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mercredi 3 mars 2021

Napoléon Ier, la Commune ou le mai des cendres N°5612 15e année

 

En mai prochain, la France commémorera la mort de Napoléon Ier (5 mai 1821) et la fin de la Commune parisienne (24 mai 1871), deux dates très lourdes où officieront les bicéphales, Emmanuel Macron, Chef d’Etat, Anne Hidalgo, Maire de Paris.

De l’autre côté du Rhin, on n’oublie pas la proclamation de l’empire allemand à Versailles en janvier 1871, la ville de Hambourg restaure à grand frais l’immense statue de Bismarck (34 mètres de haut) tandis que Berlin se prépare à inaugurer la reconstruction du palais-royal des rois de Prusse puis empereurs allemands (Guillaume Ier, Frédéric III, Guillaume II).

Ce petit clin d’œil pour dire qu’en 2021, si la France aura à se pencher sur une période historique complexe (1789-1871) où elle se gardera bien de tout remettre en perspective, l’Allemagne aura infiniment plus d’aise pour se rasseoir dans un fauteuil historique via « la construction européenne » dont elle a su et sait encore parfaitement en diriger les rythmes pour ses avantages, économiques, financiers, géopolitiques et désormais en direction de la sécurité de défense.

Revenons en France qui commence cette année par un exercice de repentance (l’affaire Ali Boumendjel) véritable pelote de laine au déroulé infini qui ne nous rabibochera pas avec l’Algérie et servira, au contraire, à alimenter les discours du parti au pouvoir pour lequel la France est cause des maux. Nous débutons donc cette année par la supplique avec des acteurs politiques les moins à même d’être dans les habits : Emmanuel Macron et Anne Hidalgo pour ne pas les nommer. Donc tout roule….

Que pourra bien dire Emmanuel Macron pour célébrer la mort de Napoléon Ier ? L’Empereur a laissé la France en 1814-1815 dans un état de désolation, a soulevé contre nous tous les peuples d’Europe au point que lors du congrès de Vienne, après les Cent-Jours Napoléon Ier fut placé hors l’humanité car il contrevenait aux valeurs européennes communes d’alors : c’était la première fois qu’un souverain était expédié au milieu de l’Atlantique ! Cerise sur le gâteau, on imposera à la France de rendre les biens culturels pillés…la seconde fois le sera pour l’Allemagne en 1945.

Longtemps l’Empereur est resté positif dans l’imaginaire français grâce aux républicains qui combattirent les Bourbons (Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe Ier) et même, après la chute de Napoléon III où ils détachèrent le neveu de l’oncle pour mieux le rattacher à la Révolution française de 1789 dans sa célébration fédérative de 1790 qui permit alors, à une Troisième République fragile d’installer vers 1880, la Marseillaise, la Fête du 14 juillet, le défilé militaire. C’est peu dire que depuis, nous sommes dans des acrobaties historiques et mémorielles mais que cahin-caha, dans le cadre de la glorification de l’Etat-nation et en dépit des drames des deux guerres mondiales, de la fin de l’empire colonial où Jules Ferry rêvait de « cent millions de républicains », de la construction européenne qui termine notre souveraineté, l’édifice a tenu et tient quoique bien fissuré !

En 2021, quel est l’héritage napoléonien qu’un Chef d’Etat comme Emmanuel Macron, pénétré de repentance, de couple franco-allemand, de frontière ouverte, de non-culture française, pourrait bien faire passer ? Dans notre subconscient, Napoléon est tout autant Austerlitz que Waterloo : une furia francese qui balaya toute l’Europe de Cadix à Moscou ! La République d’après la répression de la Commune, biffa beaucoup la vie intérieure française sous le Ier empire : pas de liberté, presse plus que réduite, un appareil policier et de renseignement immense, un ouvrier assujetti à son usine qu’il ne pouvait quitter sans l’accord de son patron et tenir un livret de mouvement tamponné par la gendarmerie, les campagnes vidées par les conscriptions successives, une économie à bout malgré le Blocus continental. La France de 1814 est une France malheureuse aussi intellectuellement, psychologiquement, spirituellement et la fougue d’un Stendhal ne doit pas faire oublier que ce report de gloire vers l’Empereur n’est motivé que par une détestation de principe aux Bourbons restaurés. L’image impériale s’est construite, elle-même, en opposant deux Bonaparte (Victor Hugo) dans une France bousculée par les changements politiques (empire, royauté, république, empire).

