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mercredi 27 octobre 2021

Monde arabe : plurilinguisme. Les choix audacieux des nouveaux médias arabes par Louise Aurat N°5736 15e année

« Nombre de médias électroniques du monde arabe nés dans le sillage des mouvements révolutionnaires de 2011 ont fait le choix du bilinguisme, voire du plurilinguisme. Le choix des langues et le modèle de fonctionnement répondent à des particularismes locaux, révélateurs d’enjeux de classe, de genre mais aussi de financement.

Mada Masr (2013) en Égypte, Inkyfada (2014) en Tunisie, Daraj et Raseef22 (2017 et 2013) au Liban, 7iber (2007) en Jordanie, Le Desk (2015) au Maroc…, tous appartiennent à cette jeune génération de médias numériques dits indépendants et progressistes. Ces sites d’information du monde arabe ont pour autre trait commun de publier leurs articles en plusieurs langues, un choix facilité par la présence sur la Toile qui leur épargne le coût du papier et de l’impression.

Dès sa parution dans la seconde moitié du XIXe siècle, la presse du monde arabe se distinguait déjà par son plurilinguisme et la coexistence de journaux en anglais, en français et en arabe dans la plupart des pays de la région. Le choix d’une langue induit souvent une orientation éditoriale, culturelle ou politique particulière. Au Liban, la presse francophone est essentiellement destinée à une population chrétienne. Pour des raisons historiques liées à la colonisation, le français est encore très présent au Maghreb. Quant à l’anglais, jusque-là plus répandu dans les pays du Golfe ou en Égypte, il est relativement minoritaire dans la presse écrite aujourd’hui.

Pour ces nouveaux journaux en ligne nés à l’aube du XXIe siècle, l’usage d’une diversité de langues n’induit pas un traitement éditorial différencié. Lorsque les articles sont disponibles en plusieurs langues, le contenu est identique entre toutes les versions.

Un miroir sociologique

Toutefois, une langue de publication domine souvent entre tous les contenus, et cela s’explique en général par les compétences linguistiques des membres fondateurs : le français pour le Maghreb (Le Desk, Inkyfada), l’arabe la plupart du temps (Raseef22, 7iber). Cette affinité peut s’expliquer sociologiquement, puisque nombre des journalistes qui constituent ces médias ont étudié à l’étranger et il est fréquent qu’ils soient eux-mêmes plurilingues. Ainsi, les journaux en ligne avec lesquels nous avons échangé (Raseef22, Le Desk, Inkyfada) regroupent des journalistes arabophones, anglophones ou francophones. Il est rare qu’un auteur maîtrise à l’écrit deux langues parfaitement. De fait, les rédactions font toutes appel à des traducteurs.

Mais pour des équipes aux effectifs souvent réduits et au modèle économique précaire, ce travail de traduction est colossal. Quatre à cinq traducteurs indépendants travaillent pour Inkyfada, un webzine tunisien trilingue disponible en français, en arabe et en anglais. Les articles paraissent d’abord en français. Le média privilégie les longs formats qui demandent au moins cinq minutes de lecture, et qui offrent un contenu multimédia riche (vidéos, graphiques, photos, etc.). Trois jours en moyenne sont nécessaires pour traduire un article, un autre s’ajoute pour son édition. « Quatre personnes au moins travaillent sur un article. Cela demande beaucoup d’organisation », détaille Maher Meriah, traducteur et coordinateur de la version arabe d’Inkyfada. Les traducteurs peuvent également jouer un rôle en amont de la conception de l’article : « J’interviens là où on a besoin de traduire, par exemple une interview en arabe pour un article en français, ou bien sur la documentation ». Sur le terrain, le besoin de traduction ne se fait pas ressentir puisque c’est le dialecte, et non l’arabe littéral, qui est d’usage.

Dans l’équipe marocaine du Desk, c’est également le français qui prédomine, et la tendance se traduit en termes de contenu. Entre cinq et dix personnes travaillent pour le média depuis le début du projet en 2015. Un journaliste arabophone a été recruté pour s’occuper de la version arabe, en plus de quelqu’un en externe qui réalise certaines traductions. Dans l’idéal, le Desk aimerait traduire tous les articles en arabe, mais le manque de moyens est patent. Même constat chez Raseef22, la plateforme d’actualités panarabe basée au Liban et accessible en arabe et en anglais : l’équipe n’a pas les financements nécessaires pour payer plus de traductions et préfère consacrer ses moyens financiers à rémunérer ses contributeurs, une centaine actuellement répartis à travers le monde.

Entre arabisation et diglossie »

La suite ci-dessous :

https://orientxxi.info/magazine/plurilinguisme-les-choix-audacieux-des-nouveaux-medias-arabes,5137

Jean Vinatier

Seriatim 2021

 

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