« L’État-providence est aujourd’hui en recul, à tel point qu’il paraît difficile de maintenir l’idée que nos sociétés se différencient par leur système de protection sociale. Une autre typologie, fondée sur la nature des liens sociaux, semble plus adaptée.
Depuis la parution en 1990 de l’ouvrage de Gøsta Esping-Andersen The Three Worlds of Welfare Capitalism, les chercheurs en sciences sociales investis dans les comparaisons internationales sont nombreux à reprendre la typologie qui y est proposée en y apportant parfois quelques correctifs en fonction des objectifs qu’ils visent et des pays qu’ils prennent en considération. Son intérêt est de permettre la comparaison de la structuration des sociétés modernes à partir de leurs modes spécifiques de régulation sociale.
Cette typologie porte sur les systèmes de protection sociale. Le principe de « démarchandisation » (decommodification) est au cœur de la notion de welfare state. Esping-Andersen, à la suite de nombreux travaux sur la relation entre classes sociales et citoyenneté, retient que les sociétés occidentales, notamment après la Seconde Guerre mondiale, ont toutes cherché à offrir aux individus une plus grande sécurité face aux aléas de la vie et au risque de pauvreté. Il s’agissait de faire des individus autre chose qu’une marchandise échangeable et de définir pour chacun d’entre eux des droits économiques et sociaux, que d’aucuns ont pu définir comme l’équivalent d’une « propriété sociale ».
Mais ce processus de « démarchandisation » n’a pas été conduit de la même manière dans tous les pays du monde occidental, ce qui a conduit à distinguer plusieurs régimes de welfare. Des critiques lui ont toutefois été adressées et des doutes sont régulièrement émis sur la pertinence de cette typologie à rendre compte, à elle seule, des différences structurelles entre les sociétés modernes.
Je propose dans ce texte de revenir sur cette typologie et sur les principales critiques dont elle a fait l’objet depuis les années 1990. Il s’agira ensuite de partir d’une conception plus large des solidarités humaines en ne se limitant pas au système de protection sociale. C’est dans ce sens que je propose d’élaborer une typologie des régimes d’attachement social au sens de la pluralité et de l’entrecroisement de plusieurs types de liens sociaux.
Il s’agit donc d’adopter une autre perspective théorique pour comparer les sociétés modernes. Je tenterai ensuite de vérifier ce qui distingue empiriquement ces deux typologies.
Le système de protection sociale au cœur de la typologie d’Esping-Andersen »
La suite ci-dessous :
https://laviedesidees.fr/La-structuration-des-societes-modernes
Jean Vinatier
Seriatim 2023
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