Que pourrait donc célébrer Emmanuel Macron ? Le retour des Cendres a coûté son trône à Louis-Philippe dont le règne fut l’un des plus sanglants : repressions sociales incessantes, des Gilets jaunes de l’époque ! Une idée française de l’Europe ? Dans le film Monsieur N, on voit l’Empereur exilé dire qu’en 1812, une fois la Russie conquise, toute l’Europe aurait eu un seul code, une seule monnaie, un seul gouvernement….Ces dires imaginés résument bien ce qui trottait dans la tête d’un homme et qui pourraient l’être dans la pensée de Macron se rêvant, un jour, Président continental….En fait Napoléon est un conquérant tels Alexandre, Gengis-Khan, Tamerlan, Hitler c’est-à-dire des hommes qui ne cessent jamais d’aller plus loin, la terre conquise ne les retient pas, ce qui les nourrit, c’est la suivante et ainsi de suite. Napoléon, c’est ce sabre surgit d’une France, jeune, nombreuse, riche, sure d’elle-même, fière de sa puissance et de ses idéaux : voilà où puisât la sève impériale. Est-ce la France de 2021 : certes pleine d’argent mais âgée, égrotante, sans cadre frontière, dédaigneuse, de sa langue, de son histoire et prête à la cancel culture, qui aborde les questions migratoires dans un mélange malsain de crainte et de châtiment ?

Et maintenant la Commune de Paris où est en tête de gondole, Anne Hidalgo. Cette Commune de Paris qui dura 40 jours et se termina dans les plus terribles destructions jamais intervenues tout au long de notre histoire : rappelons qu’à l’inverse de Londres en 1666, jamais Paris ne connut de grand incendie.

Pourquoi la Commune à Paris, Lyon, Marseille, Narbonne…etc ?

Après défaite de Sedan et la reddition de Napoléon III, la République est proclamée à Paris le 4 septembre 1870 : une cassure s’opéra entre les nouveaux gouvernants (Jules Simon, Jules Grévy, Adolphe Thiers…etc) et le peuple parisien qui avait été le seul à répondre négativement au dernier plébiscite de Napoléon III en 1870. Une méfiance entre les républicains (en règle générale des notables) et une population, pas forcément ouvrière mais artisanale avec un ou deux/trois ouvriers (comme les canuts) très sensible aux idéaux socialistes (Karl Marx étant peu connu alors : Dix-huit brumaire de 1852) qui terrorisaient les classes supérieures. On l’oublie mais le républicanisme et le socialisme ne furent pas, au départ, des compagnons de route mais des opposants farouches socialement. A cette méfiance, s’ajouteront les élections législatives de janvier 1871 qui amèneront dans une République une assemblée à l’écrasante majorité royaliste (légitimiste, orléaniste) et deux petits groupes républicains et bonapartistes ! Donc à une suspicion sociale se greffera une sorte de Chambre introuvable qui placera frontalement les campagnes contre les villes dont le plus importantes entreront au printemps 1871 en « commune ». A ces éléments abrasifs, quid de la guerre contre la Prusse ? Le gouvernement Thiers de 1871, un exécutif apeuré par l’explosion socialiste tout autant que par les défaites devant les prussiens survenues après Sedan : que faire : ou guerre sociale ou guerre militaire ?

