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lundi 17 janvier 2022

La France moisie…. N°5687 16e année

Philippe Sollers publiait dans le Monde le 28 janvier 1999, La France moisie qui heurta ce qui était son but. En le relisant, à la suite des débats relatifs au passe vaccinal, j’en publie le début (texte entier en lien) :

« Elle était là, elle est toujours là ; on la sent, peu à peu, remonter en surface : la France moisie est de retour. Elle vient de loin, elle n’a rien ne compris ni rien appris, son obstination résiste à toutes les leçons de l’Histoire, elle est assise une fois pour toutes dans ses préjugés viscéraux. Elle a son corps, ses mots de passe, ses habitudes, ses réflexes. Elle parle bas dans les salons, les ministères, les commissariats, les usines, à la campagne comme dans les bureaux. Elle a son catalogue de clichés qui finissent par sortir en plein jour, sa voix caractéristique. Des petites phrases arrivent, bien rancies, bien médiocres, des formules de rentier peureux se tenant au chaud d’un ressentiment borné. Il y a une bêtise française sans équivalent, laquelle, on le sait, fascinait Flaubert. L’intelligence, en France, est d’autant plus forte qu’elle est exceptionnelle.

La France moisie a toujours détesté, pêle-mêle, les Allemands, les Anglais, les Juifs, les Arabes, les étrangers en général, l’art moderne, les intellectuels coupeurs de cheveux en quatre, les femmes trop indépendantes ou qui pensent, les ouvriers non encadrés, et, finalement, la liberté sous toutes ses formes. »

C’est à l’honneur de La France insoumise de s’être bien battue tout comme le firent quelques trop rares élus de droite contre ce passe vaccinal qui devrait être au rebus ou bien exposé dans un quelconque musée infernal. Les deux recours devant le Conseil constitutionnel décevront à moins d’un sursaut des Sages ce dont je doute. Voilà donc la France parée pour, combattre un variant contagieux mais pas mortel, éclore une armée d’auxiliaires policiers (cafetiers, barmen, buralistes restaurateurs…etc) pas fiérots de jouer un rôle de vigilance. Ah les Lacombe Lucien ! Remarquez que pas un syndicat de ces professions ne s’indigna : non, tout ce monde l’accepte au nom du pognon. C’est bien cela dont il s’agit, du fric. Pour cela que la France se « milice », pas d’importance. Quant à la désobéissance civile…mais corne cul, t’es con…. ! « Salaud de pauvre » (Jean Gabin dans La traversée de Paris )!

Alors même que la France assure la présidence du conseil de l’Union européenne, Emmanuel Macron ne voit aucun inconvénient à basculer la France dans le moisi, de lui faire rejouer ce qu’il y a eu de pire dans son histoire enchevêtrant calculs politiciens, rapports pervers avec les Français, et soumission devant ceux qui prêtent si abondamment à la France à la condition de réformer la santé, les universités, de céder des pans entiers d’industries stratégiques.

Pas de gêne pour cet exécutif qui fanfaronne marionnette à la tête d’une présidence européenne agitant les principes mais plaçant le seul drapeau européen au-dessus du soldat inconnu que Jean-Michel Apathie ne savait pas être Français, qu’une tribune « spontanée » demande la naissance d’un nouveau drapeau à deux face, l’une tricolore, l’autre bleue étoilée. Le rouleau déconstructeur poursuit sa route dans l’atonie générale, la démission de la jeunesse complétement aplatie : la post-démocratie ? Mais elle l’applaudit des deux mains pour avoir la paix sur les réseaux et aller dans le petit café. Je me souviens de cette sinistre tribune de quatre « jeunes » après les terribles massacres de novembre 2015, point de résistance, ou de prise de conscience. Non ce qui les faisait frémir, était la crainte de ne plus aller en terrasse, prendre le petit jus. Bref bien plus pépé que le grand-père ! Avec une telle génération, Emmanuel Macron ou un autre est serein, cynique.

Mais, je ne lui jette pas la pierre.

