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mardi 28 février 2023

Le « socialisme » mitterrandien ou l’invention du néolibéralisme d’État 1981- 1986, par Rémy Herrera N°5642 17e année

 Rémy Herrera, Chercheur au CNRS (Centre d’Économie de la Sorbonne) Séminaire Marx au 21ème siècle Paris.

 Sorbonne 30 septembre 2020 

 

Le GEMDEV est un réseau pluridisciplinaire et interuniversitaire de formations et d’équipes de recherche sur le développement et la mondialisation.

https://www.gemdev.org/28456

Jean Vinatier 

Seriatim 2023

 

Ukraine : La Chine siffle-t-elle la fin de la partie ? N°5641 17e année

 

Sans surprise les douze points avancés par le gouvernement chinois ont été rejetés par l’Otan et les États-Unis qui estiment, défense de rire, que Pékin n’a pas la crédibilité nécessaire…Néanmoins, en Europe, la réception de ces douze points est moins négative, ainsi la Pologne et l’Ukraine, Emmanuel Macron, à peine sorti du crottin du salon de l’Agriculture, annonce son déplacement en Chine en avril : il sollicitera un rôle.

Les douze points chinois sont généraux mais l’un d’entre eux appelle à la fin des sanctions unilatérales. Or c’est précisément sur ce point que se base toute la violence de l’aire Atlantique, décidez qui est bon, qui est mauvais. Ainsi, la Chine fait un pas de plus que les dirigeants israéliens et turcs, en s’attaquant directement à l’emploi unilatéral de l’arme financière américaine. Comme je l’écris depuis un moment, l’Asie , en dépit des méfiances entre des grandes puissances qui y sont, ne veut plus subir les caprices de l’aire Atlantique qui vit déconnectée des réalités et pour l’Europe qui ne pense qu’à travers le dire washingtonien. L’aire Atlantique n’a pas compris que « nos valeurs » ne sont pas les bienvenues en Asie, en Afrique :  nos conquêtes, nos colonisations, les guerres attisées. Stop !

La Chine escompte bien que ses démarches diplomatiques rendront plus difficile toute envie américaine de la présenter comme le prochain méchant. Elle prépare aussi via les douze points la question taïwanaise. La Chine et derrière elle l’Asie, soigne son image. Sur ce point, il serait bon également que nos médias informassent les Français de ce que pensent les Africains, les Asiatiques de ce conflit. Il est ahurissant que les même européens qui nous bassinent avec le monde global se ferment à tout regard autre du monde.

S’ajoute, la prochaine élection américaine en 2024. Traditionnellement, les campagnes politiques mettent en avant l’isolationnisme et le pacifisme, deux éléments historiques qui sont toujours des courants populaires. Or, sans les USA, l’Union européenne ne se lancera pas dans des sanctions supplémentaires et l’ Ukraine s’effondrera. L’idée selon laquelle, ne pas déclarer la guerre mais soutenir l’un des acteurs au conflit a des limites autant logistiques que financières et ce d’autant plus que la Russie, contrairement à l’Ukraine, n’a pas du tout utilisé le maximum de ses capacités militaires et dispose, en plus, de toute l’arrière-cour asiatique pour commercer, notamment, ses hydrocarbures à des pays tiers qui les mélangent à d’autres avant de les revendre aux Européens, contournant ainsi les sanctions : l’Europe est le dindon de la farce, les États-Unis eux ne cessant pas d’acheter, par exemple, de l’uranium à la Russie.

 

Il se pourrait que dans les semaines à venir, l’Inde fasse aussi des propositions. Autrefois, les confits se finissaient dans le cadre d’un ordre, européen puis américain, demain, ce sera en Asie. L’Asie inverse le cours de la mondialisation. Si la fin de la partie du présent conflit n’est pas encore sifflée, la Chine montrerait dans quelle cour elle le serait.

