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vendredi 11 juillet 2008

Nicolas-Germain Léonard : « Au bois de Romainville » N°245 - 1ere année

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » Lamartine ? Et non, il s’agit d’un extrait de l’œuvre poétique de Nicolas-Germain Léonard (1744-1793) né à La Guadeloupe.
Envoyé très tôt en France, il ne tarda pas à s’y faire distinguer par l’Académie de Rouen avant de publier en 1766,
les Idylles morales. Sa La nouvelle Clémentine, roman publié en 1774 révèle l’influence exercée par Rousseau.
Poète mélancolique qui annonce par son style le romantisme dont Sainte-Beuve signala la qualité.
Secrétaire de légation auprès du prince-évêque de Liège (1773-1783), il retourna en Guadeloupe en 1784 dont il fit une narration élégante et récemment éditée par les éditions
Rumeur des Âges en 2007. De 1787 à 1791 il fut lieutenant de la sénéchaussée de Pointe-à-Pitre. Contraint de fuir son île en raison des premières révoltes d’esclaves, il regagna la France puis arriva à Romainville en octobre 1792. C’est pendant ce séjour triste qu’il composa le poème proposé à votre lecture ci-dessous.
Regroupant ses dernières forces, il voulut repartir à la Guadeloupe mais il décéda la veille de son embarquement à Nantes le 26 janvier 1793.Contemporain d’un autre grand poète né à l’île Bourbon (Réunion), Evariste Parny (1753-1814), se fréquentèrent-ils dans les salons parisiens à la fin du règne de Louis XV et au début de celui de Louis XVI?

« Au bois de Romainville

J’ai vu le monde et ses misères :
Je suis las de les parcourir.
C’est dans ces ombres tutélaires,
C’est ici que je veux mourir !

Je graverai sur quelque hêtre :
« Adieu fortune, adieu projets !
Adieu, rocher qui m’a vu naître,
Je renonce à vous pour jamais. »

Que je puisse cacher ma vie
Sous les feuilles d’un arbrisseau,
Comme le frêle vermisseau
Qu’enferme une tige fleurie !

Si l’enfant qui borde un bandeau
Voulait embellir mon asile,
Ô bocage de Romainville !
Couronne de fleurs ton berceau.

Et si, sans bruit et sans escorte,
L’amitié venait sur ses pas
Frapper doucement à ma porte,
Laisse-la voler dans mes bras.
Amours, Plaisirs, troupe céleste,
Ne pourrai-je vous attirer,
Et le dernier bien qui me reste
Est-il la douceur de pleurer ?

Mais, hélas ! le temps qui m’entraîne
Va tout changer autour de moi :
Déjà mon cœur que rien n’enchaîne
Ne sent que tristesse et qu’effroi !…

Ils viendront ces jours de ténèbres
Où la vieillesse aux doigts pesants,
Couvrira de voiles funèbresLes images de mon printemps.
Ce bois même, avec tous ses charmes,
Je dois peut-être l’oublier ;
Et le temps que j’ai beau prier
Me ravira jusqu’à mes larmes. »



©Jean Vinatier 2008

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Sources:


William Moseley Kerby, The Life, Diplomatic Career and Literary Activities of Nicolas Germain Léonard. Paris : Librairie ancienne Édouard Champion, 1925
Lettre sur son voyage aux Antilles, Edition Rumeur des Âges, La Rochelle, 2007
La nouvelle Clémentine ou Lettres d’Henriette de Berville, La Haye, Paris, 1774

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