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mardi 25 janvier 2022

De l’Ukraine au Sahel : silence franco-européen N°5688 16e année

 Hier, les bourses chutaient car la Russie devait envahir l’Ukraine à tout moment. Au  Burkina-Faso le Président a été arrêté et Barkhane a fait face à une attaque (1 mort, 9 blessés). Dans les deux cas, face à des situations qui se dégradent, ce qui prédomine est le silence européen qui est également français puisque Emmanuel Macron préside le conseil de l’Union.

Depuis le début des échanges, des menaces et gesticulations de part et d’autre, seuls Poutine et Biden se mesurent quand ils ne laissent pas la place à Sergeï Lavrov et Victoria Nuland, très célèbre depuis 2014 pour son « Fuck the EU » pour rassurer et suivre une trame qui pourrait être ; retiens-moi où je fais un malheur ! A ce niveau-là, point d’Europe et de France.

D’habitude Emmanuel Macron se montre plus vif, se plait à frôler le matamore quitte à heurter ses partenaires. La réserve présidentielle marquerait-elle une incapacité d’action pour la France ? Ainsi au Sahel, nous savons que malheureusement notre pays ne peut plus bouger sans l’aval de la CIA et que le Mali devient de plus en plus un rond-point sino-russe. Les derniers événements intervenus au Burkina-Faso ne sont pas de nature à détendre l’Élysée. Si Barkhane (bientôt Takuba) a bien prévu de faire du Tchad un glacis, cela ne permettra à la France que de constater l’effondrement des pays sahéliens gangrénés par les djihadistes, les conflits entre nomades et sédentaires, les influences entre clans. La France se retrouverait dans une situation délicate, ne pouvant bouger qu’avec l’aval de Washington, avec une Russie en embuscade et un Sahel qui parce qu’il se déliterait contraindrait nos soldats à y demeurer pour leur plus grand risque. Au jeu d’échecs, on citerait ou le gambit et/ou le pat.

En Ukraine, Emmanuel Macron a surpris son monde en affirmant que la France était prête à envoyer des troupes en Roumanie ce qui ou affola ou surprit Bucarest parce que Moscou n’a jamais manifesté d’intention belliqueuse même si la Transnistrie y accueille une division. Pour l’heure des soldats français s’entrainent à la guerre contre la Russie aux côtés des Etats baltes. Le grand discours européen du Président a fait l’impasse quasiment sur la question ukrainienne se limitant aux refrains réguliers : discuter avec Moscou tout en usant du bâton. Pourquoi Emmanuel Macron est-il aussi circonspect ? Les avions otaniens volent au-dessus de sa tête. Son silence n’est-il pas la preuve qu’il n’a aucune prise sur les tractations en cours, ni la Russie, ni les États-Unis ne demandant un tiers parti. Ajoutons que l’Allemagne n’encourage pas le Président français, Berlin jouant sa propre partition en Ukraine au point de provoquer l’ire de Kiev.

Vladimir Poutine espère terminer cette crise ukrainienne par la reconnaissance américaine du statut russe de grande puissance laquelle aurait la garantie écrite d’une aire territoriale en quelque sorte finlandisée depuis les pays Baltes jusqu’à la Géorgie. Pour le Kremlin, il faudrait aussi indiquer à Pékin que cette nouvelle place pourrait servir à apaiser les inévitables tensions entre la Chine et les États-Unis, faisant de la Russie également une grande puissance côté asiatique. C’est un billard à trois bandes délicat à mener. Mais la Russie immense pays, faiblement peuplé (147 millions), fragile économiquement, fait le pari d’être incontournable tant en Asie qu’en Europe car elle n’a pas le choix. Elle opte pour la grandeur car si elle s’inclinait, elle aurait tout à craindre d’une scénario à la Yougoslave. La Russie ose ce jeu estimant la situation intérieure américaine dégradée, l’approche des mid-terms favorisant le face à face des antagonismes. Pour Joe Biden, même s’il y a deux millions d’ukrainiens sur son sol, l’Ukraine ne fédère pas les États-Unis à l’inverse de la Chine passée soudainement d’atelier du monde, à l’enfer contre le monde…En un mot, pourquoi la Russie qui ne tient pas à envahir l’Ukraine et les États-Unis qui se tournent contre la Chine n’entreprendraient-ils pas la désescalade ? L’Ukraine est blette, inutile de se presser, le fruit tombera pour la plus grande convenance de l’Allemagne qui a assuré aux États-Unis que jamais il n’y aurait de défense européenne et aussi de la Russie qui aurait la garantie d’influence.

Dans ce grand jeu, Emmanuel Macron est dépassé tout comme Bruxelles. La proposition française d’une désescalade proposée à la Russie ne trompe pas. D’abord parce que l’escalade est très largement venue de l’ensemble euro-américain, la Russie se contentant d’y répondre sans jamais aller au-delà ; ensuite l’Union européenne n’étant conviée à aucun rôle décisif et quand elle le fait, c’est avec l’aval de Washington, la désescalade proposée par la France n’a aucune consistance. Évidemment qu’Emmanuel Macron aurait aimé que dans la lignée de ses discours pro-européens l’affaire ukrainienne exprima cette émergence souveraine européenne mais faute de cela, il court derrière la trame écrite par Biden et Poutine.

Qu’il s’agisse du Sahel, qu’il s’agisse de l’Ukraine, Emmanuel Macron voit sa présidence française du Conseil de l’Union européenne malencontreusement embourbée ne parvenant pas tant en Afrique qu’en Ukraine à placer l’Europe au centre lui facilitant, alors, son entrée en campagne, de dire aux Français que l’Europe chez eux était synonyme de nouvelle force.

A suivre……

 

 

 

 

 

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022

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