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dimanche 17 janvier 2010

Haïti : « réaffirmer le leadership américain »- N°615- 3e année

La nation de Toussaint-Louverture fait face comme elle le peut aux conséquences du tremblement de terre, sa capitale détruite, le peuple épouvanté. Les Haïtiens s’énervent de la lenteur de l’arrivée de l’aide internationale.
Barack Obama, pour une fois prompt, a missionné les anciens présidents, Georges Bush et Bill Clinton avant de placer, de concert avec le Président René Préval, l’aéroport de Port-au-Prince sous le contrôle de son armée. Il s’agit, dit-il, de
« réaffirmer le leadership américain ». Le message a le mérite de la clarté.
Il était temps, les Chinois ne s’y affaireraient-ils pas? Cette décision américaine énergique laisse cruellement apparaître l’inertie de la France, de l’Union européenne, de l’ONU certes durement frappée mais qui compte une force militaire de 10.000 hommes. Les difficultés rencontrées par plusieurs avions français pour atterrir –refus américain- ajoutent aux tensions en train de germer dans un pays en plein chaos.
Si les Etats-Unis se souviennent d’avoir occupé Haïti au début du XXe siècle, ils savent également regarder une carte : que voit-on en face de Port-au-Prince ? Guantanamo. L’aéroport restera longtemps sous leur direction et sans doute y verra-t-on s’ériger une zone interdite à nul autre. L’envoi de 10 000 soldats US n’est-il pas le signe d’une action à même de complaire au public américain et à Barack Obama de revêtir une cuirasse?
L’absence de geste puissant depuis Paris est confondante. Le Président Sarkozy a indiqué que devant se rendre d’ici quelques semaines à la Guadeloupe et en Martinique, il ferait donc « un détour » par Haïti, pays francophone !! Visiblement il ne manifeste aucun empressement : oublierait-il que grâce à Haïti et d’autres pays francophones, le français est devenu la seconde langue à l’ONU ? N’aurait-il pas été bon que son épouse fasse le déplacement ou bien de confier à Jacques Chirac qui préside sa fondation, une mission humanitaire pour être sur le même pied que le Chef d’Etat américain ?
Le silence de l’Union européenne ne surprend pas mais tout de même quelle apathie ! Ni le duo Von Rompuy/Ashton, ni le Premier ministre espagnol –qui assume la présidence tournante – n’ont initié quoi que ce soit. Sur bien des plans, on voit que la puissance européenne n’est qu’un vain mot, et que se calfeutrer dans l’OTAN, n'est qu'une lâche tranquillité !
Tout de même, la douleur d'une population plongée dans le désarroi ne méritait-elle pas à l’autre bout de l’Atlantique une action concertée avec des moyens civils et militaires en conséquence ? La France aurait racheté la honte d’un Bonaparte laissant mourir au fort de Joux dans l’humiliation et le froid Toussaint-Louverture! Mais d’Haïti au Rwanda, Paris peine à mesurer des fautes tout en sachant encore organiser des renversements comme à Madagascar. La francophonie est donc bien nue. Elle n’a de toute façon jamais beaucoup compté dans la politique française.


