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vendredi 29 juillet 2022

Avant le départ et le retour N°5888 16e année

 A grand peine ai-je pu traverser la place de la Concorde et son environnement immédiat ,  Anne Hidalgo validant à la file des chantiers ENEDIS et autres, entre les barrières non enlevées du Tour de France. Piéton, je mesure la dinguerie qu’est de marcher dans Paris, personne ne respectant rien et pas un policier municipal à l’horizon quant à celle nationale, elle détourne la tête. Il sera beau le péplum des JO du duo, Macron/Hidalgo qui dégoutera les parisiens pour cent ans de cette compétition plus financière que sportive et , surtout, abimera Paris mais les deux s’en moquent tant ils vont dans l’ivresse, le premier le nez, dans la poudre, la seconde s’adorant, les deux sont des despotes déjantés petits bourgeois sans le délire d’un bas empire qui jetterait quelques feux magnifiques avant de succomber aux virils coups de glaives  des goths.

De ce désordre médiocre, si car les chantiers sous Napoléon III s’ils ont cassé la tête des parisiens et alimentés l’impopularité de l’Empire, au moins la IIIe République hérita-t-elle d’une capitale moderne avec pour la première fois de la verdure et des fontaines à foison, s’étonnera-t-on de vivre un second mandat sans queue ni tête ni majorité ?  Face à nous des centaines d’élus qui sont autant de canards sans têtes qui courent, virevoltent, se bouffent le bec avec d’autant plus de vigueur mesurée que nul ne voulant d’une dissolution chacun des canards étêtés prend soin de la tête de l’autre…

Dans ce cadre arriva le prince héritier d’Arabie Saoudite qu’Élisabeth Borne appelle Monsieur mais dont il faut bien serrer la main puisque grâce à notre suivisme dans les directives  américaines et les admonestations quotidiennes d’un Zélensky tout grimé pour Vogue dans un décors reconstitué de « Berlin année zéro », nous en sommes à quémander ici et là  du pétrole et du gaz à votre bon cœur…Adieu le corps équarri de Khashoggi, place à l’aubaine pour un tel prince de se voir courtisé et flatté. Mais gare à lui, car les européens tous bas qu’ils sont, ont des résurgences d’autorité (avec un GPS américain) et peuvent aussi se pourlécher de voir agonir un Kadafi quand bien même détruiraient-ils un pays tout entier ce qu’est la Libye ! A peine le descendant de ibn Saoud était-il reparti que notre Macron s’envolait pour une tournée africaine en quasi parallèle avec celle du ministre Lavrov qui réussissait un beau coup en Égypte où perfidement nous faisait bénéficier d’une commande de blé par le maréchal Al-Sissi qui n’est pas un blé tendre ! Notre pauvre Macron est en Afrique un piètre évangéliste ou missionnaire car, hors la morale et la repentance, les États visités restent sur leur faim. La Russie si elle n’exerce pas une influence sur ce continent comparée à d’autres, elle sait par des coups d’échec affaiblir comme il faut, ici, la France bien paumée dans l’espace sahélien. Du pré-carré africain, nous devînmes des gardiens de chasse puis des agents de sécurité pour d’autres puis maintenant des passagers presque clandestins. Le trait est forcé mais il faut bien montrer ce qu’est de n’être plus souverain de n’avoir plus par conséquent de politique, de vision, de constance et des moyens économiques pour asseoir notre géopolitique.

Eh oui l’Union européenne est entrée dans une grande crise avec celle politique et financière italienne, les révoltes paysannes, hollandaises, albanaises soigneusement cachées aux français par nos médias avec de l’autre côté de la Manche, un choix assez important pour succéder à Boris Johnson qui briguerait l’Otan. Ou Liz Truss qui confond la Baltique avec la mer Noire entre au 10 Downing Street la russophobie aux basques le tout enrubanné d’inculture et de de bêtise ou bien c’est l’audace et le risque de laisser arriver Rishi Sunak qui a compris, sur le tard la nécessité pour plaire en campagne d’être sinophobe, russophobe. Je crois qu’après le Brexit qui est à la fois réussi en cela qu’il s’est fait mais raté en cela que Londres ne sut pas avoir une voie médiane entre Washington et Moscou y ajoutant l’ignominie de l’expulsion de Julian Assange, traité comme un irlandais, le Royaume-Uni d’une Reine âgée qui a vu le pays passer de l’empire à la descente de lit, la situation politique britannique arrive dans une impasse.

