« En faisant franchir aux troupes égyptiennes le canal de Suez, le 6 octobre 1973, et en déclenchant avec l’aide de la Syrie un nouveau conflit contre Israël, Anouar El-Sadate cherchait à mettre fin au statu quo né de la défaite arabe de juin 1967. Avec, comme arrière-pensée, l’idée d’impliquer les États-Unis et de lever la dépendance du Caire à l’égard de Moscou. Un pari en partie réussi mais qui provoqua une alerte nucléaire.
Le conflit israélo-arabe, autrement dit les guerres entre Israël et les États arabes, est constitué d’épisodes courts très violents de une à plusieurs semaines, suivis de longues périodes de latence avec éventuellement des affrontements à basse intensité. Le début des années 1960 voit la renaissance du mouvement national dans le cadre de ce qui a été appelé la « guerre froide arabe » opposant États dits « progressistes » et États dits « conservateurs ». Le dossier palestinien y est à la fois un instrument de consensus et un objet de surenchère. Le sommet arabe du Caire de janvier 1964, le premier de ce genre, fixe comme mot d’ordre la « libération de la Palestine ».
C’est le début d’un processus complexe d’imprudences et d’erreurs de calcul de la part de tous les acteurs régionaux qui conduira à la guerre de 1967 (5-10 juin). Le sommet arabe de Khartoum (29 août-1er septembre 1967) fixe le nouveau mot d’ordre : « liquider les séquelles de l’agression », c’est-à-dire récupérer les territoires occupés en juin 1967 par Israël — la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza, mais aussi le Golan syrien et le Sinaï égyptien. La Jordanie et l’Égypte se montrent prêtes à accepter une solution politique qui passe par une non-belligérance et non une reconnaissance d’Israël et par une mise de côté, sans le dire, du dossier palestinien. Mais la révolution palestinienne, avec l’installation des fedayin en Jordanie puis l’élection de Yasser Arafat à la tête de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en février 1969 va remettre la Palestine sur l’échiquier diplomatique. La contradiction entre les objectifs des États et la libération de la Palestine conduit aux terribles affrontements de septembre 1970 en Jordanie, appelés Septembre noir1.
L’héritage de Nasser
Le président égyptien Gamal Abdel Nasser décédé le 28 septembre 1970 laisse à son successeur Anouar El-Sadate toute une série d’options. Il y a celle d’une solution esquissée à Khartoum, mais les Israéliens veulent un traité de paix et des annexions territoriales alors que les Américains ne sont pas prêts, contrairement à ce qu’ils ont fait en 1957, à les forcer à évacuer leurs troupes2. Il y a l’option militaire « reprendre par la force ce qui a été pris par la force », c’est-à-dire opérer un réarmement avec l’aide soviétique. Plus de 20 000 « conseillers » soviétiques sont présents en Égypte, dont une partie en position de combat, en particulier dans l’aviation et dans la défense antiaérienne. Mais Moscou ne veut pas d’une nouvelle guerre arabe avec Israël considérée comme perdue d’avance. En revanche, la présence soviétique donne au Caire un motif de marchandage avec les États-Unis.
En effet, c’est une préoccupation majeure pour l’administration de Richard Nixon. Deux écoles de pensée s’opposent à Washington. Celle du département d’État, qui pense qu’une application complète de la résolution 2423 entraînerait une réduction considérable de la présence soviétique dans la région, et celle d’Henry Kissinger, conseiller à la sécurité nationale, qui considère que plus la situation de « ni paix ni guerre » durera, plus les Arabes se rendront compte que seuls les États-Unis ont les moyens de régler le conflit. »
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Jean Vinatier
Seriatim 2023
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