Imagine-t-on les talibans avec
aviation et blindés ? Ils seraient déjà dans Kaboul ! (et c'est le cas, un 15 août!) Ce qui est absolument
extraordinaire, ce n’est pas tant l’offensive générale que le délitement de l’armée
afghane (largement pachtoune) à l’annonce du départ au plus tard le 31 août des
effectifs américains. Et pourtant, sont prévues, de demeurer la CIA ( corps
spéciaux) plus une troupe de près de 17 000 hommes sans compter ici et là
des apports d’ethnies ultra-minoritaires. Les hélicoptères ne tournent pas en
permanence au-dessus de l’ambassade américaine tant que la route vers l’aéroport
reste sous contrôle….Combien de temps?
Erdogan qui voulait se précipiter dans la capitale afghane afin d’y jouer le médiateur, ne renoncera-t-il pas ?
Les yeux se concentrent sur la possible fin des vingt-années américaines en Afghanistan (coût : 1000 milliards de dollars), quand le public ne regarde plus dans la direction irakienne, pays pour lequel Washington a consacré 3000 milliards de dollars depuis 2003 et pas davantage en Syrie où le Pentagone lâche les Kurdes…et un « pognon de dingue » !
A la suite des attentats du 11 septembre 2001, Georges Bush désignait l’Afghanistan comme le point de jonction des « islamistes » afin d’oublier que les acteurs du 11 septembre étaient saoudiens. Il fallait aussi de cette façon que nul n’aille trop fouiller dans les arrière-cours de la CIA/Pentagone où l’on aurait vu que l’islam, recyclé avec la bénédiction pakistanaise, était depuis longtemps une arme géopolitique, d’abord tournée contre la Russie, ex-Union soviétique, mais pas encore contre la Chine…et aussi l’Union européenne.
Quand les Anglais décident, tout de suite après Waterloo, de borner les avancées de la Russie impériale, ils mettent le grappin sur la Perse (massacre de l’ambassade russe en 1830 : lire La mort du Vazir-moukthar de Tynianov ) puis tente d’arrimer l’Afghanistan à l’Inde moghol finissante : les deux premières guerres (1838-1842, 1879-1880) aboutissent en 1893 à la ligne Durand qui coupera les pachtounes en deux entre Afghanistan et Pakistan (Inde d’alors), la troisième guerre en 1919/20 est une victoire anglaise à la Pyrrhus : Londres comprenant que même victorieuse, elle n’arriverait jamais à affronter les guérillas afghanes d’autant plus que l’Inde s’ébranlait déjà contre la domination britannique !
Pour les Américains qui succédèrent autant aux Soviétiques qu’aux Anglais, il n’était question dans les rangs néo-conservateurs que de remodéliser l’Orient en s’appuyant sur des régimes sunnites (et non plus sur des régimes arabes laïcs). Des années 2000 à aujourd’hui, on mesure l’étendue du désastre avec une Iran des mollahs étendant son influence en Irak, en Syrie/Liban et au Yémen où s’empêtre l’Arabie saoudite. Échec sur la ligne…et double arrivée de la Russie et de la Chine, celle-ci captant, via des accords commerciaux, le pétrole iranien, sauvant le régime d’une asphyxie…ce qui fait qu’aujourd’hui, les mollahs se permettent d’allonger les négociations avec les États-Unis inversant presque le rapport de force.
Alors pourquoi quitter l’Afghanistan ? Si ce pays n’est pas majeur stratégiquement pour les États-Unis pour combattre la Chine, il le reste, néanmoins géopolitiquement, comme plaque-tournante de l’islamisme que la nouvelle administration souhaiterait bien réactiver contre l’environnement immédiat asiatique : Russie, Chine, à terme l’Inde. Les États-Unis se trouvent dans une situation inconfortable sans pouvoir s’assurer d’un nouveau relai via l’Otan des européens : imagine-t-on la France déjà contrainte de constituer un glacis tchadien, repartir en Afghanistan ? Quant aux Allemands, leur armée est symbolique…
Les articles actuels établissement un parallèle entre Saïgon (30 avril 1975) et Kaboul d’août 2021 : en 1973 la Maison blanche du Président Nixon actait la suprématie du Nord-Vietnam sur le Vietnam sudiste après la mort de 53 000 appelés du contingent contre 10 000 en Afghanistan (soldats engagés et garde nationale - qui n’est pas un simple corps de réserve). En fait les États-Unis entièrement engagés dans une politique de containment de la Chine remarque que si des États asiatiques opinent pour contrer Pékin, aucun ne veut entrer en guerre, qu’ils doivent, en outre, accepter que la Corée du Sud s’autonomise et surtout que le Japon redéploie une aire géopolitique interrompue en 1945 via deux bombes atomiques. Le coût du « containment de la Chine » aurait cette conclusion de faire lever d’Asie des puissances, ancienne et nouvelle, avec lesquelles Washington aurait à négocier rognant plus que significativement les ailes de son hyperpuissance avec, en plus, une interrogation importante relative à Taïwan : le journaliste du Figaro, Renaud Girard écrivait non sans raison : que les événements afghans devraient alarmer Taipei….
Assumer deux fronts, le premier islamique (depuis l’Afghanistan), le second antichinois avec son axe indopacifique (au départ concept japonais), s’avéreront trop chers pour les Américains d’où l’idée de retraiter d’Afghanistan en espérant renouer des accords avec les talibans. Si les hélicoptères de Saïgon d’avril 1975 font des ronds aujourd’hui dans le ciel afghan, le cadre est toujours asiatique mais dans une configuration différente : dans les années 70, le globalisme et le gouvernement mondial étaient encore dans les cartons, aujourd’hui, ils bousculent et espèrent la victoire. Qui rira jaune ?
Pour le rappel historique in Seriatim:
http://www.seriatim.fr/2021/08/afghanistan-rappel-historique-n5688-15e.html
Jean Vinatier
Seriatim 2021
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