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samedi 11 septembre 2021

Du 11 septembre 2001 à Kaboul 2021 : l’homme tombé N°5707 15e année

 L’évacuation précipitée par les forces américaines de Kaboul termine-t-elle la période du terrorisme ou bien inaugure-t-elle quelque chose d’autre ?

Certains verront dans les événements du 15 août un clin d’œil pas innocent avec la commémoration du 11 septembre 2001, d’autres pas. Les réseaux terroristes sont comme les services secrets, dans des terrains que nous ne connaissons pas, que nous subodorons seulement. On voit surgir une foule, de vidéos, d’écrits sur les interprétations à avoir autour du 11 septembre, quel est l’intérêt d’y ajouter le sien forcément noyé dans le flot ininterrompu ? Il en ira du 11 septembre comme du trésor des templiers, des morts, de Jeanne d’Arc et du petit Louis XVII et de l’errance d’Anastasia. C’est justement parce que le terrorisme islamiste (selon nous) véhicule, ses organisations, ses noms effacés dés l’élimination lors d’une OPEX, ses actions soudaines apparemment décousues que l’homme, déjà naturellement porté, à raconter des histoires, des récits allant jusqu’au mythe, s’y engouffre.  Depuis l’homme préhistorique, autour du feu, au retour d’une chasse, les humains parlent, vrai ou faux, pas d’importance, l’essentiel est dans le conte, alors, la chasse, plus tard l’ennemi tribal…et ainsi de suite. Nos réseaux actuels amplifient le naturel de l’homme : dire pour ne rien dire, dire pour dire pour que voyage le dire.

Certainement, est-il plus intéressant de regarder ce qu’a été la marche du monde entre 2001 et 2021 tout simplement parce que nous le voyons et le ressentons dans notre quotidien. Avons-nous l’impression de mieux respirer aujourd’hui qu’hier ? Ne visualisons-nous pas davantage qu’il y a vingt ans, une chape de plomb s’étendre au-dessus de nos têtes ? La dégradation climatique n’a pas ralenti, toutes les questions fondamentales restent en suspens. Les présents modèles, économiques, financiers sont aux antipodes ce qu’il serait nécessaire d’anticiper. La seule chose qui a progressé, c’est l’avidité, l’appétence pour les profits et les multiplications des marchés même s’ils contreviennent à des idées morales, même si les sommes atteignent des sommets. On est baba devant Black rock qui gère 9 trilliards de dollars d’actifs dont son fondateur Larry Fink assure qu’ils ne risquent rien……tant que les banques centrales abondent les « financiers, banquiers », les gouvernements pour étouffer les crises sociales (France), tant que tout le monde joue le jeu : c’est très fragile avec des bourses plus factices qu’autrefois qui vivaient, alors avec les réalités industrielles et économiques. En 2021, c’est du hors-sol total.. C’est du Icare à la merci d’un rayon solaire !

 

L’entrée sur scène du terrorisme islamiste commence après la chute du Shah, en janvier 1979, C’est le moment où le néo-conservatisme se déploie. Peu perceptible car il se fondit d’abord, avec les autres actions terroristes des années 60-80 (bande à Baader, Brigades rouges…etc) qui furent très violentes et sanglantes mais sans impact global. Le 11 septembre 2001 au matin parce que les avions piratés entraient dans les Twin towers à New-York, la ville la plus citée et la plus commentée au monde, leurs images étaient de facto globales. New-York étant un monde, son atteinte, était aussi celle de la planète et devait l’être. Il fallait saisir le monde d’effroi pour mieux le circonvenir, le tenir, le paramétrer. Le terrorisme de ce septembre 2001 nous précipitait vers le monde plus clos : plus de distances lointaines, plus de terres inconnues, plus d’espaces insaisissables.

 

Le « fallen man » (clin d’œil au polar de Tony Hillerman paru en 1996) cet inconnu happé par le vide est aujourd’hui à la une des médias et des réseaux. De l’effondrement sur elles-mêmes des tours new-yorkaises ne reste donc qu’un corps seul descendant.

Mais de quel corps chu parle-t-on ? Chute d’une puissance, chute de l’homme libre ? Il y a un peu des deux. Les États-Unis même contrariés ont encore la maitrise narrative du monde avec les moyens (financiers, monétaires, militaires, technologiques) inhérents, ils ne chutent donc pas, ils changent de fusil d’épaule. C’est sans doute là l’illusion afghane. Sans revenir sur mes propos quant à cet événement du 15 août, je n’oublie pas que cette puissance garde par devers-elle les forces de contraindre. Ce constat n’empêche pas de relever que sa toute puissance (l’hyperpuissance chère à Hubert Védrine) est aussi sa faille : quoi de plus lourd fardeau que la charge du monde : Atlas n’a-t-il pas été contraint à porter le monde ? Un moment arrivera où cette puissance s’affaissera sur elle-même concomitamment, peut-être avec la Chine. On ne mesure pas, soit par incapacité, soit par aveuglement, que le monde clos sans terres neuves ou planètes est étouffant tant pour l’hyperpuissance que pour les autres concurrentes.

L’homme tombé de 2001 écrasé au sol, est assez prémonitoire de ce que nous faisons tous inconsciemment. Chacun d’entre nous tombe et de haut car les idéaux de liberté sont ravalés à des étages inférieurs et présentés non plus comme une totalité mais comme un choix : liberté ou sécurité et santé (contre le terrorisme contre la pandémie actuelle). Le curseur se meut finement, jouant sur les cordes humaines qui nous sensibilisent naturellement pour nous amener à la prise en charge de chacun de nos gestes, de nos envies. La fin de l’anonymat, liberté par excellence, rend les hommes anonymes en ce sens qu’ils sont ramassés, entassés, atomisés séparés de leurs racines historiques. Karl Marx évoquait le danger du « bourgeois flottant », au début du XXIe siècle , nous avons les hommes nomades dont la masse ne cessera pas de croitre en raison des process climatiques en marche.

Le terrorisme islamiste qui s’appuie, une bonne part sur le postulat que son existence et son développement seraient les signes avant-coureurs d’une unité musulmane emportant le monde (sauf les USA) est assez suspect, sans pour autant nier le problème qu’il pose intrinsèquement. Historiquement les divisions inter-arabes plaident pour relativiser ce danger (lire De l’autre côté des croisades, l’islam entre croisés et mongols de Gabriel Martinez-Gros). Ce sont plus les migrations massives qui ont le potentiel explosif principal.

Le terrorisme est au cœur de nos sociétés. S’ouvre à Paris le procès des auteurs des attentats contre le Bataclan en novembre 2013 où les émotions naturelles et inévitables risquent ne nous masquer le panorama tandis que sourdement l’État continuera sa marche vers davantage de mise en tutelle des citoyens.

Du 11 septembre 2001 à l’été 2021, une vingtaine d’années où se mélangent dans un pot-pourri assez tragique donc dramatique, la géopolitique et le contrôle social, s’appuyant comme relais pervers sur des peurs légitimes (peur de la bombe, du coup de machette, peur du virus…etc.) Le « fallen man » de 2001 a mis vingt ans pour s’écraser, s’aplatir au point, que désormais, le passeport est obligatoire pour prendre un café….Si seulement cette chute trouvait sa résonance, si ce fracas trouvait des échos. Le terrorisme a d’une certaine manière emporté une bataille de vingt ans, la guerre n’est, cependant pas terminée….

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

 

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