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mercredi 25 janvier 2023

L’Amérique latine face à la guerre russo-ukrainienne par Kevin Parthenay N°5615 17e année

 

L’auteur pour Laviedesidées : « Kevin PARTHENAY est Professeur agrégé de science politique, enseignant-chercheur à l’Université de Tours, membre junior de l’Institut Universitaire de France (2022-2027) et chercheur à l’Observatoire Politique de l’Amérique Latine et des Caraïbes de Sciences Po (OPALC). Il travaille sur les relations internationales en Amérique latine et le régionalisme comparé. Il a publié Crises en Amérique latine. Les démocraties déracinées (2020) et A Political Sociology of Regionalisms (2019), ainsi que de nombreux articles académiques. »

 

« La guerre russo-ukrainienne remet en question la place de l’Amérique latine dans le jeu des nations. Les réactions sont loin d’y être unanimes, et entament l’unité du sous-continent, déjà fragilisé par des crises multiples.

L’invasion russe en Ukraine a provoqué un profond bouleversement international, ainsi qu’un réagencement des positions diplomatiques et stratégiques pour de nombreux États de la planète. L’Amérique latine n’est pas en marge de cette dynamique. Les positions des États du continent ont fait l’objet de profondes réflexions, questionnements, et parfois de virulentes critiques, notamment en raison d’une bienveillance à l’égard de la Russie. Bien que l’Amérique latine soit souvent reléguée à une position périphérique dans le jeu international, cette guerre fait pour autant écho à un certain nombre de principes et normes internationales pour lesquels les États latino-américains ont été historiquement des contributeurs de premier plan : le non-usage de la force, la non-intervention, l’interdiction des menaces nucléaires. La guerre russo-ukrainienne ouvre donc des questionnements fondamentaux sur la place qu’occupe l’Amérique latine dans le jeu des nations et la compétition pour le pouvoir global.

Cette interrogation est d’autant plus centrale que l’Amérique latine a, dans la période récente, vu son rôle et sa place sur la scène internationale mise en question, en conséquence d’instabilités politiques répétées. D’un côté, certains ont théorisé l’insignifiance (ou irrevelancia) de l’Amérique latine (Malamud et Schenoni 2021). En des termes plus nuancés, l’ex-diplomate chilien, Jorge Heine, a évoqué plutôt un risque de glissement de la « périphérisation » à la « marginalité internationale » (Heine 2021). Quels que soient les termes employés, ces diagnostics sont reliés à une conception classique de l’Amérique latine comme occupant une place secondaire dans les affaires internationales. Cette conception d’une position périphérique a été renouvelée pendant la crise sanitaire, les États de la région ayant été contraints de s’approvisionner à l’étranger pour obtenir des vaccins, des appareils médicaux, plaçant le continent au cœur d’une diplomatie sanitaire orchestrée par des puissances extérieures (Parthenay 2022 ; Malacalza et Fagaburu 2022). D’un autre côté, on pourra constater que les échanges avec la Chine ont augmenté de manière spectaculaire dans les dernières années, que les États-Unis ont affiché lors du dernier Sommet des Amériques (juin 2022) la volonté de renouer les liens avec le continent, que la Russie y a ou avait trouvé (avant l’invasion) une sorte de « refuge diplomatico-stratégique », et que l’Union européenne (UE) sous présidence espagnole se prépare à faire des relations avec l’Amérique latine une priorité. Dans un contexte ambigu qui voit le continent latino-américain être placé à la périphérie, mais dans le même temps être de plus en plus courtisé, la guerre russo-ukrainienne a indéniablement contribué à rebattre les cartes diplomatiques.

Si, par le passé, la convergence des positions diplomatiques latino-américaines a permis au continent de peser dans les affaires internationales (et notamment via l’élaboration des principes généraux du droit international), il apparaît aujourd’hui que ces mêmes États n’avancent plus aussi unis. En effet, les prises de position vis-à-vis de l’invasion russe en Ukraine ne sont pas homogènes et, ce, dès 2014 lors de l’annexion de la Crimée. Dans cette première séquence, la résolution n°68/262 de l’Assemblée Générale des Nations Unies (AGNU), du 27 mars 2014, a vu une dispersion des votes entre les États latino-américains. Si la Colombie, le Costa Rica, le Mexique et le Pérou avaient voté en faveur d’une condamnation de la Russie, l’Argentine, le Brésil, l’Équateur s’étaient abstenus. La Bolivie, Cuba, le Nicaragua et le Venezuela avaient quant à eux rejeté la résolution, en conformité avec leur très grande proximité vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine et d’une stratégie d’opposition ou de contestation systématique du multilatéralisme. Les votes de cette résolution ont largement préfiguré les divergences contemporaines observées après le début de la guerre en Ukraine.

Crises politiques et redistribution des cartes »

La suite ci-dessous :

https://laviedesidees.fr/L-Amerique-latine-face-a-la-guerre-russo-ukrainienne.html

Jean Vinatier

Seriatim 2023

 

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