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lundi 30 juin 2008

Demolition party au Royal-Monceau N°237 - 1ere année

Le 26 juin, Le Royal-Monceau, un grand hôtel parisien –et non un palace- a été l’objet d’une soirée particulière : 1200 convives( jet-setteurs et autres vedettes, françaises, étrangères) ont été conviés par le nouveau propriétaire de cet hôtel, Alexandre Allard, à démolir au sens propre toute la partie intérieure.
Etrange spectacle de voir des « celebrities »
(Audrey Marnay, Emma de Caunes, Léa Drucker, Claude Lelouch, Kanye West, Philippe Manoeuvre, Marc Cerrone, Axelle Laffont, Ariel Wizman, Sébastien Tellier, Thomas Dutronc, Jude Law, Marc Lavoine, Sarah Lavoine, Alexis Tregarot, Yann Arthus Bertrand, Philippe Starck, Jean-Michel Jarre, Céline Balitran, Mélanie Laurent, Lolita Lempicka, Christophe Dechavanne, Jean-Charles de Castelbajac, Mareva Galanter, Jack Lang, Lou Doillon, Andrea Casiraghi, Tatiana Santo Domingo, MC Solaar, Sinclair et Philippe Caroit.) ¹ se défouler en tapant à coups de pioche, de marteau les ascenseurs, les murs, les portes. Une artiste chinoise, Wang Du, tentait piteusement de recréer l’urinoir de Duchamp, en défonçant une cloison avec une baignoire, d’autre comme Guillaume Canet et Jude Law erraient le casque orange sur la tête de pièce en pièce comme Jacques Toubon, Jack Lang (« Paris est parfois comme la Belle au Bois dormant, on a besoin de la réveiller »), et MC Solaar.
Les deux protagonistes de cette « demolition party », Alexandre Allard et Philippe Stark ne se vengeaient-ils pas à leur manière ? Le premier parce que son grand-père ayant été propriétaire de cet hôtel, il fallait le purifier de toute trace des prédécesseurs ; le second parce que la destruction de tout l’intérieur anéantissait la décoration de son rival, Jacques Garcia. Avant de laisser le sale boulot aux « vedettes », la vente aux enchères de tout le mobilier et l’argenterie rapportait, elle, presque 3,5 millions d’euros à Alexandre Allard. Ce dernier, naturellement, tout entier à sa purification du lieu ne jugea pas heureux de donner tout ou partie de cet argent à des associations caritatives.
On imagine l’impact sur les téléspectateurs et les internautes devant ces gens gorgés de biens qui s’éclatent en salopant le travail à venir des ouvriers : à eux de faire ce que bon leur semble et en rire pendant des longues soirées quand d’autres déclarés, d’autres pas devront aller vite et bien sans fausse note pour qu’au bout de quinze mois le Royal Monceau accueille quelques nouveaux riches du monde.
Peut-on en rire ou hausser les épaules ?Doit-on se courroucer ?Bien sûr, cette fête est choquante et écœurante. Est-elle décadente ? Justement pas. Il manquait la fête, la luxure. Là rien que des coups de marteau. Pas de décadence, du mépris.
Le concept de la
« demolition party » serait né pour certains en Australie, pour d’autres aux Etats-Unis. Peu importe dira Alexandre Allard puisque le nouveau Royal Monceau sera un lieu d’extrême luxe, « un concept important quelque chose qui peut sauver la France. » (rien que ça, mordiou !)
« Nous allons créer un hôtel, ajoute-t-il, qui soit un carrefour de rencontres. Et pour cela il faut des artistes (...) des gens qui montrent la voie », pour accueillir des milliardaires de 35-50 ans, originaires du monde entier. Ainsi, tous les jet-setteurs parisiens et internationaux en détruisant tout seront les Mercure splendides de demain, les messagers des nouvelles idoles ! On gomme par la même occasion toute trace des illustres clients de cet hôtel depuis 1928.
Philippe Stark en profitera même pour «
un petit peu redéfinir l'identité française » en proposant un « nouveau luxe basé sur l'intelligence ». On est rassuré !
Que ne ferait-on pas pour une opération de com’ et pour créer le buzz ! Qu’en pensera la future clientèle, les seuls milliardaires entre 35 et 50 ans dont certains seront aussi des plasticiens, des musiciens?C’est la Villa Médicis revisitée !
On le comprend Alexandre Allard et Philippe Stark devaient effacer toute impureté antérieure pour laisser naître
« un hôtel qui vous rend plus beau, plus sexy, plus intelligent ». Ce ne seront pas les clients qui feront l’hôtel mais l’inverse ? C’est la fusion de la clinique esthétique et de l’hôtellerie !
Quel est l’avis du fonds qatari qui permet à Allard de revenir dans les murs qu’il juge siens ? La réponse se trouve, pourquoi pas, dans l’un des récits de Shéhérazade.


©Jean Vinatier 2008

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vendredi 27 juin 2008

Nicolas Bouvier : la déesse des carrefours ou l’Afghanistan N°236 - 1ere année

Nicolas Bouvier (1929-1998) et Thierry Vernet(1927-1993) ont publié le récit de voyage le plus célèbre de la période contemporaine, L’usage du monde.
Au début des années 1950, ils partirent de Suisse en voiture pour gagner l’Hindou-Kouch après être passés par la Yougoslavie, la Grèce, la Turquie, la Mésopotamie, la Perse, l’Afghanistan. Nicolas Bouvier rédigeait tout au long du parcours tandis que Thierry Vernet peignait et tâchait de vendre sa production.
Nicolas Bouvier passa plusieurs années après son retour en Suisse à mettre en forme le récit de leur voyage. Leur ouvrage,
L’usage du monde, eut l’honneur d’être publié par une maison suisse d’érudition, Droz. Son directeur, Alain Dufour, connaissait bien Nicolas Bouvier. Le récit est splendide, le style impeccable ainsi qu’une grande finesse des observations. Nicolas Bouvier et Thierry Vernet ont été des voyageurs et non des touristes. Leur périple dura un plus de deux années.
L’extrait proposé décrit l’Afghanistan et la société occidentale à Kaboul en l’année 1954 sous le règne de Zaher Shah bien avant l’invasion soviétique, la dictature des talibans puis la présence otanienne et américaine :

« Lorsque le voyageur venu du Sud aperçoit Kaboul, sa ceinture de peupliers, ses montagnes mauves où fume une fine couche ne neige, et les cerfs-volants qui vibrent dans le ciel d’automne au-dessus du Bazar, il se flatte d’être arrivé au bout du monde. Il vient au contraire d’un atteindre le centre […]
Cette prétention, partout formulée, se trouvait pour une fois justifiée. Pendant des siècles, la province de Kaboul, qui commande les cols de l’Hindou-Kouch et ceux qui descendent vers la plaine de l’Indus, a fonctionné comme un sas entre les cultures de l’Inde, de l’Iran hellénisé, et par l’Asie centrale, de la Chine. Ce n’est pas par hasard que les Diadoques¹, qui s’y sont si longtemps maintenus, rendaient un culte à l’ « Hécate-à-trois-têtes » qui est la déesse des carrefours ; et lorsqu’à l’aube de l’ère chrétienne, Hermaïos, dernier roitelet grec d’Afghanistan, frappe l’avers de ses monnaies en écriture indique et le revers en chinois, ce carrefour est véritablement devenu celui du « monde habité ».
D’ailleurs, depuis les Macédoniens d’Alexandre qui crient « Dionysos » à chaque arpent de vigne et se croient rentrés chez eux, quel mouvement, quel passage ! Les cinq cents éléphants que Seleucos Nicator² a achetés en Inde pour rosser ses rivaux de l’Ouest ; des caravanes chargées d’ivoires sculptés, de verrerie tyrienne, de parfums et de cosmétiques iraniens, de méchantes statuettes de Silène ou de Bacchus sorties en série des ateliers d’Asie Mineure ; des changeurs, des usuriers, des tziganes ; le Mage Gaspar peut-être –un roi indo-parthe du Pundjab dont les rédacteurs des Actes de saint Thomas ont estropié le nom ; des nomades Scythes ou Kouchan, chassés d’Asie centrale, qui arrivent à bride abattue, et chacun d’enterrer éperdument son magot pour le bonheur des numismates et des archéologues. D’autres marchands. Un simple curieux comme il y en aura toujours, suivi d’un domestique qui prend des notes (on les retrouvera peut-être). Pas d’historiens, hélas. Des bouddhistes chinois qui s’en retournent en grommelant de leur dangereux pèlerinage en Inde, leurs bagages bourrés de textes sacrés. D’autres nomades, des Huns cette fois, et ils font l’effet de brutes aux premiers qui entre temps se sont policés….
Puis l’Islam dur et sans mémoire. Au VIIe siècle. Par la suite, ce carrefour en verra bien d’autres, mais je m’arrête là. Que le voyageur d’aujourd’hui, qui vient après tant de monde, se présente donc avec la modestie qui convient, et n’espère étonner personne. Il sera alors parfaitement reçu par les Afghans qui ont d’ailleurs pour la plupart complètement oublié leur histoire.
Vis-à-vis de l’Occident et de ses séductions, l’Afghan conserve une réelle indépendance d’esprit. Il le considère avec un peu le même intérêt prudent que nous, l’Afghanistan. Il l’apprécie assez, mais quant à s’en laisser imposer….…
Je garde de Kaboul un souvenir qui approche le portrait délicieux qu’en a tracé Bâbour³. Une seule réserve : cette odeur de graisse de mouton qui imprègne la ville. Et une seule retouche :le vin. De son temps, il coulait à flots, la Loi était journellement transgressée et les ivrognes endormis sur l’herbette, leur turban défait, en se comptaient plus. Aujourd’hui, avec un des meilleurs raisins du monde, les Afghans sont revenus à l’abstinence. Pas une goutte d’alcool à Kaboul. Seuls les diplomates avaient le permis d’importer.[….] Mais les meilleures bouteilles, c’étaient encore celles du chapelain de l’ambassade d’Italie, qui s’était depuis des années fait la main en fabriquant son vin de messe et distribuait aux plus méritants qu’il avait négligé de bénir.
Pour avoir abondamment pillé leurs voisins, les Afghans ont longtemps soupçonné l’étranger d’en vouloir faire autant chez eux. Sans se tromper de beaucoup.. Les Européens au XIXe siècle, on leur tirait dessus ; ce n’est qu’en 1922 qu’on a entrebaîllé la porte pour en laisser passer quelques-uns. Cet éclectisme a ses avantages, parce que là où l’Occident est incapable d’imposer ses mercantis, ses adjudants, sa camelote, il se résigne à envoyer des gens d’esprit – diplomates, orientalistes, médecins – qui ont de la curiosité, du tact, et comprennent très bien comment on peut être Afghan.
Aussi la petite colonie occidentale de Kaboul offrait-elle beaucoup de variété, d’agrément, de ressources : des ethnographes danois qui trouvaient à deux jours de la ville des vallées où aucun Occidental n’avait encore mis les pieds, des Anglais très à l’aise dans ce rôle d’ancien adversaire qu’en Asie ils savent tenir si bien, quelques experts des Nations Unies, et surtout les Français, qui donnaient à cette société son centre et sa gaîté. Ces Français – une quarantaine peut-être – avaient une sorte de club, au fond d’un jardin de curé, où l’on pouvait aller, une fois la semaine, boire frais, écouter des disques, puiser dans la bibliothèque, rencontrer des hommes singuliers qui connaissaient le pays à merveille et en parlaient sans pédanterie. Un accueil charmant, de l’animation, de la bonne grâce. Après quatorze mois sur les routes, et sans lectures, je redécouvrais le plaisir que c’est d’entendre, par exemple, un archéologue, retour de sa fouille d’Arachosie4 ou de Bactriane, encore tout chaud de son sujet, le verre à la main, s’emporter en digressions merveilleuses sur la titulature d’une monnaie ou le plâtrage d’une statuette. Plusieurs femmes spirituelles, d’autres jolies que nous allions regarder de fort près, et aussi –la province ne perdant jamais ses droits – de ces dames qu’opposent sourdement, tout comme à Montargis ou à Pont-à-Mousson, d’infimes querelles de préséance, de bobines, de tartelettes. Bref un monde vif cocasse, intéressant, dont les personnages avaient pour s’affirmer assez de liberté et d’espace, et paraissaient sortis de Beaumarchais, de Giraudoux, ou de Feydeau […]
Quant aux Américains, on les voyait moins encore. Ils vivaient en marge à leur ordinaire, apprenaient le pays dans les livres, circulaient peu et buvaient leur eau bouillie, crainte de virus et de maladies qui d’ailleurs ne les rataient pas. »