Jean Vinatier

Copyright©SERIATIM 2010

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dimanche 15 février 2009

Antilles : effet boomerang en France ? N°400 - 2eme année

En novembre 2008, les Guyanais descendaient dans les rues pour protester contre la vie chère et le coût de l’essence ! Deux mois après, la Guadeloupe puis la Martinique font de même. De l’autre côté, dans l’océan indien, la Réunion et Mayotte pourraient reprendre le flambeau ; et l’on dit même, qu’en Nouvelle-Calédonie les tensions grandissent !
Dans le
JDD, la députée de Guyane, Christiane Taubira, résume d’une phrase l’énigme antillaise : « L’outre-mer n’est pas une danseuse, mais un territoire spolié »¹ au profit de quelques sociétés et familles sous le regard bienveillant de l’Etat. Le LKP qui regroupe à Pointe-à-Pitre, tous les mécontents de l’île, écarte toute idée d’une question raciale pour l’origine des manifestations. Brusquement, la métropole découvre que les DOM sont restés dans des schémas économiques anachroniques. En effet les Antilles ont la caractéristique d’avoir le dos tourné à l’ensemble Caraïbe et à la côte des Amériques du Sud et Centrale ! L’Etat craint-il encore une volonté d’indépendance comme celle qui a surgi à partir de 1784 quand Louis XVI institua une assemblée provinciale qui accordait une relative autonomie ? La France se souvient-elle des guerres menées par des guadeloupéens, des martiniquais et hommes de Saint-Domingue entre 1792 et 1802 tels
Louis Delgrès et Toussaint-Louverture restés au cœur de toutes les mémoires ? Peut-être, les émeutes des années 1952 et 1967 justifient-elles la prudence élyséenne !
Les Antilles font-elles tellement peur à la métropole que les partis politiques et les syndicats pratiquent la politique de l’autruche. Les revendications de LKP figureront-elles au menu de la réunion du 18 février ? Grand mystère ! C’est donc le pauvre Yves Jégo, secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, très dépensier en CO2 par les navettes entre les îles et Paris, qui concentre toutes les moqueries !
Si Nicolas Sarkozy rigolait à propos des manifestations qu’il ne voyait pas, désormais il les verra partout jusque dans l’Atlantique et l’océan indien ! Pourquoi le gouvernement tient-il à séparer l’outre-mer de la métropole dans le cas présent ? Les Antillais défilent pour le pouvoir d’achat, l’emploi, la santé, l’éducation, la justice sociale comme deux millions de métropolitains le 29 janvier dernier ! A Paris comme dans les Antilles, le patronat récuse tout effort : les békés ne sont ni plus ni moins influents que les « Messieurs du CAC40 ». Les Antillais se voient refusés comme aux salariés en France la moindre augmentation. Il y a bien des deux côtés de l’Atlantique une revendication générale similaire.
Faudrait-il rechercher la prudence gouvernementale du côté d’une appréhension du réveil des minorités françaises? La France se targue de toute une série de textes autour des minorités visibles lesquelles sont toujours presque invisibles. Dans le service public, combien en avons-nous dans les hautes sphères administratives civiles et militaires ? Idem pour le privé, où sont-elles parmi les cadres dirigeants et les PDG des entreprises ? Comparés aux Etats-Unis, notre bilan n’est guère flatteur. Nul ne peut le nier, l’élection de Barack Obama pourrait, demain, bousculer les atermoiements français. Yazid Sabeg, le commissaire à la diversité, nommé par le Président de la République, gardera-t-il longtemps le silence ?
Devant une contestation sociale qui ne cesse de grandir en force et de s’étendre partout où flotte le drapeau tricolore, le gouvernement n’est-il pas en plus devant le défi de sortir la France de l’esprit colonial ou de ce qu’il en reste ?


Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

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Source :


1-
http://www.lejdd.fr/cmc/societe/200907/taubira-on-frole-l-apartheid-social_187665.html

Louis Delgrès : « Vivre libre ou mourir » le 10 mai 1802 N°399 - 2eme année

Louis Delgrès (1766-1802) né la Martinique est un héros à mettre sur le même pied que Toussaint-Louverture ! S’il applaudit à l’abolition de l’esclavage en 1794 par la Convention, il reprit les armes quand Napoléon Bonaparte décida de son rétablissement en 1801. Louis Delgrès résista comme il put aux troupes du général Richepance (1770-1802) mais acculé, il préféra se faire sauter avec ses hommes plutôt que de se rendre.
Voici la proclamation qu’il fit dix-huit jours avant sa mort, le 28 mai 1802.


