Giorgia Meloni emporte une victoire claire, nette avec l’apport de Forza italia, la Lega, noi moderati (44,13%) face à une gauche qui totalise 26% (le parti démocrate raflant 19%) et le MS5 qui réalise un bon score 15,37% devenant de facto centriste populaire. La participation, en baisse de près de 7 points par rapport à 2018 montre qu’une majorité d’électeurs préfèrent rester sur en retrait, un comportement général en Europe.
Que va dire Ursula Von der Leyen face à la nouvelle Italie renouant avec un populisme qui agrège autant des partis de la droite classique qu’un mouvement postfasciste qui a bien pris le soin de policer son discours anti-bruxellois ? On a compris que Bruxelles disposait « d’instruments » pour plier tel ou tel gouvernement qui ne serait pas dans les clous. Cette menace maladroite venant d’une femme jamais élue et qui ne tient sa place que du consentement des Chefs d’Etat et de gouvernement ne fonctionne plus chez un peuple qui a, par devers-lui, une histoire longue et moins encore quand ce type de victoire risque de se propager en Europe ? L’Allemagne, elle-même, n’étant pas à l’abri d’un virage à moyen terme au vu de la crise en mode tsunami en cours. En France, Marine Le Pen se réjouit de cette victoire qui acte la fin du barrage républicain ou plafond de verre : les Républicains, justement en quête d’un président, sauront un peu plus que leur choix sera très engageant (compatibilité avec le RN ou bien avec Macron, la tentation centriste étant déjà largement prise).
Cela étant dit, la vie politique italienne n’est pas du tout cartésienne, elle est « combinazione », des sentiers fangeux à la voie romaine, et par là-même, surprend régulièrement l’étranger. Si l’on ne comprend pas cette façon immémoriale d’agir en politique, on sera forcément à côté. L’Italie est par nature assez insaisissable depuis la formation des Etats dans la péninsule que l’oncle de Vergennes, le diplomate Chavigny, appelait très finement vers 1732, « les puissances italiques »….L’unité italienne en 1870 ne changea pas grand-chose tant les régions, autrefois des Etats, continuèrent à peser ne serait-ce que par les idiomes locaux (un italien parle aujourd’hui encore le florentin et la langue locale). Le fascisme a donné l’illusion d’un bloc qui ne prit qu’à la surface car en plus des identités locales, le poids du Pape a joué un rôle de frein et le Vatican pesa de tout son poids pour faire triompher la République en juin 1946 ne pardonnant pas à la maison de Savoie la prise de Rome…
L’Italie virant à droite avec cette combinaison (et non alliance) aura un impact : ce pays étant une puissance économique qui assure l’arrière de la force industrielle allemande avec un endettement considérable, Mme Von der Leyen toute germanique qu’elle est, ne pourra lui parler comme à un valet mais d’un autre côté, il est aussi nécessaire de ne pas gommer tout le poids américain dans la vie politique italienne de l’après-guerre (loge P2) via la mafia et les partis en place et qu’aujourd’hui dans le choix stratégique de neutraliser l’Europe pour qu’elle ne soit pas sa rivale, et de la contraindre, par des menaces à prendre des mesures contraires à son intérêt (ainsi dans le conflit ukrainien), l’Italie joue un rôle de premier plan : Naples étant une base otanienne clés en Méditerranée.
Sur un autre plan qui est celui des partis dits « souverainistes », il n’y a toujours pas de continuum d’abord parce que par définition, un souverainiste a une frontière avec le souverainisme de son voisin, ensuite, parce que l’émergence des souverainistes (populistes ?) ne se développant qu’au sein de l’Union européenne qui a pour vocation de défaire les souverainetés sous couvert « de mercantilisme heureux » il faudrait donc renverser les actuelles institutions reposant sur les « valeurs » c’est-à-dire le mondialisme, l’OTAN, les flux migratoires…etc revêtues de l’habit démocratique. Jusqu’à présent, il n’y a pas de doctrine euro-souverainiste bien que, désormais, les leaders souverainistes prennent soin de polir leurs acrimonies contre Bruxelles, l’euro et l’Otan sinon, ils resteraient au niveau de l’UPR ou de l’Italiefexit à 1,9%.
Les élections italiennes sont tout à fait dans le mouvement général européen qui va vers le blocage, le goulot d’étranglement par l’action de forces contraires peut-être la seule façon, à terme, de faire sauter le bouchon suffisamment haut pour évaporer la mousse et ne laisser que le vin….
Jean Vinatier
Seriatim 2022
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