Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



vendredi 27 février 2009

France : régions et remarques ! N°407 - 2eme année

Quelques jours avant la remise officielle de son rapport sur la réforme territoriale de la France le 5 mars, le comité Balladur a jeté par les vitres du carrosse des éléments sur le contenu de son travail. Et c’est une succession de hurlements, de protestations : les débats promettent d’amples disputes. Autant dire que cette réforme connaîtra bien des rebondissements.
Faute de connaître la totalité du rapport, les comptes rendus établis par la presse montrent que pour l’heure tout est bien dans le brouillard le plus épais. Le point d’orgue de cette proposition de la réorganisation territoriale est bel et bien de faire de la région l’entité administrative fondamentale au lieu et place du département. C’est donc la réforme capitale de ce quinquennat.
Avoir 15 ou 22 régions ne signifie pas grand-chose, il faut avant tout savoir constituer des ensembles régionaux dotés d’une identité cohérente sur les plans, géographique, historique, linguistique, économique, social. Si l’on regarde
les cartes ci-dessus (Seriatim d’hier) nous constatons bel et bien que le comité Balladur n’a pas d’autre choix que de s’appuyer sur l’histoire de la France, même s’il a la prudence de dire qu’il a veillé à proposer des régions dont la superficie se situe dans la moyenne européenne. La carte Balladur est-elle réaliste ?Prenons quelques cas.
Rendre Nantes, la capitale des ducs, à la Bretagne est logique, de même réunir la Haute et la Basse Normandie ou reconstituer l’ensemble bourguignon (Bourgogne et Franche-comté) obéit à un bon sens historique. Idem pour l’Aquitaine qui incorporerait les Charentes et le Poitou dont Poitiers fut la capitale ducale, notamment sous Aliénor (1122-1204). Maintenir séparés Midi-pyrénées et Languedoc-Roussillon est moins heureux puisque les deux régions couvrent l’ancien comté de Toulouse. Unir la Lorraine et l’Alsace est une audace : ne fonde-t-on pas un ensemble germanophone ? L’extension de l’Ile de France vers le nord n’est pas une surprise : le domaine royal ne s’est-il pas formé autour de Senlis, de Beauvais et de Soissons ? La disparition de la Picardie est, par contre, une surprise. L’identité picarde est réelle, son patois compte autour de 500 000 locuteurs dans tout le nord de la France et jusque dans le Hainaut belge.
La création de villes métropoles est dans la logique de la région : mais pourquoi en proposer trois pour la région PACA (Marseille, Toulon, Nice) quand l’Auvergne et le Limousin –si il y a une union - n’en aurait aucune ?
A première vue la carte Balladur a une relative cohérence mais elle n’est encore qu’une esquisse et elle donne à réfléchir.
Pourra-t-on se contenter d’applaudir à ces quinze régions sans aller plus loin ? Evidemment pas. Toute la vie politique en sus de l’organisation administrative reposait sur le département, la colonne vertébrale de l’Etat et de la République. N’allons-nous pas vers une république fédérale et donc passer par une révision constitutionnelle ? Ne serons-nous pas obligés de revoir à la baisse le nombre des députés, de sénateurs ? Que deviendront les élus régionaux et ceux des conseils généraux ? Pour l’heure, l’institution d’un « conseiller territorial », pour incroyable que cela soit, n’implique pas leur disparition ! En terme d’emplois, faudra-t-il autant de fonctionnaires territoriaux ? A l’évidence non.
Bien d’autres questions et problèmes sont et seront à soulever au fur et à mesure que le rapport du comité Balladur sera lu et relu. Mais, on mesure très bien que cette transformation de la France suppose que le Chef de l’Etat soit un homme unanimement respecté et à la hauteur de sa fonction. En un mot, il faut qu’il ait toute « Sa Majesté » comme Louis XV lors de la réforme Maupeou en janvier 1771 : est-ce encore le cas ? Rappelons que le Général de Gaulle a chuté en mars 1969 sur un sujet d’importance similaire ! Nicolas Sarkozy pourra-t-il s’exempter du référendum ?
Quel que soit l’angle sous lequel on prend cette affaire, le chambardement provoqué ira bien au-delà de la seule émergence régionale. Tout le monde est d’accord pour réformer mais tout le monde veut gagner, personne ne veut perdre au change : tous les roitelets sont sur le pont !
Alors que la dégradation du climat social s’accélère que les contestations catégorielles fusent de tous les côtés et que les tensions politiques ajoutent une nervosité supplémentaire, est-il prudent de débuter cette tâche révolutionnaire ? Pour Nicolas Sarkozy la réponse est oui : son ego effondre tous les murs…pense-t-il !

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

jeudi 26 février 2009

mercredi 25 février 2009

Eustache Deschamps : « Avise qu’il te faut mourir. » N°405 - 2eme année

Eustache Deschamps (v.1340-v.1407) dit Morel ou Maurel en raison de son teint est l’un des auteurs les plus prolixes de son temps (82 000 vers) ! Auteur du premier traité de poétique (L’Art de dictier) dédié à son maître, Guillaume de Machaut (1300-1377). Il se fera l’écho, à travers son œuvre, des événements de son temps, des sujets de circonstance – éloge funèbre de Du Guesclin - alliant dans cet exercice une verve moqueuse à une vision pessimiste de l’homme ; ainsi dans Les Ballades de moralités où son intention moralisatrice perce : elle inspirera La Fontaine dans ses fables !



« Puissant défaillant de puissance [à qui la puissance manque],
Sage où il n’y a point de sens,
Vaillant qui manque de vaillance,
Orgueilleux d’orgueil défaillant
[manquant],
Riche de richesses faillant [privé],
Qui dois par nature pourrir.
Corps corrompable et corrumpant
[corruptible et corrompu],
Avise qu’il te faut mourir.

Au maître cries la pesance [le fardeau]
Du monde, et si n’es innocent :
Toi et ta mort tantôt commence ;
Ton âge est bref et pesant
Qui ne peut passer LX ans,
Et encore est-ce au mieux venir,
Et les plusieurs meurent enfants :
Avise qu’il te faut mourir.

Certaineté [certitude] n’as en science,
Tu n’es en force permanent,
En seigneurie, en éloquence,
En richesse : ce n’est que vent
Du monde qui est décevant ;
Tantôt te fait la mort finir.
Où est Olivier et Roland ?
Avise qu’il te faut mourir
.

