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vendredi 26 février 2010

Pays-Bas : grains de sable dans l’Union européenne ? –N°643- 3e année

La guerre en Afghanistan provoque la première crise politique sur le continent européen. La prolongation du mandat des 1800 soldats néerlandais demandée par l’OTAN a accéléré l’implosion du gouvernement. Samedi 20 février le ministre des Finances Wouter Boset annonce le retrait du Parti travailliste de la coalition gouvernementale ; le lendemain, le Premier ministre, Peter Balkenande, présentait la démission de son gouvernement à la Reine Béatrix.
Peu d’échos et de commentaires autour de ce fait néanmoins important. En France, par accord tacite, tous les partis et plus particulièrement le PS et l’UMP se taisent au maximum pour ne pas aborder ce sujet parmi les Français très majoritairement hostiles à ce conflit¹,
Ce motus vivendi autorise l’Elysée à envoyer des renforts : 400 gendarmes comptabilisés parmi les forces de police et non comme des militaires ainsi qu’une centaine d’hommes en support logistique –vague appellation-.
Les Pays-Bas en allant jusqu’au bout de la logique démocratique seraient-ils le pays empêcheur de tourner en rond ?
D’abord sur le plan militaire.
Le sous-titre du dernier ouvrage des auteurs Matthieu Anquez et Olivier Hubac L’Enjeu afghan, est « la défaite interdite »² : pourquoi pas la victoire impossible ? Dans les deux cas, nous sommes bel et bien dans une impasse. Les forces militaires otaniennes se convainquent de leur mission contre les « forces du mal » alors qu’elles sont pieds et mains liés par le gouvernement américain qui obsédé par la Chine veut y maintenir une armada importante au risque de rallumer d’ailleurs, à tout moment une confrontation indo-pakistanaise. Bref, plus le temps passe, plus les opinions publiques fustigent cette guerre dont les buts dépassent largement ce que les gouvernements font répéter aux médias pour la plupart dociles.
Dans ce climat, la chute d’un ministère néerlandais, dont le pays est depuis des lustres un allié fidèle de la politique américaine, fragilisera un peu plus la cohésion au sein de l’OTAN. Très récemment, le secrétaire d’Etat américain, Robert Gates, s’est exprimé avec une très grande violence contre les Européens incapables de fournir davantage de troupes. Or, que lui a-t-il été répondu ? En gros, les Européens ont rappelé leur indéfectible appui à Washington tout en soulignant leur incapacité à renforcer leurs contingents parce qu’ils avaient atteint leur maximum. Nous sommes très éloignés d’une quelconque critique ou d’un revirement politique de l’Union européenne. Nous avons sous nos yeux des gouvernements bien contrariés que les Etats-Unis doutent d’eux. Voilà, le triste fond du débat !
Ensuite sur le plan politique.
On comprend le peu d’attention accordée à la crise politique néerlandaise : trop de publicité obligerait les politiques des 27 à s’opposer à leurs concitoyens néerlandais. Cependant, les élections législatives anticipées, conséquence directe de l’implosion de la coalition, vont perturber la sérénité européenne en raison de l’audience croissante de l’extrême droite, sur fond de marasme social et économique qui nous concerne tous. L’Union européenne redoute infiniment plus les succès des extrêmes droites très nationalistes, que les partis d’extrême- gauches plus internationalistes. Or, c’est un secret de polichinelle, partout en Europe, les extrêmes droites fourbissent leurs armes. C’est peu dire que le scrutin législatif fera l’objet d’un examen à la loupe.
En toute logique, les pressions ont certainement été grandes sur les travaillistes néerlandais pour qu’ils ne quittent pas le gouvernement de Peter Balkenande. Les autorités politiques du royaume des Pays-Bas et la population se souviennent, comme les Français d’ailleurs, du peu de cas qui a été fait du référendum de 2005 ; elles estiment donc qu’elles courraient un risque majeur en maintenant cette coalition.
La crise sociale et économique s’ajoutant aux difficultés budgétaires des PIIGS, la guerre en Afghanistan ne serait-elle pas un facteur aggravant supplémentaire pour l’Union européenne ? A méditer…..


Jean Vinatier

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Sources:

1-Pierre Jaxel-Truer :
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/02/26/l-afghanistan-n-est-pas-un-sujet-de-polemique-en-france-pourquoi_1311694_823448.html

2-
http://www.andreversailleediteur.com/?livreid=761

http://www.rfi.fr/contenu/20100220-le-gouvernement-neerlandais-trebuche-lafghanistan

Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guatemala, Guinée, Guinée, Haïti, Honduras, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Jamaïque, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Malawi, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Niger, Nigeria, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine, République Dominicaine, Russie, Rwanda, Sénégal, Serbie, Singapour, Slovénie, Somalie, Suisse, Thaïlande, Togo, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre–Et-Miquelon), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Yémen