©Jean Vinatier 2008

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Source :

Nicolas Bouvier & Thierry Vernet, L’usage du monde, Genève, Droz, 1999, pp.330, 332, 333, 335, 336, 340
L’édition originale date de 1963. La maison Droz pour le 75e anniversaire de sa création le réédite à l’identique.


Eugénie Droz, ancienne élève de l’Ecole pratique des Hautes Etudes fonda à Paris en 1924 sa maison d’édition avant de migrer en 1947 à Genève. Giovanni Busino et Alain Dufour lui succédèrent. (http://www.droz.org/)

Nicolas Bouvier, épousa Eliane Petitpierre, fille du ministre des Affaires étrangères suisse et nièce de Denis de Rougemont.
François Laut vient de publier une biographie sur ce voyageur singulier : Nicolas Bouvier, l’œil qui écrit, Paris, Payot, 2008
Une critique a en été faite sur Nonfiction.fr :
http://www.nonfiction.fr/article-1238-lusage_de_lecriture.htm


Notes :

1-Diadoque : nom donné aux généraux grecs qui se partagèrent l’empire d’Alexandre le Grand à sa mort.

2-Seleucos Ier Nicator (-356 à -280 AVJC), général macédonien, compagnon d’Alexandre le Grand. Il reprit la satrapie de Babylone et fonda le dynastie des Séleucides.

3-Bâbour Shah (1483-1530), prince turc originaire du Ferghana et descendant de Tamerlan. Il conquiert Kaboul en 1504. Il fonde l’empire Moghol (ou Turc) des Indes (1526-1858) après sa victoire à Panipat, le 21avril 1526 sur le sultan de Delhi, Ibrahim Lodi.

4-Arachosie : ancienne satrapie de la Perse Achéménide et Sassanide. Elle correspond au sud-ouest afghan. Alexandre le Grand y bâtit Alexandrie d’Arachosie, aujourd’hui, Kandahar.
Bactriane : ancien royaume, peut-être le berceau de la Perse et de la religion zoroastrienne, qui occupait une vaste étendue comprise entre les nord afghan et pakistanais, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. La Bactriane fut une satrapie perse conquise par Alexandre le Grand.

jeudi 26 juin 2008

Grand Paris ou Ile-de-France capitale ? N°235 - 1ere année

« Nous devons inventer un art de vivre dans le Grand Paris, il faut que l'on puisse dire qu'il y a quelque chose de particulier à Paris, soit dans la façon de se loger, soit dans la façon de se déplacer, tout simplement qu'il y existe un art de vivre ensemble, et c'est à nous d'en jeter les bases ». La remarque de Christian Blanc, secrétaire d’Etat à la Région Capitale, ne risque pas de passionner les foules ou de leur faire comprendre l’enjeu. Est-ce exprès ?
Le Président de la République lance, en 2007, l’idée du Grand Paris, aussitôt, l’opposition de gauche se méfie. Mais, le maire de Paris s’y rallie (en traînant les pieds) à l’inverse de Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d’Ile-de-France.
Lorsque l’on prend la peine de réfléchir au projet de la réforme complète de la gouvernance parisienne, on note bien l’impossibilité de séparer la ville de Paris de la région Ile-de-France, l’une ne va pas sans l’autre. En retenant l’idée d’un Grand Paris, Bertrand Delanoë, subit la volonté politique du Président de la République à laquelle il ne possède pas encore la parade.
L’Elysée a nommé un secrétaire à la Région Capitale tout en parlant de Grand Paris : n’est-ce pas indiquer qu’outre la transformation de Paris, il concentre ses réflexions sur la place parisienne dans l’Ile-de-France ? Une région peut-elle être Capitale ? Dans la mesure où les symboles du pouvoir, la représentation nationale, et le corps diplomatique y résident, ne l’est-elle pas?
Aujourd’hui, les propositions politiques ne manquent pas : du sénateur Dallier (UMP)¹ à Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris². Nicolas Sarkozy a reçu le 4 juin 2008 les dix cabinets d’architectes retenus pour qu’ils présentent un premier projet en décembre prochain³. Entre ceux qui veulent réunir ou pas la petite couronne à Paris, ceux qui veulent déplacer les lieux de pouvoir parmi les « forts de Paris » (Roland Castro) ou étendre la ville jusqu’au Havre, il y a de quoi donner le tournis. Devant la grogne des élus locaux, Christian Blanc a répondu positivement à la création d’un « syndicat mixte ». La tactique ne serait-elle pas de calmer les esprits et d’encourager tous les discours (nécessaires) autour des inégalités territoriales et sociales et sur les zones de densité de la population ?
L’enjeu véritable ne semble pas être de savoir de combien Paris s’agrandira ou pas mais, plutôt, d’harmoniser l’Ile-de-France et Paris afin d’avoir une région capitale. En effet, nous ne sommes plus à l’époque du baron Haussmann qui annexa une vingtaine de villages ou gros bourgs pour faire d’un coup un Paris moderne pour l’époque. Regardons simplement l’importance de la Défense, visible d’un bout à l’autre de Paris pour comprendre que l’enjeu présidentiel dépasse logiquement la surface parisienne. Ce qui est valable pour l’axe est-ouest l’est pour celui nord-sud : Issy-les-Moulineaux et la plaine Saint-Denis comptent de très nombreuses sociétés.
C’est bel et bien la région qui doit devenir capitale et non Paris stricto sensu. Après tout ne pouvons-nous pas innover dans le concept de capitale ? Pourquoi s’en tenir à une seule ville quand on sait que le
Greater London Authority qui coiffe la cité de Londres depuis 1965, s’étend sur des dizaines de kilomètres et a donné naissance à la région de Londres en 1994. La réalisation britannique a d’abord pris en compte l’espace du territoire avant de redéfinir la ville de Londres qui a élu, pour la première fois, son maire au suffrage universel en 2000. L’exemple anglais est à méditer.
Si l’objet de l’Elysée était de construire une région capitale, également la capitale de la France, autour d’un pool de régions, l’ambition ne manquerait ni d’audace, ni de courage. On ne douterait plus que le projet dit du « Grand Paris » aurait, à terme, des conséquences nationales. L’Ile-de-France capitale serait-elle le ballon d’essai pour un autre projet politique celui du territoire complètement repensé avec une nouvelle mise en perspective des communes, des départements et des régions ? La question mérite d’y réfléchir.
Christian Blanc a indiqué l’année 2030 pour réaliser le projet parisien et francilien, nous sommes, en 2008, au début de l’ouvrage.


©Jean Vinatier 2008
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Sources
:

1-
http://blogs.senat.fr/grandparis/index.php
http://parisbanlieue.blog.lemonde.fr/

2-
http://parisbanlieue.blog.lemonde.fr/2007/08/03/entretien-avec-pierre-mansat-autour-d%E2%80%99un-grand-paris-il-faut-avoir-des-politiques-qui-soient-a-l%E2%80%99echelle-de-la-vie-des-gens/

3-
http://www.lexpress.fr/culture/architecture-patrimoine/architecture/sarkozy-lance-le-grand-paris_507611.html

mercredi 25 juin 2008

Sarkozy :un Président et un homme en Israël N°234 - 1ere année

Au terme de la première année de son quinquennat Nicolas Sarkozy a effectué le deuxième voyage le plus essentiel à ses yeux. Après les Etats-Unis, le déplacement en Israël constituait le plus important au nom de la mémoire que Nicolas Sarkozy, idéalement, garde de son grand-père, rabbin à Salonique. Si l’on s’étonne qu’il n’ait pas fait le déplacement dans ce pays avant son élection, la réponse pourrait être qu’il voulait avoir réussi, atteint son but pour mettre les pieds sur une terre orientale qu’il juge un peu partie de lui-même.
Evidemment, le Président de la République a pris le pas sur l’homme sans apporter beaucoup de nouveautés aux propos de ces prédécesseurs, Jacques Chirac et François Mitterrand. Le pouvait-il ? La tentation est grande parmi les présidents français de formuler les principes mais en Orient cette démarche n’atteint jamais personne : la dimension cosmique n’est pas la même et le peuple d’Israël étant forcément oriental, il est perméable au caractère dominant, ici, arabe, ni Shimon Pérès, ni Ehud Olmert ne l’avoueront, ni les Israéliens quoique…
Nicolas Sarkozy découvrait un pays sûr de son identité et de ses alliances stratégiques à maintenir, à entreprendre. Israël a-t-il encore besoin de l’Europe ? Il cherche davantage à ne pas perdre, par exemple, l’alliance turque et à développer ses relations avec l’Inde et la Chine, tout comme il se flatte d’avoir un bureau commercial prospère au Qatar.
Israël regarde devant, pas derrière. Si nous voulons compter dans cette région, ne faudrait-il pas avoir de solides partenaires stratégiques comme la Turquie ? Le Président français ne l’ignore pas quoiqu’il hésite quant à la manière dont il pourrait peser. En un mot, l’Etat israélien dit à l’Etat français, quel est votre rapport de force ? Le fondamental pour Tel-Aviv n’est pas de nous savoir pro-israélien ou pro-arabe mais de pouvoir définir notre investissement stratégique pour les décennies à venir. Israël conditionne son futur à sa capacité d’action dans le monde multipolaire d’où l’importance accordée au pragmatisme et à la vision.
Pendant ce voyage officiel, les discours de Nicolas Sarkozy s’ils ne franchirent jamais la frontière du convenu, il y eut des termes forts. Le retour de la France dans le jeu oriental se faisant, malgré tout, sous l’observation des Etats-Unis, les audaces présidentielles françaises trouvaient ipso facto leurs limites.
Cependant, il aurait pu, afin de se démarquer, proposer l’entrée d’Israël dans les structures de la francophonie. Oublierait-on qu’un grand nombre d’universitaires et citoyens sont francophones ? L’opposition des pays arabes est un argument qui ne tient pas au vu du peu de francophones dans la péninsule arabique et de leur parcimonie à apporter leur contribution à l’Institut du monde arabe à Paris. L’Italie cultive des liens en parfaite égalité avec Israël et les pays arabes sans que son prestige en subisse le contre-coup.
A l’égard des Palestiniens, il fit preuve d’une retenue plus grande en préférant rencontrer le Président Abbas à Bethléem plutôt qu’à Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne. Il crut nécessaire de rappeler sa détestation du Hamas alors que les Palestiniens lui ont donné la victoire démocratique aux législatives. Par son attitude Nicolas Sarkozy rappelait qu’il était essentiellement en visite en Israël puis en simple déplacement auprès de l’Autorité palestinienne. C’est sans doute une faute alors qu’il cherche à réunir le plus grand nombre d’Etats à Paris le 13 juillet pour lancer l’Union pour la Méditerranée. Si la présence européenne ne fait guère de doute, les pays de la rive sud et sud-est sont beaucoup plus difficiles à convaincre. On a vu la position négative de la Libye, celle de l’Algérie ne donna pas beaucoup d’espoir à François Fillon lors de sa venue. Si réunir à une même table Israël et la Méditerranée de confession musulmane est un rêve pour Paris, peut-être vaudrait-il mieux lancer cette Union avec ceux qui la veulent et faire avec. Quel intérêt de forcer tout le monde à être là si plus de la moitié des présents ne songe qu’à quitter les lieux ?
Pour conclure, disons que l’homme Sarkozy a accompli en quelque sorte son « alyah » et que le Président Sarkozy parce que prudent, ne pouvait ni convaincre, ni décevoir les interlocuteurs de l’Etat israélien.


