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jeudi 16 décembre 2021

Macron face à Macron hors Allemagne N°5770 15e année

 Afin de contrer le déploiement du programme de Valérie Pécresse, l’Élysée avait pré-enregistré le discours présidentiel n’empêchant pas, selon mes sources, des coupes dans la version finale que les Français virent hier…..Selon moi, cette intervention parce que réactive, est un aveu de faiblesse ou de fébrilité. Après tout il est le Chef de l’État, Valérie Pécresse n’est qu’une candidate parmi d’autres.

Ce face à face narcissique n’aurait que peu d’intérêt et ne mériterait pas les commentaires étendus à moins de porter le regard vers l’Allemagne dont le nouveau gouvernement ne semble pas du tout dans les mêmes prudences qu’Angela Merkel. Faire croire que l’élection présidentielle pourrait faire abstraction de l’extérieur est une illusion et même une tromperie, la France étant dans l’Union européenne. Emmanuel Macron en choisissant sa présidence semestrielle du conseil de l’Union européenne comme l’arme décisive pour l’emporter, devenant une sorte de Guy Lux allant de ville en ville, française, européenne (Budapest)  et de porter tel Atlas l’Union sur ses épaules ne le confirme-t-il pas ? Donc de lui-même Emmanuel Macron fait de l’Europe la question centrale de cette élection. Aussi, est-il important de bien connaître les axes politiques d’Olaf Scholz, de sa ministre Vert des Affaires étrangères, Annalena Baerbock bien éloignée du pragmatisme de son lointain prédécesseur Joschka Fischer (1998-2005). Pour les Allemands, la défense européenne restera entre les mains totales de l’Otan, le commerce sera avec l’Asie dont la Chine, l’approvisionnement énergétique avec la Russie, les flux migratoires via la Turquie et la transition écologique ne se fera pas avec le nucléaire.

Ces axes indiquent clairement que le discours d’Emmanuel Macron autour de la souveraineté européenne et surtout de sa défense se situe aux antipodes des réflexions et des actions berlinoises. Pourtant, l’Élysée se félicite de l’unité de vue avec le chancelier…Y a-t-il eu un dialogue dans les salons présidentiels ?

Cette référence à l’Allemagne est fondamentale car ce pays qui arrive à un moment particulier de sa réussite géoéconomique, se montre aussi européen qu’Emmanuel Macron mais pas du tout avec le même sens.

Sur la Défense, en se reposant totalement sur l’Otan, Berlin envoie un signal inquiétant sur le devenir des déjà fragiles projets d’armements européens et plus particulièrement sur l’avenir du Rafale. N’oublions pas les prises de participation de l’Allemagne dans des entreprises stratégiques françaises qui feraient à terme de notre armée une force ficelée et dépendante.

Sur le nucléaire, le gaz, là aussi la France est atteinte de plein fouet. Par l’opposition au nucléaire, Berlin entend bien nous contraindre à nous plier à leur stratégie d’approvisionnement, notamment via North Stream 2, un gaz russe. Aujourd’hui, la nouvelle chancellerie prétexte pour ne pas actionner ce gazoduc, on devine bien que cela est très temporaire liée à la vraie/fausse invasion de l’Ukraine par la Russie.

Sur les flux migratoires, Berlin pour faire face au vieillissement de sa population et la faiblesse démographique appellera davantage de migrants : ce n’est pas pour rien qu’Olaf Scholz allégera les procédures administratives de naturalisation. Par son histoire, Berlin tiendra à opérer ses flux via Ankara (lointains souvenirs wilhelmiens) capitale d’un pays qui ouvre aussi de larges routes turcophones vers la Chine. Emmanuel Macron peut s’entendre avec le très ambigu Viktor Orban, que pèsera cet accord même cautionné par le groupe de Visegrad face à l’ensemble germanophile (Benelux, pays Baltes, Europe centrale) ?

Pour la transition énergétique, Berlin s’oppose tout autant à Paris…faute d’un équilibre de rapport de puissance à puissance. Certes avons-nous une armée plus accomplie que celle allemande mais qu’en ferons-nous si nous ne pouvons pas bouger un détachement sans les avals américano-allemands ?

Le décalage complet entre le rêve macronien et la constance germanique est patent, Alain Juillet dans sa dernière Source le souligne clairement. Pour les adversaires d’Emmanuel Macron, il devrait y avoir un boulevard dont je doute qu’ils l’entreprennent parce que s’avancerait alors la question européenne ! Et dès que vous évoquez l’Europe, tous les cacochymes de France s’agrippent à leur portefeuille et mirent paniqués leur or quand les quadras, les trentenaires s’affolent parce qu’ils n’eurent et n’ont d’horizon de la construction européenne que via des lectures anglo-américaines. Il reste le plus tragique, c’est que Berlin estimerait tout à fait intéressant que le Président Macron ait un second mandat assuré de le guider, un peu moins envers Valérie Pécresse dont le directeur de campagne, Patrick Stefanini, un fidèle de François Fillon que Marine Le Pen et Éric Zemmour voulurent séduire, dispose de vastes réseaux et notamment vers la Russie. Or, Berlin entend être le seul interlocuteur avec Moscou….

La politique ne se bâtit pas avec des songes, mais à partir des réalités de puissance à puissance équilibrée ou complémentaire.. En cela les termes présidentiels sont un soleil trompeur….

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

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