ENVOI

Prince, qui fait bien dans l’enfance
Sans mal et sans enorgueillir,
Sage est, qui à la fin pense :
Avise qu’il te faut mourir.
»



Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

Source :

Eustache Deschamps : Oeuvres complètes1 & 2: Balades de moralitez d'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale par le Marquis de Queux de Saint-Hilaire et Gaston Raynaud, Paris, Firmin-Didot, 1878-1880

mardi 24 février 2009

OTAN : là où va Sarkozy….. N°404 - 2eme année

Le Président de la République fera une déclaration aux Français en avril prochain pour annoncer le retour total de la France dans la structure militaire otanienne. Des voix s’élèvent des partis de gauche à l’UMP(Alain Juppé) en passant par le MoDem contre ce choix et certaines d’entre elles exigent un référendum.
Jacques Chirac a initié ce retour français pendant son premier mandat. Le refus catégorique du Président Bill Clinton d’accorder le poste de commandement de l’OTAN à Naples à un officier général français a arrêté l’initiative de l’Elysée.
Nicolas Sarkozy n’a fait aucun mystère pendant la campagne présidentielle de sa volonté de réintégrer l’OTAN, de biffer le choix du Général de Gaulle de 1966. Le Président de la République conditionnait, cependant, sa décision à l’attribution d’un ou deux postes de commandement stratégique. Si l’on ignore encore aujourd’hui qu’elles étaient, alors, les avis de l’administration Bush sur ces demandes, l’entourage du président Obama a indiqué par la voix du vice-président Joe Biden que deux postes pourraient nous revenir à savoir : Premièrement, le commandement stratégique ACT de Norfolk, en Virginie, chargé de la transformation des forces de l’OTAN ; secondement, le commandement de Lisbonne qui abrite la Force de réaction rapide, et enfin une extension des responsabilités opérationnelles au sein de la structure de commandement, peut-être même au SHAPE, serait aussi à l’étude.
Nicolas Sarkozy exigerait, également, d’être placé sur le plan protocolaire immédiatement après le secrétaire-général de l’OTAN ! L’ego toujours : Moi et Moi.
Fin 2008, Edouard Balladur a justifié ce choix politique :
« L'Occident, qui durant des siècles a dominé le monde, est aujourd'hui divisé, menacé par les désordres internationaux et concurrencé par de nouvelles puissances qui n'adhèrent pas à ses valeurs. Affrontant le même danger, l'Europe et les États-Unis doivent ainsi affirmer une plus grande solidarité entre eux en créant une véritable Union occidentale. Il s'agirait de mettre en place un marché commun, de réformer le système monétaire international, de concerter les politiques étrangères et de rééquilibrer le fonctionnement de l'Alliance militaire. Dans cette perspective, l'Europe doit renoncer à une hostilité systématique envers la politique américaine et être plus efficace. Elle deviendrait ainsi un interlocuteur crédible et éviterait la tentation isolationniste des Américains. Une révolution dans les esprits est aussi nécessaire. »¹
Jean-Claude Casanova a redit la même chose dans
Slate.fr

Cette plaidoirie est claire : la France doit rentrer dans le rang et suivre ce que les Etats-Unis décideront. On nous rappelle sans cesse que les décisions prises au sein de l’Alliance se font à l’unanimité alors qu’en 2003, lors de l’invasion de l’Irak, décidée hors l’aval de l’ONU, l’Allemagne a dit non ! Ce vote a-t-il fait renoncer le secrétariat général de cette organisation ? Non, il a passé outre.
En fait la décision prise par Nicolas Sarkozy correspond à un projet plus large à savoir une union transatlantique qui impliquerait à terme non seulement militairement la mise sous tutelle de toutes les armées des 27 Etats européens mais aussi la subordination de l’Union européenne au droit américain. Militairement et politiquement, l’Europe ne deviendrait plus grand-chose. Bien sûr, l’Elysée avancera l’idée que cette politique se légitime par l’institution à terme d’une véritable défense européenne alors que toute l’Europe de l’Est n’en veut absolument pas !
Comment une alliance, née en 1954 en pleine Guerre Froide dans un monde bipolaire où l’Europe de l’Ouest pouvait être (presque) sûre de la non-indifférence américaine, a-t-elle encore une justification en 2009 ? On cherche vainement une raison qui autoriserait à pérenniser une alliance qui lierait complément l’ensemble européen à la vision stratégique d’un seul Etat. Les propos de l’ancien Premier ministre pompidolien, Edouard Balladur, répètent ce que tous les adversaires du Général de Gaulle disent depuis un demi-siècle ! Ces hommes font le pari que l’Union européenne n’osera jamais se penser en puissance politique c’est-à-dire se doter d’une armée. Bruxelles reste et doit rester un centre de relations commerciales et financières, ni plus, ni moins.
La France, puissance atomique, en se rangeant sous la bannière otanienne fait courir le risque à l’ensemble du continent de ne plus être à même d’être audible envers les autres hyper puissances en devenir : la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie, les Etats de la péninsule arabique. Dans un monde multipolaire, ne conviendrait-il pas que l’Europe tienne son rang hors toute inféodation ? Qui nous dit qu’un jour, notre intérêt ne sera pas d’être à côté de telle ou telle autre puissance continentale? Absolument rien. Le Président Barack Obama jouit d’une grande popularité et d’une compréhension plus souple des problèmes planétaires : pour l’heure, ce ne sont que des conjectures !
Qui nous dit que le rapprochement sino-américain rendu public lors du déplacement d’Hillary Clinton nous favorisera ? Jusqu’à présent la politique chinoise nie toute valeur à l’Union européenne en terme de rapport de force ! Idem pour les Russes qui n’entendent parler que d’égal à égal !
La France qu’on le veuille ou non occupe une place singulière. Nicolas Sarkozy ne s’en n’est-il pas servi pour dynamiser l’Europe pendant sa présidence du conseil de l’Union ? Il est grave que le chef de l’Etat renvoie aux calendes grecques toute défense européenne commune au profit d’intérêts immédiats et de son ego. Les Etats-Unis opéreront, peut-être, sous la présidence de Barack Obama une mutation formidable afin que ceux-ci restent des acteurs majeurs du monde, mais nous, que serons-nous, que deviendrons-nous ?
Nicolas Sarkozy avait toute l’opportunité de mettre son énergie et son envie d’occuper toute la scène pour être l’avocat de la défense indépendante européenne au lieu de quoi, il envoie nos meilleurs régiments combattre vainement dans l’Hindou Kouch, entre l’Afghanistan et le Pakistan, où Alexandre le Grand s’inclina !
Décidément, Nicolas Sarkozy n’a pas retenu que ce César disait, qu’il préférait être le premier dans son village plutôt que le second à Rome. Et Jules César fonda l’empire romain !

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr
Sources:

1-Edouard Balladur in Revue internationale et stratégique, n°72/2008/4 : « Pour une union occidentale entre l’Europe et les Etats-Unis »

2-
http://www.slate.fr/story/otan-fausse-et-vaine-querelle

lundi 23 février 2009

Problèmes techniques N°403 - 2eme année

Quelques problèmes techniques survenus sur mon ordinateur ont empêché la publication régulière des chroniques.
Tout semble réparé. A demain pour la prochaine publication.

