Bio de Stéphane François : https://laviedesidees.fr/_Francois-Stephane_
« Longtemps ignorée ou déconsidérée, l’écologie n’a fait que récemment son entrée dans le programme de l’extrême droite. Mais sous couvert de localisme, ce dernier ne renonce en rien aux logiques productivistes. »
« Le 13 avril 2023, le magazine Valeurs actuelles a organisé une soirée durant laquelle le journaliste, militant écologiste et animaliste Hugo Clément a accepté de débattre avec le président du Rassemblement national, Jordan Bardella. Cela a valu au premier de compromission avec l’extrême droite. Cette polémique offre l’occasion de revenir sur les rapports qu’entretient le Rassemblement national, nommé Front national (FN) jusqu’en 2018
, avec l’écologie. Nous verrons que cette dernière n’y est entrée que récemment, et surtout que partiellement.
Une écologie longtemps ignorée, voire rejetée
L’écologie apparaît au sein des programmes du FN au début des années 1990, dans une optique identitaire, sous l’impulsion de Bruno Mégret, issu du Club de l’Horloge, un club politique national-libéral, qui a cherché à faire le lien entre la droite et l’extrême droite. Pour ce dernier, il s’agit de donner une direction nouvelle au FN, après la disparition de l’ennemi « historique » : le communisme. Il faut investir le champ de l’identité. Il crée alors une revue, Identité. Considérant que la chute des régimes communistes entérine un basculement géopolitique, affirme que « l’affrontement politique principal n’est plus celui du socialisme marxiste contre le capitalisme libéral », mais « celui des tenants du cosmopolitisme contre les défenseurs des valeurs identitaires »
. Parallèlement, il souhaite également montrer que le FN est soucieux de préserver l’environnement. La convergence des deux thématiques apparaît lors du congrès de Nice des 31 mars et 1er avril 1990 où l’écologie est rehaussée dans un sens identitaire, car, pour les responsables frontistes, Mégret en tête, être écologiste, c’est vouloir préserver le milieu nécessaire à la survie et à l’épanouissement des espèces vivantes endémiques. Dans cette optique, les « véritables » écologistes sont ceux qui prennent en compte l’immigration comme un facteur déterminant de déséquilibre culturel et/ou ethnique.
Cette tentative n’a pas pris, car le rejet de l’écologie est ancien et surtout profond. Ainsi, l’ancien membre du comité scientifique du Front national
, l’identitaire Jean Haudry, a pu qualifier les écologistes d’« écolo-kagébistes » et de « peste verte ». Aujourd’hui encore, il rejette l’écologie et se situe parmi les climato-sceptiques. Membre du groupuscule « Terre et peuple » (il en a été le vice-président), créé initialement comme une association interne au Front national, il suit la scission mégrétiste
, sans pour autant adhérer à une forme d’écologie identitaire. À la suite du départ des mégrétistes, la thématique est mise de côté. En outre, il existe un fort rejet de l’écologie chez certains militants d’extrême droite, qui ne voient que des « pastèques » dans les activistes écologistes (vert à l’extérieur, rouge à l’intérieur), adeptes à la fois du « mondialisme » et d’une « écologie punitive ». Le FN part donc de loin sur ces questions.
En 2010, Jean-Marie Le Pen considérait encore l’écologie comme un passe-temps de « bobo », mais il est vrai qu’il se plaçait depuis le début des années 1980 dans une tradition de libéralisme économique, voire d’ultralibéralisme, se considérant comme le « Reagan français »
. Ce libéralisme économique est encore un marqueur important du RN de Marine Le Pen, qui insiste plus sur la productivité que sur la préservation de l’environnement. Aux journées d’été du FN en 2011, celle-ci, devenue la nouvelle présidente frontiste, avait appuyé sur plusieurs thèmes classiques de l’extrême droite, jouant sur la peur d’une arrivée massive d’une population extra-européenne, inassimilable du fait du nombre et des différences culturelles. En parallèle, elle parlait alors d’un « prétendu réchauffement climatique », minimisant la question écologique. Ce faisant, elle flirtait avec le « climato-scepticisme », doutant du rôle de l’activité humaine dans le réchauffement climatique et relativisant l’importance des travaux du GIEC, malgré la présence, durant un temps, de Laurent Ozon.”
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Jean Vinatier
Seriatim 2023
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