©Jean Vinatier 2008

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mardi 24 juin 2008

La Sécu est-elle une S.A .? N°233 - 1ere année

Le jour même où le gouvernement lance une campagne publicitaire de 4 millions d’euros pour vanter son combat mené contre l’affaiblissement du pouvoir d’achat, Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) annonce qu’il présentera, le jeudi 26 juin, un nouveau plan de redressement des comptes. Ce travail réalisé à la demande d’Eric Woerth, ministre du budget, qui veut d’ici à l’horizon 2011 des comptes de la Sécurité sociale en équilibre, prévoit une réduction des dépenses de 2 milliards d’euros. Par quel moyen ? En déremboursant davantage de médicaments. La crainte serait que les patients déclarés en affection de longue durée (ALD) ne bénéficient plus, demain, d'une prise en charge à 100 % de leur pathologie. Si les franchises médicales choquent déjà bon nombre de Français, le rapport de Van Roekeghem encouragera davantage la grogne et l’inquiétude.
Le rapport remis par le directeur général de l’UNCAM ne se limite pas à prôner ces économies, il invite à accélérer la réforme des hôpitaux.
Hôpitaux, sécurité sociale, c’est tout le domaine de la santé qui se trouve sur le devant de la scène nationale. Soyons clairs et distinguons, l’obligation de la bonne gestion du secteur de la santé et de la prise en charge des soins, du choix politique retenu par le gouvernement. A terme, c’est bel et bien une privatisation du secteur hospitalier et de la sécurité sociale qui est en route.
La santé fait-elle ou non partie des fonctions régaliennes de l’Etat ? La santé n’est-elle pas aussi importante que la sécurité et la défense du territoire ? Si le droit opposable au logement existe depuis peu, pourquoi ne pas considérer le droit opposable à la santé ? A la vérité, l’organisation de la santé publique relève du choix de société voulu et accepté par l’ensemble des Français. Si l’on ne remet pas en cause la recherche de la meilleure gestion possible de l’ensemble de ce secteur, la santé peut-elle être gérée comme une entreprise capitaliste et faire des bénéfices. La santé publique doit-elle obéir à des ratios de rentabilité, de marge bénéficiaire et versera-t-elle demain des dividendes ?
Ô ironie le premier bureau de la Sécurité sociale située à Paris dans le VIIe arrondissement avenue Bosquet est devenu la propriété et le siège du MEDEF à la fin des années 1990. C’était un signe avant-coureur. Le gouvernement tient toujours le même discours : nous réformons, nous réformons et il feint de croire que la victoire à la présidentielle de 2007 l’autorise à passer par-dessus les questions sociales dont la santé est un pan capital. Les retraites plombent, nous dit-on, les comptes de la Sécu. C’est l’arbre qui masque la forêt !
A droite comme à gauche, l’attachement à l’égalité devant les soins existe. Nous avons le meilleur système de santé au monde : certains étrangers, parmi les plus riches, optent pour le soin en France plutôt qu’aux Etats-Unis. Or un excellent système de santé égale un système de société qui reçoit l’approbation générale toutes générations confondues. Les détracteurs diront que l’assistanat nuit à la vitalité d’une nation. Or la santé n’est en rien de l’assistanat, elle est une des fonctions vitales de l’Etat : les enfants bien soignés ne font-il pas les bons élèves ?Les salariés et les retraités bien soignés ne sont-ils pas un facteur d’équilibre ? Si l’Etat se désengage au profit essentiellement des compagnies d’assurances au nom de la bonne gestion, ne commet-il pas une faute grave ?
La société française ne connaît pas un climat sain : la baisse du chômage est artificielle. Pas une semaine ne passe sans qu’on annonce des charrettes dans tous les secteurs d’activité. La précarité grandit, explose même autant parmi les salariés que les demandeurs d’emploi. Presque la moitié des étudiants fait l’impasse sur les soins, surtout dentaires. La santé deviendrait-elle un luxe ou pire les Français seront-ils interdits de se soigner faute d’argent?
Naturellement le gouvernement louvoiera comptant sur la campagne de communication pour faire passer…si l’on peut dire la pilule. Les Français seront-ils dupes alors que le malaise social est patent ?
La santé (la sécurité sociale) n’est pas une société anonyme, elle relève de la politique publique et de solidarité sans laquelle notre Etat manquerait à son devoir.

©Jean Vinatier 2008

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lundi 23 juin 2008

Rober Mugabe : « Seul Dieu peut me retirer le pouvoir qu'il m'a donné ». N°232 - 1ere année

Les groupes PAGAD et Qibla, proches d’Al Qaida sont-ils en contacts réguliers avec les généraux de Robert Mugabe ? Selon Gordon Thomas, ces deux organisations voudraient établir un « empire islamique » en Afrique du Sud. Pour l’heure le Zimbabwe veut savoir si « ces groupes pouvaient fournir les armes que la Chine n’a pas pu livrer quand le cargo a été repoussé des ports africains et forcé de retourner en Chine. »¹
La paix intérieure tardera alors que le climat politique s’alourdit : le leader de l’opposition, Morgan Tsvangirai, qui devançait Robert Mugabe le soir du premier tour de l’élection présidentielle (48/43%) a annoncé son retrait pour le second tour prévu le 27 juin. Les partisans de Mugabe, sous les yeux d’observateurs sud-africains, se sont livrés aux arrestations, aux intimidations des partisans de Tsvangirai et même ce dernier a été détenu pendant quelques jours.
Des diplomates américains et anglais ont été empêchés de se rendre à un meeting de l’opposition à Harare. C’est ce qui explique, sans doute, la vigueur de la réaction de Bernard Kouchner pour résumer tout ce qui se déroule au Zimbabwe : Mugabe
« qui se croit désigné par Dieu et que Dieu doit maintenir à son poste, n'est rien qu'un escroc et un assassin et il faut le dire avec force [….] Tsvangirai « a jeté l'éponge parce qu'on a assassiné un certain nombre de ses partisans et surtout les militants de son parti (…) Donc il n'est pas question pour la France d'accepter cette fausse élection, qui viendrait avec un seul candidat (...) c'est vraiment le plus grand déni de démocratie que l'Afrique ait jamais connu. »²
Certes, mais le Zimbabwe présidé par Robert Mugabe a le soutien de trois alliés de poids : la Russie, la Chine et l’Afrique du Sud qui compte entre 3 et 5 millions de Zimbabwéens sur son sol. Cet appui international ne peut le rendre modeste. Au contraire, comme le souligne la journaliste belge, Colette Braeckman :
« A la tête de son pays depuis 1980, le président Mugabe devrait tirer les leçons de ces élections qui ont vu son parti perdre sa majorité au Parlement et s’incliner dignement, non sous la pression des Occidentaux mais devant le verdict de son peuple. Ainsi, quel que soit l’anathème jeté sur lui depuis Londres, Washington ou la Slovénie, il ferait oublier ses années de despotisme et préserverait l’essentiel de son image, celle d’un homme qui consacra sa jeunesse et son âge adulte à lutter pour la libération de l’Afrique. Car qu’on l’aime ou qu’on le haïsse, Mugabe appartient à l’histoire du continent, dont il est l’un des héros : réfugié en Tanzanie après des années de prison durant lesquelles il collectionna les diplômes, il lutta avec succès contre la minorité blanche alors incarnée par Ian Smith. »³
Robert Mugabe justifie la détestation qu’il a pour l’opposition soutenue par l’ancienne puissance coloniale anglaise pour le non-respect par celle-ci des accords de Lancaster House qui promettaient les fonds nécessaires au rachat des terres détenus par les blancs:
«Nous sommes les garants, dit-il, de l'héritage du Zimbabwe. Nous le transmettrons à ceux qui sont pleinement au fait de l'idéologie du Parti, ceux qui attachent de l'importance à l'héritage national. Nous leur passerons le témoin en les invitant à aller de l'avant (….) Mais aussi longtemps que les Britanniques voudront se mêler de nos affaires, je ne vieillirai pas»4
Voilà, nous avons un politique zimbabwéen, père de la lutte pour l’indépendance et combattant avec ses frères, Mandela, Mbeki, devenu un dictateur de la pire espèce et qui la justifie par le non-respect des clauses diplomatiques. L’explication est un peu courte. Robert Mugabe se croit investi par Dieu d’une mission où Londres a le rôle du Diable. Est-il un tyran original ? Il est banal. Combien de ces semblables, à travers l’histoire, n’ont-ils pas sollicité les dieux et les divinités pour perdurer ? L’Afrique du Sud, par son poids économique et militaire pourrait faire pencher la balance du côté de la raison comme le suggère Morgan Tsvangirai. Hélas, le Président Mbeki dédaigne quelque peu cet opposant qu’il estime peu diplômé et la solidarité en souvenir des années de lutte forment un roc solide. Les Européens et les Etats-Unis ne peuvent se targuer de faire la leçon : combien de tyrannies n’avons-nous pas installé, financé, courtisé ? En Afrique, on ne tue pas le vieux lion, il meurt seul.
Robert Mugabe deviendrait-il, sur le tard, un sympathisant de groupes islamiques ? Le Zimbabwe compte une écrasante majorité de chrétiens protestants et 1% de musulmans ! Cela ne l’excuse pas, le Zimbabwe a faim, tout son peuple subit son joug. Les poètes zimbabwéens, Chenjurai Hove et Comrade Fatso5 sont entrés, courageusement, en résistance…un mauvais signe pour Mugabe. Dieu aime bien les poètes.


