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mercredi 24 octobre 2007

La mer du milieu N°60 - 1ere année

La visite d’Etat de Nicolas Sarkozy au Maroc relance l’idée d’une union méditerranéenne qu’il avait évoquée d’une manière succincte pendant la campagne présidentielle.
Avant de nous livrer aux conjectures pour mesurer l’ampleur de la tâche, il est bon de partir de l’étymologie latine pour bien voir ce qu’est la Méditerranée. Mediterraneus signifie « au milieu des terres » Dans bien des langues, Méditerranée égale mer du milieu (Breton, Néerlandais, Norvégien, Danois, Finnois, Suédois, Japonais, Hébreu, Arabe). Le mot « milieu » est important. Il explique la vertu principale de cette mer : le centre, l’équilibre.
Regardons, maintenant la carte pour relever tous les Etats concernés : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Palestine, Israël, Liban, Syrie, Turquie, Chypre, Grèce, Malte, Italie, Monaco, France, Espagne. Incluons, évidemment, les pays de l’Adriatique : Slovénie, Croatie, Bosnie, Monténégro. Ajoutons aussi le Royaume-Uni via Gibraltar sans gommer le Portugal.
La Belgique demande depuis quelques temps à entrer dans le monde méditerranéen. Pourquoi ? Le royaume accueille de nombreux migrants Italiens et Maghrébins. Proposition originale qui obligerait de fait à accepter par exemple l’Allemagne (4 millions de Turcs).
Sur le plan religieux, toutes les religions y prospèrent exception faite du taoïsme, du bouddhisme, du protestantisme.
La richesse historique atteint une hauteur unique au monde. Le monde méditerranéen serait-il notre identité collective ? Il l’est déjà par les civilisations, les migrations, les modèles d’empire, les échanges commerciaux. D’ailleurs ce sont les voyages mercantiles d’ouest en est, à l’aube des Croisades, qui jouèrent un rôle déterminant. Ce retour vers l’Orient formata les pensées, les rêves des hommes du Moyen-âge. Des auteurs disent justement que cette méditerranée orientale exerça une magie semblable à celle qu’auront les Indes quelques siècles plus tard.
Est-il prudent d’aborder le projet d’union méditerranéenne sans introduire le politique ? D’une certaine manière Fernand Braudel dans son ouvrage phare
La Méditerranée et le monde méditerranéen au temps de Philippe II, en montre l’impossibilité: le premier tome ne fait presque pas mention du monarque espagnol, le tome suivant voit au contraire le roi catholique très présent. L’autre aspect est, naturellement le monde méditerranéen dans lequel la France voudrait une union des deux rives. Projet vaste, imprudent à ne pas proposer à l’ensemble des acteurs. La tentation serait effectivement de ne démarrer cette union qu’avec les pays du Maghreb alors que tout l’intérêt de cette idée tient justement au monde méditerranéen en entier. Si l’on ne regarde que le point politique l’Union européenne s’obligerait de facto à se penser en tant que puissance géostratégique. On sait les conséquences d’une entrée de la Turquie dans l’Union sur ce point. Dans cette vue, Nicolas Sarkozy pèserait-il de tout son poids sur Bruxelles ? Notons, une fois de plus, la contradiction du Président français d’un côté féal aux Etats-Unis, de l’autre la tentation nationale. L’Union se placerait en acteur vers l’Asie, vers l’Afrique, deux continents où elle se heurterait à des puissances redoutables : Chine, Inde, Etats-Unis, Russie.
Les premières propositions, politique d’immigration choisie, stratégie écologique, politique commune de développement, création d’une banque méditerranéenne d’investissement, ne pourraient pas se targuer d’une première frontière entre, par exemple, une Méditerranée occidentale et une autre orientale (dénommée mer syrienne par Ibn Khaldûn au XIVe siècle dans
Discours sur l’histoire universelle). Le point capital serait comment politiquement, économiquement, philosophiquement l’Europe et les nations arabes (musulmane, chrétienne), turque et juive se rencontreraient ? Les facilités commerciales sont une chose vitale pour le développement de même que les migrations et l’environnement mais que construirions-nous solidement ? Le monde méditerranéen tirant sa force des richesses, des différences, la mer du milieu devrait les incarner. Euro-Med lancé lors de la conférence de Madrid en 1995 montre, maintenant, tout le gaspillage financier (20 milliards d’euros) d’un projet conçu selon un mode bureaucratique, sans sens politique. Une fois de plus, il est écrit que nous nous illusionnerions grandement en ayant la naïveté de croire que l’union méditerranéenne pourrait faire l’économie de la décisive indépendance de décision. L’Union européenne en est incapable que fera-t-elle quand le monde méditerranéen l’exigera ?
L’idée de Nicolas Sarkozy est positive dans la démarche en ce sens qu’elle pose, une fois encore, pour fondamentale la géographie historique.

©copyright Jean Vinatier 2007

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