jeudi 25 février 2010

Tintamarre et nominations –N°642- 3e année

Les choix du Président de la République, le socialiste Didier Migaud pour la présidence de la Cour des Comptes et le mitterrandien Michel Charasse au Conseil Constitutionnel font couler beaucoup d’encre sans doute à tort.
Habitués que nous sommes à détecter chez Nicolas Sarkozy une savante stratégie de joueur d’échec ce qu’il n’est pas faute de patience et de calme, dés qu’il choisit untel et untel, nous oublions un peu vite quelques éléments.
D’abord en ce qui concerne la Cour des comptes : entre la nomination du comte de Barbé-Marbois (1807-1814-1815-1834) et celle de Didier Migaud, jamais aucun de ces présidents n’a infléchi la façon de gérer les finances publiques, ni n’a fait revenir l’Etat à de plus justes contrôles de l’usage des deniers publics. La Cour des comptes ne possédant pas d’autorité judiciaire, son rapport n’a d’autre portée que de faire connaître aux citoyens les bons et mauvais usages de nos impôts et taxes. Il serait donc très exagéré de déduire du choix de l’Elysée en faveur du président de la Commission des Finances une quelconque manœuvre. Si Nicolas Sarkozy pense avoir troublé le jeu politicien, affaibli l’opposition et démontré son ouverture d’esprit, il se surestime lui et tous les commentateurs. Evidemment, s’il avait nommé Bernard Tapie, il y aurait eu dispute : pensez-donc, Nanar de Cambon, quelle blague ! Depuis 1807, date de la recréation de la Cour des Comptes¹, tout Président est de facto neutre : à ce jour rien de nouveau sous le soleil…
Ensuite, le cas de Michel Charasse au Conseil Constitutionnel. Il est dit et redit que Nicolas Sarkozy fait entrer un copain au sein des Sages. C’est exact mais que dire de François Mitterrand nommant Roland Dumas à la présidence de ce Conseil ou bien encore Jacques Chirac avec Jean-Louis Debré ? Dans les deux cas précités, nous avons eu des choix politiques décidés par deux anciens Chefs d’Etat à la veille de quitter leurs fonctions et soucieux soit de protéger un ami (Dumas), soit de contrarier un rival aux portes du pouvoir. De toute manière les neuf Sages n’ont que pour seul travail : être les lecteurs attentifs de la Constitution de la Ve République, se montrer des juristes impartiaux. Michel Charasse s’il est par certains côtés un double de Nicolas Sarkozy : physique sans grâce, rancunier, vulgaire, hautain, il pourrait se révéler en raison de son caractère singulier, plus royaliste que le roi.
Conclusion : tout le bruit médiatique autour de ces deux hommes accrédite une habileté présidentielle qui n’existe pas mais tout ce tintamarre donne raison à l’Elysée : quel que soit l’os, vous aurez toujours trop de chiens à aboyer. Et Nicolas Sarkozy aime le bruit !


Jean Vinatier

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Note:

1-Cour des comptes : les premières cours des comptes apparaissent à la fin du XIIe siècle. Elles reçoivent leur « statut » par l’ordonnance de Philippe V le Long en 1323. Par la suite, certaines cours des comptes seront rattachées à la Cour des Aides, d’autres seront des cours souveraines des comptes. Supprimées en 1791 par les Révolutionnaires qui redoutaient l’indépendance des magistrats d’avant 1789, Napoléon Ier "réinstalla" la Cour des comptes en 1807 en la confiant au comte de Barbé-Marbois, éminent diplomate, élève du comte de Vergennes et ancien consul aux Etats-Unis.
La cour des comptes tout comme le conseil d’Etat sont des institutions immémoriales.
Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guatemala, Guinée, Guinée, Haïti, Honduras, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Jamaïque, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Malawi, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Niger, Nigeria, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine, République Dominicaine, Russie, Rwanda, Sénégal, Serbie, Singapour, Slovénie, Somalie, Suisse, Thaïlande, Togo, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre–Et-Miquelon), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Yémen

mercredi 24 février 2010

Rwanda-RDC : plate-forme géostratégique –N°641-3e année

Après une journée passée au Gabon, où Nicolas Sarkozy négociera premièrement l’installation d’une base française qui remplacera celle établie au Sénégal et, deuxièmement demandera à l’opposition gabonaise de se comporter vis-à-vis du fils d’Omar Bongo sans nuire aux intérêts d’Areva et de Bolloré ; le Président de la République se rendra, ensuite, jeudi 25 février, au Rwanda.
Le Rwanda n’est plus depuis l’automne dernier un pays francophone, la langue de Molière a été expressément bannie de l’administration et des universités par l’actuel Président Paul Kagame au profit de l’anglais. Rien d’étonnant, ce pays ayant joint dans la foulée le Commonwealth.
Kigali regarde la France comme la grande responsable sinon la puissance complice passive du génocide perpétré par l’armée Hutu contre les Tutsi entre le 7 avril et le 4 juillet 1994. Le déplacement de Bernard Kouchner au Rwanda à la fin de 2009 et la visite présidentielle française de février 2010 pourraient clore une brouille de 15 années.
Pourquoi cette visite ? Nicolas Sarkozy à l’inverse de ses deux prédécesseurs, Jacques Chirac et François Mitterrand, est tout à fait étranger aux événements sanglants de l’année 1994. S’il n’a pu empêcher le Rwanda de quitter l’espace francophone pour le monde anglophone, il considère logiquement, la situation géographique de ce pays comme importante.
Le Rwanda deviendra cette année une plate-forme de services pour la région des Grands Lacs. Cette région comprend deux groupes de pays, le premier, en sus du Rwanda, le Burundi, la RDC (République Démocratique du Congo), l’Ouganda ; le second plus éloigné, composé du Kenya, de la Tanzanie, du Malawi, du Mozambique. Cet ensemble de 9 puissances comprend 7 lacs de tailles différentes : Albert, Edouard,, Kivu, Tanganyika, Kyoga, Victoria, Malawi.
Si l’on regarde bien la carte, on s’aperçoit que les 9 nations africaines précitées vont de l’Océan Atlantique (République Démocratique du Congo) à l’Océan Indien (Mozambique, Kenya).
Coupant l’Afrique, la région des Grands Lacs est d’une importance capitale : tout le réseau routier et ferroviaire n’est-il pas tourné vers l’océan Indien ?¹ Quoi d’étonnant à ce que la Chine, l’Inde, la Turquie investissent sans regarder à la dépense tandis que le Club de Londres, groupe informel de créanciers bancaires privés anglais, belges et français, essaie par tous les moyens de ralentir le poids des pays d’Asie en faisant pression sur Kinshasa.
Le Rwanda, s’il a une superficie moyenne, se trouve, en réalité, au centre de bien des intérêts : ne fait-il pas face au Kivu, la richissime province du Congo ? Comme l’a brillamment exposé
Cyril Musila² que l’un des enjeux de la région des Grands Lacs est de combler « le vide géopolitique » et de travailler à « la recherche du leadership régional ». Le Rwanda serait-il ce pays idéal : ni trop petit, ni trop grand, quasiment établi au centre d’interconnexions routières et ferroviaires ? Certainement ! Le travail de la diplomatie française s’apparente aux douze travaux d’Hercule. En plus de devoir renouer véritablement des liens cordiaux avec Kigali, Paris doit, également, veiller à ce que la République Démocratique du Congo ne quitte pas la sphère francophone. Or, le jeune président congolais, Joseph Kabila Kabange (né en 1971) successeur de son père, Laurent-Désiré Kabila assassiné en janvier 2001, songe sérieusement à rompre les liens avec l’espace francophone (n’impose-t-il pas l’anglais ?) et a signé d’importants contrats avec la Chine en échange de travaux publics colossaux !
Le déplacement français se fait comme d’habitude dans la précipitation : pour une fois, on ne tiendra pas rigueur à Nicolas Sarkozy d’agir aussi promptement quoique les défis à relever soient de taille pour que la France (elle « tient » encore Madagascar) garde une place économique dans cette partie du continent africain captée par la force de frappe financière et industrielle des puissances asiatiques.