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023

vendredi 24 février 2023

Ukraine 2014-2023 : du local au mondial N°5640 17e année

La première année conflictuelle entre la Russie et l’Ukraine est célébrée par la presse française (parisienne et  PQR) : « l’Ukraine doit vaincre, la Russie doit être battue militairement, économiquement.. » mais personne ne s’offusque de l’envoi sur le front des jeunes de 16 ans. Imaginez la même chose du côté russe, que n’entendrait-on pas ! Les Zelensky abreuvent le monde d’anathèmes, ce couple zélote menace quiconque n’est pas avec eux…Je connais quelques ukrainiens, tous souffrent et tous veulent amener leurs enfants et petits-enfants de 16 ans hors d’Ukraine et la popularité de Zelensky est bien moins grande que celle proclamée ici.

Évidemment nul en Europe ne s’interroge sur la responsabilité elle-même de l’Europe dans l’enclenchement du drame. L’Europe n’a pas changé depuis l’éclatement de la Yougoslavie, elle en appelle aux États-Unis, impose la cession d’une province serbe, le Kosovo via des bombardements illégaux (78 jours), faisant naître un État fantoche entièrement entre les mains américaines qui s’apprête à intégrer l’Union…pour partager nos valeurs !!! A l’autre bout,  ce même continent a fermé les yeux sur la guerre civile ukrainienne entre le Donbass et Kiev, soutenant l’Ukraine dans son refus de lui accorder une autonomie, a joué une comédie avec les accords de Minsk (Hollande Merkel l’avouent). Ainsi, l’Europe approuve-t-elle une cession au sud quand elle le refuse au Nord…..Où est la logique, où est la justice ?

Que l’on n’approuve pas comme moi l’intervention russe en Ukraine est une chose tout à fait normale mais que l’on se refuse à expliquer le pourquoi et le comment de cette décision militaire en est une autre autrement plus condamnable.

La guerre civile en Ukraine a commencé en février 2014 lors du coup d’État de Maïdan renversant un Président légalement élu sous le prétexte du refus de signer des accords commerciaux avec l’Ouest, le tout sur fond d’une corruption générale qui s’est encore amplifiée depuis février 2022. Fin février 2022, cette guerre civile devient un conflit armé entre l’Ukraine et la Russie, cette dernière voulant, à son tour, faire son « Maïdan » qui échoua complétement. Un an après, c’est autre chose.

Les grands événements commencent souvent petitement telle l’avalanche par une petit boule qui grossit au fur et à mesure de sa descente, de sa vitesse qui lui donne sa puissance dévastatrice. Eh bien, nous sommes sur le point de basculement un peu comme dans le film de Woody Allen Match Point : selon que la balle de tennis passe ou pas le filet, le destin bascule.

Le double déplacement annoncé de Xi Jiping en Russie puis celui de Vladimir Poutine à Ryad, est annonciateur de ce changement dimensionnel. Février 2022 était une opération spéciale, février 2023, un champ conflictuel qui rejoint l’Asie. Le jusqu’au-boutisme américain et la veulerie européenne ne font que provoquer des durcissements géopolitiques et des fuites en avant. Le secrétaire général de l’Otan croit apercevoir des préparatifs de convois militaires chinois…Bon ! Mais je pense que le voyage du Président chinois à Moscou serait en lui-même une armée en mouvement, point n’est besoin de s’encombrer de chars. Emmanuel Todd ne dit pas autre chose (Le Figaro : La troisième guerre mondiale a commencé) : « Il est évident que le conflit, en passant d’une guerre territoriale limitée à un affrontement économique global, entre l’ensemble de l’Occident d’une part et la Russie adossée à la Chine d’autre part, est devenu une guerre mondiale »1

Il n’est pas inutile de relire certains extraits que je cite ci-dessous :

(L’or et le sang 1914-1918) « La Première guerre mondiale a été aussi un affrontement économique. Non seulement pendant le conflit lui-même, par la lutte industrielle et le blocus, mais en vue de l’après-guerre, par la mise au point, chez les différents belligérants, de véritables buts de guerre économiques…Pour les Alliés, démocratie politique et libéralisme économique vont de pair […] La victoire des Alliés sera la victoire du libéralisme. Mais d’un libéralisme renouvelé, que le choc de la guerre éloigne de l’idéal manchestérien […] Cependant le libéralisme triomphe aussi pour en finir en Allemagne même, et pas simplement sous le choc de la défaite, mais bien parce que des cercles toujours plus larges de la société allemande se rendent comptent, pendant le conflit et à cause de lui, que leurs véritables besoins et aspirations sont finalement mieux pris en compte par le libéralisme que par le régime fondé par Bismarck. »2

