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vendredi 20 juin 2008

Les langues régionales ne contredisent pas la langue française N°231 - 1ere année

Depuis le vote à l’Assemblée nationale le 22 mai de l’amendement relatif aux langues régionales qui serait inscrit dans la Constitution, le ton n’a cessé de monter. Les sénateurs, tous partis politiques confondus, ont suivi l’avis négatif de l’Académie française sur cet amendement en le rejetant le 18 juin, jour symbole !
Les langues régionales jouissent d’une faveur singulière parmi les Français : le succès du film les Ch’tis le prouve. Ni nostalgie, ni ringardise de la part de nos concitoyens, simplement le souci de rappeler leur attachement au terroir. Les costumes régionaux n’ont-ils pas connu une grande publicité dés le XIXe siècle : ils rappellent notre diversité et notre unité.
Diversité, en effet quand on regarde la carte des langues régionales métropolitaines (Occitan, Corse, Catalan, Basque, Alsacien, Breton, Flamand) auxquelles on ajoute les langues créoles, polynésiennes et kanak (la France est partout dans le monde via les DOM-TOM) et unité parce que tous les Français se reconnaissent dans la langue nationale.
La place des langues régionales paraît essentielle au sein de l’Union européenne à la condition que chacun des Etats membres dont la France prenne garde à inscrire en lettres capitales la langue nationale comme la seule représentative de leur souveraineté. Si cette précaution était négligée, les conséquences ne manqueraient pas d’être négatives pour la solidité de l’ensemble européen. La mise au même niveau de langues régionales et de langues nationales donnerait une sorte de Babel linguistique qui nous affaiblirait tous sans distinction et durablement.
Le problème français viendrait-il de notre centralisme ou jacobinisme ? Le Français a grandi au fur et à mesure de l’autorité de nos Rois : le chemin s’est fait avec lenteur sans déclarer la guerre, par exemple, à l’occitan, langue des troubadours et de l’amour courtois qui a été une langue splendide et toujours étudiée dans les universités du monde entier. C’est la dimension politique des Capétiens avec l’appui de leurs légistes qui firent du Français une langue de Cour donc de pouvoir. L’édit de Villers-Cotterêts des 10-15 août 1539 signé par François Ier est présenté comme la table sacrée qui fixe le Français comme seule langue autorisée. En fait l’édit royal intervenait dans un moment politique très précis : premièrement le rattachement au royaume de l’Angoumois (1515), du comté de la Marche (1527) et de la Bretagne(1532) ; deuxièmement le Roi imposait à l’Eglise de s’en tenir aux matières religieuses¹. Il rendit, alors, obligatoire le passage par le notaire pour tous les actes de mariage, de naissance…etc. L’état civil naissait. Troisièmement les prémices des guerres de religion imposaient de rappeler aux Français l’unité linguistique. On le voit l’unité nationale prévalait dans l’esprit de François Ier.
En 1794, sous la Convention, l’abbé Grégoire et Barère de Vieuzac entrèrent en guerre contre les patois qu’ils jugeaient forces obscures contre la république. En fait, la création des départements en 1790 cassant les provinces royales et la guerre à toute l’Europe, les deux conventionnels n’eurent guère de mal à convaincre l’assemblée révolutionnaire d’imposer le Français comme ciment fédérateur. Rivarol, à la fin du règne de Louis XVI, plaidait déjà pour le slogan : un pays, une langue, une nation. Les auteurs français ne se distinguaient pas des mouvements nationaux européens qui se développaient après les années 1750, notamment, en Allemagne, en Autriche, en Russie…par réaction à la suprématie de la langue française ! Joseph II et Mozart s’entendirent pour imposer l’opéra en allemand au lieu de l’italien.
La Convention par souci d’unité nationale prit une décision strictement politique. La Troisième République se sachant fragile enverra les instituteurs ou hussards noirs dans tout l’hexagone pour éradiquer toute résurgence des patois, des dialectes.
Les langues régionales sortirent de l’ombre grosso modo après la fin de la seconde guerre mondiale. Elles revinrent dans les écoles prudemment au cours des décennies suivantes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Si l’on suit bien l’évolution générale politique du continent européen, la balance penche en faveur du fédéralisme. Or, la France, contrairement aux idées reçues, n’a pas entrepris une politique de décentralisation mais plutôt une déconcentration des tâches de l’Etat.
Récemment la question
de la viabilité des départements a été soulevée pour être enterrée aussitôt par le Président de la République au motif qu’ils avaient une existence historique. Voilà une explication très courte : combien des siècles d’existence avaient les provinces royales quand elles furent effacées ?
La France n’est pas à l’aise avec ses langues régionales en raison de sa construction politique et administrative. Le meilleur moyen de nous rendre plus solides serait d’instituer des régions viables sur le plan historique, économique et linguistique, de supprimer donc en toute logique les départements. Les langues régionales trouveraient toute leur place dans le cadre régional, elles répondraient de la diversité française et de son unité. Unité, parce qu’elle barrerait la route aux communautés dont quelques-unes guettent le moment d’installer leur langue …avec l’appui de Bruxelles. Unité, parce que l’Union européenne ne pourrait alors qu’approuver le gouvernement français lequel signerait, ensuite, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
La France doit prendre, une nouvelle fois, une décision strictement politique. Elle ne sera pas facile à engager mais il faudra s’y résoudre sinon notre pays court le grand danger de maintenir une unité de façade qui remettrait en cause notre diversité et donnerait la faveur aux avocats du communautarisme. C’est une nécessité qui relève de la géopolitique : la France via les DOM-TOM et la Polynésie occupe un espace dans lequel elle ne doit montrer aucune lacune quand de grands changements sont en cours. C’est une nécessité dans le cadre de l’Union européenne : il nous faut être en harmonie. On ne peut être l’avocat du pluralisme linguiste à l’extérieur et s'y refuser à l’intérieur.
Les langues régionales métropolitaines et celles des DOM-TOM ne contredisent pas la langue française, elles l’accompagnent. Au-delà de la question linguistique, nous entrons dans le champ politique, au cœur même de notre identité française si singulière. Regardons-bien ces deux piliers fondamentaux de l’Europe que sont le Royaume-Uni et l’Italie où leurs langues régionales ne forment pas un handicap.
Nos langues régionales se seraient pas grand-chose dans l’Union européenne sans la France, sans la langue française. Et oui les langues régionales pour se transmettre ont besoin de la nation souveraine.

©Jean Vinatier 2008

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Notes :

1-et le latin perdait de son importance.
2- Bertrand Barère de Vieuzac (1755-1841), homme politique français, artisan de la Terreur…et agent rémunéré de l’Angleterre ! Lié au parti du duc d’Orléans dont il tira une belle fortune. Il vota la mort du Roi…et du duc d’Orléans, son bienfaiteur. C’était un homme dévoyé.
Abbé Henri Grégoire (1750-1831), poète et homme politique français. Il est l’auteur du « Rapport sur la Nécessité et les Moyens d'anéantir les Patois et d'universaliser l'Usage de la Langue française ». Dés 1789, député du clergé aux Etats-généraux, il plaidera pour l’abolition de l’esclavage. Il ne votera pas la mort de Louis XVI. Entre au Panthéon en 1989.

Sources :

Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 : 192 articles
http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/francophonie/Edit_Villers-Cotterets-complt.htm


Texte de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires
http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Word/148.doc

Langues régionales :
http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/europe/france_tablo_region.htm

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