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jeudi 28 avril 2011

André Bellon : Sacré 21 avril, vive le 29 mai ! N°920 4e année


Ci-dessous ou en lien, le dernier éditorial d’André Bellon

" Attention au 21 avril ! Ne recommençons pas le 21 avril ! À l’endroit, à l’envers. De toutes parts, s’élèvent, sondages « neutres » à l’appui, des appels contre le risque de la présence du Front National au deuxième tour de l’élection présidentielle.
Cette crainte légitime aboutit à des perversions. En focalisant les appels sur la présence éventuelle du FN au second tour, on fait de celui-ci le centre des débats. On masque les causes de la situation politique, on tente d’imposer des candidats, on traite par des manœuvres une crise politique de fond, on feint d’oublier que ce n’est pas le Front qui monte, mais les « principaux » partis qui baissent.
L’obsession du 21 avril est en fait un appel à voter dès le premier tour pour le PS et l’UMP. Tous les autres candidats seraient des diviseurs porteurs du risque majeur. Ainsi, il n’y a plus à juger de la qualité des programmes et des candidats des deux partis officiellement sélectionnés. Leur rôle serait, au delà de toute autre considération, de faire barrage au FN. Tel est le discours tenu depuis le 21 avril 2002.
Les responsables politiques n’ont surtout pas voulu faire une analyse sérieuse de l’évènement : la campagne de Lionel Jospin était mauvaise ; celle de Jacques Chirac aussi d’ailleurs ; les deux principaux partis ne répondaient pas aux aspirations des citoyens. Peu importe ! Au lieu de regarder ces réalités en face, on a montré du doigt les autres candidats en les accusant de disperser les votes, ce qui est, après tout, normal en démocratie.
Le risque d’extrême droite permet, par ailleurs, de culpabiliser les électeurs. C’est leur faute, ils se laissent aller à des facilités, ils ne vont pas voter. Ainsi, on assiste à cette inversion extraordinaire de la démocratie : les élus jugent les électeurs alors que ce sont eux qui doivent être jugés. Et voila, de ci de là, de Villepin à Fabius, l’appel au vote obligatoire au nom d’une conquête du droit de vote qui, historiquement, s’est souvent faite contre les intérêts qu’ils représentent.
Ainsi, on cherche à enfermer les citoyens dans le choix : être ou ne pas être pour le FN. Bien sûr, on amuse la galerie avec des gesticulations sans intérêt. Certains veulent organiser à gauche des primaires dont tout indique qu’elles seront favorables au PS. D’autres, à droite, tel Juppé, déversent un enthousiasme sans bornes pour le sortant Sarkozy, histoire de verrouiller tout débat. Cerise sur le gâteau, on imagine même de faire débattre a priori les citoyens sur le programme et les qualités du candidat qui, les institutions étant ce qu’elles sont, n’en aura rien à faire. Voila le merveilleux sophisme de la moderne démocratie : pour éviter le FN, votez pour PS et UMP sans vous préoccupez de ce qu’ils vont faire. Le FN est donc utilisé pour valoriser le bipartisme. Et même un bipartisme aseptisé puisque les politiques sont en fait assez proches.
Mais il permet aussi de ne plus se poser la question des institutions. Car, après tout, si le risque du FN au second tour existe, c’est aussi parce que les modalités de l’élection présidentielle le permettent. Pourquoi deux candidats seulement au deuxième tour ? Pourquoi cette élection qui structure toute la vie politique ? Pourquoi Lionel Jospin a-t-il inversé le calendrier électoral en 2002, rendant ainsi les législatives dépendantes de la présidentielle (le calendrier antérieur aurait-il donné les mêmes résultats) ? Mais les deux principaux partis se gardent bien d’évoquer ces questions. Cette élection est leur fond de commerce en dépit du brigand qui tente d’y participer.
Le vrai problème n’est jamais posé. Les Français aspirent à un renouvellement de la vie publique, à la possibilité de voir exprimées leurs aspirations par un jeu démocratique nouveau. C’est pourquoi une Assemblée Constituante élue au suffrage universel est nécessaire. Si tant de citoyens ne votent plus, ce n’est pas par désintérêt, c’est en effet parce que le système ne leur semble pas capable de les représenter. C’est aussi parce qu’on ne tient pas compte de leur volonté quand, par hasard, ils ont pu l’exprimer comme lors du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen.
De ce point de vue, il serait sans doute nécessaire de parler moins du 21 avril 2002 et un peu plus du 29 mai 2005. "

Jean Vinatier

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