Jean Vinatier

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Cartes:


1-
http://www.grandslacs.net/doc/3325.pdf : Voir avec attention toutes les cartes de la page 17 à 26.

In Seriatim :
2-
http://www.seriatim.fr/2009/01/cyril-musila-les-enjeux-autour-des.html

Sources :
http://www.afrik.com/article15463.html
http://www.france-turquoise.fr/voyage-sarkozy.html
http://www.grandslacs.net/doc/3325.pdf
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/conflit-grands-lacs/pillage-ressources-naturelles-rdc.shtml

http://www.diploweb.com/forum/afriquegrandslacs.htm
http://unesdoc.unesco.org/images/0005/000559/055961fo.pdf
http://www.irinnews.org/fr/pays.aspx?Region=GL&Service=FRE
http://www.inter-focus.com/uploads/file/Observatoire%20de%20la%20Reconstruction%20Grands%20Lacs-rd.pdf
http://www.syfia-grands-lacs.info/
http://www.linternationalmagazine.com/article2669.html (Turquie)http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/db900SID/VDUX-7PKRYM?OpenDocument
http://actualite.portail.free.fr/monde/06-12-2009/le-rwanda-attend-des-explications-du-soudan-sur-le-darfour/
http://www.lepoint.fr/actualites-politique/2009-12-16/sarkozy-enrole-les-pays-africains-du-bassin-du-congo-avant/917/0/405531


Rapport du Sénat:
http://www.senat.fr/ga/ga69/ga69.html


Bibliographie :
http://www.bnf.fr/pages/catalog/pdf/rwanda.pdf

http://www.afriqueavenir.org/


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mardi 23 février 2010

William Ritchey Newton : Derrière la façade –Vivre au château de Versailles au XVIIIe siècle –N°640- 3e année

L’historien américain, William Ritchey Newton, est un homme austère, habillé de noir, vivant dans une charmante maison georgienne. Il est réputé pour sa méticulosité, son calme. Il manie sa plume comme un scalpel. En 2000, il avait publié chez Fayard, L’espace du Roi. La Cour de France au château de Versailles, 1682-1789 où il a réussi la gageure de reconstituer l’histoire des 226 appartements pendant la durée de la période royale : travail de bénédictin mené impeccablement au risque de susciter l’agacement de certains conservateurs affectés au château !
Après l’édition de
La Petite Cour : services et serviteurs à la Cour de Versailles chez Fayard en 2006, William Ritchey Newton a poursuivi son voyage introspectif dans l’intérieur versaillais en publiant chez Perrin en 2008, Derrière la façade –Vivre au château de Versailles au XVIIIe siècle. C’est un ouvrage dont chaque court chapitre (30 pages environ) va au cœur : Le logement, La « Bouche de la Cour », L’eau, Le feu, l’éclairage, Le nettoyage, Le blanchissage, Les arrière-pensées.
Pourquoi l’historien prend-il le seul XVIIIe siècle ? Tout simplement parce que Louis XIV a fait corps entre le château et sa façon d’être Roi à l’inverse de ses deux successeurs, Louis XV (1715-1774) et Louis XVI (1774-1789-1792) qui se sont démarqués par leur comportement respectif de l’exercice louis-quatorzien du pouvoir. Mal à l’aise avec le concept de monarchie absolue, les deux Rois tentèrent à leur manière de s’en éloigner. En cela, ils reflétaient l’interrogation de la société française qui n’eut de cesse tout au long des Lumières de proposer des pistes nouvelles afin de faire émerger à côté du Roi, un espace politique compatible avec la monarchie.
Versailles est d’abord un château royal avant d’être une ville au sein de laquelle ne surgit aucune cité administrative, mis à part les deux ministères construits pendant le gouvernement du duc de Choiseul. Versailles est un point majestueux mais isolé ce que les Parisiens ne reprochèrent point à Louis XIV tant que le Grand Dauphin, son fils, vécut (1661-1711) : ce dernier en se rendant régulièrement dans Paris, gardait le contact avec les Parisiens et jouissait –quoiqu’en dise le duc de Saint-simon –d’une popularité importante : le lien n’était pas rompu, il ne le sera définitivement qu’après le séjour parisien de Louis XV (1715-1722). Son fils, le Dauphin (1729-1765) ne se déplaça pas et la famille royale toute entière, hormis les Orléans et les princes de Conti qui résidaient dans le splendide palais dans l’enclos du Temple, ne se rendit dans Paris que le temps d’un opéra, d’une inauguration, d’une courte visite aux Invalides et lors des Lits de Justice. D’une manière générale les Rois se calfeutrèrent dans le château hormis de « courts voyages » dans des résidences de l’Île de France.
Newton place donc sa description de la vie au château pendant un laps de temps assez court : 67 ans qui couvrent des décennies d’un isolement progressif royal non seulement de la vue de ses sujets mais également des courtisans. En effet Louis XV se retire dans les petits appartements, Louis XVI désire vivre en famille, et ils déclinent autant qu’ils le peuvent les apparitions publiques ce qui va rendre le protocole de plus en plus inadapté et in fine démodé ! Les courtisans, eux-mêmes, se décourageront progressivement et n’iront plus à Versailles que contraints. Vivre dans le château n’est pas comme le laissent croire les films et les ouvrages « une vie de château ». Au fur et à mesure que les finances de la monarchie entreront dans une spirale infernale, les courtisans logés dans le château devront supporter de plus en plus de frais. Ils ne furent pas, hors quelques Grands, titulaires de charges, comme on le croit, nourris gratuitement par le Souverain.
Au fil des pages et des chapitres où les petites histoires abondent, nous vivons très bien le délitement lent, progressif de Versailles et par conséquent de la majesté royale, du régime monarchique. Tout se défait quoiqu’on essaie de tout réparer, de colmater les brèches. Les efforts des gouverneurs de Versailles et des surintendants des Bâtiments du Roi sont là mis en avant d’une manière juste et nouvelle.
Dés la fin du règne de Louis XV, plusieurs voyageurs remarquent le délabrement de la construction, le mauvais état des pièces. Le château de Versailles tenta bien de s’adapter aux Lumières en faisant entrer les nouvelles normes d’hygiène - construction de salles de bain, de cabinets de toilette mais ne put satisfaire à l’ensemble des logés des 226 appartements. C’est un moment assez redoutable pour un pouvoir de n’être plus en mesure de donner le ton, l’exemple.
Versailles est en modèle réduit la France que les Rois et leurs ministres ne purent métamorphoser jusqu’à ce que se produisent les événements que l’on sait.
L’ouvrage de William Ritchey Newton est donc riche d’enseignements et si nous nous portons jusqu’à notre temps, nous verrons qu’à bien des égards la période actuelle est aussi bancale et étouffante qu’il y a deux siècles.
Derrière la façade, la réalité!