©Jean Vinatier 2008

5- Chenjurai Hove (né en 1956), ses œuvres écrites en shona ont été traduites en anglais et en français chez Actes Sud

vendredi 20 juin 2008

Les langues régionales ne contredisent pas la langue française N°231 - 1ere année

Depuis le vote à l’Assemblée nationale le 22 mai de l’amendement relatif aux langues régionales qui serait inscrit dans la Constitution, le ton n’a cessé de monter. Les sénateurs, tous partis politiques confondus, ont suivi l’avis négatif de l’Académie française sur cet amendement en le rejetant le 18 juin, jour symbole !
Les langues régionales jouissent d’une faveur singulière parmi les Français : le succès du film les Ch’tis le prouve. Ni nostalgie, ni ringardise de la part de nos concitoyens, simplement le souci de rappeler leur attachement au terroir. Les costumes régionaux n’ont-ils pas connu une grande publicité dés le XIXe siècle : ils rappellent notre diversité et notre unité.
Diversité, en effet quand on regarde la carte des langues régionales métropolitaines (Occitan, Corse, Catalan, Basque, Alsacien, Breton, Flamand) auxquelles on ajoute les langues créoles, polynésiennes et kanak (la France est partout dans le monde via les DOM-TOM) et unité parce que tous les Français se reconnaissent dans la langue nationale.
La place des langues régionales paraît essentielle au sein de l’Union européenne à la condition que chacun des Etats membres dont la France prenne garde à inscrire en lettres capitales la langue nationale comme la seule représentative de leur souveraineté. Si cette précaution était négligée, les conséquences ne manqueraient pas d’être négatives pour la solidité de l’ensemble européen. La mise au même niveau de langues régionales et de langues nationales donnerait une sorte de Babel linguistique qui nous affaiblirait tous sans distinction et durablement.
Le problème français viendrait-il de notre centralisme ou jacobinisme ? Le Français a grandi au fur et à mesure de l’autorité de nos Rois : le chemin s’est fait avec lenteur sans déclarer la guerre, par exemple, à l’occitan, langue des troubadours et de l’amour courtois qui a été une langue splendide et toujours étudiée dans les universités du monde entier. C’est la dimension politique des Capétiens avec l’appui de leurs légistes qui firent du Français une langue de Cour donc de pouvoir. L’édit de Villers-Cotterêts des 10-15 août 1539 signé par François Ier est présenté comme la table sacrée qui fixe le Français comme seule langue autorisée. En fait l’édit royal intervenait dans un moment politique très précis : premièrement le rattachement au royaume de l’Angoumois (1515), du comté de la Marche (1527) et de la Bretagne(1532) ; deuxièmement le Roi imposait à l’Eglise de s’en tenir aux matières religieuses¹. Il rendit, alors, obligatoire le passage par le notaire pour tous les actes de mariage, de naissance…etc. L’état civil naissait. Troisièmement les prémices des guerres de religion imposaient de rappeler aux Français l’unité linguistique. On le voit l’unité nationale prévalait dans l’esprit de François Ier.
En 1794, sous la Convention, l’abbé Grégoire et Barère de Vieuzac entrèrent en guerre contre les patois qu’ils jugeaient forces obscures contre la république. En fait, la création des départements en 1790 cassant les provinces royales et la guerre à toute l’Europe, les deux conventionnels n’eurent guère de mal à convaincre l’assemblée révolutionnaire d’imposer le Français comme ciment fédérateur. Rivarol, à la fin du règne de Louis XVI, plaidait déjà pour le slogan : un pays, une langue, une nation. Les auteurs français ne se distinguaient pas des mouvements nationaux européens qui se développaient après les années 1750, notamment, en Allemagne, en Autriche, en Russie…par réaction à la suprématie de la langue française ! Joseph II et Mozart s’entendirent pour imposer l’opéra en allemand au lieu de l’italien.
La Convention par souci d’unité nationale prit une décision strictement politique. La Troisième République se sachant fragile enverra les instituteurs ou hussards noirs dans tout l’hexagone pour éradiquer toute résurgence des patois, des dialectes.
Les langues régionales sortirent de l’ombre grosso modo après la fin de la seconde guerre mondiale. Elles revinrent dans les écoles prudemment au cours des décennies suivantes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Si l’on suit bien l’évolution générale politique du continent européen, la balance penche en faveur du fédéralisme. Or, la France, contrairement aux idées reçues, n’a pas entrepris une politique de décentralisation mais plutôt une déconcentration des tâches de l’Etat.
Récemment la question
de la viabilité des départements a été soulevée pour être enterrée aussitôt par le Président de la République au motif qu’ils avaient une existence historique. Voilà une explication très courte : combien des siècles d’existence avaient les provinces royales quand elles furent effacées ?
La France n’est pas à l’aise avec ses langues régionales en raison de sa construction politique et administrative. Le meilleur moyen de nous rendre plus solides serait d’instituer des régions viables sur le plan historique, économique et linguistique, de supprimer donc en toute logique les départements. Les langues régionales trouveraient toute leur place dans le cadre régional, elles répondraient de la diversité française et de son unité. Unité, parce qu’elle barrerait la route aux communautés dont quelques-unes guettent le moment d’installer leur langue …avec l’appui de Bruxelles. Unité, parce que l’Union européenne ne pourrait alors qu’approuver le gouvernement français lequel signerait, ensuite, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
La France doit prendre, une nouvelle fois, une décision strictement politique. Elle ne sera pas facile à engager mais il faudra s’y résoudre sinon notre pays court le grand danger de maintenir une unité de façade qui remettrait en cause notre diversité et donnerait la faveur aux avocats du communautarisme. C’est une nécessité qui relève de la géopolitique : la France via les DOM-TOM et la Polynésie occupe un espace dans lequel elle ne doit montrer aucune lacune quand de grands changements sont en cours. C’est une nécessité dans le cadre de l’Union européenne : il nous faut être en harmonie. On ne peut être l’avocat du pluralisme linguiste à l’extérieur et s'y refuser à l’intérieur.
Les langues régionales métropolitaines et celles des DOM-TOM ne contredisent pas la langue française, elles l’accompagnent. Au-delà de la question linguistique, nous entrons dans le champ politique, au cœur même de notre identité française si singulière. Regardons-bien ces deux piliers fondamentaux de l’Europe que sont le Royaume-Uni et l’Italie où leurs langues régionales ne forment pas un handicap.
Nos langues régionales se seraient pas grand-chose dans l’Union européenne sans la France, sans la langue française. Et oui les langues régionales pour se transmettre ont besoin de la nation souveraine.

©Jean Vinatier 2008

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Notes :

1-et le latin perdait de son importance.
2- Bertrand Barère de Vieuzac (1755-1841), homme politique français, artisan de la Terreur…et agent rémunéré de l’Angleterre ! Lié au parti du duc d’Orléans dont il tira une belle fortune. Il vota la mort du Roi…et du duc d’Orléans, son bienfaiteur. C’était un homme dévoyé.
Abbé Henri Grégoire (1750-1831), poète et homme politique français. Il est l’auteur du « Rapport sur la Nécessité et les Moyens d'anéantir les Patois et d'universaliser l'Usage de la Langue française ». Dés 1789, député du clergé aux Etats-généraux, il plaidera pour l’abolition de l’esclavage. Il ne votera pas la mort de Louis XVI. Entre au Panthéon en 1989.

Sources :

Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 : 192 articles
http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/francophonie/Edit_Villers-Cotterets-complt.htm


Texte de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires
http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Word/148.doc

Langues régionales :
http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/europe/france_tablo_region.htm

jeudi 19 juin 2008

Tamás Molnár : L’Europe et « Quitter l’histoire. » N°230 - 1ere année

Tamás Molnár ou Thomas Molnar est un philosophe et historien hongrois né en 1921, installé aux Etats-Unis depuis plus de quarante ans. Il appartient à un courant conservateur ( proche de Russell Kirk¹) et catholique américain. Son ouvrage, L’Europe entre parenthèses, dont les extraits sont proposés ci-dessous, date des années 1989/1990. Dans cet essai, il expose le danger à venir, selon lui, d’une société homogène de l’Atlantique à l’Oural, sous prétexte de préserver la paix et de répandre le bien-être.