« À l’univers entier¹


Le dernier cri de l’innocence et du désespoir
C’est dans les plus beaux jours d’un siècle à jamais célèbre par le triomphe des lumières et de la philosophie qu’une classe d’infortunés qu’on veut anéantir se voit obligée de lever la voix vers la postérité, pour lui faire connaître lorsqu’elle aura disparu, son innocence et ses malheurs.
Victime de quelques individus altérés de sang, qui ont osé tromper le gouvernement français, une foule de citoyens, toujours fidèles à la patrie, se voit enveloppée dans une proscription méditée par l’auteur de tous ses maux. Le général Richepance, dont nous ne savons pas l’étendue des pouvoirs, puisqu’il ne s’annonce que comme général d’armée, ne nous a encore fait connaître son arrivée que par une proclamation dont les expressions sont si bien mesurées, que, lors même qu’il promet protection, il pourrait nous donner la mort, sans s’écarter des termes dont il se sert. À ce style, nous avons reconnu l’influence du contre-amiral Lacrosse, qui nous a juré une haine éternelle... Oui, nous aimons à croire que le général Richepance, lui aussi, a été trompé par cet homme perfide, qui sait employer également les poignards et la calomnie.
Quels sont les coups d’autorité dont on nous menace ? Veut-on diriger contre nous les baïonnettes de ces braves militaires, dont nous aimions à calculer le moment de l’arrivée, et qui naguère ne les dirigeaient que contre les ennemis de la République ? Ah ! Plutôt, si nous en croyons les coups d’autorité déjà frappés au Port-de-la -Liberté, le système d’une mort lente dans les cachots continue à être suivi. Eh bien ! Nous choisissons de mourir plus promptement.
Osons le dire, les maximes de la tyrannie les plus atroces sont surpassées aujourd’hui. Nos anciens tyrans permettaient à un maître d’affranchir son esclave, et tout nous annonce que, dans le siècle de la philosophie, il existe des hommes malheureusement trop puissants par leur éloignement de l’autorité dont ils émanent, qui ne veulent voir d’hommes noirs ou tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de l’esclavage.
Et vous, Premier consul de la république, vous guerrier philosophe de qui nous attendions la justice qui nous était due, pourquoi faut -il que nous ayons à déplorer notre éloignement du foyer d’où partent les conceptions sublimes que vous nous avez si souvent fait admirer ! Ah ! sans doute un jour vous connaîtrez notre innocence, mais il ne sera plus temps et des pervers auront déjà profité des calomnies qu’ils ont prodiguées contre nous pour consommer notre ruine.
Citoyens de la Guadeloupe, vous dont la différence de l’épiderme est un titre suffisant pour ne point craindre les vengeances dont on nous menace, - à moins qu’on veuille vous faire le crime de n’avoir pas dirigé vos armes contre nous, - vous avez entendu les motifs qui ont excité notre indignation. La résistance à l’oppression est un droit naturel. La divinité même ne peut être offensée que nous défendions notre cause ; elle est celle de la justice et de l’humanité : nous ne la souillerons pas par l’ombre même du crime. Oui, nous sommes résolus à nous tenir sur une juste défensive ; mais nous ne deviendrons jamais les agresseurs. Pour vous, restez dans vos foyers ; ne craignez rien de notre part. Nous vous jurons solennellement de respecter vos femmes, vos enfants, vos propriétés, et d’employer tous nos moyens à les faire respecter par tous. Et toi, postérité ! accorde une larme à nos malheurs et nous mourrons satisfaits.

Le Commandement de la Basse-Terre Louis DELGRÈS »

Jean Vinatier
©SERIATIM 2009

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Sources :


1-
http://www.comite-memoire-esclavage.fr/spip.php?article191

Poème d’Aimé Césaire sur Louis Delgrès :

