Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



samedi 25 décembre 2021

« Tout est géopolitique » par Jean-Claude Junker N°5776 15e année

 

Le Grand continent publie une conversation avec Jean-Claude Junker, souvent parodié pour son appétence ou pas pour le whisky est indiscutablement plus fin que Mme Von der Leyen. Un jour ou l’autre les Européens devraient « briser les tables de la loi » mais cette direction n’est absolument pas celle prise par l’Allemagne plus que jamais soucieuse de s’en remettre militairement à Washington comme garantie de sa prospérité géo-économique et de sa consolidation de son aire d’influence sur l’ensemble européen, au-delà de l’Union.

Ce point précisé, les propos de Junker sont intéressants:"tout est géopolitique"...et interdépendant. Comme toujours,  une fois loin des affaires, les politiques sont moins mauvais car plus libres, dans le commentaire que dans l'exercice du pouvoir.

 

« Quand on regarde l’an 2021, le retrait américain de Kaboul semble marquer un tournant. Le Président du Conseil européen, Charles Michel, nous avait confié sa lecture à chaud de la séquence ouverte en août. Quelle est votre analyse  ?

Ma lecture n’est pas terminée. Les images que nous avons pu voir m’ont rendu triste et perplexe à la fois. Triste parce que l’affaire afghane, si vous me permettez cette expression, s’est terminée très mal, dans la défaite, avec un sentiment de gâchis. Perplexe parce que je crois que cette affaire connaîtra des développements difficiles à anticiper mais qui ne promettent rien de bon pour l’Europe. Elle nous fait entrer dans une nouvelle dimension dont on ignore, à vrai dire, à peu près tout. 

Comment avez-vous interprété le positionnement de l’administration Biden vis-à-vis de ses alliés ? 

Biden aurait pu se concerter avec ses alliés. Mais l’affaire afghane, en tant que telle, n’a rien changé à la relation des Européens avec les États-Unis. Les prises de parole du président américain nous ont dit une chose : nous avons fait fausse route. L’idée mise en avant par le monde atlantique depuis quelques années, peut-être même depuis la fin de la guerre froide, est arrivée à son terme. L’impératif d’intervention, même pour empêcher le pire, n’est plus d’actualité. L’idée que l’on puisse intervenir à partir de l’extérieur sur le développement interne des sociétés qui ne nous ressemblent pas était mauvaise. Elle n’a fait que produire des échecs. 

Avec la prise de Kaboul par les Talibans, les Américains, les Européens, les « otaniens » ont perdu sur deux fronts : celui de la crédibilité vis-à-vis des autres puissances et celui de la confiance en leurs moyens. Il faut partir d’ici. C’est le sens de ce que nous répète le président des États-Unis : nous ferions mieux d’apprendre à gérer nos propres affaires avant de prétendre nous occuper de celles des autres. 

Pour ce faire, il faut développer une analyse qui nous soit propre. Plutôt que de parler d’autonomie stratégique je plaide, d’abord, pour que nous mettions en place une autonomie d’analyse, par une étude des positionnements géopolitiques qui doit être beaucoup plus complète qu’elle ne l’est à présent, prenant en considération les intérêts pour être à la hauteur des valeurs.

Qu’est-ce que cette analyse nous dirait de l’état de la relation atlantique ?

Nous avons connu la période de Donald Trump avec qui je me suis, curieusement, bien entendu. Nous sommes passés sous le régime de l’administration Biden. J’ai bien connu Joe Biden, quand il était vice-président de Barack Obama. Il a une plus grande faculté d’écoute que Trump : c’est le moins que l’on puisse dire ! Mais surtout, il connaît beaucoup mieux l’Europe. 

Donald Trump avait une idée de l’Europe qui était inexacte. Il était dans un fantasme surprenant  : il considérait que l’Union avait été créée dans une sorte de complot contre les États-Unis, conçue pour nuire à leur influence dans le monde. On peut tout dire, mais ce n’est vraiment pas le cas. L’Union a été un projet mené par des atlantistes convaincus. L’essentiel est là.

Voyez-vous une continuité entre les deux administrations  ?

Oui, d’une certaine façon, il y a une continuité. Trump – comme Biden – partait de l’idée qu’il était en charge des intérêts américains, que le président des États-Unis et sa politique étrangère devaient répondre aux besoins des classes moyennes. Dès lors, les intérêts des autres n’ont pas beaucoup d’importance. Est-il en cela si différent des chefs d’État européens  ? Toutefois, Biden est à l’écoute : nous le voyons aujourd’hui.

