L’élimination du chef de l’État islamique au Grand Sahara, Adnan Abou Walid al Sahraoui, qui a déjà son successeur, est un succès qui n’efface pas la déconvenue française en Australie. Sydney a annulé la commande pour un montant de 56 milliards d’euros de sous-marins français. L’axe indopacifique, initié historiquement par les Japonais, que les États-Unis promeuvent indique clairement que sur le plan militaire, l’union anglo-américaine prévaut sur tout.
La France savait son succès fragile, le royaume australien étant lié militairement aux États-Unis, le Royaume-Uni veillant simplement à ce que ce continent ne rompit pas son appartenance au Commonwealth. Une fois de plus, il est montré que Washington fait ce que son intérêt lui commande (comme en Afghanistan).
La France seule face à Londres et Washington qui enserrent Sydney, ne pesait pas lourd. Avec l’Union européenne, en aurait-il été autrement ?
Sur le papier a joué cette absence de l’Union européenne derrière la France pour négocier le contrat sous-marin. La présidente de la Commission de l'Union européenne, Ursula Von der Leyen, n’appelait-t-elle pas, ce 15 septembre, à renforcer l'autonomie économique, industrielle mais aussi militaire de l'Union ? La fameuse "Union de la défense" sur fond de désunion interne !
Il faudrait que l’Union européenne devînt réellement une puissance politique, détachée de l’OTAN : en un mot, souveraine ! L’on sait bien qu’Emmanuel Macron qui présidera l’Union à partir du 1er janvier 2022, fera de l’Europe puissance son crédo pour ébahir son électorat que l’Union fera mine ne de pas contester jusqu’au second tour de l’élection présidentielle française. Le fait est que nous sommes à des années lumières de toute défense européenne et par conséquent de toute vision géopolitique et géostratégique. Cette apathie se voit dans la mise en œuvre de l’axe indopacifique où la France, par ses présences, notamment, militaires, depuis l’Afrique d’abord continentale puis de Mayotte à Tahiti, est de facto embarquée.
Pour l’heure, le Royaume-Uni, débarrassé du carcan européen, reconsidère le Commonwealth, se place sans problème sous l’aigle américain dont les yeux sont très souvent britanniques : Londres, tout en se défaisant de l’Empire, a veillé à garder, à la fois suffisamment de réseaux, à ne jamais cesser d’envisager le futur, à avoir sur le « cousin américain » un temps historique plus étendu et mieux appréhendé.
Joe Biden profite de l’accord intervenu avec l’Australie pour réactiver le Quad (Japon, Inde, Royaume-Uni, USA) face à la Chine devenue la puissance négative, après avoir été tant d’années l’atelier du monde pour le plus grand profit de financiers dont les américains. Le départ précipité de Kaboul de l’armée américaine sans consultation aucune de ses alliés n’empêcha pas tous les poncifs au moment de la commémoration des tragédies du 11 septembre et surtout, les adhésions à l’idéal de puissance depuis Washington ! Avec de tels partenaires aussi rampants, pourquoi voudrait-on que les États-Unis s’embarrassent de prévenance envers une Europe qui ne semble plus ni les inquiéter, ni effrayer les Chinois, l’Allemagne de la chancelière Merkel ayant rempli toutes les cases pour cela !
Cependant, la mise sur orbite de l’axe indopacifique sert aussi les intérêts japonais qui le voient comme une opportunité remarquable pour regagner des influences. Si en Europe le nazisme a tétanisé et généré la culpabilité permanente, en Asie, les atrocités japonaises se dissolvent apparemment dans le temps et ne gênent donc pas l’empire du Soleil levant dans ses ambitions. L’Inde, secoué par l’été afghan, ne parait pas disputer le leadership aux Américains face à la Chine. Mais, elle se montre prudente et ne s’éloigne pas trop de son partenaire russe. L’Inde est membre du Quad mais, je le pense, un membre oscillant.
Au-delà du Quad et de la Chine, se trouve l’Asie, un continent qui saisit bien qu’il est désormais le centre mondial et qui n’entend pas se livrer à des conflits internes sanglants pour le contentement d’une tierce puissance.
La France a démarché l’Australie car elle regardait justement cette occasion comme une manière d’être incontournable dans cet espace Pacifique trop longtemps délaissé comme on le voit en Nouvelle-Calédonie. Cette intrusion manquée éclaire notre solitude, notre faiblesse. La France a sciemment déléguée sa souveraineté, à une Union sans puissance, à l’OTAN où nous n’avons aucune manette. Notre pays mesure chaque jour qu’au Sahel sa situation effritée, poreuse, la disparition d’un chef islamiste n’étant qu’un grain de sable en moins dans un désert.
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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