« ….On constate qu’il y a deux voies pour quitter l’histoire. " Quitter l’histoire " est, bien entendu, une formule convenue. Disons qu’il y a des grands et des petits acteurs sur la scène et, dans l’ensemble, l’Europe depuis 2500 ans est davantage qu’un grand acteur, elle est le seul. D’autres passent : la Chine pendant des millénaires, l’Islam pendant des siècles, l’Amérique depuis quelques décennies. La seule étoile qui brille toujours d’un feu égal est l’Europe. Etoile morte ou trou noir, elle resterait quand même le plus grandiose des souvenirs.
Sa sortie de l’histoire serait toutefois avérée [.] si elle se réduisait à n’être qu’un lieu d‘accumulation de produits marchands. Il ne s’agit pas du tout, dans notre esprit, de jeter l’anathème sur la dimension économique des sociétés, mais de refuser l’idéologie qu’elle sécrète forcément en un siècle matérialiste et égalitaire. Car l’économique n’est pas seulement une technique destinée à pourvoir aux besoins des hommes. C’est une idéologie qui implique le rabaissement du niveau vital, l’accaparement de l’esprit par le trivial, l’envahissement de la vie intérieure par les objets d’abord, ensuite par leur image publicitaire, enfin par l’image de l’image, jusqu’à l’aliénation totale. Le vulgaire, le superficiel, le frivole, le futile et le faux supplantent la finesse, le subtil, le lucide, le beau, le vrai.
Ainsi se construit l’Europe unie dans les circonstances actuelles. Un peuple est marqué par le moment historique de sa naissance. […] Les nations européennes sont plus fortunées, elles prennent source à la confluence de la romanitas avec l’antique Méditerranée comme arrière-plan, et de la catholicité. Des mythes bienfaisants et des lois sévères se sont penchés sur son berceau. Si l’Europe voit le jour, ce sera sous la double malédiction de l’économisme et de l’idéologie : mauvais augure pour une renaissance. Il est des signes qui ne trompent pas : l’enlaidissement de villes merveilleuses, par exemple. Bruxelles justement fait figure de symbole.
[….]
Il est illusoire de proposer une Europe « moderne » car la modernité, en ce siècle, affiche un visage américain. Aussi puissante que cette Europe puisse devenir, face à sa concurrente d’outre-Atlantique, elle ne serait jamais qu’un deuxième Etats-Unis, une imitation, car les Américains mettent tout leur génie dans le business, tandis que l’Europe gardera malgré son mauvais vouloir, un résidu culturel et la nostalgie du passé. Son « américanisation » serait par conséquent imparfaite. En revanche son influence et son prestige, fondés essentiellement sur la culture du beau et du vrai, risquent de s’effacer jusqu’à ce que la question posée par des tiers se réduise à celle-ci : laquelle, de l’Amérique ou de l’Europe (unie), pourrait nous fournir une marchandise de meilleure qualité et moins chère ? La réponse implique, hélas, le sacrifice de Platon à l’ordinateur.
Le premier moyen de quitter l’histoire serait, par conséquent, le choix de l’idéologie économique ; il impliquerait que l’Europe se contente d’une éternelle seconde place, derrière les Etats-Unis et probablement un Japon répandu sur le Pacifique occidental et le Sud-Est asiatique. Le second moyen serait encore plus tragique par les destins du continent. Il consisterait à adopter l’idéologie « définitive » que nous avons définie. On aboutirait à un ensemble forcément robotisé qui croirait avoir trouvé « le sens de l’histoire ». Une telle société afficherait sa tolérance, son souci des droits de l’Homme et d’une « liberté » conçue dans un cadre strictement légal, sans référence à un comportement « civilisé.. Déjà le Parlement de Strasbourg se fait le thuriféraire des vices du siècle.[….] Il s’agit de la marginalisation de la tradition que les technocrates et les idéologues – nouveaux maîtres, nouveaux tyrans – jugent contraire « aux intérêts et à la bonne évolution de la société ». D’un côté, l’anarchie des lois dont l’inapplicabilité serait problématique à cause des mœurs, d’un autre côté la chape de plomb pour garantir l’unité dans l’action et la pensée. On ne pourra sortir de ce dilemme qu’en renforçant soit l’anarchie, soit la contrainte. L’anarchie au nom des droits de l’homme sans obligation ; la contrainte au nom de l’efficacité technique et d’un éphémère consensus. Pour ne donner qu’un exemple, on s’imagine l’avenir, après 1993, du cursus des écoles, petites et grandes : afin de ne point heurter les « sensibilités communautaires», tout jugement de valeur serait proscrit ; l’accent serait mis sur les matières scientifiques neutres. C’est depuis longtemps la pratique et le sacro-saint principe de la pédagogie américaine : ne jamais rien dire, écrire ou penser qui lèse le pluralisme, valeur unique. Il en résulte un appauvrissement inimaginable des esprits, de la vie intérieure, et conséquemment de l’édition, des arts, des constructions spéculatives. Le talent récusé par le business, se réfugie dans la gestion du sexe, de la violence, du saugrenu, au bénéfice exclusif du business, terrain neutre par excellence où les « valeurs » se noient dans la non-valeur générale. Dorénavant le patriote c’est le consommateur ; il l’emporte sur les autres types historiques car il rend anodins les affrontements dans la cité.
Menacée d’être « exclue de l’histoire» l’Europe s’est ressaisie à la dernière minute, Anno Domini 1989. Il paraît que le continent ne subira pas le sort de l’Europe de l’Est, exilée depuis un demi-millénaire, occupée, saignée, appauvrie, arrière-cour des puissances. Le miracle c’est que les deux Europe rentrent à la même date dans l’histoire : l’Est traînant le souvenir de cinq siècles de servitudes, aggravé depuis Yalta, l’Ouest captif lui aussi. La chance de l’Europe est de pouvoir recommencer, sans pour autant s’éloigner des principes de sa continuité, de sa diversité.
A chaque époque, une civilisation, un empire, une nation incarnent le fil conducteur de la civilisation. Nous sommes de nouveau à un seuil, entre le renoncement à l’identité et des perspectives inédites.
Dans ce sens, nous pouvons parler d’une Europe « inédite ». L’inégalité entre ses deux moitiés apparaît grosse d’immenses possibilités. Comme si une Europe décadente (dénatalité, matérialisme, égoïsme permissif, hédoniste-consommateur) subissait le choc de l’Europe sortie de la paralysie et cherchant à revivre –l’interaction promet une rencontre passionnante. Unique occasion où un même continent, une même civilisation, s’engage sur la voie d’une réciprocité pareille : une moitié modernise l’autre, et celle-ci le lui rend dans la monnaie des valeurs de la tradition.
Il est à prévoir que l’unité européenne se fera car, une fois enclenchée, la machine techno-bureaucratique ne peut plus s’arrêter, elle invoque le rationnel pur, évoqué par Max Weber. Une réaction s’impose : Français, Anglais, Allemands, Portugais, Polonais, Croates…etc devront s’affirmer tels et tout mettre en œuvre pour que, en marge de la machine fédérale, les petits centres vitaux puissent continuer de s’épanouir dans des directions éventuellement différentes. Ainsi prépareront-ils « l’après-Europe » des siècles futurs. »

©Jean Vinatier 2008

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Source
:

Thomas Molnar, L’Europe entre parenthèses, Paris, La Table Ronde, 1990, pp. 134-141.

Note :

1- Russell Kirk (1918-1994) professeur d’histoire de la civilisation à l’université du Michigan il joua un rôle important dans le mouvement conservateur américain sans pour autant épouser les thèses des néo-conservateurs. Il s’opposera la guerre du Golfe. Son ouvrage maître (sa thèse de doctorat) est : The conservative mind : from Burke to Eliot, Chicago, 1953 réédité en 1986.

mercredi 18 juin 2008

Le Livre blanc de la Défense : un blanc-seing ? N°229 - 1ere année

La publication du Livre blanc de la Défense et de la sécurité nationale apporte, peut-être, une explication au peu d’empressement des militaires à chanter la Marseillaise, hier, devant le Chef de l’Etat.
Ce Livre blanc comporte quelque cinq cents pages, il a été réalisé sous la direction de Jean-claude Mallet¹, conseiller d’Etat, normalien, énarque, agrégé de lettres, classé à gauche (collaborateur de Pierre Joxe) ancien secrétaire général de la Défense nationale. C’est donc un pedigree impeccable pour conduire ce document qui liste tous les conflits et tous les risques majeurs qui guettent la planète pour les années à venir et qui inscrit dans le marbre la réintégration totale, complète de la France dans l’OTAN. Il n’est guère étonnant, alors, de trouver parmi les personnalités qualifiées autour du conseiller Mallet les noms de Marie-Thérèse Delpech, François Heisbourg, Thierry de Montbrial, Bruno Tertrais tous avocats constants de l’union militaire avec Washington.
Le premier mérite de ce Livre blanc tient dans la franchise de son contenu qui écarte toute ambiguïté sur les rapports que la France et l’Union européenne auront avec l’OTAN qui
« reste pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. » (p.86). Elle « est essentielle à la sécurité de la France » (p.99) et d’ajouter : « deux positions extrêmes doivent être écartées. L’une assignerait à l’Union européenne la simple tâche d’être l’agence civile de l’OTAN. De toute évidence, l’Union a un objectif beaucoup plus large, une mission politique globale, et son action couvre un vaste spectre y compris militaire. L’autre demanderait à l’Union européenne d’assumer la mission d’autodéfense collective de ses membres. Or la défense commune est la fonction première de l’OTAN comme le prévoit l’article 5 de traité de Washington. Les perspectives ouvertes par le traité de Lisbonne ne remettent pas en cause le rôle de l’OTAN pour la défense collective des pays européens qui en sont membres. »(p.101)
Ce principe rappelé autorise une description du monde des années immédiates comme une jungle terrible. S’il est juste de s’attacher à décrire tous les maux possibles qui nous attendent, il est un peu plus étonnant de les voir comme la seule justification des orientations prises pour la défense nationale et la sécurité du pays. Quand il est fait mention de l’arc de crise qui, selon, les pages, va ou de l’Atlantique à l’océan Indien ou de la Méditerranée orientale à l’Inde², le Livre blanc épouse complètement les discours néo-conservateurs américains et les tenants de la défense de « l’Occident au sens large ». Ainsi, nous répète-t-on, par exemple, les dangers de rivalité ou de collusion entre les sunnites et les chiites en faisant fi des différentes nationalités en cause : Turque, Arabe, Perse, Indienne, Malaise…etc. La Chine, la Russie sont également pointées du doigt. Tout vise à justifier une sorte de forteresse américano-européenne contre tout l’Est planétaire.
Or, les auteurs n’hésitent pas à se contredire en posant comme postulat que
« l’élargissement historique de l’Union européenne est déjà un atout considérable. Elle est désormais la première puissance économique et commerciale du monde et le plus important contributeur en matière d’aide au développement. »(pp.22-23) Comment expliquer, alors, qu’étant ce que les auteurs écrivent, l’Union européenne soit dans l’incapacité de se doter d’une défense commune sans subordination à l’OTAN ? Il y a une explication. A l’horizon 2020/2025 les Etats-Unis et l’Union européenne ne produiront plus que 40% de la richesse mondiale et plus de la moitié de la population sera asiatique (4,7 milliards d’habitants) ; nous devrions alors, en toute logique, regrouper l’ensemble des forces « Atlantique » qui forment, selon l’expression consacrée, une communauté de valeurs.
Quelle serait la place de la France dans cette forteresse ? Nicolas Sarkozy se fait le mentor d’une défense européenne commune tout en préconisant une réduction significative des effectifs militaires : est-ce logique ? Oui puisqu’il part du principe que chacun des Etats de l’Union fournissant les troupes nécessaires, la France n’aurait plus à supporter la gestion d’une armée nombreuse. Bien sûr, cette mutualisation des contingents n’est viable qu’à la condition d’une protection américaine. Dés lors, la construction d’un second porte-avions est repoussée sine die et avec la justification de la réforme de la carte militaire qui passe par la fermeture d’une trentaine de casernes. Est-ce la dilution de l’armée française ?
L’annonce d’un budget élevé destiné au renseignement accompagné de la refonte complète des services recueille l’assentiment général et donne, en terme de communication, la garantie auprès des Français que l’Etat est bien le gardien de la souveraineté. Mais, le gouvernement actuel donnant comme raison fondamentale l’attaque terroriste qui entre, selon lui, dans le champ du possible voir de l’inévitable, rend incontestable le développement des drones sur le territoire national. C’est là faire d’une pierre deux coups. D’un côté l’argument de sécurité nationale, de l’autre la surveillance policière renforcée quitte à amoindrir nos libertés.
Au fur et à mesure que l’on lit le document, on comprend de moins en moins l’abdication de l’Union européenne en matière de défense indépendante et commune. Au vu des tensions actuelles et de demain, ne pense-t-on pas qu’une Union européenne maîtresse d’elle-même jouerait un rôle mondial bénéfique et apaisant ? Comment au vu des transferts technologiques, industriels depuis l’Europe vers l’Asie pouvons-nous être hostiles envers ce continent et empressés d’y réaliser des marges considérables ?
Ce Livre blanc témoigne de la fidélité du Président de la République à son programme de candidat à la magistrature suprême qui s’écarte de toute pensée neuve au profit d’une idéologie attachée au clash des civilisations et qui reçoit, en plus, le plein soutien des tenants du capitalisme financier. Or, poser le principe de la défense européenne indépendante n’implique absolument pas un anti-américanisme primaire, il supposerait tout simplement de la part de nos dirigeants ou « élites » du courage. Un ensemble de 495 millions d’Européens ce n’est pas rien. Et les 495 millions de citoyens sont, certainement, moins aveuglés que leurs « élites ».


©Jean Vinatier 2008

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Notes :

1- par sa famille, il est lié à l’influente banque Neuflize-Schlumberger-Mallet.

