh. La ville éponyme de Sinjar, au nord-ouest de Mossoul, est un lieu sacré pour les yézidis, une minorité confessionnelle kurde dont la religion plonge ses racines dans les mythologies perses. En 2014, estimant qu’ils étaient des kouffar (mécréants), les djihadistes de l’organisation de l’État islamique (OEI) ont massacré des mil-liers d’hommes yézidis et ont réduit en esclavage les femmes et les enfants. Les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), après avoir libéré la région de la présence dji-hadiste, ont aidé à la constitution de milices yézidis autonomes. Ensuite, le PKK est resté dans le Sinjar comme il l’est sur le mont Qandil, dans le nord-est du Kurdistan irakien. 

En janvier, dans le cadre des bonnes relations que la Turquie s’efforce d’entretenir avec l’Irak et le gouvernement régional du Kurdistan (KRG), le ministre turc de la défense Hulusi Akar s’est rendu dans les deux capitales, Bagdad et Erbil. À l’issue de cette visite, le président Re-cep Tayyip Erdoğan a lancé en guise d’avertissement à propos du Sinjar : « Nous pourrions débarquer soudainement une nuit ». Cette hypothèse est d’autant plus crédible que le 10 février 2021, l’armée turque s’est fourvoyée dans la région de Gara (toujours dans le nord de l’Irak) dans une tentative qui a mal tourné de libération de prisonniers du PKK, de militaires et de membres des services secrets turcs. Un fiasco qui s’est conclu par la mort des 13 prisonniers. 

En réponse à cette menace latente d’intervention de la Turquie, Achab Al-Qahf, une milice chiite soutenue par l’Iran, a exigé que « la Turquie cesse ses actes hostiles ; nous nous at-tendions à ce que la Turquie achève son retrait du territoire irakien, pas qu’elle augmente son intrusion ». En cas d’attaques, la milice a menacé la Turquie de représailles en diffusant une vidéo dans laquelle figurent des missiles Arash de fabrication iranienne. 

Pour les Iraniens, la région du Sinjar est stratégique au regard d’un vaste projet de construc-tion d’une autoroute ralliant Téhéran à la Méditerranée, dont le tracé passe par la province de Diyâlâ à 60 kilomètres au nord de Bagdad avant de remonter vers le Sinjar et atteindre la Sy-rie. Une fois la frontière franchie, l’autoroute continuerait jusqu’à Qamishlo puis Kobané, pas-serait par le nord d’Alep et se terminerait au port de Lattaquié. 

Les Turcs, eux, perçoivent le Sinjar comme un point de jonction dans le nord de l’Irak entre Qandil, base arrière du PKK, et le Rojava syrien tenu par les Forces démocratiques sy-riennes (FDS) dont le Parti de l’union démocratique kurde (PYD) est la force déterminante. La province de Ninive est aussi un territoire où les Hachd al-Chaabi (Unités de mobilisation populaire, UMP), milices chiites, sont fortement présentes. Intervenir avec l’aviation, les drones et, comme à Gara, des troupes au sol permettrait à Ankara de faire d’une pierre deux coups. 

Le dossier empoisonné du Haut-Karabakh »

 La suite ci-dessous : 

https://orientxxi.info/magazine/l-iran-et-la-turquie-s-affrontent-a-fleurets-mouchetes,4598

 

A voir : 

Erdogan restaurera-t-il le califat en 2024 ? Entretien avec Jean-François Colosimo 

Jean Vinatier 

Seriatim 2021