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mardi 30 mars 2021

L’Iran et la Turquie à fleurets mouchetés par Jean-Michel Morel N°5634 15e année

« Leurs ambitions régionales s’affirmant de plus en plus, les relations semblent se dé-tériorer entre les deux anciens empires qui rêvent de retrouver leur grandeur perdue. La Turquie est manifestement à l’origine de ce climat de tension avec l’Iran. »

 « Zéro problème avec les voisins » : la fameuse stratégie issue de la réflexion d’Ahmet Da-vutoğlu lorsqu’il était ministre des affaires étrangères de Turquie s’est peu à peu transformée en « zéros voisins sans problème ». L’Iran s’ajoute à la liste des pays qui regardent la poli-tique étrangère de la Turquie avec suspicion et inquiétude. 

Jusqu’alors les relations entre les deux pays — dont les échanges énergétiques constituent l’aspect principal des relations commerciales — étaient parvenues à maintenir un état de non-belligérance et même de non-agressivité en dépit de leur positionnement antinomique dans le conflit syrien où la Turquie s’oppose au régime de Damas alors que l’Iran le soutient.

Regain de tension dans le Sinjar 

Mais, ces dernières années, les choses se sont envenimées dans la région irakienne du Sinjar puis lors de la crise du Haut-Karabakh. La ville éponyme de Sinjar, au nord-ouest de Mossoul, est un lieu sacré pour les yézidis, une minorité confessionnelle kurde dont la religion plonge ses racines dans les mythologies perses. En 2014, estimant qu’ils étaient des kouffar (mécréants), les djihadistes de l’organisation de l’État islamique (OEI) ont massacré des mil-liers d’hommes yézidis et ont réduit en esclavage les femmes et les enfants. Les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), après avoir libéré la région de la présence dji-hadiste, ont aidé à la constitution de milices yézidis autonomes. Ensuite, le PKK est resté dans le Sinjar comme il l’est sur le mont Qandil, dans le nord-est du Kurdistan irakien. 

En janvier, dans le cadre des bonnes relations que la Turquie s’efforce d’entretenir avec l’Irak et le gouvernement régional du Kurdistan (KRG), le ministre turc de la défense Hulusi Akar s’est rendu dans les deux capitales, Bagdad et Erbil. À l’issue de cette visite, le président Re-cep Tayyip Erdoğan a lancé en guise d’avertissement à propos du Sinjar : « Nous pourrions débarquer soudainement une nuit ». Cette hypothèse est d’autant plus crédible que le 10 février 2021, l’armée turque s’est fourvoyée dans la région de Gara (toujours dans le nord de l’Irak) dans une tentative qui a mal tourné de libération de prisonniers du PKK, de militaires et de membres des services secrets turcs. Un fiasco qui s’est conclu par la mort des 13 prisonniers. 

En réponse à cette menace latente d’intervention de la Turquie, Achab Al-Qahf, une milice chiite soutenue par l’Iran, a exigé que « la Turquie cesse ses actes hostiles ; nous nous at-tendions à ce que la Turquie achève son retrait du territoire irakien, pas qu’elle augmente son intrusion ». En cas d’attaques, la milice a menacé la Turquie de représailles en diffusant une vidéo dans laquelle figurent des missiles Arash de fabrication iranienne. 

Pour les Iraniens, la région du Sinjar est stratégique au regard d’un vaste projet de construc-tion d’une autoroute ralliant Téhéran à la Méditerranée, dont le tracé passe par la province de Diyâlâ à 60 kilomètres au nord de Bagdad avant de remonter vers le Sinjar et atteindre la Sy-rie. Une fois la frontière franchie, l’autoroute continuerait jusqu’à Qamishlo puis Kobané, pas-serait par le nord d’Alep et se terminerait au port de Lattaquié. 

Les Turcs, eux, perçoivent le Sinjar comme un point de jonction dans le nord de l’Irak entre Qandil, base arrière du PKK, et le Rojava syrien tenu par les Forces démocratiques sy-riennes (FDS) dont le Parti de l’union démocratique kurde (PYD) est la force déterminante. La province de Ninive est aussi un territoire où les Hachd al-Chaabi (Unités de mobilisation populaire, UMP), milices chiites, sont fortement présentes. Intervenir avec l’aviation, les drones et, comme à Gara, des troupes au sol permettrait à Ankara de faire d’une pierre deux coups. 

Le dossier empoisonné du Haut-Karabakh »

 La suite ci-dessous : 

https://orientxxi.info/magazine/l-iran-et-la-turquie-s-affrontent-a-fleurets-mouchetes,4598

 

A voir : 

Erdogan restaurera-t-il le califat en 2024 ? Entretien avec Jean-François Colosimo 

Jean Vinatier 

Seriatim 2021

 

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