Jean Vinatier

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Source :

Ritchey Newton (William) : Derrière la façade- Vivre au château de Versailles au XVIIIe siècle, Paris, Perrin, 2008

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lundi 22 février 2010

France “grande tension nerveuse”...-N°639- 3e année

Le médiateur de la République lui-même, Jean-Paul Delevoye, s’alarme lors d’une interview accordée au Monde de la situation de crise dans laquelle la France et les Français sont entrés. Par ses réponses, il participe pleinement à la question de l’identité nationale proposée par le gouvernement. Et d’ailleurs, Jean-Paul Delevoye n’aurait-il pas été l’homme idoine pour cette tâche ?
Oui la France est en crise. Oui les Français bouillent à l’intérieur d’eux-mêmes. Oui, les Français sont tiraillés entre être des citoyens ou n’être que des consommateurs. Oui entre le citoyen prêt à défendre par tous les moyens les libertés et le consommateur qui n’a que le bonheur à la bouche, il y a un gouffre qui s’entrouvre sous nos yeux
: « une société qui se fragmente, où le chacun pour soi remplace l’envie de vivre ensemble, où l’on devient consommateur de République plutôt que citoyen. Cette société est en outre en grande tension nerveuse comme si elle était fatiguée psychiquement»
Les Français feront-ils partie d’une société d’ici vingt ans ? Ou bien seront-ils classés dans des unités spécialisées ? Pourquoi croyez-vous que la question sur l’identité nationale a été posée ? Nous diviser davantage ou comment vivre ensemble ?
Climat social dégradé et apparente indifférence. Prenons le triste cas de France Télécom : les suicides continuent, 6 depuis le début de cette année: les syndicats réagissent-ils ? Les employés se mobilisent-ils ? Le PDG Didier Lombard s’efface lentement au profit de Stéphane Denis, de Christine Albanel, deux personnes qui devront comprendre que tout salarié à droit au respect, à son intégrité.
Le débat sur les retraites ? L’Elysée annonce que le Président Sarkozy se montrera souple et aussitôt, fait savoir qu’un projet de loi sera déposé à l’automne ; les syndicats, eux, préparent une journée d’action en mars et sans doute une seconde en octobre. Sur un sujet aussi capital, la chape de plomb est placée sur nos têtes : les jeux seraient-ils déjà faits ?
La classe moyenne craint le déclassement : si se hausser devient une gageure, c’est la peur de la descente brutale qui la hante.
On pourrait citer longuement tout ce qui nous assomme, nous étouffe (LOPPSI 2) et manquer de regarder qu’ici et là des femmes, des hommes se regroupent, forment des micro-sociétés établissent des solidarités, des projets en commun. Certains se protégent, d’autres rêvent : les utopies, le retour ? C’est en route, le chemin sera très long et pénible.
Face aux Français, le Système, le rouleau compresseur économico-financier qui broie tout sur son passage, entonne l’air de la mondialisation heureuse, ignorant les souffrances planétaires. En fait, les Français sont face à cette hydre comme ils l’ont été dans l’Histoire face aux tentations impériales temporelles et spirituelles. Ce qui les renfrogne c’est certainement de sentir qu’on les contraint à rentrer dans le rang, à n’être plus que des individus effacés parmi tous les autres, d’appartenir à un pays qui ne secouera plus le monde. Quoiqu’en disent les « intellectuels » et autres « autorités », il y a de la résistance. Elle est désordonnée, hésitante mais rien n’y fait, et dans l’immédiat, le Français courbe l’échine mais tôt ou tard, il ne se soumettra pas.
Oui, si la France est nerveuse, elle ne s’ennuie pas comme en 1968 : en 2010, elle est blessée, malmenée. La société française est fatiguée psychiquement mais prenez garde à ce que l’inconscient collectif ne vous surprenne pas.
La France qui deviendrait anonyme ne serait plus la France. Des Français qui s’abandonneraient, trahiraient leur identité. Ce sont là, semble-t-il, des points de non-retour devant lesquels le pouvoir -et peu importe qu’il se nomme UMP ou socialiste, c’est du pareil au même – sous l’influence de banquiers, de financiers, de « grands patrons » et d’entremetteurs, croit réduire à néant. N’a-t-il pas dénaturé la démocratie, « policiarisé » la vie des Français à rendre presque jaloux le parti communiste chinois et les extrémistes anglo-américains?N’œuvre-t-il pas pour nous défaire de tout référent collectif ?
Tous les citoyens doivent reprendre la main, se réapproprier le champ politique afin de générer un nouveau modèle social, le leur ! Tout citoyen est souverain.


Jean Vinatier

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vendredi 19 février 2010

Niger : entre putsch et uranium -N°638- 3e année

Le putsch mené par 3 colonels contre le Président Mamadou Tandja au pouvoir depuis 1999 ne surprend pas dans un pays à la recherche de la stabilité politique depuis son indépendance en 1960. Détail, les soldats nigériens ont un armement de plus en plus chinois et sont entraînés par les Américains !
Si l’on ajoute à ce fait, d’abord, les intenses rivalités internationales (France, Chine, Inde, Corée, USA) autour des richesses pétrolifères et de l’uranium nigérian
« Les besoins accrus en combustible nucléaire, ainsi que la perspective de l’épuisement de ses ressources dites « secondaires » (notamment l’uranium militaire reconverti), relancent l’exploration et l’extraction minière de l’uranium naturel. »¹ ; ensuite la rébellion des touaregs, peuple qui occupe presque la moitié du pays (voir carte dans les sources) et qui revendiquent une part accrue des revenus de leur sous-sol, vous aurez un cocktail détonant digne d’un James Bond.
Lors de sa dernière tournée africaine, les 26 et 27 mars 2009, Nicolas Sarkozy s’était arrêté à Niamey pour rappeler au Président Mamadou Tandja, toute la place qu’Areva devait conserver dans la production et l’exportation de l’uranium à Imouraren et Arlit. Un an plus tard, le Président est chassé du pouvoir. En 1974, une délégation conduite par Yves Guéna n’avait pu s’entendre avec le Président d’alors Diori Hamani sur le même sujet…quelques jours plus tard, il était renversé.
La France sait bien toute l’importance de l’ensemble saharien et ne se remet pas de son échec en 1960 de fonder un Etat, l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) qui aurait compris le nord Niger, le nord Mali et le sud Algérien ; au lieu de quoi, ce fut le Niger qui naquit.
L’homme politique nigérien Ibrahim Loutou, décédé en février 2009, avait répondu, lors de son passage à Paris en octobre 2007, aux questions des journalistes au CAPE et accordé une interview à
Solidarité & Progrès, reprise ensuite sur le site belge, Contreinfo.org et dont je vous propose la lecture. Son contenu retient l’attention.

« Ibrahim Loutou : « nous allons conquérir l’indépendance économique » -

Nouvelle Solidarité : Vous étiez présent à la conférence de presse donnée à Paris, le 1er octobre dernier, par deux ministres nigériens - le ministre de la Communication, M. Mohamed Ben Omar, et celui de la Culture, M. Oumarou Hadary - qui avaient fait le déplacement pour évoquer la nouvelle conception du Niger sur l’utilisation de ses matières premières, ainsi que le cas de Moussa Kaka, le journaliste de RFI arrêté par le gouvernement et soupçonné de collaboration avec les rebelles Touaregs actifs dans le nord de votre pays. Au cours de cette conférence de presse, vous êtes intervenu pour rappeler les points forts de l’histoire de la bataille menée par le Niger pour assumer sa souveraineté sur les vastes richesses minières du pays, et notamment sur l’uranium. Cette bataille l’a opposé directement à la France qui exerce un monopole sur l’exploitation de cette ressource depuis les années 60. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Ibrahim Loutou : Merci, je ne pense pas qu’on puisse parler de la fin de la lutte pour maîtriser nos ressources naturelles, il y a encore beaucoup à faire. Mais le récent accord entre le Président de la République du Niger et Areva a cassé une situation qui était là et marque le début du processus qui va nous amener à mieux contrôler nos matières premières. Malheureusement, à la date d’aujourd’hui, aucun pays africain n’est entièrement maître de ses matières premières. Chaque fois qu’ils ont voulu devenir maîtres de leurs ressources, des moyens ont été mis en œuvre par les puissances économiques et par les sociétés de ces Etats pour les mettre au pas, au besoin par la force. Les cas sont, malheureusement, très nombreux.

NS : Pouvez-vous évoquer pour nos lecteurs les termes et la portée de l’accord que le Niger vient de signer avec Areva ?

IL : L’accord a permis de revaloriser le prix de l’uranium qu’Areva enlève dans le quota du Niger, comme je l’expliquerai en détail plus loin. Jusqu’à présent, les accords signés entre les deux parties étaient des accords sur 3 ou 4 ans, au cours desquels le prix restait fixé à 21 000 francs CFA le kilo, c’est-à-dire une trentaine d’euro le kilo. Mais sur le marché spot le prix évolue ; il va et vient, descend et remonte, et à la date d’aujourd’hui, il est à plus de 150 euros. Donc, à la demande du Niger, il y a eu une correction qui nous a permis de doubler le prix. Au lieu de 21 000 francs CFA on en a obtenu 40 000, et ce, avec un effet rétroactif jusqu’au 1er janvier 2007, alors que l’accord a été fait en juillet 2007. Cela fait déjà une importante somme d’argent versée au Niger, qui sera très utile pour le développement d’un pays dont on connaît la situation. Partout on dit que nous sommes les derniers de la planète du point de vue du PNB. En plus, ces accords sont valables uniquement jusqu’en décembre, date à laquelle ils doivent être renouvelés. Je crois que notre pays s’assurera que les négociations seront conduites de façon à ce que chacun y trouve son compte. Une entreprise n’exploite pas ces produits pour nos beaux yeux, elle veut avoir des revenus et c’est légitime, mais il faut aussi que ceux qui sont là trouvent leur avantage. Une fois épuisée, une mine d’uranium est un trou qu’on va laisser. Comment expliquer à nos petits-enfants qu’il n’y a eu aucun développement autour. Ils vont nous dire que nous avons été bêtes, que nous avons laissé enlever l’uranium sans construire le pays avec cela. Nous attendons donc janvier 2008 pour renégocier l’accord et tout faire pour que notre pays puisse bénéficier davantage. Vous imaginez bien que si Areva a consenti à donner 40 000 francs CFA, c’est que les prix du marché sont beaucoup, beaucoup plus élevés.

NS : On a l’impression que la compétition à laquelle se livrent les puissances internationales sur les marchés des matières premières vous donne à vous, pays exportateurs, une liberté plus grande pour imposer de meilleures conditions.

IL : Oui, jusqu’à maintenant, pour l’exploitation des matières premières, il y avait des chasses gardées que les puissances respectaient entre elles, des territoires qu’on s’accordait mutuellement. Mais depuis peu, tout cela est cassé par l’avènement de la Chine sur la scène mondiale. La Chine vient chercher ses matières premières avec ses gros sabots, brisant tous les équilibres que les Occidentaux avaient créé pour se partager les richesses du monde. Et ceci nous donne un peu plus de souplesse pour trouver des partenaires. Même entre Occidentaux, le modus vivendi d’avant a été dépassé : les Américains et les Canadiens viennent eux aussi chercher les matières premières là où la France avait auparavant l’exclusivité.

NS : Pouvez-vous nous donner un sens de comment l’Afrique est divisée du point de vue des chasses gardées des uns et des autres ?

IL : Chacun agissait dans les pays qu’il avait colonisés, la France en Afrique occidentale française, dans les 8 pays de l’AOF et l’ancienne Afrique équatoriale française. Elle agit aussi un peu en Afrique du Nord, bien que là, elle ne peut pas être aussi puissante qu’elle l’est en Afrique de l’Ouest, étant donné que les Etats-Unis entendent faire le Grand Maghreb ou le Grand Moyen- Orient. Les chasses gardées des Anglais sont des pays comme le Nigeria, ceux de l’Afrique de l’Est, l’Ouganda et le Kenya. Les Américains ont, quant à eux, une autre méthode. Ils choisissent des intérêts précis et s’y mettent lourdement, quelle que soit l’ancienne appartenance de ce pays. Quand à la Chine, elle est partout.

NS : La Chine offre-t-elle de meilleures conditions aux pays africains que les anciennes puissances coloniales ?

IL : Il n’est pas question de meilleures conditions, un capitalisme est un capitalisme. Mais c’est nouveau, ça nous change, ça nous donne la possibilité de choisir.

NS : Ils sont peut-être plus orientés vers les projets physiques ?

IL : Ils ont toujours construit des projets. A Abuja, ils ont construit un stade, au Niger, un Palais des congrès. Mais maintenant, ils s’impliquent dans l’industrie et le commerce, et plus généralement, les secteurs économiques. On ne cherche plus seulement à se faire reconnaître par rapport à Taiwan, pour repousser les nationalistes.

NS : La Chine vous donne donc une plus grande liberté de manœuvre…

IL : Plus de choix surtout. Au début de l’exploitation d’uranium au Niger, dans les années 60, on avait un accord presque d’exclusivité avec la France, l’Espagne et le Japon, mais surtout la France. On nous avait expliqué que l’uranium est un produit stratégique et que la quantité exploitée doit rester secrète. Avec la compagnie qui s’appelait SOMAIR, la France enlevait l’uranium confidentiellement. Nous ne connaissions pas la quantité qui était exploitée, ni le prix, et à la fin de l’année, on nous donnait une somme forfaitaire d’un milliard de francs CFA, qui allait dans le Fonds national d’investissement. En 1974, le président Driori Hamani a tenté de changer cela, mais cela ne lui a pas porté bonheur. Il a été renversé avant d’avoir réussi. Un officier du nouveau gouvernement, qui était ministre des Mines et vice-président du Conseil militaire suprême, a tenté lui aussi de faire valoir que l’uranium était pour nous un produit marchand comme un autre. Il n’est pas radioactif quand nous le vendons. Ce sont des cailloux que nous vendons. C’est après, quand les Européens le traitent, qu’il devient dangereux. &ccdil;a ne lui a pas porté bonheur non plus. Celui qui a repris le flambeau de cette bataille a disparu très vite de la circulation et a même été assassiné. Après, il y a quand même eu une évolution. On n’enlevait plus sans nous dire combien et à quel prix. Une nouvelle politique a été mise au point avec un consortium, pour les actionnaires de la nouvelle société, la COMINAK. Plutôt que de faire comme une compagnie commerciale habituelle, où les dividendes sont partagés entre actionnaires à la fin de l’année, en fonction des bénéfices, le système consistait à enlever l’uranium. A la fin de l’année, chaque actionnaire enlevait une quantité spécifique correspondant au montant de sa participation. Mais le Niger n’avait pas le droit de vendre sa partie. Vous savez que même Bush nous a taxé d’Etat voyou, nous accusant d’avoir vendu du « yellow cake » à Saddam Hussein, ce qui était faux. Nous n’avions pas le droit de vendre notre uranium et c’était la France qui enlevait et commercialisait la part d’uranium correspondant à notre capital. C’est cette quantité - la part du Niger que la France enlève - dont le prix vient d’être revalorisé. Mieux, le Niger a demandé et obtenu de pouvoir vendre une partie de son uranium. Que la France enlève sa part, c’est normal, mais nous devons pouvoir vendre notre part au plus offrant et ça, nous l’avons obtenu et nous pensons que les choses iront mieux.

NS : En 1974, le président Driori Hamani avait essayé de connaître la quantité d’uranium enlevé et à quel prix, et vous avez rapporté que Paris avait immédiatement envoyé au Niger une délégation pour s’occuper de cela…

IL : On avait, en effet, commencé des négociations avec une délégation française conduite par M. Yves Guéna, mais celles-ci n’ont pas abouti. Yves Guéna était reparti en France disant qu’il reviendrait le 16 avril, et le 15 avril, dans la nuit, le président Driori Hamani était renversé par un coup d’Etat. Je ne fais pas de rapprochement, ce sont les faits, c’est l’histoire.

NS : Après, vous avez parlé d’une nouvelle tentative par le vice-président du Conseil militaire suprême.

IL : Cette fois c’est lui qui est venu négocier en France pour que le Niger puisse connaître la quantité qui était enlevée et son prix de vente, et pour savoir si une partie supplémentaire de la vente de l’uranium à son prix réel devait revenir au Niger, au-delà de ce qui avait été accordé au Fonds national d’investissement. On n’a pas été compris, malheureusement. A cette époque, la France avait proposé de doubler la somme d’argent donnée : 2 milliards au lieu d’un. Le commandant n’a pas voulu accepter et la délégation est repartie au Niger. Mais par la suite, il a eu des problèmes politiques. Il a été mis à l’écart, emprisonné et assassiné. C’était en 1975.

NS : Après, vous avez tenté d’obtenir une minorité de blocage de 33 %.

IL : Au moment de la création de la COMINAK, en effet, nous avons demandé à avoir une participation d’au moins 30 % de cette compagnie, et la COGEMA de l’époque nous avait fait savoir quel montant cette quantité d’actions faisait en francs CFA. Nous n’avions pas, évidemment, une telle quantité d’argent, mais nous avions demandé à obtenir cette participation en tant qu’apporteurs de la matière première. En concession nous avons reçu les 16 % que nous contrôlons actuellement à la COMINAK, mais sans obtenir le droit de vendre notre part.

NS : Pouvez-vous nous parler maintenant du journaliste de RFI qui a été arrêté, soupçonné de faire parti de la rébellion touarègue.

IL : Cette affaire est actuellement devant la justice, ce sont les juges qui décideront qui a raison et qui a tort. Le gouvernement dit qu’ils ont capté deux ou trois conversations de Moussa Kaka avec les rebelles, qui établissent qu’il n’est pas seulement correspondant de RFI mais qu’il est agent payé de la rébellion pour faire valoir leur cause. Dans l’une de ces communications il aurait réclamé de l’argent : « Ca fait longtemps que je travaille pour vous et vous n’avez encore rien payé ». Ils lui auraient répondu : « Ne t’inquiète pas, va chez un tel. Ton argent est déjà là-bas ». Dès ce moment, le Niger a considéré qu’il n’était plus un journaliste mais un employé, un ami de la rébellion. Tout cela reste à vérifier avec la justice. J’espère qu’il aura de bons avocats, mais personne ne peut empêcher un pays d’arrêter des gens dans une période de troubles comme celle-ci. Surtout que la région de la guerre s’est déplacée.

NS : Il paraît que cette rébellion s’étend sur toute la zone où il y a des régions minières et pétrolières.

IL : La rébellion sévit au Mali, dans le sud algérien, au Niger, au Tchad, au Soudan. Comme par hasard, ce sont ces régions où les pays occidentaux savent depuis longtemps qu’il y a beaucoup de pétrole et de richesse minières. Avant notre indépendance, la France avait déjà essayé de créer dans cette zone un Etat - l’Organisation commune des régions sahariennes (OCRS). Elle voulait découper le nord du Niger, le nord du Mali et le sud de l’Algérie pour faire un Etat englobant toutes ces richesses. A l’époque, la France faisait ses essais nucléaires à Reggane, en Algérie. Les gisements de Hassi Messaoud avaient été détectés, et ils avaient aussi les gisements d’uranium au Niger. Je ne dis pas qu’il y a un rapprochement entre tout cela et la rébellion aujourd’hui, mais c’est curieux que cela se recoupe pour d’autres raisons. Les Touaregs ne sont pas marginalisés. Les vrais Touaregs sont sédentarisés, instituteurs, ministres. Mais il y a une certaine campagne en Occident pour promouvoir les hommes bleus, les hommes nobles, qui ne sont pas aussi nobles qu’on veut le prétendre. Aujourd’hui la région touarègue est beaucoup plus scolarisée, par exemple, que la région de Maradi. Mais depuis Machiavel, tout cela est de bonne guerre.

NS : Vous aviez mentionné les revendications, un peu étonnantes, du MNJ.

IL : Le discours politique est le même pour tous les partis d’opposition, qui attaquent les insuffisances réelles du gouvernement en matière de scolarisation, de points d’eau, de routes… Puis vous avez toutes sortes de demandes du type « il faut nous donner des généraux de brigades, des colonels dans l’armée, des sous-officiers, des commandants de douanes, des officiers des eaux et forêts - en plein désert ! Mais s’ils n’ont pas été à l’école pour cela, à l’école de guerre ou à l’école militaire, il est impossible d’exercer ces positions. Vous ne pouvez pas venir du jour au lendemain en disant je suis chef de guerre dans le maquis, donc il faut qu’on me donne telle ou telle position.

NS : Avez-vous une idée de qui soutient les Touaregs ?

IL : Non.

NS : Le ministre parlait d’un journal qui soutient systématiquement les Touaregs mais il nous a laissés sur notre faim, sur son identité…

IL : Moi aussi, je vais vous laisser sur votre faim. Ce qui est clair, c’est que personne au Niger, Touarègue ou pas, ne peut soutenir seul une armée dans le désert, avec des armes sophistiquées, des véhicules 4/4. Puis nourrir les hommes, les loger, les payer.

NS : Et vos voisins du Nord ?

IL : C’est trop facile de voir la Libye ou l’Algérie derrière. Ce n’est pas non plus une question de mercenaires en tant que tels. Par exemple, Areva a commandé une douzaine de 4/4 tous neufs, qu’ils ont garés à Arlit. Comme par hasard, les rebelles les ont tous volés. Areva avait aussi donné une avance de plusieurs millions de francs CFA à ses gardes… Les rebelles sont partis avec les véhicules et avec cette avance. Ce n’est peut-être pas voulu, mais là, il y a un petit problème !

NS : Hugo Chavez, le Président du Venezuela, est allé en Algérie où la Russie et la Chine jouent désormais aussi un rôle très important. En Amérique latine aussi, Chavez, Kirchner, Correa, Morales, tous ces chefs d’Etat sont en train de faire comme vous : rétablir leur souveraineté sur leur matières premières, y a-t-il un lien ?

IL : Non, c’est une étape politique. A une époque, nous étions une colonie. On nous faisait faire ce qu’on voulait, on nous envoyait des administrateurs, des commandants qui géraient tout. A un moment donné, on a dit : c’est fini ! Et le droit de chaque peuple à l’autodétermination a été reconnu. Mais après, les économies ont continué à être soumises aux grandes puissances. Souvent, on vient avec des menaces, ou avec la corruption. De grandes compagnies comme Texaco, Exxon, Total, Elf, viennent exploiter les minerais parce que nous ne sommes pas capables de le faire. Jusqu’à aujourd’hui, nous ne savons pas où se trouve l’uranium ! Nous sommes arrivés à un stade où on se dit : ça suffit ! D’accord, vous êtes exploitant de la matière première, mais vous êtes un prestataire, vous n’avez pas la propriété de la matière. C’est une autre étape politique, aujourd’hui on va conquérir l’indépendance économique. L’Amérique latine a été dans le même cas que nous et on se suit. Il faut que l’Occident s’apprête à connaître des jours très difficiles pour ce qui concerne l’enrichissement facile.

NS : Une évolution que nous regardons avec intérêt est le retrait de la plupart des pays sud-américains du Fonds monétaire international et leur tentative de créer une banque, la Banque du Sud, qui utilisera les revenus des matières premières pour lancer de grands projets d’infrastructures utiles à toute la région.

IL : Le FMI, malheureusement, a donné des directives à nos pays pour des politiques qui ont été un échec, une catastrophe. Aujourd’hui on doit lui faire un procès, car c’est catastrophique. Il nous a mis dans des impasses, et si nos pays se trouvent là où ils sont, la responsabilité du Fonds monétaire international est grande. Il faut mettre fin à cette politique du FMI, selon laquelle le paiement des dettes est plus important que les projets, et où les dettes s’étirent à l’infini, nous faisant payer 400 dollars pour un pont qui en a coûté 10…

Christine Pierre »²

Jean Vinatier

Copyright©SERIATIM 2010

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Cartes :

Niger :

http://www.intute.ac.uk/worldguide/html/976_map.html

Touaregs :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Tuareg_area.png

Sources:

1-Anna Bednik :
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/06/BEDNIK/15976

2-
http://www.solidariteetprogres.org/sp_article.php3?id_article=3427&var_recherche=niger
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1375

Sites à consulter:

ASRP (African Security Research Project)
http://concernedafricascholars.org/african-security-research-project/

New Uranium Mining Project :
http://www.wise-uranium.org/upne.html


Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guinée, Guinée, Haïti, Honduras, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Jamaïque, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Malawi, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Niger, Nigeria, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine , République Dominicaine, Russie, Rwanda, Sénégal, Serbie, Singapour, Slovénie, Somalie, Suisse, Thaïlande, Togo, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre–Et-Miquelon), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Yémen

jeudi 18 février 2010

Dubaï : death squads non grata –N°637- 3e année

Le chef de la police de Dubaï, le général Dahi Khalfan, rapporte l’agence de presse israélienne francophone Guysen¹, a tenu des propos sévères suite à l’élimination d’un haut responsable du Hamas, Mahmoud al-Mabhouh par une équipe du Mossad le 20 janvier dernier :
« S'il est avéré que le Mossad est derrière ce crime, ce qui est à présent très vraisemblable, Interpol devrait émettre une notice rouge pour le chef du Mossad car cela en ferait un meurtrier »
L’affaire Mahmoud al-Mabhouh fait des vagues en Israël et en Europe exceptée en France Pourquoi ? 11 des 12 membres du commando du Mossad étaient munis de faux passeports dupliquant ceux de personnes réelles à savoir, notamment, 6 Britanniques (également citoyens israéliens), 3 Irlandais, 1 Allemand et 1 Français. Deux officiers palestiniens seraient impliqués dans cette expédition……
Fait extraordinaire, personne ne s’offusque de l’assassinat (et dans le cas présent de la torture) de personnes d’une façon discrétionnaire et illégale.
Si les gouvernements concernés ont tous protesté de l’innocence de leurs ressortissants, la France garde, comme le souligne justement
l’ancien commissaire Georges Moreas, un silence complet ! Peut-être parce que le chef de ce commando aurait usurpé l’identité d’un de nos compatriotes un certain « Elvinger » ?²
Ce n’est pas la première fois que les services secrets israéliens prennent des identités mais jusqu’à présent, les gouvernements préféraient garder le silence. Cette fois-ci, un Etat arabe passe outre et le scandale éclate.
Le Premier ministre anglais, Gordon Brown³, ne voulant ni déplaire à Tel-Aviv, ni paraître hausser les épaules devant les Anglais, devient acrobate parce qu’il sait les liens très étroits du MI6 avec le Mossad. Soucis qui s’ajoutent à celui pour le gouvernement de Sa Majesté, déjà gêné par les mandats d’amener délivrés par des juges contre des dignitaires israéliens liés à la bataille de Gaza (Plomb durci)
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanhayou, s’efforce d’empêcher la formation d’une commission d’enquête alors que le Shin Bet, l’autre service secret du pays, ne se gêne pas pour dénoncer les agissements du Mossad !
Bref, d’une manière assez spectaculaire et audacieuse un Etat arabe qui entretient des relations commerciales avec Israël, ne veut plus d’escadrons de la mort (death squads) sur son territoire. Rappelons tout de même, que les pays européens ont accepté que la CIA procèdent à des détentions et dans certains cas à des tortures, d’individus sur leur sol…
D’une manière générale, on est écœuré que les Etats Américain Israélien et Européens se moquent éperdument des règles internationales et ne gênent absolument pas pour dénoncer les faux-pas de certains pays…..
Qu’aurait-on dit si le commando avait été d’une autre nationalité ?


Jean Vinatier

Copyright©SERIATIM 2010

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jv3@free.fr

Sources :

1-
http://www.guysen.com/news_Dubai-appelle-a-l-arrestation-du-chef-du-Mossad-si-le-service-est-responsable_264432.html
http://www.haaretz.com/hasen/spages/1150754.html

2-
http://moreas.blog.lemonde.fr/2010/02/18/les-tueurs-de-dubai-pieges-par-les-cameras-de-surveillance/

3-
http://www.guardian.co.uk/world/2010/feb/17/uk-israeli-ambassador-dubai-killing
http://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/death-in-dubai-the-plot-thickens-1902987.html


Internautes : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Arménie, Australie, Biélorussie, Bénin, Bolivie, Bosnie Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Canada, Chili, Chine (+Hongkong & Macao), Chypre, Colombie, Congo-Kinshasa, Corée du Sud, Côte d’Ivoire, Djibouti, EAU, Egypte, Etats-Unis (30 Etats & Puerto Rico), Gabon, Géorgie, Guinée, Guinée, Haïti, Honduras, Inde, Irak, Iran, Islande, Israël, Jamaïque, Kenya, Liban, Libye, Liechtenstein, Macédoine, Madagascar, Malaisie, Malawi, Mali, Maurice, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Monaco, Népal, Niger, Nigeria, Norvège, Nouvelle Zélande, Oman, Ouzbékistan, Palestine, Pakistan, Pérou, Qatar, République Centrafricaine , République Dominicaine, Russie, Rwanda, Sénégal, Serbie, Singapour, Slovénie, Somalie, Suisse, Thaïlande, Togo, Tunisie, Turquie, Union européenne (27 dont France + DOM-TOM & Nouvelle-Calédonie, Polynésie, Saint-Pierre–Et-Miquelon), Ukraine, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Yémen