(Le déluge -1916-1931) : « la doctrine de la Porte ouverte exposée entre 1899 et 1902 par le secrétaire d’État John Hay visait à établir l’égalité d’accès aux marchandises et au capital . Cette Porte ouverte n’était pas une invitation au libre-échange [….] Une fois la Porte ouverte, il était entendu que les exportateurs et les banquiers américains balaieraient tous leurs rivaux. […..] Ce que la stratégie américaine visait bel et bien, et avec insistance, à éliminer c’était l’impérialisme, compris, non comme une expansion coloniale productive ou la domination raciale des Blancs sur les gens de couleur, mais comme la rivalité « égoïste » et violente entre la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, la Russie et le Japon qui menacerait de diviser un seul et unique monde en domaines d’intérêts séparés. »3

(Le plan Marshall) : « Comme les planificateurs du plan Marshall l’apprirent, les intérêts politiques et les intérêts de sécurité occidentaux sont difficiles à séparer. Il y a longtemps, ce n’est pas une surprise, que les élites en Russie, en Allemagne et aux États-Unis ont vu l’UE et l’OTAN comme les deux faces d’une même médaille. Cela met en lumière le défi présenté à l’Union européenne dans son expansion vers l’Est : plus elle avance, plus elle entre en conflit avec les intérêts de la Russie. S’il n’est pas contrôlé par la négociation et les compromis, le conflit déborde sur la sphère de la sécurité. »

« Pour autant, dans le quart de siècle qui s’est écroulé depuis la fin de l’Union soviétique, la grande stratégie (Marshall/Otan) a été écartée au profit de l’improvisation pour pacifier les intérêts rivaux. La démocratisation a été confondue avec la sécurité, sans que cela profite à l’une ou à l’autre. Le résultat est un OTAN sous-doté faisant face à la pression grandissante d’une Russie de plus en plus aigrie et autoritaire. Kennan remarquait en 1998 : « Nous nous sommes engagés à protéger toute une série de pays bien que nous n’ayons ni les ressources ni l’intention de le faire de manière sérieuse. » Il avait raison. En conséquence, la politique d’expansion est en passe d’échouer. On se souvient du plan Marshall comme de l’une des grandes réalisations de la politique étrangère américaine, non seulement parce qu’il fut visionnaire mais parce qu’il réussit. Il réussit parce que les États-Unis alignèrent leurs actions sur leurs intérêts et leurs capacités en Europe, acceptant la réalité d’une sphère d’influence russe dans laquelle ils ne pouvaient pénétrer sans sacrifier leur crédibilité et le soutien du public. Les grands actes de l’art de gouverner sont fondés sur le réalisme autant que sur l’idéalisme »4

Cet arrière-fond historique rappelé, les médias européens et les gouvernements masquent bien les métamorphoses, économique, financière, monétaire, technologique que l’Asie et l’Eurasie débutent avec derrière à terme l’Afrique et plus loin pourquoi pas les Amériques, centrale et latine. En un mot, les enjeux véritables sont tus.

Pour l’heure ce sont les ukrainiens qui en paient injustement le prix,  plus l’Europe restera servile et plus le fanatisme de certains aux États-Unis prospérera, plus nous nous rapprocherons de la roche Tarpéienne. Aucun n’a à gagner à jouer avec le feu…..Jean Jaurès dans son dernier ou avant-dernier article à la Dépêche du midi le 30 juillet 1914 décrivait un continent européen d'alors  comme hypnotisé par « l'oscillation au bord de l’abîme »

Notes :

1-Todd (Emmanuel) in Le Figaro, 13 janvier 2023, p.22

2-Soutou (Georges-Henri), L’or et le sang – Les but de guerre économiques de la Première guerre mondiale -, Paris, Fayard, 1989, p.9

3-Tooze (Adam), Le déluge, 1916-1931 – Un nouvel ordre mondial- Paris, Belles-Lettres, 2015, p.13

4-Steil (Benn), Le plan Marshall, Paris, Les Belles Lettre, 2020 p.473, pp.474-475

 

Jean Vinatier

Seriatim 2023