Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



lundi 9 juin 2008

Nicolas Sarkozy au Syrien Bachar Al-Assad : attends-moi ! N°222 - 1ere année

Samedi 7 juin, le très court déplacement de Nicolas Sarkozy à Beyrouth entouré des représentants des partis politiques français a satisfait le nouveau Président libanais, Michel Sleiman sur deux points : la rapidité de notre séjour et notre légèreté.
A l’automne 2007, la mission du diplomate français Jean-Claude Cousseran¹ dont le but devait être d’éviter une crise politique libanaise au terme du mandat d’Emile Lahoud, a été interrompue brutalement par l’entrée en scène de l’Elysée via Claude Guéant, secrétaire général du Palais. De novembre 2007 à juin 2008, la France ne pesa plus rien du tout sur la crise politique libanaise : elle n’était plus qu’une puissance spectatrice. L’élection du Président libanais se joua à Doha, capitale du Qatar.
L’arrivée en nombre des Français au Liban doit beaucoup aux changements en cours dans l’ensemble de l’Orient : de la Turquie à la péninsule arabique, d’Israël à la Perse. Or dans les multiples négociations inter-orientales la Syrie refait surface au grand dam des Etats-Unis et de la France. Cette dernière diabolisait Damas depuis l’assassinat de Rafiq Hariri : Jacques Chirac s’était rangé d’un bloc derrière cette famille (liée sur tous les plans à l’Arabie Saoudite) et Nicolas Sarkozy lui a emboîté le pas.
Les quelques heures passées à Beyrouth en tête-à-tête avec le Président Sleiman, plus pro-syrien que son rival le général Aoun, pourraient autoriser la France à revenir dans le grand jeu oriental, Paris acceptant d’étudier le retrait israélien des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba situées aux confins libano-syriens. Le message a été apparemment reçu : le Président Bachar al-Assad a promis à Nicolas Sarkozy d’assister à Paris le 13 juillet au baptême de l’Union pour la Méditerranée.
La Syrie compte grosso modo autant de sunnites que de chiites. Les Alouites (dont est issue la famille Al-Assad) formant le troisième groupe et leur qualité de musulman étant trop récemment reconnue veillent plus que quiconque à aller dans le sens du vent. Jusqu’à présent Damas privilégiait l’axe avec Téhéran par Hezbollah interposé. Son avantage était de maintenir une pression sur le Liban.
Désormais, nous voyons la Syrie discuter avec la Turquie et Israël d’un côté et de l’autre avec l’Egypte et l’Arabie Saoudite. La Turquie et le Qatar acceptent de tenir le rôle d’intercesseur en faveur de Damas tandis que la Perse des mollahs laisse libre cours à son dépit de voir, apparemment, échapper de son influence le régime damascène.
C’est dans ce cadre singulièrement complexe que la France exprime son souhait de rentrer dans l’Orient, assurée, pense-t-elle, de ses liens avec les Etats-Unis pour la couvrir en cas de problème. Or, le Liban du Président Sleiman est certainement celui qui présente le plus de garanties pour Damas depuis que la famille Hariri (sunnite) perd de son influence. Face au Hezbollah (arabe chiite), les partis chrétiens se sont rapprochés de Damas : Bachar Al-Assad n’a-t-il pas des liens privilégiés avec les chiites de Perse ? On est dans un jeu de bascule et c’est précisément cet instant que choisit la France pour revenir comme acteur ; Paris ne pouvant pas demeurer sur le bord de la route ; les grandes combinaisons se tisseraient sans elle.
Les rumeurs de bombardement des infrastructures perses resurgissent (un ministre israélien a fait des déclarations dans ce sens ainsi que le candidat républicain Mc Cain. N’oublions pas que ce dernier a déjà été reçu deux fois en France) et que les Etats-Unis veulent établir un traité en bonne et due forme avec le gouvernement de Bagdad fin juillet, la crédibilité de la Syrie réactivée par des acteurs orientaux (Turquie, Qatar) apparaît comme une porte de retour pour la France via le Liban du Président Sleiman.
La Syrie gagne du terrain en jouant habilement de toutes les manœuvre en cours. Si les Orientaux savent ce qu’ils font, les Occidentaux font ce qu’ils croient dans le désordre. L’Allemagne, par exemple, usant de ses bons rapports avec Ankara, n’hésite plus à se positionner dans le strict sens de ses intérêts. L’Espagne, par la voix de Juan-Carlos, assure Damas de son appui. Où est la diplomatie de l’Union ? Javier Solana promet à la Syrie un partenariat.
La France recherche la main syrienne alors qu’elle se lie à une politique belliciste américaine et que les puissances orientales (Arabes, Turque, Perse) érigent selon leurs codes un barrage anti-guerre.
Comme Saint-Paul, Nicolas Sarkozy aura-t-il sur le chemin de Damas, une illumination?

©Jean Vinatier 2008

Commentaires : Si vous n’avez pas de compte Gmail, et pour éviter le noreply-comment veuillez envoyer vos commentaires à :
jv3@free.fr


Notes :

1- Jean-Claude Cousseran, diplomate classé à gauche, a été le patron de la DGSE (2000-2002). Il est arabophone.
2-Les Alaouites forment une branche du chiisme. C'est en cela qu'ils se distinguent des deux autres groupes musulmans en Syrie (sunnite, chiite). Les Alaouites sont également présents en Turquie.

Sources :

Voir l’article de Samir Moubayed :
http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/JF06Ak01.html
Voir l’article de Michel Touma :http://www.lorientlejour.com/page.aspx?page=article&id=374060

Aucun commentaire: