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vendredi 6 juin 2008

Les Etats-Unis ont deux pays le leur et demain la Mésopotamie ? N°221 - 1ere année

Le journaliste Patrick Cockburn du The Independent¹ a publié hier, un article relatif à un projet de traité entre les Etats-Unis et le gouvernement en place à Bagdad. Voici, en résumé, les principales conditions américaines :
-50 bases militaires permanentes,
-le contrôle de l’espace aérien,
-l’immunité totale pour ses soldats, les mercenaires, les entrepreneurs,
-les mains libres pour procéder à des arrestations sur l’ensemble du territoire,
-pouvoir conduire des actions militaires sans consulter Bagdad.

A première vue, croira-t-on à une souveraineté irakienne ? La France de Vichy ne connaissait pas des conditions aussi humiliantes !
Le Président Bush aimerait qu’un accord intervienne à la fin du mois de juillet pour influer efficacement sur la campagne présidentielle : aider Mc Cain le républicain en le dédouanant de soutenir une mauvaise guerre débutée en 2003, tenir le démocrate Obama en l’empêchant d’user d’un argument de poids.
Georges Bush adresse, enfin, à l’ensemble du monde la volonté de son pays de rester sur le sol mésopotamien. Quant à l’Orient, les Américains partent du principe que leurs principales nations ne sont pas unies et qu’en dépit de quelques protestations, elles vaqueront à leurs occupations. Les autorités de Téhéran doivent comprendre qu’à tout moment une action belliciste pourrait débuter. Le gouvernement irakien lui, aurait le rôle d’un Tartuffe.
A une semaine du déplacement de Georges Bush à Paris où il sera reçu avec maints égards, c’est là une réaffirmation soudaine et brutale de la puissance américaine dont on est sûr que le Président Sarkozy ne la contestera pas. Bernard Kouchner ne vient-il pas de dire au retour d’un déplacement en Mésopotamie que tout allait bien hormis quelques coups de feu ici et là !
Cependant, ce projet viendrait aussi à montrer au monde la non-existence d’une souveraineté irakienne : imagine-t-on un pays souverain s’humilier à ce degré ? Non.
Washington balaie très rapidement la manière dont l’Orient résisterait. C’est quelque peu précipité au vu de tout ce qui s’y passe ! En ce moment, la Turquie et la Perse font campagne contre les Kurdes, alliés des Américains sans que ceux-ci n’interviennent ! L’influence chiite (perse et arabe) est indéniable en Mésopotamie et les sunnites la constatent sans pour autant commencer une guerre malgré les souhaits américains. La Syrie, la Turquie et Israël ont entamé des négociations officielles autour du Golan sans que Washington puisse s’y opposer. Peut-être que les diplomates américains croient ces négociations vaines et aussi solides qu’un fétu de paille ? Le Liban a choisi le général Sleimane pour Chef d’Etat. Il est réputé ambigu mais qui ne l’est pas ! En tout cas l’idée d’une création de postes diplomatiques entre Damas et Beyrouth fait son bonhomme de chemin, chose qui ne peut qu’agacer les cercles conservateurs de Washington.
Les Etats-Unis font la preuve de leur égocentrisme à l’égard des autres sans trop masquer les concurrences internes existantes chez eux. La force idéologique des néo-conservateurs, les intérêts mercantiles d’une part, la puissance du Pentagone et du complexe militaro-industriel d’autre part ont pour conséquence principale cette accélération diplomatique.
Il est temps, en effet, que la Maison-Blanche érige la Mésopotamie en base arrière légale alors que la guerre contre les talibans afghans est un échec cuisant. Hamid Karzai vient de donner une interview choc dans
Spiegel². Il dit tout net sa colère devant la conduite des opérations sous l’égide de l’OTAN et termine en regrettant, ni plus, ni moins de ne pas avoir des talibans pour soldats ! Le Pakistan, de son côté, négocie tranquillement avec les mêmes talibans en faisant fi des remarques washingtoniennes.
Le projet de traité envisagé donne un bémol aux chants de joie qui ont salué la candidature démocrate d’Obama. En effet ce dernier a rappelé son attachement à être l’ami d’Israël et son hostilité à la Perse : ne rentre-t-il pas dans le cadre proposé par Georges Bush ? Certes Obama est en campagne et il doit éviter par-dessus tout que des électeurs démocrates s’abstiennent ou passent du côté républicain mais il serait illusoire de compter, s’il l’emporte en novembre prochain, sur un retournement complet en politique étrangère. Qu’il le veuille ou pas, la présence américaine en Mésopotamie est un fait, il ne pourra que très difficilement revenir dessus.
Le projet de traité entre Washington et Bagdad met le monde dans une situation inconfortable. La Chine rit tranquillement et attend qu’on revienne la taquiner sur le Tibet.

©Jean Vinatier 2008

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Sources:


1-
http://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/revealed-secret-plan-to-keep-iraq-under-us-control-840512.html

2-
http://www.spiegel.de/international/world/0,1518,557188,00.html

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