2-p.30 : « une géographie conflictuelle majeure se dessine depuis la Méditerranée orientale jusqu’à l’Inde »
p.43 : « Arc de crise de l’Atlantique à l’Océan Indien »

mardi 17 juin 2008

Bernard Kouchner cherche narrateur diplomate N°228 - 1ere année

La France est dans la rue ! Les routiers et les ambulanciers font des blocages et des opérations escargots pour protester contre le coût de l’essence, les syndicats divisés défilent en ordre dispersé pour protester contre la politique salariale et celle des retraites décidées par le gouvernement. Ces colères là n’atteignent ni le quai d’Orsay, ni le ministre. Selon le billet du jour de Pierre Assouline, Bernard Kouchner cherche des ambassadeurs écrivains¹ dont un pour le Laos ! Je prépare mon CV, sait-on jamais ? L’ambassade de Malte a déjà été donnée à Jean-Daniel Rondeau, directeur de la collection « Bouquins »chez Robert Laffont.
Qui n’a pas rêvé d’être diplomate et narrateur ? Les diplomates français aiment la plume et les chefs d’Etat leur gloire. Citons des écrivains passés par la représentation diplomatique comme l’abbé de Choisy, le duc de Saint-Simon, Jean-Jacques Rousseau, Chateaubriand, Stendhal (Henri Beyle), Lamartine, le comte de Gobineau, Jean Herbette², Jean Giraudoux, Gilles Martinet, Eric Rouleau, François-Régis Bastide, Jean-Christophe Rufin, des diplomates devenus auteurs tels, le prince de Talleyrand, Paul Claudel, Paul Morand, Saint-John Perse (Alexis Léger), Pierre-Jean Rémy (Jean-Pierre Angremy)…etc.
Les très riches
Recueils des instructions données aux ambassadeurs de France depuis le traité de Westphalie jusqu’à la révolution française (1648-1789) soit trente-six volumes, sont une pléiade littéraire à part entière et les correspondances diplomatiques qui en sont les pendants une autre œuvre à bien des égards remarquable. Les lettres des diplomates français avant la chute de la Bastille sont parfois de véritables romans ou des pièces de théâtre. Les ministres du Roi demandaient qu’on leur rapportât tout et les diplomates s’exécutaient en ayant recours au mode mnémonique³ pour contenter, au plus juste, toutes les curiosités de leurs maîtres. Par exemple, le marquis de Maulévrier, ambassadeur à Madrid en 1720 avait-il un talent singulier pour décrire jusque dans le plus petit détail les faits et les gestes de la Cour madrilène, les rapports conflictuels entre le Roi Philippe V et sa seconde épouse Elisabeth Farnèse. Les années passées à explorer les fonds des archives du Quai d’Orsay, m’ont appris que l’écriture était inséparable du quotidien du diplomate.
Oui, mais en 2008, quel est l’intérêt de demander à tel ou tel romancier d’entrer pour une durée déterminée dans la Carrière ? Bernard Kouchner n’innove donc absolument pas, il prend le relais historique en privilégiant, par exemple, ceux qu’il côtoya dans ses années ONG. C’est une manière de donner une légitimité à celles et ceux qui ont mené des combats au milieu des calamités d’alors. Dans le ministère des Affaires Etrangères, il y a les fonctionnaires, pour beaucoup recrutés après un concours singulièrement difficile, et puis le chef de la représentation diplomatique pour lequel l’Etat se garde le droit de désigner celui qui sera son meilleur porte-drapeau indépendamment de sa formation. Les Présidents des Etats-Unis récompensent par un titre d’ambassadeur leurs meilleurs contributeurs financiers : n’est-ce pas choquant alors que leurs diplomates sont formés à la très réputée université jésuite de Georgetown ? Non.
Un ambassadeur a-t-il un pouvoir véritable ? Si l’ambassade fonctionne administrativement sans l’ambassadeur, elle ne saurait avoir de sens sans lui. Nous sommes sur le terrain particulier des Etats et des restes de la puissance qu’avait, autrefois, l’ambassadeur représentant de facto le monarque. L’ambassadeur maintient un lien physique entre le pays où il est en poste et celui qu’il incarne. La vie internationale est ainsi faite, elle peut apparaître de prime abord comme désuète ou inadéquate, elle est ainsi et ne changera pas.
La nomination d’un écrivain n’est pas saugrenue en soi si le Chef de l’Etat le juge compétent pour l’intérêt qu’il porte à telle ou telle puissance et que celle-ci ne le récusant pas y trouve à son tour sa satisfaction
.

©Jean Vinatier 2008

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Source :


1-
http://passouline.blog.lemonde.fr/

Notes :

2- Jean Herbette (1878-1960), journaliste devenu le premier ambassadeur de France en Union soviétique : 1924-1931 in Yves Denéchère, Jean Herbette, journaliste et ambassadeur, Berne-Bruxelles, Peter Lang, 2003

3-Le poète grec, Simonide de Céos (556 – 467 AVJC) passe pour l’être l’inventeur de cette méthode appelée aussi, art de mémoire. Certains le contestent en proposant Aristote ou Giordano Bruno.

lundi 16 juin 2008

Afghanistan : charité bien ordonnée…. N°227 - 1ere année

Le 12 juin, Paris a organisé une énième conférence internationale autour de l’avenir démocratique de l’Afghanistan ; étaient présents 80 délégations et 65 Etats. Comme par miracle, 20 milliards de dollars furent accordés au gouvernement fantoche d’Hamid Karzaï.
La France a tenu (ses caisses étant vides) à doubler son aide financière ce qui est logique à la veille du départ de nos troupes d’élites dans ce pays.
Depuis que le Président Karzaï est en place(2002), le monde a consacré plus d’une centaine de milliards en Afghanistan alors que les talibans et les seigneurs de guerre règnent paisiblement sur tout le territoire. Samedi, ces mêmes talibans réussissaient la prise de la prison de Kandahar située à quelques kilomètres de la grande base otanienne, et délivraient plus de mille hommes dont presque la moitié sont des combattants. C’était là une réponse à l’angélisme que les dirigeants du monde atlantique livrent à leurs populations depuis que la guerre contre le terrorisme est déclarée. Ces dizaines de milliards de dollars jetés dans un tonneau sans fonds tel celui des Danaïdes doit justifier le discours officiel des pays donateurs sous la férule américaine (et anglaise). Or, tout l'Afghanistan est un échec : la guerre contre les talibans autant que celle menée contre les producteurs de pavot. Le Président Hamid Karzaï protège son frère, Ahmed Wali Karzaï, un des piliers du trafic de drogue, et jusqu’ici a empêché toute action internationale contre lui. Les soldats de l’OTAN ont l’ordre de ne pas détruire les champs de pavot et se gardent bien d’investir les palais forteresses des trafiquants dans Kandahar. Nous avons donc ce cas unique de pays donateurs qui ne répugnent absolument pas à aider un narco-état ! D’où l’interrogation suivante, la guerre contre le terrorisme vaut-elle tous ces milliards ? N’oublions pas que nous sommes (et plus depuis que la France se range sous pavillon états-unien) dans une logique de confrontation Atlantique contre Asie. Nous sommes également embarqués dans une campagne d’extension maximale de la démocratie (selon nos critères) depuis l’Union européenne jusqu’aux rives du Pacifique en passant par l’Orient et l’Hindou Kusch. Et bien évidemment, derrière toutes ces ambitions il y a la sécurisation des sources et des routes énergétiques et de circonvenir la Chine. L’Union européenne via l’OTAN s’implique de plus en plus dans cette guerre contre le terrorisme sans être convaincue de sa justification. La France a voulu jouer un rôle de recruteur pour cette guerre située en Afghanistan mais, il n’est pas sûr qu’elle parviendrait à dynamiser l’ardeur belliciste européenne au vu du désastre mésopotamien.
Où vont tous ces milliards ? Là aussi le secret demeure tout comme en Mésopotamie où des milliards de dollars ont purement et simplement disparu…..dans des poches , pour l’heure, mystérieuses.
On s’étonne que lorsque les dons arrivent sur place, ils ont, par exemple, pour premier objet de construire des universités et des écoles privés. Ainsi, en 2006, Mme Bush promettait-elle 17 millions de dollars pour l’éducation des Afghans. Et c’est une université américaine privée, construite par le corps du génie militaire américain qui surgit du sol. Idem pour la construction de routes dont l’exploitation est rentabilisée par les péages que doivent acquitter…les Afghans. Dans le secteur de la santé, c’est le même scénario. En un mot, l’aide étrangère se rembourse sur le dos de la population : drôle de don !
Ces milliards servent-ils l’industrie et le commerce afghans ? Là aussi la surprise est grande de constater que les pays donateurs ne n’engagent absolument pas à acheter des produits afghans mais, exigent, au contraire, pour certains d’entre eux, (c’est le cas américain) que le gouvernement afghan achète des biens étrangers. Les milliards serviraient-ils seulement à des fins privées ?
Si l’on comprend que l’enjeu pour les puissances présentes en Afghanistan est d’avoir leurs opinions publiques avec elles, il est regrettable que les médias (presse écrite, télévision) enquêtent aussi peu sur la destination et l’utilisation des sommes « données » au gouvernement afghan ! Regrettable également qu’aucune structure internationale ne contrôle le circuit de cet argent !
Le don est, visiblement, un bon business et justifie la légitimité des opérations militaires sans durée de temps.
Il n’est guère étonnant que les Afghans ne comprennent toujours pas la présence étrangère, leur vie quotidienne ne s’améliorant pas.


©Jean Vinatier 2008

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vendredi 13 juin 2008

Vent froid d’Irlande sur l’Union européenne N°226 - 1ere année

Le rejet(53,5%) par les citoyens irlandais du traité de Lisbonne confirme toutes les craintes de ceux qui sont depuis toujours hostiles à la consultation des peuples sur des sujets aussi capitaux que celui-ci.
Ce vote Irlandais venge les voix bafouées des citoyens français et néerlandais exprimées en mai et juin 2005 à une écrasante majorité contre le projet de constitution européenne. En 2007, la rédaction à la va-vite du traité de Lisbonne sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy qui passait par-dessus le vote du peuple français (peuple souverain) a choqué les gens respectueux du résultat du référendum.
Pourquoi l’Irlande vote-t-elle Non ? N’est-elle pas l’un des pays qui a le plus bénéficié avec l’Espagne des subventions européennes ? N’a-t-elle pas connu la plus forte progression économique de toute l’Union ?Le miracle irlandais conduisait logiquement vers une acceptation du traité de Lisbonne ?
Pourquoi les partisans irlandais du traité de Lisbonne ne se sont pas mobilisés et n’ont pas fait une campagne puissante ? La participation est faible ; plus de « nonistes » se sont rendus aux urnes. Qu’est-ce qui a découragé les « ouiistes » ? C’est là la véritable interrogation. La capitale, Dublin, ne surprend-t-elle pas en se portant massivement dans le camp « noniste » ?
Le traité de Lisbonne ne pouvant pas s’appliquer officiellement, on appréhende un effet boomerang. On craint que le Premier ministre anglais, Gordon Brown, pourtant engagé à faire ratifier ledit traité par la voie parlementaire mais en chute libre dans les sondages ne puisse plus résister à la pression des conservateurs et d’une partie des travaillistes qui veulent le référendum. Le Président Tchèque, Vaclav Klaus, adversaire notoire du traité de Lisbonne et qui succédera à la France pour la présidence de l’Union ne manquera pas d’agir. Les pays nordiques pourraient également se placer en retrait. La première riposte viendrait du couple franco-allemand, dit-on ! Mais c’est un couple qui tient plus par gesticulations que par entente profonde et constructive.
L’idée court, bien sûr, de faire revoter les Irlandais comme en 2001, à la condition d’inclure des clauses si particulières que toute l’Europe des 27 demanderait à en bénéficier. L’une des clauses serait de garantir la neutralité irlandaise. Si le projet de défense européenne qu’a concocté Nicolas Sarkozy obligerait les 27 à revoir leur budget de dépenses militaires à la hausse, il prévoirait, également, une participation aux opérations militaires. Or, Dublin tient totalement à sa neutralité. Paris jure qu’il n’en est rien. Mais quand on voit la façon imprudente dont le Président Sarkozy lance les soldats français en Afghanistan on ne peut qu’abonder dans les réticences irlandaises.
Le 1er juillet la France prendra la présidence de l’Union européenne pour une durée de six mois. Nicolas Sarkozy aura deux fardeaux sur les épaules, le non des Irlandais et le non du dirigeant libyen à l’Union pour la Méditerranée. Le vent d’Irlande va balayer l’Europe et celui de Libye et d’autres Etats arabes et turc la Méditerranée.
Pour Nicolas Sarkozy ce « non » est en quelque sorte son échec même si l’ancien député européen Jean-Louis Bourlanges affirmait que la France a réussi son retour dans l’Union européenne. Mais c’est l’Allemagne qui jouera, sans nul doute, un rôle très puissant, en coulisse. Berlin se frotte les mains !
Les mois à venir seront très durs pour l’Union européenne ainsi que pour la France qui a offert le spectacle du désordre et de la division. Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas joué la carte anglaise contre l’allemande ? La chancelière Merkel est, dit-on incontournable ? Elle sera, surtout, intransigeante.