L’Union européenne dont l’Allemagne était censée être la tête et les jambes commence sérieusement à battre de l’aile, la germanique Ursula Von der Leyen sur laquelle pèse de sérieux dossiers de corruption n’a ni l’appui véritable d’Olaf Scholz ni celle des états membres notamment sur la question du gaz. Mais réjouissons-nous le charbon arrive depuis l’Ukraine, les mines à charbon rouvrent à toute vitesse sans que les écologistes ne pipent mot, le point fondamental pour eux n’étant pas la qualité de l’air mais qu’il n’y ait plus d’aire russe rendant l’environnement, au passage, assez nucléaire. Depuis Moscou capitale d’un pays qui devrait selon notre si brillant Bruno Le Maire, être au moins à l’agonie sinon mendiait la portion congrue, les pions avancent, Vladimir Poutine va et vient et prépare d’énormes manœuvres militaires pour septembre avec certainement la participation chinoise puisque selon nos médias, la Russie aurait mis toute sa puissance en Ukraine, il lui faut bien faire démentir cette vantardise européenne….Pas loin, le rusé et matois Recep Erdogan se frotte les mains tellement il sait que l’on a besoin de lui voilà un homme qui peut dire oui et non à tout le monde à tour de rôle. Et cette brave cache européenne cherche du regard son berger américain confronté à une situation intérieure que l’on néglige toujours de regarder en face ici. Or les USA entre inflation et récession ont à aborder des questions intérieures qui traversent les 50 États rendant d’ailleurs la sécession impossible. Au-delà des migrations, de  la pauvreté,  des courants wokistes, cancel, lgbtqia+, il y a en toile de fond cette séparation entre les territoires intérieurs et ceux littoraux, Pacifique, Atlantique, une séparation divisant démocrates et républicains. Les mid-terms américains de novembre prochain seront certainement une mèche jetée sur un baril.

Les États-Unis sont la première puissance et l’on peut noter les failles comme, sans doute, certains Romains l’annotèrent dès le début du IIIe siècle mais Rome ne sombra qu’à la fin du Ve siècle et encore dans sa seule partie, celle orientale tenant jusqu’à ce que les Occidents la dépouillent en 1204. Ce rappel pour dire qu’une puissance première parmi les autres met du temps pour passer et encore même disparue, Rome, par exemple, laissa le latin durant des siècles (le Hongrie jusqu’à la fin du XIXe siècle). Il faut donc se garder de tout rêve « de chute » n’interdisant pas qu’à la faveur d’événements successifs et de choix assumés, les accélérations entrent sur la scène ravageant tout.

Je pense que l’ère des valeurs atlantiques est révolue, celles à venir d’Asie, d’Afrique (dont une partie est tournée historiquement vers l’Asie comme l’Égypte et le Maghreb via les Ottomans) sont dans les limbes si nous considérons que leurs valeurs auront vocation à l’universalité. Jusqu’à maintenant l’Europe puis les États-Unis y prétendirent. C’est donc un moment nouveau où un monde s’affaisse avec des sursauts violents et sanglants et des  mélancolies diverses au point de ne pouvoir reprendre la main qu’en créant de toute pièce des « hommes neufs «  (human real)  quand un autre est supposé survenir ce qui n’est pas certain au sens où nous le définissons, le tout sur fond de monde clos sans inconnu, l’inconnu qui fit que l’homme sorti deux fois d’Afrique, aujourd’hui, il sortirait plus de nulle part : cette fin d’inconnu serait-elle notre apocalypse ?

 En attendant, demain j’enfourcherai mon vélo pour un long périple, rendez-vous en septembre

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022

mercredi 27 juillet 2022

« La littérature est devenue ma patrie »Javier Cercas N°5887

 « Dans ce nouvel épisode de notre série Grand Tour, Javier Cercas revient sur son enfance passée en Espagne — entre l'Estrémadure natale et la Catalogne d'adoption. À travers ce double déracinement géographique et spirituel qui l’a guidé vers la littérature, l’auteur de Soldats de Salamine interroge les notions d’identité et de patrie. Il médite sur la diversité culturelle et linguistique de l'Espagne, largement méconnue en Europe. »

«Florent Zemmouche pour le Grand continent ; Comme vous le savez, dans la série « Grand Tour », nous parlons généralement de la relation unique entre une personne et un lieu qu’elle a découvert dans des circonstances particulières et à un moment donné. Nous n’avions encore jamais parlé d’un lieu de naissance. Vous avez suggéré que nous abordions le vôtre, l’Estrémadure, pourquoi ? 