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/esclavage/louisdelgres_cesaire_abolition.asp

vendredi 11 juillet 2008

Nicolas-Germain Léonard : « Au bois de Romainville » N°245 - 1ere année

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » Lamartine ? Et non, il s’agit d’un extrait de l’œuvre poétique de Nicolas-Germain Léonard (1744-1793) né à La Guadeloupe.
Envoyé très tôt en France, il ne tarda pas à s’y faire distinguer par l’Académie de Rouen avant de publier en 1766,
les Idylles morales. Sa La nouvelle Clémentine, roman publié en 1774 révèle l’influence exercée par Rousseau.
Poète mélancolique qui annonce par son style le romantisme dont Sainte-Beuve signala la qualité.
Secrétaire de légation auprès du prince-évêque de Liège (1773-1783), il retourna en Guadeloupe en 1784 dont il fit une narration élégante et récemment éditée par les éditions
Rumeur des Âges en 2007. De 1787 à 1791 il fut lieutenant de la sénéchaussée de Pointe-à-Pitre. Contraint de fuir son île en raison des premières révoltes d’esclaves, il regagna la France puis arriva à Romainville en octobre 1792. C’est pendant ce séjour triste qu’il composa le poème proposé à votre lecture ci-dessous.
Regroupant ses dernières forces, il voulut repartir à la Guadeloupe mais il décéda la veille de son embarquement à Nantes le 26 janvier 1793.Contemporain d’un autre grand poète né à l’île Bourbon (Réunion), Evariste Parny (1753-1814), se fréquentèrent-ils dans les salons parisiens à la fin du règne de Louis XV et au début de celui de Louis XVI?

« Au bois de Romainville

J’ai vu le monde et ses misères :
Je suis las de les parcourir.
C’est dans ces ombres tutélaires,
C’est ici que je veux mourir !

Je graverai sur quelque hêtre :
« Adieu fortune, adieu projets !
Adieu, rocher qui m’a vu naître,
Je renonce à vous pour jamais. »

Que je puisse cacher ma vie
Sous les feuilles d’un arbrisseau,
Comme le frêle vermisseau
Qu’enferme une tige fleurie !

Si l’enfant qui borde un bandeau
Voulait embellir mon asile,
Ô bocage de Romainville !
Couronne de fleurs ton berceau.

Et si, sans bruit et sans escorte,
L’amitié venait sur ses pas
Frapper doucement à ma porte,
Laisse-la voler dans mes bras.
Amours, Plaisirs, troupe céleste,
Ne pourrai-je vous attirer,
Et le dernier bien qui me reste
Est-il la douceur de pleurer ?

Mais, hélas ! le temps qui m’entraîne
Va tout changer autour de moi :
Déjà mon cœur que rien n’enchaîne
Ne sent que tristesse et qu’effroi !…

Ils viendront ces jours de ténèbres
Où la vieillesse aux doigts pesants,
Couvrira de voiles funèbresLes images de mon printemps.
Ce bois même, avec tous ses charmes,
Je dois peut-être l’oublier ;
Et le temps que j’ai beau prier
Me ravira jusqu’à mes larmes. »



©Jean Vinatier 2008

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Sources:


William Moseley Kerby, The Life, Diplomatic Career and Literary Activities of Nicolas Germain Léonard. Paris : Librairie ancienne Édouard Champion, 1925
Lettre sur son voyage aux Antilles, Edition Rumeur des Âges, La Rochelle, 2007
La nouvelle Clémentine ou Lettres d’Henriette de Berville, La Haye, Paris, 1774