Merci,

Jean Vinatier

jeudi 19 février 2009

Edito : Le Président aux Français : patientez, je ne change rien ! N°402 - 2eme année

Pour celles et ceux qui auraient une quelconque surdité, Nicolas Sarkozy a martelé pendant son intervention, que les réformes ne ralentiraient pas, manifestations ou pas ! C’était le fond de son intervention. Sur la forme, les propos élyséens ont concédé des aménagements qui ne changent pas grand-chose. Le but est de faire patienter ou d’affaiblir les impatiences syndicales et de les amener in fine soit à la division soit à la fin de la partie.
Le Président affirme que nous sommes au milieu de la crise, une crise dont il dit qu’il ne connaît ni l’étendue, ni la profondeur. Cette contradiction ne devrait pas peser puisqu’il parie sur une reprise surprenante de l’économie américaine. Il est vrai que le Président Obama, outre les plans Paulson et le vote de la dernière loi par le Congrès, annonce une nouvelle relance chiffrée à plus de 1000 milliards de dollars ! Nos 2 petits milliards d’euros qui s’additionnent aux précédents 26 milliards font pâles figures !
La grande différence entre Washington et Paris tient dans ceci : les Etats-Unis sont dans l’action alors que nous restons dans une relative passivité.
Les syndicats n’ont pas d’autre choix que d’annoncer une nouvelle journée d’action le 19 mars. Entre temps, toute une série de manifestations catégorielles alimenteront un climat national toujours orageux. Et la Guadeloupe ? Le Président, malgré les syndicats, a séparé les contestations antillaises comme si elles restaient, en quelque sorte, en périphérie de la France. On comprend bien que le gouvernement veuille couper toute connexion entre la métropole et les îles sous le vent mais les Français ont bien vu que l’Etat ne tenait qu’avec difficulté la rue et qu’il n’avait pas résisté à la tentation de miser sur le pourrissement de la situation au risque d’avoir des victimes, en l’occurrence une.



Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

mardi 17 février 2009

Barack Obama : s’allier au peuple ! N°401 - 2eme année

Le Président Obama a signé le plan de relance économique, loi approuvée par le Congrès, non pas à la Maison Blanche mais dans la ville de Denver : c’est une première et un signe intéressant. Le chef d’Etat américain multiplie les déplacements dans les villes du pays afin de montrer à ses compatriotes qu’il est d’abord et avant tout leur Président.
Les nombreuses négociations et tractations intervenues avec les députés et sénateurs républicains pour que la loi soit votée dans les plus brefs délais ont montré bien souvent des blocages sans rapport avec les souffrances et les désespoirs de millions de familles américaines. Barack Obama a été au maximum des concessions pour obtenir l’aval des élus républicains : sur ce point l’échec est patent ! Son parcours politique a toujours voulu privilégier les associations avec des personnes antagonistes pour arriver à une solution commune. Il a voulu opérer de cette manière en attirant dans son gouvernement un ou deux républicains sans réussir exception faite pour Robert Gates qui assure le même poste à la Défense que sous Georges Bush II.
Le 44e président fait face à une situation économique grave avec à la clef une possible explosion ou révolte sociale. La Californie, l’état le plus riche du pays, est au bord de la cessation de paiement et vingt-mille fonctionnaires remerciés aujourd’hui. Barack Obama a une parfaite conscience de la terrible épreuve que constitue son mandat qui débute dans un monde en révolution. Le modèle capitalistique prôné par Wall Street s’écroule entraînant dans sa chute notamment le Japon, l’Union européenne, la Russie, la Chine. Tous les continents d’une manière ou d’une autre entrent dans la tourmente et l’incertitude.
Bien des combats paraissent vains tel celui contre le « terrorisme » qui coûte une fortune pour un résultat plus que médiocre. Heureusement pour Barack Obama ses compatriotes ne connaissant pas grand-chose aux affaires étrangères, il peut se consacrer entièrement à eux quitte à donner ici et là momentanément une place plus importante à tel partenaire ou tel allié.
Le Président des Etats-Unis a, néanmoins, un obstacle majeur sur le nouveau chemin qu’il veut tracer, l’establishment dont le CMI (Complexe Militaro-Industriel) est un acteur majeur avec Wall Street. Barack Obama tire, certainement, les leçons de ses passes d’arme avec le Congrès soumis aux lobbyings intensifs et souvent négatifs. Comprend-il que sans le peuple, les sacrifices demandés ne seront pas admis et saisis ? Oui. On relève chez cet homme d’Etat une dimension dramatique par la manière qu’il a de faire don de sa personne. Sa référence au président Abraham Lincoln ne tient pas seulement au fait que celui-ci déclara l’esclavage hors la loi mais aussi à sa volonté de forger une et une seule société américaine.
Barack Obama serait-il un utopiste? Pourquoi ne pas répondre oui et s’en féliciter ? Pourquoi ne pas applaudir un homme qui use du « Nous » au lieu du « Je » ? Le Président des USA est atypique par ses racines, indienne, irlandaise et kenyane, par ses approches religieuses, chrétienne et musulmane, par le peu d’intérêt, enfin, qu’il a envers le monde britannique (son grand-père a été torturé par les Anglais) auquel tient une bonne partie des élites de la côte Est, du district de Columbia à l’état du Maine !
Barack Obama deviendra-t-il un populiste en allant vers le peuple pour s’affranchir des cercles washingtoniens profondément hostiles aux bouleversements sociaux ? Ne veut-il pas refonder l’idéal américain ?
Ce chemin vers le peuple n’est-il pas une épreuve acceptée par le Président lui dont le rêve est collectif.

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

dimanche 15 février 2009

Antilles : effet boomerang en France ? N°400 - 2eme année

En novembre 2008, les Guyanais descendaient dans les rues pour protester contre la vie chère et le coût de l’essence ! Deux mois après, la Guadeloupe puis la Martinique font de même. De l’autre côté, dans l’océan indien, la Réunion et Mayotte pourraient reprendre le flambeau ; et l’on dit même, qu’en Nouvelle-Calédonie les tensions grandissent !
Dans le
JDD, la députée de Guyane, Christiane Taubira, résume d’une phrase l’énigme antillaise : « L’outre-mer n’est pas une danseuse, mais un territoire spolié »¹ au profit de quelques sociétés et familles sous le regard bienveillant de l’Etat. Le LKP qui regroupe à Pointe-à-Pitre, tous les mécontents de l’île, écarte toute idée d’une question raciale pour l’origine des manifestations. Brusquement, la métropole découvre que les DOM sont restés dans des schémas économiques anachroniques. En effet les Antilles ont la caractéristique d’avoir le dos tourné à l’ensemble Caraïbe et à la côte des Amériques du Sud et Centrale ! L’Etat craint-il encore une volonté d’indépendance comme celle qui a surgi à partir de 1784 quand Louis XVI institua une assemblée provinciale qui accordait une relative autonomie ? La France se souvient-elle des guerres menées par des guadeloupéens, des martiniquais et hommes de Saint-Domingue entre 1792 et 1802 tels
Louis Delgrès et Toussaint-Louverture restés au cœur de toutes les mémoires ? Peut-être, les émeutes des années 1952 et 1967 justifient-elles la prudence élyséenne !
Les Antilles font-elles tellement peur à la métropole que les partis politiques et les syndicats pratiquent la politique de l’autruche. Les revendications de LKP figureront-elles au menu de la réunion du 18 février ? Grand mystère ! C’est donc le pauvre Yves Jégo, secrétaire d’Etat à l’Outre-mer, très dépensier en CO2 par les navettes entre les îles et Paris, qui concentre toutes les moqueries !
Si Nicolas Sarkozy rigolait à propos des manifestations qu’il ne voyait pas, désormais il les verra partout jusque dans l’Atlantique et l’océan indien ! Pourquoi le gouvernement tient-il à séparer l’outre-mer de la métropole dans le cas présent ? Les Antillais défilent pour le pouvoir d’achat, l’emploi, la santé, l’éducation, la justice sociale comme deux millions de métropolitains le 29 janvier dernier ! A Paris comme dans les Antilles, le patronat récuse tout effort : les békés ne sont ni plus ni moins influents que les « Messieurs du CAC40 ». Les Antillais se voient refusés comme aux salariés en France la moindre augmentation. Il y a bien des deux côtés de l’Atlantique une revendication générale similaire.
Faudrait-il rechercher la prudence gouvernementale du côté d’une appréhension du réveil des minorités françaises? La France se targue de toute une série de textes autour des minorités visibles lesquelles sont toujours presque invisibles. Dans le service public, combien en avons-nous dans les hautes sphères administratives civiles et militaires ? Idem pour le privé, où sont-elles parmi les cadres dirigeants et les PDG des entreprises ? Comparés aux Etats-Unis, notre bilan n’est guère flatteur. Nul ne peut le nier, l’élection de Barack Obama pourrait, demain, bousculer les atermoiements français. Yazid Sabeg, le commissaire à la diversité, nommé par le Président de la République, gardera-t-il longtemps le silence ?
Devant une contestation sociale qui ne cesse de grandir en force et de s’étendre partout où flotte le drapeau tricolore, le gouvernement n’est-il pas en plus devant le défi de sortir la France de l’esprit colonial ou de ce qu’il en reste ?


Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr


Source :


1-
http://www.lejdd.fr/cmc/societe/200907/taubira-on-frole-l-apartheid-social_187665.html

Louis Delgrès : « Vivre libre ou mourir » le 10 mai 1802 N°399 - 2eme année

Louis Delgrès (1766-1802) né la Martinique est un héros à mettre sur le même pied que Toussaint-Louverture ! S’il applaudit à l’abolition de l’esclavage en 1794 par la Convention, il reprit les armes quand Napoléon Bonaparte décida de son rétablissement en 1801. Louis Delgrès résista comme il put aux troupes du général Richepance (1770-1802) mais acculé, il préféra se faire sauter avec ses hommes plutôt que de se rendre.
Voici la proclamation qu’il fit dix-huit jours avant sa mort, le 28 mai 1802.


« À l’univers entier¹


Le dernier cri de l’innocence et du désespoir
C’est dans les plus beaux jours d’un siècle à jamais célèbre par le triomphe des lumières et de la philosophie qu’une classe d’infortunés qu’on veut anéantir se voit obligée de lever la voix vers la postérité, pour lui faire connaître lorsqu’elle aura disparu, son innocence et ses malheurs.
Victime de quelques individus altérés de sang, qui ont osé tromper le gouvernement français, une foule de citoyens, toujours fidèles à la patrie, se voit enveloppée dans une proscription méditée par l’auteur de tous ses maux. Le général Richepance, dont nous ne savons pas l’étendue des pouvoirs, puisqu’il ne s’annonce que comme général d’armée, ne nous a encore fait connaître son arrivée que par une proclamation dont les expressions sont si bien mesurées, que, lors même qu’il promet protection, il pourrait nous donner la mort, sans s’écarter des termes dont il se sert. À ce style, nous avons reconnu l’influence du contre-amiral Lacrosse, qui nous a juré une haine éternelle... Oui, nous aimons à croire que le général Richepance, lui aussi, a été trompé par cet homme perfide, qui sait employer également les poignards et la calomnie.
Quels sont les coups d’autorité dont on nous menace ? Veut-on diriger contre nous les baïonnettes de ces braves militaires, dont nous aimions à calculer le moment de l’arrivée, et qui naguère ne les dirigeaient que contre les ennemis de la République ? Ah ! Plutôt, si nous en croyons les coups d’autorité déjà frappés au Port-de-la -Liberté, le système d’une mort lente dans les cachots continue à être suivi. Eh bien ! Nous choisissons de mourir plus promptement.
Osons le dire, les maximes de la tyrannie les plus atroces sont surpassées aujourd’hui. Nos anciens tyrans permettaient à un maître d’affranchir son esclave, et tout nous annonce que, dans le siècle de la philosophie, il existe des hommes malheureusement trop puissants par leur éloignement de l’autorité dont ils émanent, qui ne veulent voir d’hommes noirs ou tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de l’esclavage.
Et vous, Premier consul de la république, vous guerrier philosophe de qui nous attendions la justice qui nous était due, pourquoi faut -il que nous ayons à déplorer notre éloignement du foyer d’où partent les conceptions sublimes que vous nous avez si souvent fait admirer ! Ah ! sans doute un jour vous connaîtrez notre innocence, mais il ne sera plus temps et des pervers auront déjà profité des calomnies qu’ils ont prodiguées contre nous pour consommer notre ruine.
Citoyens de la Guadeloupe, vous dont la différence de l’épiderme est un titre suffisant pour ne point craindre les vengeances dont on nous menace, - à moins qu’on veuille vous faire le crime de n’avoir pas dirigé vos armes contre nous, - vous avez entendu les motifs qui ont excité notre indignation. La résistance à l’oppression est un droit naturel. La divinité même ne peut être offensée que nous défendions notre cause ; elle est celle de la justice et de l’humanité : nous ne la souillerons pas par l’ombre même du crime. Oui, nous sommes résolus à nous tenir sur une juste défensive ; mais nous ne deviendrons jamais les agresseurs. Pour vous, restez dans vos foyers ; ne craignez rien de notre part. Nous vous jurons solennellement de respecter vos femmes, vos enfants, vos propriétés, et d’employer tous nos moyens à les faire respecter par tous. Et toi, postérité ! accorde une larme à nos malheurs et nous mourrons satisfaits.

Le Commandement de la Basse-Terre Louis DELGRÈS »

Jean Vinatier
©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr


Sources :


1-
http://www.comite-memoire-esclavage.fr/spip.php?article191

Poème d’Aimé Césaire sur Louis Delgrès :

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/esclavage/louisdelgres_cesaire_abolition.asp

jeudi 12 février 2009

Arabie Saoudite : « La patience saoudienne est à bout » N°398 - 2eme année

Le prince Turki al-Fayçal, ancien chef des services secrets du royaume et longtemps en poste comme ambassadeur à Londres et à Washington a publié un article dans les colonnes du Financial Times le 22 janvier dernier qui illustre assez complètement l’état d’esprit parmi tous les Etats d’Orient vis-à-vis d’Israël après son offensive contre Gaza et l’impatience envers les Etats-Unis.

Version anglaise :
http://www.ft.com/cms/s/0/65b122b6-e8c0-11dd-a4d0-0000779fd2ac.html?nclick_check=1

Version française assurée par Questions critiques :
http://questionscritiques.free.fr/edito/Financial_Times/Turki_Al-Faysal_Arabie_Saoudite_Gaza_Israel_220109.htm


Seriatim reviendra sur la situation israélienne au lendemain des élections législatives anticipées.


Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

mercredi 11 février 2009

Marcel Schwob : « L’emballage » N°397 - 2eme année

Marcel Schwob (1867-1905) érudit, découvreur de l’œuvre de Stevenson et conteur de génie est , hélas, un peu oublié de nos jours. On lui doit, notamment, La croisade des enfants, Le Livre de Monelle (André Gide s’en inspirera pour Les nourritures terrestres), Le Roi au masque d’or, Cœur double qui sont autant de récits étonnants à redécouvrir.
Il était également tout passionné par l’argot, la langue secrète des classes dangereuses, qu’il découvrit en étudiant aux archives nationales les manuscrits relatifs à la vie mystérieuse de
François Villon dont il sera le premier biographe (réédition par les éditions Allia) Il écrira différents poèmes argotiques tel celui qui suit accompagné de son petit lexique :


« L’emballage

Le poupard était bon : la raille nous aggriffe,
Marons pour estourbir notre blot dans le sac.
Il fallait être mous tous deux comme une chiffe
Pour se laisser paumer sur un coup de fric-frac.

Nous sommes emballés sans gonzesse, sans riffe,
Où nous faisions chauffer notre dard et son crac
Chez le bistrot du coin, la sorgue, quand on briffe
En se palpant de près, la marmite et son mac.

Le Mazarot est noir : pas de rouges bastringues,
Ni de perroquets verts chez les vieils mannezingues :
Il faut être rupin, goupiner la mislocq.

Rouffer sans mettre ses abatis sur la table
Et ne pas jaspiner le jars devant un diable :
Nous en calancherons de turbiner le chocq. »



Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr


Lexique :

Poupard : butin
Raille : police
Agriffer : saisir
Marron ou maron : être fait
Blot : objets destinés au receleur
Mou : dur
Paumer : attraper
Riffe : feu, revolver
Crac : cul
Sorgue : nuit
Briffer : manger
Mannezingue : bistrotier
Goupiner la mislocq: jouer la comédie
Jaspiner le jars : parler l’argot
Calancher : dormir
Turbiner le chocq : boire de l’eau


Sources :

Marcel Schwob : Œuvres, éd. Scientifique Sylvain Goulemare, Paris, Phébus, 2002, pp.844-845
Marcel Schwob : François Villon, Paris, Allia, 2008
Marcel Schwob : Etudes sur l’argot français, Paris, Allia, 1999
Sylvain Goulemare, Marcel Schwob ou les Vies imaginaires, Paris, Le Cherche-Midi, 2000

mardi 10 février 2009

Edito : l’Université n’est pas une entreprise N°396 - 2eme année

Roger Karoutchi se frotte les mains, Valérie Pécresse, sa concurrente pour mener la liste UMP aux régionales de 2010 en Ile-de-France, trébuche devant la protestation de l’ensemble des universités contre le décret qui réformerait le statut des enseignants-chercheurs ; lui, au moins, est heureux !
Valérie Pécresse pense en bonne élève d’une école commerciale que l’université non seulement est compatible avec le management mais elle doit, en plus, fonctionner comme l’entreprise lambda. Sophie Gherardi dans son édito de
La Tribune le souligne : « Le gouvernement, tout pénétré du modèle de l’entreprise a cru pouvoir faire du président d’université un patron. »
Faire évaluer les enseignants-chercheurs par d’autres que les universitaires défie le simple bon sens. Le gouvernement pense-t-il réellement que les présidents des universités anglaises, américaines, canadiennes évaluent directement leurs enseignants ? Non.
Tout le monde ou presque étant acquis au sujet principal, l’autonomie des universités ; le pouvoir devrait-il s’entêter pour passer en force ? La nomination d’une médiatrice, Claire Bouzy-Malaurie, rapporteur général et présidente d’une chambre à la Cour des comptes, pour rediscuter le contenu du texte ministériel apparaît comme une tentative pour diviser les grévistes. Pour l’heure, aux facultés considérées à gauche se joignent celles de Dauphine et d’Assas, bastions de la droite! Et là, les fronts se perlent à l’Elysée !
Les lycéens - merci les Grecs - ont fait reculer le Président de la République en décembre ; les enseignants du supérieur bientôt relayés par les étudiants seraient-ils en passe de stopper net le projet élyséen ? La surprise est venue des présidents des universités, pourtant grands gagnants de la réforme. Pourquoi cette défection ? Un président d’université est-il compétent au-delà de sa qualité d’administrateur et de gestionnaire ? Pour nombre d’entre eux, à l’évidence la réponse est négative. Ils ont raison, comment pourraient-ils cumuler tous les pouvoirs ?
Derrière le décret se cache la réforme du CNRS, lequel aurait tout à pâtir de l’autonomie des universités. En effet, pourquoi maintenir un centre national de recherche alors que la recherche serait répartie entre les universités ! Aujourd’hui, le CNRS garantit l’autonomie du chercheur à l’opposé de ce que prévoit le présent décret.
L’impasse faite sur la mise en place d’une politique des ressources humaines et d’accompagnements financiers heurte légitimement l’ensemble des universitaires. Valérie Pécresse considère-t-elle les enseignants-chercheurs comme une quantité négligeable?
Le pouvoir peut enrager et maudire tant qu’il le veut mais les universitaires aiment la liberté et la collégialité. Tous fonctionnent sur ces principes depuis des siècles. Et ce sont d’excellents principes.

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

lundi 9 février 2009

NPA = Nulle Part Autour ? N°395 - 2eme année

La création d’un parti politique est toujours un événement intéressant dans la vie de la cité et le NPA ex-LCR, n’y échappe évidemment pas !
Pourquoi la LCR s’est-elle sabordée au terme de 40 années d’existence ? Voulait-elle rompre avec sa politique d’agitateur qui refuse de programmer une conquête du pouvoir autrement que par une révolution ? Les adhérents en grand nombre, suite, au changement de nom, sont le signe très sérieux d’une envie d’action au sein d’une structure renouvelée. Qui sont-ils ? Des syndiqués de SUD à des socialistes en rupture de ban. Si certains membres de la LCR venaient de la bourgeoisie et avaient une culture générale et universitaire très étendue, les nouveaux adhérents entendent d’abord agir et se développer aux dépens, dans un premier temps, des conservations byzantines et d’interminables débats intellectuels.
Le climat est propice : un parti socialiste toujours en convalescence, un PC réduit comme une peau de chagrin, un MoDem encore sur la défensive ; en face, l’UMP offre apparemment de redoutables murailles telle une Bastille. Les Français grognent, s’énervent face à un pouvoir sarkozien de plus en plus autoritaire et peu à l’écoute des maux sociaux.
Le sénateur de l’Essonne, Jean-Luc Mélenchon, trotskiste tendance lambertiste, passé de l’OCI (Organisation Communiste Internationale) au PS dans la foulée du congrès d’Epinay et aujourd’hui, hors de la vue de la rue de Solferino, a fondé le Parti de Gauche. Il escompte un rassemblement général autour de sa plate-forme ! Bien évidemment, cette ambition heurte frontalement le NPA qui revendique une autonomie d’action totale. Ce choix ne lui interdit pas de s’allier lors d’une élection, municipale, régionale, à un candidat de gauche pour battre celui de la droite mais à la condition de recouvrer une liberté de vote dés l’élection faite.
Jean-Luc Mélenchon anticipe, peut-être, une implosion du PS. Il croit le moment venu d’associer le NPA qu’il pense aussi éloigné du trotskisme que la rue de Solferino l’est du socialisme. Là encore, c’est faire fi des nouveaux adhérents du NPA enclins à agir et à balayer, s’ils le peuvent, les autres partis de la gauche. De ce point de vue, l’action unitaire n’est pas encore à l’ordre du jour.
Philippe Cohen, patron de
Vendredi, écrivait dans Marianne qu’Olivier Besancenot se situait entre « Che Guevara et Findus »¹ c’est-à-dire entre l’idéaliste et le bobo. La phrase est assassine. Elle sous-entend que le NPA ferait le lit de l’UMP, en prolongeant indéfiniment les crises successives parmi la gauche. Le parti de Besancenot garde une logique et une mémoire historique intactes, le parti socialiste reste dans une léthargie coupable. De temps en temps, il se réveille et pousse un coup de gueule à contre-emploi : si Martine Aubry n’a guère défendu Julien Dray, elle a su trouver les mots pour Bernard Kouchner…passé avec armes et bagages chez l’ennemi !
Dans le climat actuel où la défiance et la colère sourde se sont étendues à tout le territoire, le NPA peut catalyser des énergies voire bousculer ici et là : les nouveaux militants sont jeunes.
Nicolas Sarkozy se frotte les mains, en regardant le paysage dévasté de la gauche : Olivier Besancenot ne serait guère crédible pour la présidentielle avec ses formules sympathiques tout en étant très efficace dans le rôle du prédateur !
Besancenot serait-il le populiste de gauche? L’Elysée réfléchit justement à changer le nom de l’UMP : le populisme deviendrait-il tendance ?
Si le NPA accrédite bien que la classe politique française se débarrasse des oripeaux idéologiques dans la foulée de l’élection présidentielle de 2007, il conserve, néanmoins, une case Histoire à l’inverse de l’UMP subjuguée par son chef lui-même à des années lumières du gaullisme, les yeux rivés sur sa communication pour son propre destin.


Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

Source
:

1-
http://www.marianne2.fr/Besancenot-entre-Guevara-et-Findus_a174765.html

vendredi 6 février 2009

Sarkozy : Moi et vos émois N°394 - 2eme année

Le Président de la République devait être pédagogique, c’est-à-dire expliquer à des Français qui la voient bien, une crise dont nul ne connaît ni l’ampleur, ni la durée, ni les métastases.
Nicolas Sarkozy n’a pas changé d’un iota ! Les réformes continueront comme si le ciel était clair. L’emploi du « je » était incessant. A l’écouter, il gérait le monde entouré et encouragé par Barack Obama, Angela Merkel et Gordon Brown. Pour l’Union européenne, juste un mot furtif.
Aucune annonce fondamentale n’était prévue hormis quelques décisions envers les jeunes, le bas de la classe moyenne et une révision à la hausse des allocations familiales. Au-delà, au vu de la faiblesse des questions posées par les journalistes ( le journalisme n’en sort pas grandi), le chef de l’Etat s’est donné le beau rôle. Je m’occupe de tout, je travaille beaucoup…etc. Bref, les téléspectateurs ont regardé un homme qui s’époumone : est-ce rassurant ? Est-on sûr que la suppression de la taxe professionnelle en 2010, parle aux Français ? Pour l’heure, elle satisfait le patronat et elle s’inscrira, au lendemain des européennes de juin prochain, dans la réforme administrative qui prévoit la fin du département. Présenté de façon anodine, elle induit, pourtant, la création d’un impôt ou d’une autre taxe locale !
Le Président a-t-il répondu aux citoyens qui estiment que l’Elysée a fait des cadeaux par milliards aux banques ? Rappelons tout d’abord, que les caisses étant vides, l’Etat a emprunté –à quel taux?- pour prêter, ensuite, aux banques, avec une exception pour Dexia. Son argument est que les banques rembourseront en temps et en heure parce que la crise mondiale trouvera son terme d’ici un an ou deux. C’est pour le moins hypothétique.
A-t-il convaincu que la relance par l’investissement était meilleure que celle par la relance de la consommation ? Si l’échec de Gordon Brown lui apporte un argument positif, le plan adopté par l’Allemagne qui conjugue investissement et consommation apporte, au contraire, un bémol.
A-t-il convaincu sur le partage des profits dans l’entreprise : 1/3 société, 1/3 salarié, 1/3 actionnaire ? En tout cas, il rappelait sans le dire le bien-fondé de la participation défendue en son temps par Charles de Gaulle, honni par le CNPF (MEDEF) !
Quant à la question sociale, sur laquelle tout le monde l’attendait, il botte en touche en proposant aux syndicats une réunion le 18 février. Si ce sommet devait de toute manière se tenir, le Président y voit d’abord, un moyen d’éviter toute coalition des mécontents ; puis d’affaiblir les protestations et de décourager les manifestations désormais visibles par l’Elysée ! Nicolas Sarkozy propose donc aux syndicats et au patronat un deal : déminer la grogne. Mais certains représentants syndicaux en signant la nouvelle convention d’assurance chômage auront-ils demain, une marge de manœuvre ?
Au terme de l’intervention présidentielle, est-on certain que Nicolas Sarkozy comprenne bien ce qui se déroule dans le pays ? Le rappel régulier du, avant moi c’était les rois fainéants, n’a guère de sens et sa croisade contre les paradis fiscaux quoique sympathique, se heurte de plein fouet à des intérêts colossaux. Il devrait lire les déclarations d’Antonio Mario Costa, directeur général du Bureau des Nations unies sur les drogues et la criminalité (UNODC)
: « en de nombreux cas, l’argent de la drogue est actuellement la seule source de liquidité disponible. [….] Pendant la deuxième moitié de 2008, le manque de liquidité étant le principal problème du système bancaire, ces capitaux liquides sont devenus un facteur important [….] [il a été] trouvé les preuves que les prêts interbancaires ont été financés par des capitaux provenant du trafic de drogue et d’autres activités illégales. Certaines pistes indiquent que des banques ont été sauvées de cette manière »¹.
Le décalage entre le Président et les Français grandit. Si l’homme n’est ni aussi négatif, ni aussi inculte qu’on le répète, il veut bien faire et surtout se persuader qu’il peut tout faire et qu’il réalise, chaque matin, un défi ! Pourtant, Hercule lui-même peina à accomplir les douze travaux ! Son ego l’aveugle. Son incapacité à écouter, à déléguer est indéniable. Sa tentative, vaine, de s’accrocher aux basques du Général de Gaulle pour justifier sa manière de présider, oublie précisément que l’Homme du 18 juin ne fut jamais un « omniprésident ».
Nicolas Sarkozy, l’homme du modèle anglo-saxon et admiratif de la puissance américaine, qui se proposait d’opérer une rupture totale en France s’embourbe ou piétine jusqu’à se contredire ! Barack Obama est plus « socialiste » que lui ! Le modèle social français tant vilipendé lui a évité jusqu’à ce jour, d’avoir non pas des émeutes mais de pacifiques manifestations. Et les Français lui envoient une foule de signaux pour lui rappeler qu’ils tiennent à leur modèle si imparfait fut-il !



Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr


Source :

1-
http://www.solidariteetprogres.org/article5066.html
http://www.solidariteetprogres.org/article5113.html

jeudi 5 février 2009

Michel -Ange : « Canzone inachevée » N°393 - 2eme année

L’œuvre poétique de Michel-Ange (1475-1564) resta jusqu’au XXe siècle cachée, repoussée. Etonnons-nous d’une telle injustice ! Cet artiste immense perdait-il toute noblesse en étant poète ? Pourtant, comme l’écrit son traducteur Pierre Leyris « là où le pouvoir du ciseau et du pinceau s’arrête, naît celui de la poésie » seule à même d’apaiser les tourments de Michel-Ange.
Ses poèmes (1507-1560) ne sont pas l’œuvre d’un jeune homme mais d’un homme mûr pour l’époque (32 ans) qui s’interroge sur sa foi et sa destinée. Ainsi la
« Canzone inachevée » écrite en 1530 où Michel-Ange médite autant qu’il se confesse en chrétien, doutant que la « recréation de la beauté humaine » puisse conduire à Dieu.


« Hélas, hélas, je suis trahi
par les jours en fuite et par le miroir
qui dit vrai à quiconque le regarde en face !
Tous ceux qui tardent trop à songer à leur fin,
moi le premier, dont le temps est passé,
se découvrent un jour âgés.
Je ne sais pas me repentir, prendre conseil,
le préparer à la mort si prochaine.
Ennemi de moi-même,
c’est en vain que je pleure, en vain que je soupire,
nulle coulpe ne vaut le temps perdu.

Hélas, hélas, si je récapitule
le temps passé, je n’y puis pas trouver
un jour, un seul dont j’aie été le maître !
Les espoirs fallacieux comme les vains désirs,
aimer, pleurer, brûler, pousser mille soupirs
(nulle passion mortelle que je ne connaisse)
m’ont retenu, je le sais, je le sens,
loin du vrai, ce qui n’est que trop sûr.
Maintenant, le péril est là,
car le temps est bref, il me manque
et, se prolongeât-il, je ne serais pas assagi !

Je vais sans force, hélas, je ne sais où,
ou plutôt je crains de le voir, car le passé,
même fermant les yeux, est là qui me le montre.
Maintenant que l’âge transforme mon écorce,
La Mort [la perdition] bataille incessamment avec mon âme
à qui régira mon état.
Or, si je ne me trompe
(Dieu veuille que j’aie tort !)
c’est mon châtiment éternel
pour le mal que j’ai fait librement et sciemment
que j’entrevois, Seigneur, et je ne sais plus qu’espérer.
»¹




Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

Source :

1-Michel-Ange, Poèmes, choisis, présentés, traduits par Pierre Leyris, Paris, Mazarine, 1983, pp.64-65.

mercredi 4 février 2009

Edito : Le cas de Monsieur K. N°392 - 2eme année

Quelques jours avant la sortie de l’ouvrage de Pierre Péan, Le monde selon K, l’hebdomadaire Marianne titrait en parlant de l’actuel ministre des Affaires Etrangères, « La chute d’une icône"
Depuis aujourd’hui Bernard Kouchner se défend bec et ongles contre le portrait à charge établi par l’excellent journaliste Pierre Péan. En effet cet auteur est un poids lourd dans le journalisme d’enquête : n’est-ce pas lui qui a révélé le passé pétainiste de François Mitterrand (Une jeunesse française, 1994) et précipité la chute du trio (Minc-Colombani-Plenel) qui verrouillait le quotidien du soir Le Monde (La face cachée du Monde, 2003) ?
N’ayant pas lu l’ouvrage, il serait malhonnête de dire de quel côté
Seriatim pencherait. Mais rien ne nous empêche de réfléchir aux conséquences de cette affaire, la première de ce genre pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Soit le ministre est coupable, il relèverait alors de la Haute cour de justice ; soit il est innocent et son aura grandirait davantage auprès des Français ; soit, le pouvoir par différents moyens atténue la portée des écrits de Pierre Péan et comme une information chasse l’autre, l’Elysée miserait sur la mémoire courte du public !
De l’autre côté de l’Atlantique, le Président Obama peine à faire valider son gouvernement par le Congrès. Deux d’entre eux viennent de renoncer à être secrétaires d’Etat. Visiblement, rédiger une déclaration fiscale est un exercice délicat aux Etats-Unis et on ne pardonne pas le fait d’avoir été financé par un lobby. Pour résumer d’un mot sa déception le Président Obama a dit,
« j’ai foiré ou je me suis planté » !
Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner qui n’ont jamais marchandé leur attachement à la politique américaine de Georges Bush et qui vouent une admiration très grande pour les institutions de ce grand pays et en louent sa rigueur morale, l’affaire Péan est une occasion unique pour se placer sur le modèle d’Outre-Atlantique : le feront-ils ?
Politiquement, quelle que soit la suite donnée à cette histoire, Nicolas Sarkozy est fragilisé : Bernard Kouchner étant le symbole de sa politique d’ouverture (n’oublions pas le rôle d’intermédiaire joué par Bernard Tapie). Kouchner est celui qui a permis la venue de tous les autres ! Il voulait cette icône plébiscitée par les Français depuis le jour où ils le virent en « French doctor » tendre la main aux populations martyrisées.
Bernard Kouchner n’a pas le choix : il doit porter plainte et obtenir de la justice une décision qui le lave complètement. S’il ne le faisait pas, sa position serait intenable. En tout cas, il ne peut balayer d’un revers de la main ce livre et qualifier l’auteur d’un antisémitisme larvé. C’est là une faute majeure commise par le ministre : l’opinion tique déjà !
Bernard Kouchner d’une manière ou d’une autre est devant un précipice tant il semble s’être brûlé les ailes au contact des dirigeants (politiques, industriels, financiers) du monde tout en ne cessant pas de prôner la morale et les Droits de l’Homme par peuple bafoué interposé !
Certains esprits vipérins affirment que le dossier Kouchner a été alimenté par le réseau chiraquien ? La chose est plausible quoique Pierre Péan se montre depuis longtemps maître d’écrire au moment qui lui convient le sujet qui plaira au public.

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr

mardi 3 février 2009

Antoine-Léonard Thomas : « Ô temps suspends ton vol… » N°391 - 2eme année

Alphonse de Lamartine a plagié cet hémistiche fameux extrait de l’Ode sur le temps écrite par Antoine-Léonard Thomas (1732-1785) et pour laquelle il reçut le prix de l’Académie française en 1762 !
Thomas, ce natif de Clermont-Ferrand est bien oublié alors qu’il fut louangé en son temps pour les éloges qu’il écrivit sur des personnalités (Marc Aurèle, Duguay-Trouin
(« Duguay-Trouin s’avance, la victoire le suit… ») Descartes, Mme Geoffrin, le maréchal de Saxe, Sully, le fils de Louis XV, le Dauphin père de Louis XVI…etc)
C’est l
’Ode sur le temps qui lui apporta la renommée et lui valut sa place à l’Académie française en 1766. Etait-il courtisan ? Pas le moins du monde, le plaisir qu’il avait pour les belles lettres l’emportait sur le souci de garder une place comme par exemple celle de secrétaire du duc de Praslin. Son hommage à Sully lui valut l’hostilité des fermiers généraux et, par contre-coup, la faveur du parti philosophique (Diderot, d’Holbach, Helvétius, Voltaire…etc) Son éloge de Marc-Aurèle applaudit par les salons, fut interdit d’impression en 1770 et il s’attaqua, en 1771, au très puissant avocat-général du Parlement de Paris Séguier qui voulut le mettre en quarantaine. L’Académie fit bloc avec Thomas.
En 1772, son
Essai sur les caractères, les mœurs et l’esprit des femmes qui contenait cette interrogation célèbre : « Si aucune femme ne s’est mise à côté des hommes célèbres, est-ce la faute de l’éducation ou de la nature ? » déclencha une polémique importante.
Thomas n’est donc pas seulement un homme de lettres mondain. Il est un acteur de la vie parisienne à la fin du règne de Louis XV et pendant celui de Louis XVI, une période encore négligée ou peu étudiée aujourd’hui.


