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mardi 30 octobre 2007

Hermines et toques N°64 - 1ere année

Rachida Dati connaîtra son premier mouvement social le 29 novembre prochain. Les principaux syndicats appellent à la grève. La réforme de la carte judiciaire de la France amenée par petits pas et au grès des déplacements de la Garde des Sceaux soulève bien des poussières. Le but de la réforme est de rationaliser le nombre de tribunaux d’instance, le nombre des cours d’appel ne variera pas. Avant les magistrats, les avocats ont protesté. La suppression de tel ou tel tribunal impliquerait une migration de certains cabinets provinciaux. Changement d’habitudes, fin de petites « seigneuries » autant de désagréments pour des notables. La population verrait, une fois de plus, le service public s’éloigner d’elle au nom de l’efficacité. La ministre de la Justice compte, un peu, sur le ravage de l’affaire d’Outreau auprès des citoyens pour en imposer au corps des magistrats.
Depuis 1789, nous ne connaissons plus les grèves de corps des magistrats (les parlements d’Ancien Régime) lesquels jouissaient de l’indépendance et de leurs charges. Que reste-t-il en 2007 ?Les tenues vestimentaires. Ce détail n’est en rien une nostalgie. Les juges relevant de l’Etat sont par essence légalistes et fidèles au pouvoir politique quel qu’il soit et mal à l’aise pour entamer une querelle politique. Ils ne sont plus dépositaires des lois et coutumes du royaume mais en charge de faire appliquer le code, rendent la justice au nom du peuple Français.
Il est vrai que nombre de magistrats surfent, quelque peu, sur ce passé d’hermines et de toques sans se rendre compte de sa parfaite incongruité et, surtout, du manque de lisibilité pour les Français.

Les Français haussent les épaules devant les grognements des juges. Ils se moquent comme d’une guigne de cette dispute tant le juge, au sens général, garde dans l’imaginaire populaire une toute puissance pleine de morgue et de sévérité. La récente application des peines planchers remplit les prisons, encombrent les salles de justice et nombre de magistrats se plaignent, justement, de ne plus avoir le pouvoir d’interprétation. Au vu du nombre de détentions provisoires avant la promulgation de cette loi, on ne savait décidément pas que les juges tenaient à apprécier ! Assistons-nous à une prise de conscience tardive ?
Du côté de la place Vendôme, la ministre passe par-dessus les syndicats. Elle privilégie les émissions people. Pourquoi ? Outre son image (soignée et surveillée depuis l’Elysée) c’est selon son entourage le moyen de dire directement aux téléspectateurs, entre deux vedettes ou célébrités, son souci de les servir. Le procédé pour grossier n’en possède pas moins son efficacité sur le court terme. Le credo étant de rendre la justice d’abord efficace pour les victimes, Rachida Dati joue sur du velours auprès de la France profonde toujours sensible à telle ou telle grande peur.
Les syndicats sont désarmés devant de tels procédés. Le pouvoir se frotte les mains. Le public sait-il pour autant tout le contenu de la réforme de la Justice ? Certainement pas.
La rentrée judiciaire annuelle est solennelle en présence du Chef de l’Etat devant un parterre de femmes, d’hommes en robes rouges, noires, bordées d’hermines, les décorations rutilantes, toques à la main. Le Président de la République est sur un trône ou presque, les discours sont polis. La magistrature siège en corps : autrefois elle était un contre-pouvoir, aujourd’hui elle n’est que fonctionnaire. Cette cérémonie qui n’est plus que la pâle fiction du « lit de justice » souligne tout le décalage du monde judiciaire devant les Français. Il revient à la magistrature de se repenser, de se placer au XXIe siècle. Sans à écrire le bien-fondé ou non de la réforme proposée par Rachida Dati, ni à approuver la récente loi, le plus urgent reste bel et bien le travail de modernité de chacun des juges nationaux.


©copyright Jean Vinatier 2007

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