Parce que je voudrais souligner le fait que, dans chaque pays, et en particulier en Espagne, il y a de nombreux terroirs, de nombreuses cultures. En d’autres termes, nos pays, et l’Espagne en particulier, sont pluriels. On l’oublie trop souvent. La diversité de l’Espagne est méconnue. Ce pays est maintenant pratiquement un État fédéral, composé de régions très différentes, et qui englobe plusieurs langues. Et je suis un fruit de cette diversité. Rappelons que l’Espagne contemporaine s’est créée, avant tout, dans l’après-guerre, avec une émigration massive des régions du sud – qui sont des régions pauvres – vers les régions du nord – qui sont des régions riches, dont la richesse était davantage promue par le régime de Franco. Et il y a eu une véritable désertification. En Espagne, on parle maintenant d’Espagne vide, car il y a des zones qui sont complètement dépeuplées. 

L’Estrémadure, d’où je viens, est l’une d’entre elles. Vous savez, le village où ma famille et moi sommes nés, Ibahernando, comptait 3 500 habitants après la guerre civile. Maintenant, il en a 500. Et ce n’est pas une exception, c’est la règle. 

Je crois qu’en Europe, il y a une méconnaissance totale de cette diversité essentielle en Espagne. Je me souviens d’une historienne française qui m’a dit un jour : pour résoudre le problème catalan, il faudrait donner l’autonomie à la Catalogne. Cette dame ne savait pas que l’Espagne est un État fédéral dont certains États fédérés, comme la Catalogne et le Pays basque, disposent d’un degré d’autonomie absolument extraordinaire.

Il me semble que Thomas Piketty, dans Le Capital au XXIe siècle, est très surpris lorsqu’il examine les chiffres en Espagne et se rend compte que le degré de décentralisation, notamment fiscale, est énorme. Si je me souviens bien, il dit même que l’Espagne est le pays le plus décentralisé fiscalement au monde.

Je voudrais donc attirer l’attention sur ce point. C’est pour cette raison, entre autres, que j’ai proposé de parler de mon lieu d’origine. Je suis le fruit de l’émigration, de l’immigration massive, et de déplacements de populations au sein même du pays. 

Peut-on dire que c’est le déracinement qui a fait de vous un écrivain ?

Ma vocation découle de cette émigration. On m’a récemment proposé une conversation avec un cardinal au Vatican. Une chose très inhabituelle à faire, n’est-ce pas, et j’ai accepté, bien sûr. Il s’agissait d’une conversation publique sur la foi et la religion, avec le cardinal Ravasi, qui est le ministre de la Culture du Vatican. Une personne très charmante, très cultivée, avec un grand sens de l’humour. C’était une conversation très intéressante. Ce jour-là, je lui ai expliqué que ma vocation littéraire est le fruit de deux déracinements, qui au fond se rejoignent. D’une part, un déracinement géographique. Quand j’avais quatre ans, nous sommes partis de notre petit village d’Estrémadure, on m’a arraché de mon environnement habituel, et on m’a emmené dans un endroit où tout était complètement différent, avec une autre culture, où l’on parlait une autre langue. Dans mon ancien village je me sentais très protégé car pratiquement tout le village était de ma famille. De plus, nous étions les riches du village. Dès que nous sommes partis, nous étions pauvres. Pour moi ce déracinement géographique a été très marquant. 

Mais il y a eu aussi un déracinement spirituel, qui est lié au déracinement géographique. Je retournais dans mon village d’origine chaque été, donc je vivais un peu à mi-chemin. Je ne vivais pas en Catalogne, mais je ne vivais pas non plus en Estrémadure. J’étais partagé entre les deux endroits qui, j’insiste, étaient très différents en termes économiques, culturels, où tout était différent en somme. Finalement, je n’étais ni vraiment catalan, ni vraiment d’Estrémadure, j’étais un mélange des deux, ce qui me causait un grand déséquilibre permanent. Puis un été, en visite dans mon village d’origine, je suis tombé amoureux pour la première fois de ma vie. J’avais 14 ans. Toutes les choses importantes me sont arrivées là-bas. Toutes. Je suis allé au cinéma pour la première fois dans ce village, j’y suis tombé amoureux pour la première fois… J’étais donc amoureux, et bien sûr, à la fin des vacances, j’ai dû retourner à Gérone, en Catalogne, où je vivais. Et j’étais tellement amoureux que la seule chose que je voulais était de me pendre à la coupole de la cathédrale de Gérone, j’étais désespéré parce que la fille dont j’étais amoureux était restée là-bas. La situation était très grave, si grave que je suis allé chercher le livre le plus sérieux que j’ai pu trouver à la maison.  J’avais toujours été un lecteur, mais je lisais des romans d’aventure, je lisais pour me divertir.