Justement, qu’est-ce qui configure essentiellement aujourd’hui la relation atlantique ? »

 

La suite ci-dessous :

https://legrandcontinent.eu/fr/2021/12/22/conversation-avec-jean-claude-juncker/?mc_cid=a2f8aa4402&mc_eid=9385cf1978

 

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

vendredi 24 décembre 2021

Jean Racine : Tendre Racine, la vie de Jean Racine N°5774 15e année

« Jean Racine : Tendre Racine, la vie de Jean Racine (1963 - Échos du grand siècle / France Culture). Diffusion sur France Culture (France III Nationale) le 28 janvier 1963. Photographie : Détail du buste de Jean Racine à la Comédie française © Getty / Leemage. Par Lily Siou. Réalisation de Bronislaw Horowicz. Échos du grand siècle : La vie de Jean Racine. L'émission "Échos du grand siècle" proposait, en 1963, "Tendre Racine", une causerie illustrée par une fiction radiophonique sur la vie du tragédien Jean Racine. Avec Jean Leuvrais (Jean Racine), Silvia Monfort (Mademoiselle de Champ-meslé, dit la Champmeslé), Jean Topart (Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux), Marcel André (Antoine Arnauld, surnommé le Grand Arnauld), Pascal Mazzotti (Le Bel esprit), Yvonne Farvel (La Dame), Jacques Bretonnière (Jean Hamon), Lily Siou et Jacques Fayet (Les témoins). »

 « Jean Racine (La Ferté-Milon, 22 décembre 1639 – Paris, 21 avril 1699) est un dramaturge et poète français. Issu d'une famille de petits notables de la Ferté-Milon et tôt orphelin, Racine reçoit auprès des « Solitaires » de Port-Royal une éducation littéraire et religieuse rare. Se détournant d'une carrière ecclésiastique, il entreprend, jeune, de faire une carrière des lettres, en privilégiant la poésie et le théâtre tragique. Le succès d’"Alexandre le Grand", en 1665, lui confère une solide réputation et lui apporte le soutien du jeune roi Louis XIV. "Andromaque", en 1667, ouvre une décennie de grandes créations qui voit, à côté d'une unique comédie ("Les Plaideurs", 1668), représentées les sept tragédies consacrées par l’historiographie comme ses plus remarquables : "Britannicus" (1669), "Bérénice" (1670), "Bajazet" (1672), "Mithridate" (1673), "Iphigénie" (1674) et "Phèdre" (1677). La « tristesse majestueuse » de ces pièces épurées rompant avec l’héroïsme baroque fait la renommée du dramaturge et divise profondément le public français, dont une partie défend la tragédie cornélienne. Le succès populaire, les querelles critiques, l'appui du roi et les faveurs à la cour de Mme de Montespan entraînent une ascension sociale et économique fulgurante de l'auteur : élu à l'Académie française en 1672, anobli en 1674, Racine abandonne en 1677 le « métier de poésie » pour briguer le « glorieux emploi » d'historiographe du roi. Devenu l'un des courtisans proches du Roi-Soleil, il ne délaisse son travail d'historien que pour donner, à la demande de Mme de Maintenon, deux tragédies bibliques aux jeunes filles de Saint-Cyr : "Esther" (1689) et "Athalie" (1691), et pour écrire en secret un "Abrégé de l'histoire de Port-Royal", retrouvé et publié après sa mort. » 

« L'œuvre de Racine passe pour avoir amené la tragédie classique à son « accomplissement » et son « harmonie ». L'économie du propos, la rigueur de la construction (situation de crise menée à son acmé), la maîtrise de l'alexandrin et la profondeur de l'analyse psychologique ont élevé le cor-pus racinien au rang de modèle classique. Abandonnant le ton glorieux et moral du théâtre du dé-but du XVIIe siècle, Racine soumet la vertu politique et la raison d'État, chères à Corneille, sous les contingences passionnelles. La passion soumet et détruit ses personnages tout-puissants (rois, empereurs, princesses) qui tentent en vain de lutter contre elle, perdant le sens du devoir jusqu'à la déraison ou la mort. Les passions, parmi lesquelles l'amour prime, sont le fondement du tragique racinien en ce qu'ils sont les instruments du destin. L'amour racinien suit en ordre général la structure du triangle amoureux, inexorable et cruel pour chacun des partis. Le fondement de ce tragique relève à ce titre de la confrontation de la démesure et de la déraison des passions avec l'humilité de la finitude des mortels. Les tragédies de Racine se fondent sur la conjonction de la crainte et de la pitié (les deux émotions fondamentales du théâtre antique) ; la critique a souvent estimé que le dramaturge a ainsi cherché à associer la prédestination janséniste et le fatum antique. Con-sacré par la critique comme l'un des plus grands auteurs français de tragédies, il est l'un des trois dramaturges majeurs, avec Corneille et Molière, de la période classique en France. » Jean Vinatier 

