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dimanche 21 mars 2021

Indochine : la fin d’un rêve par Jacques de Folin N°5628 15e année

De cette Asie du sud-est, peu d’échos nous reviennent à l’esprit, la fin de l’Indochine française en 1954-56 a clos, semble-t-il, les intérêts de nos politiques lesquels par leurs négligences actuelles en Nouvelle-Calédonie illustrent combien ce qui se situe aux abords du Pacifique est balayé d’un revers de la main….

Je trouvais par hasard en musardant dans une bibliothèque privée l’ouvrage paru en 1993 de Jacques de Folin, vrai marquis, vrai résistant, vrai marin, vrai diplomate, sur la dernière période de la présence française en Indochine (1940-1955) : Laos, Cambodge, Tonkin, Annam, Cochinchine et une partie de la province chinoise du Guangdong.

C’est d’abord par le Siam (Thaïlande) que la France de Louis XIV appréhenda ce qui sera pour elle l’espace indochinois…ainsi furent les relations de l’abbé de Choisy, diplomate et célèbre auteur de romans de travesti, qui participèrent à l’intérêt asiatique avec pour point culminant cette Chine que tout le XVIIIe siècle applaudira avant qu’au XIXe siècle, cette même Europe ne regarde cet empire qu’au gré des concessions, des mises à sac et des traités inégaux.

L’entrée de l’Asie du Sud-Est dans la pensée stratégique française débuta sous le règne de Louis XVI, après 1783 consacrant la défaite anglaise et la naissance des États-Unis. Dans ce moment de reprise en main, la royauté française lança de grandes expéditions scientifiques dont celle de La Pérouse pour estimer ce que pourrait être une nouvelle politique française stratégique qui pressentait l’importance à venir de l’Asie.

Nous commençâmes par les intrigues dans l’empire d’Annam (Vietnam) que Monseigneur Pigneau de Behaine premier évêque en Cochinchine plaida auprès de Louis XVI qui signera en novembre 1787 le premier traité entre la France et l’Annam avec la cession de deux îles (Hoi Nan, Poulo Condor) et le comptoir de Tourane. Ainsi d’abord Louis-Philippe puis, surtout, Napoléon III purent via ce traité se justifier d’intervenir dans cette partie d’Asie. La IIIe République réalisera l’Indochine qui deviendra du fait de son dynamisme économique, « la perle de l’empire ».

Jacques de Folin aborde, narre et explique les arcanes de ces quinze dernières années françaises en Indochine. De son occupation par le Japon en 1940 qui réprima férocement, à la proclamation le 9 mars 1945 par cette puissance de l’indépendance des pays d’Indochine, ces cinq années furent les coups fatals dont les massacres de français par les troupes d’Ho Chi Minh en 1945/46.

A l’inverse du Royaume-Uni qui put donner l’indépendance à nombre de ses colonies et dominions et fondé un Commonwealth toujours en activité, la France s’en montra véritablement incapable. Qu’il s’agisse de de Gaulle « aux aguets et aux abois » et de l’ensemble de la classe politique française d’alors, on craignait qu’en réformant en Asie on susciterait sa réplique en Afrique et pour compliquer le problème la IVe République jugera habile d’inscrire dans la Constitution l’Union française dans laquelle aurait dû s’insérer l’Indochine. A ces problèmes internes, se greffaient bien évidemment les concurrences, anglaise, américaine et naturellement les volontés nationales des peuples indochinois sans oublier l’impact de la victoire de Mao en Chine.

Jacques de Folin souligne, à juste titre, l’aberration de la France Libre à refuser de confier temporairement à l’amiral Decoux et son administration le soin de gérer l’après 9 mars 45 sous le prétexte d’avoir prêté serment à Vichy…alors qu’en France métropolitaine, le Général de Gaulle prenait soin de maintenir les moins compromis ! L’auteur insiste sur les hésitations des gouvernement successifs s’aveuglant sur Ho Chi Minh comme sur Bao Dai, le dernier empereur d’Annam, en ne voulant pas se donner les moyens militaires adéquats pour emporter des batailles décisives : il est vrai que parfois les militaires étonnèrent en paniquant, après des résistances héroïques, à Cao Bang, à Lang Song et en sous-estimant la valeur de Giap. La IVe République lassé des officiers « amoureux de l’Indochine » nomma Navarre et ce sera Dien Bien Phu.

Les conférences de Genève de 1954 achevaient la longue série des négociations débutées à  Fontainebleau en 1946/47, aboutissant non seulement à la fin de l’Indochine française mais, en plus à la partition du Vietnam d’où en sortira la guerre du même nom en 1965.

L’encre des conférences de Genève que Mendes-France aura la charge ingrate d’assumer, n’aura pas le temps de sécher que le 1er novembre 1954 commença la guerre d’Algérie.

D’une façon générale tous les partis politiques français crurent en l’empire français y compris les communistes. Ni de Gaulle, ni ses successeurs immédiats n’eurent l’audace de donner satisfaction aux peuples de l’Union : ce furent des chicaneries, des négociations de boutiquier. Ainsi en tout en remettant Bao Dai sur son trône, Paris lui dénia jusqu’en1955 l’indépendance, l’excluant de tout rôle au profit de Diêm, catholique dans un pays bouddhiste, premier président du Vietnam du Sud jusqu’à son assassinat en 1963. Quant à Ho Chi Minh, il sut avec un cynisme accompli avancer ses pions sans masquer ni sa détestation de la France ni celle de notre langue et ne recula pas devant des massacres, des éliminations diverses. Ho Chi Minh, si frêle, si constant, si redoutable….

En 2021, la France a une grande hâte à terminer sa présence nouvelle-calédonienne, négligeant, notamment le dossier du nickel, au moment où le Pacifique et l’Asie sont et seront des lieux stratégiques de premier plan. Ainsi dans la querelle qui oppose le Vietnam et la Chine pour les îles Paracels/Spratleys, Paris ne pourra pas se soustraire à intervenir car c’est sous son égide que se dessinèrent les frontières maritimes vietnamiennes.

Ainsi « délaissement et lassitude » continuent-ils encore d’accompagner les politiques de la France dans cette partie du monde. Ce qu’elle ne fit pas en 1945 se poursuit encore en 2021 c’est-à-dire être visionnaire, avoir une soif d’avenir. Ainsi Londres demande à intégrer la grande zone de libre-échange Asie-pacifique qui vient de naître quand Paris ne se manifeste pas

En 2021 comme en 1945, la France s’étouffe à regarder l’Asie, le Pacifique où elle a le deuxième espace maritime juste derrière les États-Unis : panne stratégique, panne de vision. L’Union européenne n’a que faire de nos établissements faute d’avoir une pensée stratégique. N’est-ce pas sans raison que Jacques de Folin dit que les années 40/55 furent la fin d’un rêve asiatique de la France ?

Folin (Jacques de) : Indochine, la fin d’un rêve, 1940-1955, Paris, Perrin, 1993

In Seriatim :

www.seriatim.fr/2021/02/nouvelle-caledonie-cest-pas-nickel.html

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

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