En mars 1871, les parisiens n’ont pas admis les négociations de janvier avec Guillaume Ier et Bismarck, de même le défilé prussien sur les Champs-Elysées et croient, à tort ou à raison, que l’échec de l’offensive par Gambetta et d’Aurelles de Paladines est imputable à un double-jeu versaillais ! Ce sont donc trois causes, militaire, politique, sociale qui se coaguleront brutalement pour donner fin mars 1871, la proclamation de la Commune. Pendant quarante jours, une Commune politique existât sans violence ni spoliation, c’est l’offensive décidée par Thiers, avec l’accord prussien qui délivra nombre de soldats capturés à Sedan, qui précipita les événements avec son cortège de massacres, d’exécutions sommaires, d’incendies, d’arrestations, de déportations par milliers en Nouvelle-Calédonie. A regarder les photos prises après la semaine sanglante, Paris est détruite : des rues entières ne sont que ruines, de même les monuments (Tuileries, palais d’Orsay, palais-royal…etc). Certes des communards boutèrent le feu aux Tuileries mais c’est la République de Jules Ferry qui fit tout pour empêcher sa reconstruction de même que celle de Saint-Cloud. Les différentes communes de villes métropolitaines (Lyon, Marseille, Narbonne) se terminèrent rapidement. Mais pour les Versaillais le danger socialiste était conjuré.

La Commune de Paris se relie à la Révolution de 1789, celle du petit peuple artisan, plus tard sans-culotte, souvent  des petits entrepreneurs pas toujours modestes, entré sur la scène insurrectionnelle les 13-14 juillet à l’appel de l’assemblée sise à Versailles inquiète du renvoi de Necker le 11 juillet. Cette soudaine émergence bouleversera la première donne révolutionnaire en élargissant le champ politique et en affaiblissant une assemblée déjà très en peine d’assurer un ordre neuf à celui de « l’ancien régime ». Le massacre de juillet 1791, les réactions thermidoriennes (Directoire 1795-1799) dont pâtirent le plus souvent les couches populaires ne seront pas oubliées. Leurs descendants virent en 1830 et 1848 les révolutions confisquées dans le sang ainsi en juin 1848. Le peuple de Paris ne réagit pas au coup d’Etat du 2 décembre par indifférence à une Seconde République à la gâchette facile mais, sans adhérer à Napoléon III.

Que pourra dire Anne Hidalgo ? La mairie de Paris annonce une série d’événements à la gloire de ce moment historique sans paraitre en mesurer les portées : on est d’abord dans la communication festive (comme en 1871, brulera-t-on l’Hôtel de Ville ?) version bobo. L’opposition municipale s’insurge quand la coalition autour de la maire diverge également sur ce qu’il conviendrait de faire ou pas. En toute honnêteté, Anne Hidalgo n’a, en réalité, rien à dire car elle-même est une édile bourgeoise d’une ville vidée des couches les moins aisées, ne cesse de rêver à Paris reliée à Londres, New-York aux antipodes des vues patriotiques des communards de 1871 où en plus, les anarchistes étaient actifs…et nec plus ultra, cette même municipalité de « gauche » ne cachait pas son mépris envers les Gilets jaunes. Dure, dure la Commune à célébrer ! Heureusement, Anne Hidalgo pourra in fine propager Le temps des cerises de Clément et Renard avec des chœurs bobos labellisés LGBTS, non genrés, végan, en trottinette.

En mai prochain, le mois commémoratif aura bien du mal à être autre chose que mou et plein de poncifs dans une France atone où à Paris avec quelques sous s’organise pour Manu Bouche d’Or un bain de foule dans le XVIIIe arrondissement ! Un mai bien cendré à travers ces deux dates historiques, deux drames car Napoléon l’a été de même que la Commune. La France n’est toujours pas remise de 1789, on n’est toujours pas à l’aise avec notre Histoire, pourtant si féconde, si originale : de tout temps, la France se voit, se vit en hommes libres.

 

In Seriatim :

14 janvier 2021 :

http://www.seriatim.fr/2021/01/hidalgo-macron-ou-les-bicephales-n5080.html

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

Jean Vinatier

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