La situation était très grave, je voulais me suicider, je voulais mourir, c’était terrible, j’étais amoureux. Je suis donc allé chercher le livre le plus sérieux que je pouvais trouver chez moi, avec une telle malchance qu’il s’est avéré être San Manuel Bueno, martyr, de Miguel de Unamuno. Vous savez que ce livre parle d’un prêtre qui perd la foi et qui continue pourtant à prêcher à ses paroissiens, parce qu’il pense que sans la foi, ils sont perdus. Eh bien, j’étais un garçon totalement catholique, j’ai lu ce livre et j’ai perdu la foi. J’ai commencé à boire de la bière, à fumer des cigarettes. Je suis entré dans un état de confusion mentale dont je ne suis toujours pas sorti aujourd’hui. J’ai commencé à vouloir être écrivain. C’est ce que je disais au cardinal Ravasi, pour moi, la littérature était une sorte de substitut, un substitut de la religion. J’ai cherché dans la littérature les certitudes que la religion m’avait données jusque-là, ce qui est absurde car la littérature n’apporte pas de certitudes, la littérature n’apporte que plus de doutes, encore plus de questions, d’ambiguïtés, de contradictions, mais quand j’ai découvert cela, il était trop tard. Ainsi, pour moi, le fait de vivre à cheval sur deux endroits du même pays mais très différents a été absolument déterminant à tous points de vue. »

 

 

 

 

La suite ci-dessous :

https://legrandcontinent.eu/fr/2022/07/27/la-litterature-est-devenue-ma-patrie-un-entretien-avec-javier-cercas/?mc_cid=7d115eb42a&mc_eid=9385cf1978

Jean Vinatier

Seriatim 2022

samedi 23 juillet 2022

Erdogan: arbitre russo-ukrainien N°5886 16e année

 Le tout récent accord entre la Russie et l’Ukraine au sujet de la navigation céréalière en mer Noire est un nouveau succès pour le Président Erdogan qui confirme bien son talent de danseur étoile….Un accord obtenu hors l’Union européenne et les Etats-Unis, les Nations-Unies jouant un rôle secondaire.

Qui est gagnant, qui est perdant? Depuis le début du conflit au printemps 2014 avec une accélération en février 2022, les sanctions édictées par l’Union européenne n’empêchent absolument pas des arrangements entre les États-Unis et la Russie, entre la Russie et certains États européens, l’Allemagne en tête qui vient encore une fois de manœuvrer pour obtenir une réouverture partielle de North Stream 1.

La Russie n’est nullement ralentie dans son offensive et l’Ukraine n’a rien obtenu sur le plan militaire. L’acheminement du blé et de l’engrais par la Russie (fin des sanctions) permet aussi celui du blé ukrainien à charge pour Kiev de sécuriser les convois hors de ses propres mines: son refus de déminer fait que le risque d’accident reste très élevé et  ouvrirait donc la voie à des accusations. La Russie vis à vis de l’Afrique a écouté son appel et a fait mesurer aux Européens la situation intenable qui serait là leur si le blé ne parvenait plus dans le monde d’une façon générale (Sri Lanka, paysans néerlandais, albanais) et plus particulièrement vers l’Afrique qui laisserait alors filer les flux migratoires… Sur ce plan Erdogan et Poutine ont parfaitement saisi l’arme redoutable des réfugiés. Ankara vient encore de l’utiliser pour ralentir l’adhésion à l’Otan de la Finlande et de la Suède dont la minorité kurde est très influente. Erdogan a subodoré son accord à l’approbation de son parlement.

Tout se déroule autour de l’Union européenne sans que cette dernière puisse avoir la moindre prise sur le déroulement des événements : Bruxelles a réussi l’exploit de se tirer des rafales dans le pied, à charge pour elle de se panser elle-même. L’indifférence du monde envers notre espace est très éclairant, de même que la claque de Joe Biden en Arabie Saoudite apporte un élément neuf dans le lent changement de Riyad prête à entrer dans les BRICS et certainement plus très éloignée de trouver un accord avec l’Iran: c’est une question de temps!

Comme je l’écrivis à plusieurs reprises, la prise de conscience des asiatiques que l’Asie (orientale, asiatique) pourrait s’autonomiser vis-à-vis de l’Europe et par ricochet des États-Unis débute son long chemin. Sur ce point, il faudra regarder avec attention le choix du successeur de BoJo: si Rishi Sunak, issu d’une puissante famille du Penjab et uni à la 5e fortune indienne devenait Premier ministre cela indiquerait que  le Royaume-Uni, à la tête du Commonwealth, pivoterait plus vers l’Asie que vers les USA tout en veillant à devenir un acteur incontournable entre l’Asie et le continent américain, supplantant l’Allemagne dans ce rôle d’intermédiaire. Où est l’Union européenne ? Où est la France ?

Erdogan et Poutine s’opposent parfois, s’entendent souvent ici, deux chats donnant le coup de patte au mulot ukrainien peu certain de l’abri dans les choux bruxellois….

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022