©Jean Vinatier 2008

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jeudi 12 juin 2008

1795 :Le chant des égaux N°225 - 1ere année

Le chant des égaux était le chant de ralliement au Club du Panthéon (1795-1796) qui regroupait sous le Directoire les partisans de Gracchus Babeuf (né en 1760) et de Philippe Buonarroti.
Le Club du Panthéon était composé de bourgeois, de militaires et d’artisans. Ils représentaient la « gauche » au sens large. Son président le plus célèbre fut Félix Le Peletier de Saint-Fargeau (1767-1834), frère cadet de Louis-Michel, qui ayant voté la mort du Roi Louis XVI fut assassiné, le lendemain, par un royaliste.Le Directoire fit fermer le Club du Panthéon en janvier 1796 craignant les désordres.
Ses membres entrèrent, alors, dans la clandestinité et projetèrent de prendre le pouvoir. Carnot, membre du Directoire, et son homme de main Cochon laissèrent aller jusqu’à son terme la conjuration des Egaux pour mieux la détruire. Il était temps la Conjuration des égaux faisait des émules dans tout Paris, en province et, surtout, dans les rangs de la police.
Au moment de son arrestation le 10 mai 1796, Gracchus Babeuf tenait entre ses mains le tract suivant :
« Le peuple avance, la tyrannie n'est plus. Vous êtes libres »
Il sera guillotiné le 27 mai 1797.

Le chant des égaux : 3 couplets

« Un code infâme a trop longtemps
Asservi les hommes aux hommes.
Tombe le règne des brigands !

Refrain :
Réveillez-vous à notre voix
Et sortez de la nuit profonde.
Peuple ! Ressaisissez vos droits
Le soleil luit pour tout le monde !

Tu nous créas pour être égaux,
Nature, ô bienfaisante mère !
Pourquoi des biens et des travaux
L’inégalité meurtrière ?

Pourquoi mille esclaves rampant
Autour de quatre ou cinq despotes ?
Pourquoi des petits et des grands ?
Levez-vous, braves sans-culottes ! »

©Jean Vinatier 2008

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mercredi 11 juin 2008

Livre : Fin du prix unique = arrivée du libraire unique ? N°224 - 1ere année

Les députés vont se pencher sur l’amendement du député du Nouveau Centre, Jean Dionis du Séjour qui se propose, entre autre chose, de mettre un terme au prix unique du livre pendant vingt-quatre mois. Le député propose de limiter le prix unique du livre à une durée d’un an. Pourquoi ? L’objectif est de réduire le nombre d’invendus. Par quel moyen ? Les soldes d’ouvrages. Selon cet élu, plus de 70 millions d’ouvrages allant au pilon chaque année, les soldes constitueraient-elles la recette miraculeuse ?
Naturellement les libraires et les éditeurs ruent dans les brancards contre cet amendement qui risquerait, selon eux, de réduire le nombre de librairies, d’avantager les grandes surfaces et autres chaînes telle la FNAC. La loi Lang de 1981 devient leur porte-drapeau de la contestation.
Aujourd’hui, les achats de livres se font de plus en plus sur Internet. Amazone connaît un succès grandissant. Les grandes surfaces se mettent également à vendre en ligne. Les sites comme Abebook et Chapitre.com ont des catalogues fort riches qui s’appuient sur les fonds des libraires du monde entier. Les magasins FNAC proposent moins de livres en rayons alors que leur site est incroyablement plus riche. La démarche du lecteur ne serait-elle pas de regarder sur les rayons avant de passer commande depuis son domicile ?
L’ensemble de la librairie et de l’édition sont placés devant un dilemme : être à la fois une vitrine et investir pour être très dynamique sur la toile via des sites marchands comme ceux précités.
Le problème se pose autant pour les livres neufs que pour les livres d’occasion. Les librairies d’ouvrages anciens, elles, souffrent d’une autre concurrence : la vente aux enchères en ligne (Ebay). Des établissements aussi connus à Paris comme Picard ne savent pas comment lutter contre ce nouveau concurrent qui fait de l’acheteur ou du vendeur d’un livre ancien un acteur dynamique. D’une certaine façon le client ne fixe-t-il pas le prix du livre ?
Que l’on maintienne ou non le prix unique du livre ne changera pas grand-chose au faible développement du chiffre d’affaire des éditeurs, des libraires. Selon le SNL (Syndicat national de l’édition) en 2006 prés de 420 millions d’ouvrages ont été imprimés. Le nombre d’invendus tourneraient à 100 millions dont 30%, selon Dionis du Séjour, seraient remis en circulation. Les 70% restants seraient détruits.
Le problème ne se situe pas tellement au niveau de ces millions d’ouvrages envoyés au pilon. Il est plutôt dans le nouveau rapport entre le lecteur (consommateur) et le tandem libraire/éditeur. Comment attirer et fidéliser une clientèle ? Bien des libraires déploient des activités de plus en plus grandes pour faire revenir le lecteur. Certains ont tenté de créer des librairies-salon de thé ou de dégustation de vin ? Mais le succès n’est pas au rendez-vous. Comment rendre attractive une librairie qui ne propose qu’un seul service ? La FNAC tire, un peu, son épingle du jeu parce qu’elle est un centre commercial à produits multiples (téléphonie, ordinateur, télévision…etc).
Les éditeurs se plaignent, à juste titre, de la sous-représentation de leurs publications dans les grandes enseignes : le libraire constitue la seule opportunité de porter à la curiosité du public les auteurs. Une visite du Salon du Livre laisse pantois devant le nombre de maisons que l’on ne voit jamais ou épisodiquement sur les rayons, par exemple, de la FNAC ou de Virgin. Le libraire s’il ne peut concurrencer comme généraliste ces grandes chaînes devrait, alors, se spécialiser.
La distribution et la diffusion étant concentrée entre quelques acteurs, les chaînes comme la FNAC jouissent d’un avantage certain. Cette concentration nuit naturellement à la diversité du choix. Comment un lecteur pourra-t-il, en allant, sur la toile mesurer l’étendue des choix ? Le danger est bien de laisser à quelques-uns l’immense pouvoir d’imposer aux lecteurs une sélection d’ouvrages et d’auteurs. Adieu la pluralité, bonjour l’uniformité !
L’amendement Dionis du Séjour, apparemment, ne s’intéresse pas du tout à la concurrence. Il croit que les soldes donneront le coup de fouet indispensable pour maintenir en circulation et à des prix attractifs un plus grand nombre d’ouvrages. Le hic est l’immense déséquilibre entre le libraire et une maison d’édition moyenne ou petite et une maison d’édition relevant d’un groupe international (p.e :Planeta) liée d’une façon ou d’une autre au distributeur et donc à la grande surface.
Les libraires et les éditeurs, à moins de disparaître davantage chaque année, n’ont plus comme solution que de développer leur propre réseau. Mais que pèsera ce réseau si l’accès à la publicité dans les médias est hors de leur bourse, si ce réseau ne peut développer un puissant positionnement de ces marques sur le Net ? Or, le développement de synergies entre le commerce physique et le commerce en ligne est coûteux.
L’amendement Dionis du Séjour ne s’attaque donc qu’à la face émergée de l’iceberg : peut-être est-ce voulu ?

©Jean Vinatier 2008

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Sources
:

SNL :
http://www.sne.fr/
La Tribune/forum : Distribution de livres : faut-il aménager la loi Lang ?
www.latribune.fr

mardi 10 juin 2008

Chirac retour par ONG N°223 - 1ere année

Hier au milieu d’un parterre d’hommes d’Etat, de ministres, le Président Jacques Chirac a donné les trois coups de sa fondation depuis le musée du Quai Branly. Nicolas Sarkozy, lui-même, n’a pu se faire remplacer.
La Fondation Chirac dotée, en ce jour, d’un million d’euros compte intervenir en faveur des peuples premiers, apporter son soutien à la diversité de la planète. Ne va-t-elle pas financer la création d’une radio de et pour les pygmées ?
Le choix de Jacques Chirac de mettre sur pied cette fondation tranche avec ses prédécesseurs. Il est vrai que seul parmi les Présidents de la Ve République Valéry Giscard d’Estaing aurait pu monter une telle structure ; les autres étant morts ou en charge ou juste après leur mandat. L’époque est aux ONG et Jacques Chirac s’y engouffre autant par choix personnel que par stratégie politique. Avec cette fondation l’ancien Président se sent libre de réaliser selon ses seuls goûts les tâches que l’exercice présidentiel ne permettait pas. Les critiques ne manquent pas aujourd’hui pour le titiller sur ce point ; or, elles sont injustes. Politiquement, quel meilleur moyen de rester médiatiquement populaire auprès des Français avec une œuvre si bien intentionnée. Mme Chirac a les pièces jaunes, Monsieur aura les peuples démunis. C’est là un couple qui agit avec efficacité et précaution. La fondation donnera, également, à Jacques Chirac une stature internationale : nul doute qu’il parlera lors de grands colloques et que la presse relaiera ses dires. Sur le plan intérieur –et c’est là une des raisons qui a provoqué le déjeuner chez Thiou la semaine passée- Nicolas Sarkozy craint toujours de se voir disputer une place. Il fanfaronne au quotidien mais il sait fort bien qu’il a en face de lui un redoutable « tueur » politique. On prête à Jacques Chirac le calcul de devenir sénateur puis de là grimper au perchoir de la Haute Assemblée, il serait alors le deuxième personnage de l’Etat. Et rien que cette éventualité suffit à donner de la tension à l’actuel Chef de l’Etat. Les concurrences internes dans l’UMP et le retour sur la place publique des « chiraquiens » sont des bombes à retardement pour le cas où la situation économique et des tensions internationales viendraient à être.
Apparemment la fondation Chirac a tout de l’amabilité : ne voyait-on pas Jacques Chirac quitter le musée du Quai Branly les mains dans les poches, badinant avec les uns et les autres. Pour un peu, on le croirait seul et tout juste entouré d’un dernier carré. S’il ne dit rien à l’égard de son successeur (on saisira l’ironie du propos) il n’en pense pas moins.
Le très épais carnet d’adresses de Jacques Chirac s’il était côté à Wall Street attirerait, peut-être, une spéculation. Le monde multipolaire qu’il n’eut de cesse d’annoncer au début des années 2000 s’affirme davantage chaque jour et donne raison aux avertissements qu’il lançait. On rétorquera sur ce point l’usage qu’il fit de la « fracture sociale » en 1995 pour douter de son nouvel engagement. Il y a, pourtant, une différence de taille : il ne prétend plus à la charge suprême, il est un homme d’Etat libre.


