« J’ai écrit trois
livres sur la démocratie (…).
Le second était d’enthousiasme (…).
Il parlait de l’élan démocratique, montrant qu’avec la démocratie,
il y avait eu cet extraordinaire épanouissement intellectuel.
Et que les deux étaient liés.
Jacqueline de Romilly, mai 2007.
« Avec
des négociations sur le Brexit en cours et l’élection d’un président américain
dont l’attachement à l’unité européenne est discutable, nous avons voulu donner
à des jeunes esprits brillants qui vont hériter de l’Europe une chance de
contribuer à construire leur futur. Qu’ont-ils pensé qui serait le meilleur
pour leur continent ? ». Et le prestigieux Financial Times,
institution britannique de référence pour les affaires économiques et
financières, de publier les six meilleurs essais, dans le cadre d’un projet sur
le Futur de l’Europe, en liaison avec les universités de Sciences Po à Paris,
Bocconi en Italie (Milan), Trinity College à Dublin (Irlande), Jajiellonian university
à Cracovie (Pologne), Hertie School of governance à Berlin et l’Université
d’Athènes (Economics and business) (1). Avec un vœu : que « leurs
contributions informent les décideurs et enrichissent leurs débats ».
Ce qui se pourrait : parce que la feuille de choux de quatre pages fondées
en 1888 sous le nom de London Financial Guide pour les
« investisseurs honnêtes » et « les courtiers
respectables » est aujourd’hui incontournable avec ses 600 journalistes
autour du monde, ses pages rose saumon et sa diffusion sur la toile (70% de
lecteurs en version numérique). S’il est indispensable aux institutions
financières, il est « politiquement correct » pour les décideurs
politiques de ne pas l’ignorer.
Quatre
questions encadraient la réflexion (en 800 mots) demandée aux étudiants :
plus ou moins d’intégration ? Remise en cause ou non des quatre libertés
européennes (libre circulation des biens, des capitaux, des services et des
personnes) ? Faut-il se concentrer sur l’eurozone plutôt que sur l’Europe
à 27 ? Le leadership allemand est-il nécessaire ou même désirable ?
Le jury, composé de sept membres de diverses nationalités appartenant ou non au
Financial Times, s’est déclaré « très impressionné ».
On aurait pu penser que les questions – techniques - auraient enfermé la libre
imagination des étudiants : il n’en est rien. Deux types d’analyses,
relève l’une des juges, en distinguant au passage que l’UE n’est pas
l’Europe : « les technocratiques, centrées sur l’économie, et les
autres, centrées sur le démos européen et la nécessité d’approfondir la
connexion entre l’Union européenne et les citoyens ». Oui, la question
de la démocratie a surgi avec force. Rien d’artificiel : nos étudiants
savent renouer la chaîne des temps. Ils savent d’où ils viennent, ce à quoi ils
tiennent et à qui ils le doivent : lorsqu’ils évoquent Machiavel
(1469-1529), Edmund Burke (1729-1797) ou la révolution française, c’est en
s’appropriant leur héritage. Et lorsqu’ils parlent démocratie, il ne s’agit pas
d’une vieille lune : l’un d’entre eux – un Grec, de l’université
d’Athènes, est-ce un hasard ? – promet que la « technologie
digitale », qui permet aux citoyens connectés de retrouver une agora
sans frontières, « peut être un antidote à la crise de crédibilité et
de confiance dans les institutions démocratiques (…). Ce qui a une importance
vitale : aujourd’hui, de larges minorités en Europe, spécialement parmi
les générations les plus jeunes, ne voient pas la démocratie comme un bon
système de gouvernance » (2). Peu importe qu’on puisse lui objecter
l’obstacle de la langue – et d’autres : c’est sa préoccupation, la
démocratie, qui compte. Et cette exigence traverse, explicite ou non, les six
essais retenus.
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2017
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