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samedi 1 janvier 2022

Aube chilienne, crépuscule français (2019-2021)? N°5777 16e année

 Au Chili, en décembre, l’élection de Gabriel Boric, à l’âge de 35 ans, a été balayée d’un revers de la main dans les principaux médias comme s’il fallait poursuivre l’arasement de tout ce qui pouvait rappeler de près ou de loin les Gilets jaunes, qu’il fallait enfoncer dans les crânes des Français que le « jeune » Macron parce que synthétisant tout ce qui était de plus corrompu et affaissé intellectuellement, à gauche, au centre et à droite, il forgerait une apothéose, entretenue depuis par les seules violences.

En 2019 dans la foulée des événements français, le Chili a amorcé la plus extraordinaire des transformations, celle de la prise en charge institutionnelle par le peuple et pour le peuple. Un pays qui connut à la fois le mandat décevant de Salvador Allende et le règne terrible d’Augusto Pinochet, vivait depuis vingt ans dans une sorte de fausse communion jusqu’à ce que les événements français déboulassent sur la scène chilienne. Il y eut des morts, des blessés, comme chez nous, mais à la grande différence des élites françaises unies pour tenir la matraque celles du Chili se divisèrent donnant, alors, une puissance et une légitimité aux faits en cours. La mise en place d’une assemblée, en charge d’écrire la nouvelle constitution, composée pour seulement un quart d’élus, les trois quarts étant des seuls citoyens, se fit jusqu’à la surprise du premier tour de la présidentielle chilienne qui vit, en tête, José Antonio Kast, un pro-Pinochet, adversaire de cette constituante populaire. Le second tour fut un soulagement : très largement Gabriel Goric l’emporta parce qu’il avait réussi à unir tous les partis de gauche et bien évidemment au-delà.

Certes Gabriel Boric ne résista pas aux dires provocateurs, « le Chili sera le tombeau du néo-libéralisme », parce qu’il demeure dans toute l’Amérique du Sud un devoir de détestation pour les États-Unis même si nombreux sont celles et ceux à vouloir y étudier, à placer leur fortune ! Au Venezuela, Juan Gaido, le rival de Maduro, en se réclamant de l’Oncle Sam, a scié toute possibilité de l’emporter…

Ainsi le Chili entre-t-il dans une période inédite de son histoire et même assez exemplaire pour les autres pays du globe. La Révolution française ne songea pas à faire écrire la constitution par les Français, de même les bolchéviques. C’est donc quelque chose de nouveau, de révolutionnaire même, une aube.

A des milliers de kilomètres de là, à Paris qui se drape dans, les trois couleurs, une devise frontale et des Droits de l’homme, on n’échafaudait que lois sécuritaires, répressions policières, judiciaires, laissant à un seul homme, Emmanuel Macron, le soin de pérorer six heures durant auprès de bons édiles ici et là en France…Le rond-point symbolique d’une réunion française a été hachée autant par la ligne droite présidentielle que la passivité coupable de tous les corps intermédiaires. A peine émergions-nous des logorrhées macroniennes que surgissait un virus (décembre 2019), débutant alors le grand enfermement (mars-mai 2020) que certains appelleront aussi le grand contrôle dès juin 2020 qui se poursuit en cette heure au milieu des masques, des vagues de variants, le dernier en date, Omicron, ultra-contagieux mais, heureusement très peu mortel…

Quand on regarde les choses d’un peu plus haut, que l’on s’extirpe de la fange dans laquelle « nos élites » nous empêtrent, il y a plus que des kilomètres entre le Chili et la France, plus que des différences entre les deux pays. Il y a ce sentiment terrible qu’au Chili  la passion pour la liberté et le reprise en main institutionnelle serait un fleuve tourbillonnant, la France, elle, serait une rivière tarie que les habitants ne penseraient plus à alimenter. Il règnerait en France pire que la passivité ou la soumission, l’indifférence. Serions-nous ravalés au rang de blague de taverne?