A sa décharge, elle naquit et grandit dans une France qui s’émiettait, « s’archipélisait » s’américanisait (mondialisait) à un rythme unique au monde (le second plus gros CA de Mac Donald’s est en France), nageait dans l’entertainment ou soft power qui évidait le citoyen au profit du consommateur le tout dans une « construction européenne », une repentance quotidienne sur tout, une histoire française de moins en moins nationale de plus en plus globale. On comprend sa peine à prendre conscience du drame en train de se jouer, de grandir, de se répéter avec toujours davantage de mesures coercitives. Au-delà de la jeunesse, tous les âges s’assomment devant les grands prêtres médiatiques, le monde n’est plus vu qu’avec la seule paire de lunettes labellisée….

Sur l’échiquier politique, je ne vois que Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour (qui débattirent) pour tenter de secouer les Français : le premier le fit magnifiquement à Nantes, le second le réussit à Villepinte. Cependant, si un instant on rêverait de les voir ensemble ou fédérés, on sait que Jean-Luc Mélenchon tout patriote sincère qu’il est, ne peut résister au monde (docteur Jekyll et mister Hyde : pour l’heure tout ce qui est indigéniste ou woke n’est plus en première ligne), qu’Éric Zemmour tout à sa France croit au ressort de la nostalgie d’où bien des dérapages.  Sont-ce des voies ou des impasses ?  N'y aurait-il plus que Charybde et Scylla pour continuer le chemin ?

Aujourd’hui, le gouvernement a commis une faute, emmerder les Français au sujet d’un variant faiblement mortel (heureusement), se jetant sur les enfants tel un moderne Baâl, quand autour de nous les gouvernements européens commencent à desserrer l’étau, quand des professeurs éminents disent que trop c’est trop. Ce gouvernement si européen, ne l’est donc pas avec ce passe vaccinal par son flicage et doit avouer à demi-mot que décidément oui, l’épidémie se terminerait tout en refusant à ce moment-là obstinément de le supprimer. Le variant est bien un prétexte….

La France moisie d’aujourd’hui, est aussi une France traumatisée qui a perdu tout esprit guerrier. Depuis la fin de la guerre d’Algérie en 1962, la France n’a pas connu un conflit armé l’obligeant à engager des masses. Il y a eu ici et là des engagements aux effectifs réduits, au Koweït, en Bosnie, en Afghanistan, au Sahel, en Syrie, en Libye. La France de 2022 est une France civile qui ne sait plus ce qu’est le risque, le choix, l’engagement vital. Nos militaires eux-mêmes majoritairement font carrière sans connaître le combat. Si je ne souhaite pas que nous entrions dans une guerre totale, il faut souligner que cet abandon de guerre explique pour une part l’incapacité des Français à revenir sur le terrain et/ou à s’y tenir : les Gilets jaunes en furent l’exemple ! Le combat est quelque chose de virtuel que l’on apprécie au cinéma, en jeu vidéo, en réseau mais incomparable avec ce que nos parents, grands-parents connurent au XXième siècle. Jusque dans les années 80, bien des élus étaient des résistants, Jacques Chirac a été le dernier Président combattant. Je ne suis pas certain qu’en cas de mobilisation générale, nous n’assisterions pas au départ précipité d’un bon tiers des jeunes….La France moisie c’est aussi cela, la conscience territoriale débarrassée de toute histoire, de toute fraternité au-delà des différences.

Depuis 1999, date du texte violent de Philippe Sollers, la mérule ne faiblit pas, elle effrite, tout tombe, tout se déconstruit alors même que les orages géopolitiques en sus des défis climatiques croissent.

Pour combattre ces moisissures que Marcel Aymé, avant Philippe Sollers, décrivait si bien dans Uranus, tuer les mérules hybrides, bâtir une nouvelle histoire française, la refonder à l‘écho du monde actuel serait logique : la France pleure ses Français « archipels » que certains veulent défaire d’Elle. Une tâche immense et longue…..

 

Texte de Philippe Sollers 1999

http://www.pileface.com/sollers/spip.php?article319

 

Jean Vinatier

Seriatim 2022

 

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