Seriatim 2021

 

jeudi 23 décembre 2021

Un Moyen-âge (vraiment) en crise : 1300-1450 ? N°5773 15e année

« “Époque Moyenne” selon Pétrarque (1304-1374), “Temps moyen” pour le chroniqueur Schedel (1440-1514), “Âge du milieu” d’après Rhenanus (1486-1547)… l’époque du Moyen âge n’a pas bonne presse depuis Voltaire. Dans une nouvelle série de nos [Cours d’Histoire], Storiavoce se penche sur une période victime de nombreuses idées reçues, de raccourcis historiques et d’anachronismes. Après deux volets visant à définir ce qu’est le Moyen Âge et les dynamiques de la période, nous nous posons la question de la réalité de la crise à la fin du Moyen âge. 

Joël Chandelier, notre invité, répond aux questions de Christophe Dickès. 

1. D’où vient cette idée d’une crise du Moyen âge ? Doit on parler de crise structurelle ou bien de changements brutaux conjoncturels qui ont biaisée notre vision sur un temps plus long ? 

2. La crise est d’abord démographique, conséquence de la peste noire… que sait-on des causes de cet événement ?

 3. Vous expliquez bien qu’il faut sortir d’une vision un peu romantique des comportements irrationnels à la suite de la peste… les flagellants ne doivent pas cachés l’idée que les contemporains savent analyser froidement et rationnellement ce qu’il se passe devant eux ? La peste intervient telle dans un moment de crise existant, la renforçant en quelque sorte, ou n’est-elle qu’un accident ? 

4. Vous écrivez que les effets de la peste sur le monde du travail sont révélateurs ou emblématiques de la complexité de la période… pourriez-vous nous décrire cette complexité ? Il n’y a donc pas d’uniformité de la crise ? Ni de généralisation ? 

5. Au-delà de la démographie et de l’économie vous décrivez un monde politique, des États européens en voie de consolidation. Est-ce que ce sont des États en crises? L’État moderne se met en place ? 

6. Vous soulignez par ailleurs l’interaction entre l’État et la société : comment se caractérise-t-elle et s’agit-il d’une originalité de la période ? Cette imbrication crée-t-elle le sentiment national ? 

7. Vous évoquez le foisonnement de la littérature avec Dante mais est-ce que Dante n’est pas une exception ? Est-ce que l’Italie n’est pas l’arbre qui cache la forêt ? Faut-il voir au-delà de l’Italie ? “ 

  

Jean Vinatier 

Seriatim 2021

 

lundi 20 décembre 2021

Soudan : retour sur le putsch militaire d’octobre 2021 N°5772 15e année

 « Alice Franck est maîtresse de conférences en géographie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (UMR PRODIG), spécialiste du Soudan.
Elle revient pour Les clés du Moyen-Orient sur les événements politiques du pays avant et après le coup d’État, les réactions de la population soudanaise, ainsi que les réactions régionales, Russes, américaines et européennes.
Cet entretien a été réalisé mi-novembre 2021. »

 

« Le 25 octobre 2021, un putsch militaire a renversé le pouvoir en place, arrivé après la chute du régime d’Omar Al-Béchir en 2019. Comment la vie politique s’était organisée au Soudan après la révolution ?

