L’administration Biden commence
à nous éclairer sur ses intentions diplomatiques vis-à-vis de la Russie, de l’Arabie
Saoudite et de l’Iran. La Chine est bien dans le viseur mais, mange-t-on tous
les plats en une fois ?
L’endiguement (containment)
est un acte politique cher aux américains depuis « Le long télégramme »
de George F. Kennan en février 1946. D’abord appliqué à l’Union soviétique,
aujourd’hui, il est essayé contre la Chine. Pékin a, notamment, deux partenaires
stratégiques énergétiques la Russie et l’Iran. Vouloir les ficeler ou les détacher
de la Chine est un travail de longue haleine et délicat, aussi Washington essaie
d’y arriver par deux moyens différents : par les sanctions contre la
Russie et la mise sur orbite d’un opposant-martyr (Navalny), par des appels du
pied vers l’Iran des mollahs. L’Union européenne, toujours à des années
lumières de toute pensée géostratégique s’empresse de cautionner les Etats-Unis
et annone. Cependant, l’administration Biden en choisissant de faire pression
sur l’Arabie Saoudite et sur MBS en particulier, elle risque d’y laisser des
plumes. Pour Joe Biden, le royaume saoudien a, désormais trois inconvénients :
une guerre au Yémen, alors soutenue par eux depuis Obama, un appui à Donald
Trump, une responsabilité dans l’assassinat du journaliste Khashoggi. Le
royaume devient moins fréquentable alors que s’accumulent ses échecs : au
Yémen, contre le Qatar mais il garde une importance majeure contre l’Iran. Or,
en prenant le parti d’insister lourdement sur le roi Salmane ben Abdelaziz al
Saoud pour renvoyer le prince héritier, un risque est pris soit de se heurter à
un refus très net (ingérence) soit d’affaiblir l’Arabie pour le plus grand intérêt
de l’Iran qui se montrera plus retors dans la négociation.
L’Iran est l’objet de
sanctions….à l’Ouest mais pas à l’Est. L’été dernier l’Iran a signé un accord
énergétique majeur avec la Chine qui lui permettra d’écouler sa production
pétrolière lui apportant un nombre important de devises. Certes l’Iran aimerait
retrouver des relations commerciales ouvertes avec l’Europe mais l’Asie prenant
de plus en plus d’aise vis-à-vis des Etats-Unis, Téhéran n’a pas de raison
majeure pour s’impatienter et ce d’autant moins que les mollahs suivent
attentivement toute déstabilisation en Arabie Saoudite, que tous les Etats
arabiques ne sont pas si hostiles envers eux, que l’Irak, enfin, est dans leur
influence les projetant jusqu’en Syrie.
La Russie de Vladimir
Poutine impressionne par sa puissance militaire sans masquer une faiblesse double,
économique et démographique. S’y ajoute une donnée géopolitique historique, la
Russie depuis Pierre Le Grand cherche à se faire admettre dans l’aire
européenne avec des envies de bonnes correspondances américaines (Alaska). Le souvenir
tragique des mongols au XIIIe siècle a imprimé durablement une méfiance envers
l’Asie. Pourtant, la Russie est régulièrement accusée d’un piratage régulier,
de faire et défaire les processus démocratiques, d’être en quelque sorte un
deux ex machina maléfique. La Russie se regarde donc comme assiégée, agressée
et ne parait pas répondre aux attaques dont elle est l’objet. Moscou joue avec
beaucoup d’intelligence une partie géopolitique qui la conduit jusqu’au milieu
de l’Afrique tout en gardant une réserve vis-à-vis de la Chine. Certes Pékin et
Moscou ont signé une foule d’accords mais la Russie aimerait bien être aussi en
Europe pour contrebalancer ce partenaire très puissant. Les Etats-Unis en jouant
la déstabilisation en Russie risque d’arriver à l’opposé du but recherché. Là
encore l’Europe manque une occasion de taille….
L’administration Biden
court trois lièvres à la fois : le russe, l’iranien, le saoudien, le
dernier étant son appui contre le second laissant entrevoir des issues
décevantes et qui sait dangereuses. En ne mettant pas de hiérarchie dans sa
politique d’endiguement de la Chine, l’Amérique s’empêtrera précipitant même de
nouvelles ententes. Dernièrement, Washington a plaidé pour que le Japon et la Corée
forment un axe anti-chinois oubliant que la seconde est infiniment plus proche historiquement
de la Chine que du Japon qui y a commis des atrocités.
A suivre……
Jean
Vinatier
Seriatim 2021