L’ouvrage de Thomas Flichy
qui enseigne aujourd’hui à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr et à l’United
States Naval Academy, est très élégamment constitué. En quatre-vingt-dix pages
l’auteur parvient à mettre en avant les principaux écrits des jésuites tacticiens
et stratéges en Chine jusqu’à leur expulsion de ce pays en 1724, presque cinquante
ans avant la disparation de leur ordre. En me contentant de citer les chapitres
de ce livre, vous aurez une idée, en peu de pages, de l’étendue étudiée avec
finesse et habileté : « La
fierté chinoise, Dominer par la majesté, La subtilité mandarine au service
des stratégies impériales, La politesse : subordonner par la douceur, Qu’un
bel ordre s’impose à la multitude, Les apparences de la paix, Ne rien laisser
paraître, Imitez l’activité et l’ardeur des fourmis, Des marchands au statut
fragile, Le pragmatisme chinois. »
En définitive peu de choses
séparent les stratégies de la Chine impériale de la Chine communiste, les
mandarins n’ont fait que changer de couleur….
Extrait de la page 40 :
« En
fin de compte, le sentiment chinois de supériorité, l’importance de la
subtilité littéraire comme la sophistication de la politesse participent chacun
à leur manière d’une volonté de perpétuation de l’identité chinoise. A l’époque
où les premiers Européens pénètrent en Chine, les mandarins, qui constituent
une élite indispensable au bon fonctionnement de l’Empire, se présentent comme
les seuls garants de la transmission de cette culture plurimillénaire. Celle-ci
est soigneusement protégée autant que les minorités internes à la Chine qui ont
le choix entre la sinisation et la relégation, que des quelques étrangers qui
se risquent dans l’Empire. En raison de sa longévité et de la mémoire
historique des menaces passées, la Chine a une conscience particulièrement
aiguë de sa fragilité culturelle. Les Jésuites le comprennent immédiatement,
jouant sur le complexe de supériorité chinois, sur l’importance de la
discussion philosophique ou sur la sophistication de la politesse afin de
gagner l’estime de leurs interlocuteurs lettrés. Se dépouillant de leur propre
culture afin de mieux transmettre l’idéal évangélique, ils gagnent la confiance
de l’Empereur et de ses proches. C’est ainsi qu’ils prennent connaissance d’une
préoccupation majeure du souverain : comment maintenir l’unité du pays malgré
la multitude des hommes qui le composent. »
Extrait d’un écrit d’un
Jésuite (Joseph-Heni de Prémare?) cité p.21 :
« Il faut sçavoir (…) que les Chinois, supposant
la terre quarrée, prétendent que la Chine en est la plus grande partie. Ainsi,
pour désigner leur Empire, ils se servent du mot Tien hia, le dessous du Ciel.
Ce terme est à tout moment dans leur bouche (…) Prévenus de cet admirable système
de Géographie, ils ont cantonné le reste des hommes dans les angles de ce
prétendu quarré, & les traitant tous de barbares, ils ont cru leur faire
beaucoup d’honneur que de les ranger au nombre de leurs tributaires. Ainsi tout
ce qui vient des Royaumes étrangers, soit lettres, soit présens, sot Envoyez,
tout cela passe pour une marque de soumission, & pour un tribut. Après quoi
dans leur Histoire, on marque le nom de ce Royaume parmi les tributaires de la
Chine. Le dénombrement que je pourrai faire de tous les Royaumes qu’ils
comptent parmi leurs tributaires, seroit trop ennuyeux, je me contenterai de
marquer les principaux. La Corée est à la tête, ensuite le Japon ; puis
viennent les Mores (…) car Mahomet, qui a trouvé le secret de se faire honorer
de tant de peuples n’a pu s’exempter d’être mis au rang des tributaires de la
Chine (…) D’où l’on doit conclure que les Princes d’Europe doivent se garder d’envoyer
ni lettres, ni présents, soit par les missionnaires, soit par les Marchands
soit par quelque autre voye, qui se présentent en leur nom, car aussitôt leur
royaume serait enregistré dans le rôle des Royaumes tributaires. »
Puisque nous parcourons la
Chine, notamment, du XVIIIe siècle,
rappelons la fascination exercée par l’Empire céleste sur les Européens et, par
exemple, sur Louis XV et son ministre Bertin qui était à la tête d’un
département à idées :
Louis XV : Mettre la France
à l’heure de la Chine (1766) in Seriatim 5 juillet 2010 n°724 3e année
http://www.seriatim.fr/2010/07/louis-xv-mettre-la-france-la-lheure-de.html
Référence de l’ouvrage :
Flichy
(Tomas) : Stratégies chinoises – Le regard jésuite (1582-1773),
Paris, Economica, 2012, 18 €
Site de l’éditeur :
http://www.economica.fr/strategies-chinoises-le-regard-jesuite-1582-1773-thomas-flichy,fr,4,9782717864236.cfm
Jean Vinatier
SERIATIM 2013
Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Angola, Arabie
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Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Philippines, Qatar,
République Centrafricaine, République Dominicaine, Russie, Rwanda, San Salvador,
Saint-Marin, Sénégal, Serbie, Singapour, Slovénie, Somalie, Suisse, Syrie,
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DOM-TOM, Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre–et-Miquelon), Ukraine,
Uruguay, Vatican, Venezuela, Vietnam, Yémen