Il faut se souvenir d’une part qu’Omar Al-Béchir est un militaire, et d’autre part que la fin du régime de Béchir a débuté par un coup d’Etat militaire identique à celui d’octobre dernier puisque ce sont des militaires proches de Béchir qui ont profité de la contestation générale du régime par les civils pour prendre le pouvoir. De grandes manifestations contre le régime de Béchir avaient débuté dès décembre 2018, faisant elles-mêmes écho à d’autres manifestations qui avaient eu lieu plusieurs mois auparavant. En avril 2019, ce sont des militaires appartenant au régime d’Omar Al-Béchir qui ont démis ce dernier. Ils n’ont pas pour autant remis le pouvoir aux civils, flouant ainsi les volontés révolutionnaires. Une fois hissés en haut de l’Etat, malgré leurs discours en faveur d’un nouveau régime, les militaires ont rapidement révélé leur visage en n’hésitant pas à user de la force contre les civils désarmés qui n’acceptaient pas cette usurpation. Malheureusement le coup d’Etat du mois dernier rappelle ce triste scénario car le 17 novembre dernier, les militaires ont à nouveau massacré les civils qui condamnaient le nouveau putsch militaire. Un bras de fer entre civils et militaires s’ouvre donc à nouveau. Chèrement payé au printemps 2019, au prix de centaines de vies innocentes, il avait contraint les militaires à partager le pouvoir : un acte constitutionnel avait été signé en août 2019 organisant une transition politique partagée entre civils et militaires avec la mise en place d’un conseil de souveraineté accueillant des membres issus des deux groupes. Le conseil de souveraineté devait être dirigé par des militaires les deux premières années de la transition puis ces derniers devaient laisser place aux civils. Entre 2019 et 2021, c’est Abdel-Fattah al-Burhane, commanditaire du putsch d’octobre 2021, qui était à sa tête.

Si ce conseil de souveraineté intégrait donc une partie militaire, le gouvernement était en revanche civil. Néanmoins, l’issue des deux ans était proche et les militaires n’entendaient pas rendre aux civils le pouvoir. Utilisant des recettes anciennes, profitant des difficultés du gouvernement aux prises avec une crise économique profonde, les militaires ont dénoncé l’action des civils en condamnant leur gestion du pays et attisé les divisions au sein de leur groupe en attirant les rebelles des régions périphériques du Soudan qui avaient laissé leurs armes et intégré le processus de transition à l’automne 2020. Cette grave crise économique tout comme les asymétries de développement ont été en partie responsables de la chute du régime de Béchir en 2019. La population avait protesté contre les pénuries et l’inflation extrêmement forte. A ce titre, il est intéressant de noter que les militaires ont immédiatement injecté des sommes d’argent importantes après leur putsch afin d’éviter la flambée des prix qui s’observe généralement après un coup d’État. Fin octobre, les prix sont restés assez stables.

Les militaires, voyant arriver à son terme leur période de présidence du conseil de souveraineté, ont ainsi agité le chiffon rouge économique ; ils ont également joué à différents niveaux sur l’appréhension de la population face à l’insécurité. Tout d’abord en profitant, relayant, voire organisant depuis des mois la montée d’une « insécurité quotidienne », au niveau des quartiers de la capitale notamment, avec un climat renforcé de petite délinquance à mettre en lien également avec les difficultés économiques. Par ailleurs dans le mois qui a précédé le putsch d’octobre, des opérations de déploiements des forces armées à Khartoum ont été menées dans le but de déjouer des tentatives de coups d’Etat, et de démanteler des cellules soudanaises de daesh faisant augmenter le climat de tension et d’appréhension des populations soudanaises à l’encontre d’un scenario de chaos. D’autant plus que le souvenir de la guerre civile qui a déchiré le Sud du pays à la suite de son indépendance en 2011, tout comme celui des guerres qu’ont connu différentes régions du pays comme le Darfour ou encore la proximité de la Libye et la crise éthiopienne actuelle, constituent des facteurs d’appréhension bien réels pour les populations civiles.

En ce sens, la présence de militaires dans la transition politique rassure d’une certaine manière une partie de la population même si cette dernière souhaite l’instauration d’un régime civil. Des tensions étaient palpables dès le début de l’association entre civils et militaires mais elles se sont accrues considérablement ces derniers mois. Conscients de la fragilité de cette alliance presque contre-nature, et doutant de la volonté réelle des militaires à abandonner le pouvoir, les civils ont appelé à sortir dans la rue pour commémorer l’anniversaire de la révolution du 21 octobre 1964, qui avait mis fin à la période militaire du général Abboud, en signe de soutien à la présence de civils au sein du régime. Des centaines de milliers de Soudanais ont répondu à cet appel et les militaires ont certainement craint d’attendre davantage pour s’emparer du pouvoir à eux seuls, face à une potentielle réorganisation de la population en soutien des civils.

Il y avait donc une certaine cohérence dans cette reprise du pouvoir par la force par les militaires… »

La suite ci-dessous :

https://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Alice-Franck-Retour-sur-le-putsch-militaire-d-octobre-2021-au.html

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021