« Ode sur le temps (extrait)
…………………………………………………
Trop aveugles humains, quelle erreur vous enivre !
Vous n'avez qu'un instant pour penser et pour vivre,
Et cet instant qui fuit est pour vous un fardeau !
Avare de ses biens, prodigue de son être,
Dès qu'il peut se connaître,
L'homme appelle la mort et creuse son tombeau.
____
L'un, courbé sous cent ans, est mort dès sa naissance ;
L'autre engage à prix d'or sa vénale existence ;
Celui-ci la tourmente à de pénibles jeux ;
Le riche se délivre, au prix de sa fortune,
Du Temps qui l'importune ;
C'est en ne vivant pas que l'on croit vivre heureux.
____
Abjurez, ô mortels, cette erreur insensée !
L'homme vit par son âme, et l'âme est la pensée.
C'est elle qui pour vous doit mesurer le Temps !
Cultivez la sagesse ; apprenez l'art suprême
De vivre avec soi-même ;
Vous pourrez sans effroi compter tous vos instants.
____
Si je devais un jour pour de viles richesses
Vendre ma liberté, descendre à des bassesses,
Si mon coeur par mes sens devait être amolli,
O Temps ! je te dirais : "Préviens ma dernière heure,
Hâte-toi que je meure ;
J'aime mieux n'être pas que de vivre avili."
____
Mais si de la vertu les généreuses flammes
Peuvent de mes écrits passer dans quelques âmes ;
Si je peux d'un ami soulager les douleurs ;
S'il est des malheureux dont l'obscure innocence
Languisse sans défense,
Et dont ma faible main doive essuyer les pleurs,
____
Ô Temps, suspends ton vol, respecte ma jeunesse ;
Que ma mère, longtemps témoin de ma tendresse,
Reçoive mes tributs de respect et d'amour ;
Et vous, Gloire, Vertu, déesses immortelles,
Que vos brillantes ailes
Sur mes cheveux blanchis se reposent un jour. »


Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr


Source
:

Thomas, Antoine Léonard, Ode sur le temps, Les Devoirs de la société, ode adressée à un homme qui vit dans la solitude, Paris,Vve Brunet, 1762.

lundi 2 février 2009

Davos : c’est où Belém ? N°390 - 2eme année

A Davos, le forum économique mondial s’est terminé au même moment que le forum social mondial tenu, cette année, à Belém.
En Suisse, dans ce centre du libéralisme à outrance, l’ambiance était presque lugubre. Les « maîtres de l’univers » en appelaient à l’Etat mais sur un ton qui était celui d’un maître à son chien ! Ces libéraux sont merveilleux de mépris : quand ils parvenaient année après année à déréglementer, à déréguler, à globaliser le mot Etat était vomi tout comme celui de nation. Et aujourd’hui, en plein désastre, désastre dont ils sont les coupables, ils jugent naturel d’obliger les gouvernements à casser la tirelire. Aucun de ces hommes et femmes ne songent à comprendre ce qui arrive, pas davantage ne veulent-ils admettre une quelconque responsabilité : « Allez –disent-ils - les Etats, passez donc la monnaie et foutez-nous la paix !»

Le fondateur du forum de Davos en 1971, le professeur suisse, Klaus M. Schwab, n’est guère prolixe. Son but était de faire manager les Européens selon les normes et codes américains et, bien évidemment, d’améliorer l’état du monde ! Le jet Schwab s’est crashé ! Philippe Grasset dans sa chronique noircit le tableau en rebondissant sur l’article de William Pfaff :
« Il s’agit bien d’une décadence, ou d’un déclin, qui prend l’allure d’un effondrement par sa rapidité, mais d’un type très particulier. Il s’agit d’une décadence et d’un déclin subis sans la moindre conscience de la chose, puisque le jugement est lui aussi irresponsable. Littéralement à nouveau, tous ces gens observent l’effondrement absolument stupéfaits, même pas en n’y comprenant rien, mais finalement en ne cherchant même pas à comprendre car il s’agit (“comprendre”) d’une attitude intellectuelle incongrue et monstrueuse. Puisque tout est de la “responsabilité” du système, chercher à comprendre n’a aucun sens. L’effondrement se poursuit sans même qu’on identifie la chose comme telle; comme, malgré tout, l’effondrement a lieu, jugez de leur désarroi. »¹

La tentative d’un coup de jeune à Davos, la création en 2005 du Young Global leader, un rassemblement hétéroclite de sportifs, d’altesses royales, d’héritiers, provoque le haussement d’épaules à des milliers de kilomètres à Belém, où était le forum social mondial. Au Brésil, régnait une toute autre ambiance : un afflux incroyable de jeunes qui a contraint les organisateurs à dédoubler les conférences. Tout ce public dynamique clame de plus en plus fort depuis 2001 qu’un autre monde est possible, un slogan à retenir !
Davos deviendra-t-il une résidence type Hespérides ? Certes les chefs d’Etat et de gouvernements s’y sont rendus en plus grand nombre. Et le clash entre le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan et le Président israélien, Shimon Pérès a sorti, un instant, de sa torpeur l’assistance. Grâce à la Turquie, Davos n’a pu ignorer la réalité politique, une première ! Mais cet incident salutaire se trouve aux antipodes des effervescences bienvenues des participants au forum social mondial. De la biodiversité à la reprise en main des moyens de production en passant par les droits des peuples indigènes, nul doute que le nouveau monde était bel et bien au Brésil ! Nombreux se penchaient à Belém sur comment reconstruire, mettre en place des alternatives économiques et sociales ! Décidément l’Amérique latine est le berceau ou le point de départ d’initiatives qui, espérons-le, secoueront tous les continents !
Le vent de la contestation gonflant au fur et à mesure que la force de frappe anglo-américaine encaisse les chocs, on vient à douter de la légitimité du G-20 ! Vingt pays peuvent-ils réformer le capitalisme ? Naturellement pas d’autant plus que les préparatifs pour ce sommet prennent du retard tant les approches divergent !
Davos et Belém éclairent d’une lumière crue le crash planétaire ! Peut-être serait-il temps pour le forum de Davos d’aller à Belém, histoire de se ressourcer, de quitter les éthers pour le plancher des vaches ? D’ailleurs ces « maîtres de l’univers » pourraient, qui sait, se métamorphoser au contact de ces 130 000 participants venus de 142 pays, répartis en 2400 ateliers ?

Jean Vinatier

©SERIATIM 2009

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr


Source :

1-Philippe Grasset :
http://www.dedefensa.org/article-crash_de_l_incompetence_et_consequences_de_l_irresponsabilite_02_02_2009.html