©Jean Vinatier 2008

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lundi 9 juin 2008

Nicolas Sarkozy au Syrien Bachar Al-Assad : attends-moi ! N°222 - 1ere année

Samedi 7 juin, le très court déplacement de Nicolas Sarkozy à Beyrouth entouré des représentants des partis politiques français a satisfait le nouveau Président libanais, Michel Sleiman sur deux points : la rapidité de notre séjour et notre légèreté.
A l’automne 2007, la mission du diplomate français Jean-Claude Cousseran¹ dont le but devait être d’éviter une crise politique libanaise au terme du mandat d’Emile Lahoud, a été interrompue brutalement par l’entrée en scène de l’Elysée via Claude Guéant, secrétaire général du Palais. De novembre 2007 à juin 2008, la France ne pesa plus rien du tout sur la crise politique libanaise : elle n’était plus qu’une puissance spectatrice. L’élection du Président libanais se joua à Doha, capitale du Qatar.
L’arrivée en nombre des Français au Liban doit beaucoup aux changements en cours dans l’ensemble de l’Orient : de la Turquie à la péninsule arabique, d’Israël à la Perse. Or dans les multiples négociations inter-orientales la Syrie refait surface au grand dam des Etats-Unis et de la France. Cette dernière diabolisait Damas depuis l’assassinat de Rafiq Hariri : Jacques Chirac s’était rangé d’un bloc derrière cette famille (liée sur tous les plans à l’Arabie Saoudite) et Nicolas Sarkozy lui a emboîté le pas.
Les quelques heures passées à Beyrouth en tête-à-tête avec le Président Sleiman, plus pro-syrien que son rival le général Aoun, pourraient autoriser la France à revenir dans le grand jeu oriental, Paris acceptant d’étudier le retrait israélien des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba situées aux confins libano-syriens. Le message a été apparemment reçu : le Président Bachar al-Assad a promis à Nicolas Sarkozy d’assister à Paris le 13 juillet au baptême de l’Union pour la Méditerranée.
La Syrie compte grosso modo autant de sunnites que de chiites. Les Alouites (dont est issue la famille Al-Assad) formant le troisième groupe et leur qualité de musulman étant trop récemment reconnue veillent plus que quiconque à aller dans le sens du vent. Jusqu’à présent Damas privilégiait l’axe avec Téhéran par Hezbollah interposé. Son avantage était de maintenir une pression sur le Liban.
Désormais, nous voyons la Syrie discuter avec la Turquie et Israël d’un côté et de l’autre avec l’Egypte et l’Arabie Saoudite. La Turquie et le Qatar acceptent de tenir le rôle d’intercesseur en faveur de Damas tandis que la Perse des mollahs laisse libre cours à son dépit de voir, apparemment, échapper de son influence le régime damascène.
C’est dans ce cadre singulièrement complexe que la France exprime son souhait de rentrer dans l’Orient, assurée, pense-t-elle, de ses liens avec les Etats-Unis pour la couvrir en cas de problème. Or, le Liban du Président Sleiman est certainement celui qui présente le plus de garanties pour Damas depuis que la famille Hariri (sunnite) perd de son influence. Face au Hezbollah (arabe chiite), les partis chrétiens se sont rapprochés de Damas : Bachar Al-Assad n’a-t-il pas des liens privilégiés avec les chiites de Perse ? On est dans un jeu de bascule et c’est précisément cet instant que choisit la France pour revenir comme acteur ; Paris ne pouvant pas demeurer sur le bord de la route ; les grandes combinaisons se tisseraient sans elle.
Les rumeurs de bombardement des infrastructures perses resurgissent (un ministre israélien a fait des déclarations dans ce sens ainsi que le candidat républicain Mc Cain. N’oublions pas que ce dernier a déjà été reçu deux fois en France) et que les Etats-Unis veulent établir un traité en bonne et due forme avec le gouvernement de Bagdad fin juillet, la crédibilité de la Syrie réactivée par des acteurs orientaux (Turquie, Qatar) apparaît comme une porte de retour pour la France via le Liban du Président Sleiman.
La Syrie gagne du terrain en jouant habilement de toutes les manœuvre en cours. Si les Orientaux savent ce qu’ils font, les Occidentaux font ce qu’ils croient dans le désordre. L’Allemagne, par exemple, usant de ses bons rapports avec Ankara, n’hésite plus à se positionner dans le strict sens de ses intérêts. L’Espagne, par la voix de Juan-Carlos, assure Damas de son appui. Où est la diplomatie de l’Union ? Javier Solana promet à la Syrie un partenariat.
La France recherche la main syrienne alors qu’elle se lie à une politique belliciste américaine et que les puissances orientales (Arabes, Turque, Perse) érigent selon leurs codes un barrage anti-guerre.
Comme Saint-Paul, Nicolas Sarkozy aura-t-il sur le chemin de Damas, une illumination?

©Jean Vinatier 2008

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Notes :

1- Jean-Claude Cousseran, diplomate classé à gauche, a été le patron de la DGSE (2000-2002). Il est arabophone.
2-Les Alaouites forment une branche du chiisme. C'est en cela qu'ils se distinguent des deux autres groupes musulmans en Syrie (sunnite, chiite). Les Alaouites sont également présents en Turquie.

Sources :

Voir l’article de Samir Moubayed :
http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/JF06Ak01.html
Voir l’article de Michel Touma :http://www.lorientlejour.com/page.aspx?page=article&id=374060

vendredi 6 juin 2008

Les Etats-Unis ont deux pays le leur et demain la Mésopotamie ? N°221 - 1ere année

Le journaliste Patrick Cockburn du The Independent¹ a publié hier, un article relatif à un projet de traité entre les Etats-Unis et le gouvernement en place à Bagdad. Voici, en résumé, les principales conditions américaines :
-50 bases militaires permanentes,
-le contrôle de l’espace aérien,
-l’immunité totale pour ses soldats, les mercenaires, les entrepreneurs,
-les mains libres pour procéder à des arrestations sur l’ensemble du territoire,
-pouvoir conduire des actions militaires sans consulter Bagdad.

A première vue, croira-t-on à une souveraineté irakienne ? La France de Vichy ne connaissait pas des conditions aussi humiliantes !
Le Président Bush aimerait qu’un accord intervienne à la fin du mois de juillet pour influer efficacement sur la campagne présidentielle : aider Mc Cain le républicain en le dédouanant de soutenir une mauvaise guerre débutée en 2003, tenir le démocrate Obama en l’empêchant d’user d’un argument de poids.
Georges Bush adresse, enfin, à l’ensemble du monde la volonté de son pays de rester sur le sol mésopotamien. Quant à l’Orient, les Américains partent du principe que leurs principales nations ne sont pas unies et qu’en dépit de quelques protestations, elles vaqueront à leurs occupations. Les autorités de Téhéran doivent comprendre qu’à tout moment une action belliciste pourrait débuter. Le gouvernement irakien lui, aurait le rôle d’un Tartuffe.
A une semaine du déplacement de Georges Bush à Paris où il sera reçu avec maints égards, c’est là une réaffirmation soudaine et brutale de la puissance américaine dont on est sûr que le Président Sarkozy ne la contestera pas. Bernard Kouchner ne vient-il pas de dire au retour d’un déplacement en Mésopotamie que tout allait bien hormis quelques coups de feu ici et là !
Cependant, ce projet viendrait aussi à montrer au monde la non-existence d’une souveraineté irakienne : imagine-t-on un pays souverain s’humilier à ce degré ? Non.
Washington balaie très rapidement la manière dont l’Orient résisterait. C’est quelque peu précipité au vu de tout ce qui s’y passe ! En ce moment, la Turquie et la Perse font campagne contre les Kurdes, alliés des Américains sans que ceux-ci n’interviennent ! L’influence chiite (perse et arabe) est indéniable en Mésopotamie et les sunnites la constatent sans pour autant commencer une guerre malgré les souhaits américains. La Syrie, la Turquie et Israël ont entamé des négociations officielles autour du Golan sans que Washington puisse s’y opposer. Peut-être que les diplomates américains croient ces négociations vaines et aussi solides qu’un fétu de paille ? Le Liban a choisi le général Sleimane pour Chef d’Etat. Il est réputé ambigu mais qui ne l’est pas ! En tout cas l’idée d’une création de postes diplomatiques entre Damas et Beyrouth fait son bonhomme de chemin, chose qui ne peut qu’agacer les cercles conservateurs de Washington.
Les Etats-Unis font la preuve de leur égocentrisme à l’égard des autres sans trop masquer les concurrences internes existantes chez eux. La force idéologique des néo-conservateurs, les intérêts mercantiles d’une part, la puissance du Pentagone et du complexe militaro-industriel d’autre part ont pour conséquence principale cette accélération diplomatique.
Il est temps, en effet, que la Maison-Blanche érige la Mésopotamie en base arrière légale alors que la guerre contre les talibans afghans est un échec cuisant. Hamid Karzai vient de donner une interview choc dans
Spiegel². Il dit tout net sa colère devant la conduite des opérations sous l’égide de l’OTAN et termine en regrettant, ni plus, ni moins de ne pas avoir des talibans pour soldats ! Le Pakistan, de son côté, négocie tranquillement avec les mêmes talibans en faisant fi des remarques washingtoniennes.
Le projet de traité envisagé donne un bémol aux chants de joie qui ont salué la candidature démocrate d’Obama. En effet ce dernier a rappelé son attachement à être l’ami d’Israël et son hostilité à la Perse : ne rentre-t-il pas dans le cadre proposé par Georges Bush ? Certes Obama est en campagne et il doit éviter par-dessus tout que des électeurs démocrates s’abstiennent ou passent du côté républicain mais il serait illusoire de compter, s’il l’emporte en novembre prochain, sur un retournement complet en politique étrangère. Qu’il le veuille ou pas, la présence américaine en Mésopotamie est un fait, il ne pourra que très difficilement revenir dessus.
Le projet de traité entre Washington et Bagdad met le monde dans une situation inconfortable. La Chine rit tranquillement et attend qu’on revienne la taquiner sur le Tibet.

©Jean Vinatier 2008

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Sources:


1-
http://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/revealed-secret-plan-to-keep-iraq-under-us-control-840512.html

2-
http://www.spiegel.de/international/world/0,1518,557188,00.html