Il est vrai que la classe politique n’aide pas à l’action. Entre une gauche, divisée chacune en armée mexicaine, un centre mou, une droite contrainte de se déguiser en « souverainiste » et une ultra-droite, elle-même partagée entre Marine Le Pen et Éric Zemmour, l’enthousiasme a bien du mal à se faufiler. Et quand un thème de premier ordre comme l’identité est avancé comme le fait Éric Zemmour, ce dernier au lieu d’y forger une trame fédératrice le clive puissamment et pis encore le revêt du manteau de la nostalgie !

A la vue de la désagrégation française, Emmanuel Macron savoure son triomphe : installer mois après mois une post-démocratie, un variant négatif de l’idéal démocratique et si demain, il cédait sa place à une Valérie Pécresse, il aurait la certitude de la continuité dans le discrédit de la nation. On le vit lors de l’affaire Bolloré quand cette société annonça la vente soudaine de toutes ses activités africaines au profit d’une société italo-suisse (MSC) très liée à la famille d’Alexis Kholer, secrétaire-général de l’Élysée…Outre les conséquences géostratégiques pour la politique française en Afrique et le devenir de nos soldats au Sahel qui ne pourraient n’être plus que des géomètres assermentés, s’affiche surtout, l’effacement de toute défense par l’Etat d’une société française. Les États-Unis se flattent à raison de les défendre et les soutenir quand ici, l’exact contraire se produit dans l’indifférence générale, l’Union européenne n’étant pas en reste pour encourager le non-patriotisme…Déjà en 2016, Emmanuel Macron et le mari de Valérie Pécresse avaient joué le rôle désastreux dans la vente d’Alstom à Général Electric plaçant nos sous-marins nucléaires dans une coupable dépendance technologique. A l’époque, il y eut un bruit, en décembre 2021, c’est un silence ! On ajouterait aussi le silence lourd quand Orange et la SNCF annoncèrent confier leur hébergement respectif…à Amazon : aucun politique ne réagit sauf Philippe Latombe un député MoDem ! La Chine et l’Arabie Saoudite sont infiniment plus sourcilleuses….

Je veux bien que le drapeau européen sous l’Arc de triomphe heurte, de même les étoiles de l’Union accrochées sur la façade Seine de la Tour Eiffel et après ? Rien, une humeur chasse l’autre….

Qu’est-ce qui fait que le Chili se découvre une aube quand la France se satisferait de son crépuscule ? Le Chili est souverain, la France non. La souveraineté c’est l’indépendance. Le Royaume-Uni a fait le BREXIT non sans mal…car Londres avait la maitrise de sa monnaie. Tel n’est pas notre cas, nous dépendons d’une banque centrale elle-même placée sous l’orbite d’une nation rhénane. Quand on ne maitrise plus rien, pourquoi l’histoire nationale tiendrait-elle par le seul miracle de l’apesanteur ? Pourquoi des élites forgées aux visions sociétales et économiques des États-Unis et qui voient cette puissance comme « une mère-patrie » se battraient-elles pour une société française abaissée au rang de résidu d’empire ? Que je sache François Hollande a laissé croupir des dirigeants d’Alstom dans des geôles américaines et que dans cet ordre, nul ne s’étonnera non plus que le portrait de Julian Assange n’ait pas figuré sur la façade de l’Hôtel de ville de Paris !

A la différence du Chili en quête d’une cause, la France n’aspirerait plus à rien, seulement à la nostalgie et encore. La France a été le pays d’Europe le moins révolté contre toutes les restrictions et ne s’émeut guère de voir leurs propres enfants piqués et repiqués, masqués s’indifférant apparemment des conséquences de telles violences. On peut se gausser des vœux présidentiels mais ceux-ci ne font que nous renvoyer à ce que sommes devenus ! Par vice, l’Élysée offre la légion d’Honneur à Agnès Buzyn et Jean-François Delfraissy !  

Une France condamnée à se complaire dans des limbes où elle filerait quenouille pépère, masquée, émiettée… ? A tort, nous pensons que nous n’avons plus d’Histoire (il est vrai qu’on nous le ratiocine) alors même que le monde s’apprête à connaitre des secousses telluriques. Il y a des moments où parce que l’on voit l’avant-dernier câble céder, on estime le dernier forcément débile…(pourtant rien n’est écrit d’avance)….et si le dernier câble était Phoenix … ?

Jean Vinatier

Seriatim 2022

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