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mercredi 16 novembre 2022

Kherson: mid-terms géopolitiques? N°5909 16e année

 L’incident du missile est typique de l’allumette qui pourrait enflammer la scène quelques jours après l’évacuation de Kherson et l’échec de Donald Trump aux mid-terms. Deux événements qui ont leur part respective de mystère.

Pour Kherson, ou bien l’armée russe est au bord de l’effondrement ou bien Moscou affiche un gage de bonne volonté pour des négociations sous l’égide de la Turquie ce qui place à nouveau cette puissance au carrefour géopolitique quand l’Union européenne est mise sur le côté avec en sus ce petit écho venu du sommet de l’ASEAN présidé par le chef d’État indonésien Joko Widodo qui a rappelé que l’Asie ne devait pas être un champ de confrontation mais de stabilité. Ainsi dans ce conflit entre Russie et Ukraine, est-ce l’Asie qui se place à la première loge ne voulant pas que les euro-américains croient faisable une répétition du XIXe siècle où l’aire atlantique forçait l’ouverture des ports…Une Asie où l’Iran bouillonne, s’insurge, tente de s’extirper d’un carcan théocratique et où il ne faudrait pas, en cas de renversement politique, que les États-Unis s’y redéploient mettant alors à mal cette quête asiatique pour l’équilibre et l’autonomie. L’Iran basculant, l’effet domino serait redoutable.

Le champ de bataille en Ukraine est limité celui de sa signification est eurasienne. Et c’est bien là le hic pour les États-Unis qui viennent de connaître des mid-terms énigmatiques. La défaite de Donald Trump n’est pas non plus la victoire de Joe Biden, c’est, je le pense, la consolidation frontale des oppositions qui ne pourront aller que de mal en pis. Dans le monde clos ou fini où nous sommes et où nous sommes amenés à rester faute d’une planète exutoire et de la technologie adéquate, l’idée même de l’hyperpuissance ou de la prépotence devient de plus en plus un handicap. Jusqu’alors l’extension extérieure se justifiait par l’inconnu ou bien aussi par la nécessité de posséder tel ou tel point géographique pour assurer sa force ; mais, aujourd’hui dans le monde fermé où les distances ne sont plus, la nation la plus puissante ne noie dans le brouhaha et ne peut qu’exacerber autrui. Or, les États-Unis, depuis la destinée manifeste surgie vers 1845 dans le moment où la défaite mexicaine offrait une expansion territoriale, en réalité, envisagée dès la guerre de 1776, les partis politiques américains, après le moment sécessionniste (1861-1865), se sont retrouvés autour de l’America first qui fut un assaut vers le monde et d’abord vers l’Europe qui par ses empires coloniaux formait un barrage nocif. Une fois évanoui l’empire européen, s’étalèrent les États-Unis dont l’apothéose sera la disparition de l’URSS en décembre 1991. Cette fin de l’histoire chère à Fukuyama se comprenait comme la juste révélation messianique américaine. Mais c’est l’après qui pose un problème. Certes, comme la bien écrit, Pierre Conesa, la fabrique de l’ennemi quand on possède le langage et la narration, est une grande aisance à ceci près que cette mise en scène du « mauvais » n’est possible qu’à une petite échelle.

Ce qui se produit sous nos yeux en Ukraine est assez révélateur à la fois de la continuité du scénario et des obstacles qui en empêcheront demain la répétition ou si elle se fait, elle sera d’un coût de plus en plus lourd pour le producteur/réalisateur.

L’entrée en scène de l’Asie en qualité de continent, d’aire géographique où des pays bien immenses (Russie, Chine, Indonésie, Inde, Turquie (plus les pays turcophones)…..etc.) sont les moteurs sans lesquels le monde ne fonctionnerait plus, bouleverse le monde clôt. Dans le resserrement du monde que nous commençons à arpenter, cette masse sera très difficile à manœuvrer, la diviser sera hors de prix, y entretenir des rivalités un jeu dangereux.

Kherson est à sa manière un point mid-term géopolitique conflictuel, de même que les élections américaines à mi-mandat. Deux mid-terms apparemment absorbés par un monde liquide et interdépendant qui font fi, par exemple, de plaques tectoniques: climatique, migratoire, démographique.

Jean Vinatier

Seriatim 2022

 

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