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jeudi 17 novembre 2022

Russie : le géant empêtré par Anne de Tinguy N°5910 16e année

 

« Dans ce passionnant entretien, A. de Tinguy donne à la fois de la profondeur et des clés pour saisir les causes de l’impasse dans laquelle la Russie de V. Poutine s’est mise. Alors que l’armée ukrainienne vient de reprendre Kherson, ce propos résonne encore plus fort. Anne de Tinguy répond aux questions de Pierre Verluise pour Diploweb.

Anne de Tinguy vient de publier un livre recommandé par le Diploweb : « Le géant empêtré. La Russie et le monde de la fin de l’URSS à l’invasion de l’Ukraine », éd. Perrin”

« Pierre Verluise (P. V.) : Pourquoi ce qu’on appelait la « superpuissance soviétique » est-elle devenue progressivement à partir des années 1970 un système à bout de souffle, dans une impasse, incarnation d’une forme d’illusion de la puissance ?

Anne de Tinguy (A. de T. ) : Le rapport de l’URSS à la puissance, qui est au centre de mon ouvrage, est une question d’autant plus importante qu’elle se pose à nouveau aujourd’hui dans des termes qui sont à certains égards comparables à ceux qui prévalaient à la fin du régime soviétique.

La politique de puissance menée par l’Union soviétique a fini par donner le résultat inverse de celui qui était recherché (...)

Pendant des décennies, dans un monde qui était bipolaire, l’URSS a été communément désignée comme l’un des deux Grands. Sa capacité à se hisser au rang de grande puissance et à être considérée comme telle, à exercer une attraction à l’étranger et à peser sur les événements un peu partout dans le monde a été un temps très réelle. Elle a découlé des formidables atouts que détenait l’URSS : son idéologie et les nombreux réseaux qu’elle avait mis en place dans le monde, un immense territoire, de formidables richesses en matières premières, une population nombreuse et bien formée, etc. Elle découlait aussi de la stratégie qui avait été définie par le Kremlin : la construction d’un statut de 2ème Grand – l’URSS apparaissait comme le leader d’un des deux grands systèmes socio-politiques du monde - et d’un outil militaire qui a été l’instrument privilégié qu’elle a utilisé pour projeter sa puissance vers l’extérieur.

Mais la politique de puissance menée par l’Union soviétique a fini par donner le résultat inverse de celui qui était recherché : au fil du temps, son statut s’est étiolé et dans de multiples domaines les difficultés se sont accumulées. L’URSS s’est auto-détruite. Elle s’est effondrée parce que le projet fondateur qui sous-tendait le système socio-politique qu’elle avait construit s’est révélé n’être qu’un leurre. Cet événement est intervenu le jour où des réformes qui ont touché aux fondements du système ont été entreprises et où la société s’est détournée de ce régime auquel elle n’accordait plus aucun crédit. L’URSS prétendait aller dans le sens de l’Histoire et annonçait un monde meilleur. La réalité fut tout autre. Progressivement, l’élan idéologique s’est affaibli et le fossé s’est creusé entre les promesses et la réalité, les premières étant sans cesse contredites par la seconde. A l’extérieur, le bilan n’était guère plus convaincant. Le bilan apparemment positif était là aussi entamé par de sérieux revers et par des difficultés structurelles. L’URSS était une puissance militaire et c’est en tant que telle qu’elle s’est imposée sur la scène internationale. C’est grâce à ses progrès dans le domaine stratégique qu’elle a réussi à se faire reconnaître comme l’égale des Etats-Unis. Et la plupart des amitiés qu’elle a nouées dans le tiers monde, cimentées par un commun « anti-impérialisme », l’ont été à la faveur de conflits locaux. Contrairement aux Etats-Unis, elle n’a jamais cherché à se doter d’une capacité d’action globale.

La puissance que l’URSS a construite a été chèrement payée : l’économie étant prioritairement tournée vers la satisfaction des besoins du complexe militaro-industriel, elle l’a été au détriment du développement interne et de la modernisation du pays. Elle n’a jamais été basée sur une économie solide et innovante capable de se projeter à l’extérieur et sur un dynamisme interne. Puissance « pauvre », selon l’expression de Georges Sokoloff, déséquilibrée et incomplète, l’URSS a affiché une grandeur qui a précipité sa chute parce qu’elle n’en avait pas les moyens.

La Russie poutinienne est elle aussi confrontée aux répercussions de l’obsession de la puissance (...)

Trente ans après l’effondrement de l’URSS, du fait des choix qu’elle a faits, la Russie poutinienne est elle aussi confrontée aux répercussions de l’obsession de la puissance, de la priorité à nouveau accordée au facteur militaire et au hard power, de la négligence à l’égard du développement interne du pays. A l’heure de sa décision insensée d’envahir l’Ukraine, un État souverain qui ne la menaçait pas, la question de l’illusion de sa puissance se pose une fois de plus.

P. V. : Depuis le début des années 2000, V. Poutine est obsédé par la puissance et par la grandeur, deux concepts que vous distinguez. En quoi sont-ils différents ? Comment Vladimir Poutine met-il progressivement en œuvre une politique de puissance ? Avec quels résultats ?

La suite ci-dessous :

https://www.diploweb.com/Le-geant-empetre-La-Russie-et-le-monde-de-la-fin-de-l-URSS-a-l-invasion-de-l-Ukraine-Entretien-avec.html

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022

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