lundi 21 avril 2008

Aimé Césaire: politiquement poète N°187 - 1ere année

Etrange ambiance autour de la disparition d’Aimé Césaire ! Les politiques s’étaient déplacés en corps dont le Président de la République. L’unité de façade, c’est-à-dire l’hommage au grand homme, l’homme universel .…etc a volé en éclats quand on suggéra l’entrée du poète au Panthéon. A l’exception notable de Ségolène Royal, de Fabius à Yves Jégo en passant par François Hollande et François Bayrou tous se sont évertués à justifier leurs réticences. Le Panthéon ne serait-il plus le lieu de gloire des grands hommes ? A quoi servirait alors la cathédrale républicaine ? Il est vrai qu’Aimé Césaire n’est jamais devenu académicien. Qu’est-ce qui bloquait son entrée parmi les Immortels ?Etait-ce son parcours politique : maire de Fort-de France (1945-2001), député de la Martinique (1945-1993) ? Etait-ce son talent de poète ? A priori non.
Non, la négritude avait et a du mal à passer les corps constitués. D’où vient-elle ? L’idée de « négritude » trouve son origine dans un roman, Batouala de René Maran, auteur lauréat du prix Goncourt de 1921 aujourd’hui oublié.
Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor , Léon Gontran Damasl’ont-ils lu ? Toujours est-il que la « négritude » fait son chemin et paraît dans la revue,
l’Etudiant noir (1934-1940) avant d’être reprise dans Tropique (1941-1945). L’idée arrive au bon moment quand les mouvements indépendantistes secouent l’ensemble des empires coloniaux européens. Pour Aimé Césaire, jeune agrégé de lettres et normalien, il était temps de rompre avec les dessins enchantés du « gentil noir » ou du doudouisme lancé par le marquis de Bouillé, gouverneur des Antilles sous Louis XV et Louis XVI.
Si «
la négritude est l’universelle des valeurs culturelles de l’Afrique noire » chez Senghor, pour Césaire, cette idée doit trouver une origine politique, dynamique, combattive.
La Révolution française bouleverse l’ordre établi dans les Antilles et les Caraïbes. L’île de Saint-Domingue, partagée entre la France et l’Espagne, est le point de départ de la révolte des esclaves contre les propriétaires blancs. Ainsi des hommes illustres comme Toussaint Breda dit Louverture, Jean-Jacques Dessalines, Alexandre Pétion, Henri Christophe, Julien Boyer¹ vont-ils bousculer l’ordre « Blanc » et vaincre les armées française, espagnole, anglaise. Haïti sera le second état américain (après les Etats-Unis d’Amérique) à proclamer son indépendance et le premier à abolir l’esclavage. Haïti prendra une place déterminante dans la pensée de Césaire qu’il illustra par sa pièce, La tragédie du roi Christophe.
L’homme noir prouve dans l’œuvre de Césaire qu’il a forgé un état, libéré des hommes, construit une identité, proposé une société par la puissance de son combat politique. L’extrait tiré du Cahier d’un retour au pays natal est tout en force :

« ma négritude n'est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour
ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'œil mort de la terre
ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale
[…]
l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouerde coups,
le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigot »²
Et c’est justement cela qui gêne ! Le combat d’un Léopold Sédar Senghor était plus acceptable pour le pouvoir métropolitain, celui d’une colonie qui gagnait son indépendance ; alors que la négritude de Césaire n’indiquait pas de séparation avec la France sauf y à revendiquer une autonomie. La République une et indivisible admettait-elle cette possibilité ? Non, la négritude de Césaire ne passait pas. « Ce mot, disait Césaire, dissèque en premier lieu le rejet. Le rejet de l’assimilation culturelle ; le rejet d’une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation. »
Par ses œuvres, Aimé Césaire a passé des relais relais mais la France officielle rechigne à s’en saisir tant elle doute de la dimension politique. C’est bien dommage. Quel honneur pour une nation de compter en son sein des hommes poètes! Les officiels répondent malhabilement comme empêtrés, gênés, tiraillés par leurs craintes du lendemain. Si la République avait un sens, naturellement Aimé Césaire entrerait au Panthéon.

©Jean Vinatier 2008

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Source :


2-in Cahier d'un retour au pays natal, préface d’André Breton, Paris, Bordas, 1947

Notes :

1- Toussaint-Louverture (1747-1803) Premier président d’Haïti
Jean-Jacques Dessalines (1758-1806) Empereur d’Haïti 1804-1806 (nord)
Alexandre Sabès dit Pétion (1770-1816) Président d’Haïti 1806-1816 (nord)
Henri Christophe (1767-1840) Roi d’Haïti 1806-1820 (sud)
Jean-Pierre Boyer (1776-1850) Président d’Haïti 1818-1843