« Certes, Angela Merkel, qui affrontait lundi 14 décembre le congrès
de son parti, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) à Karlsruhe (land de
Bade-Wurtemberg), a été acclamée pendant huit minutes après son discours sur
les migrants – discours dans lequel elle a annoncé vouloir réduire « sensiblement
» leur afflux en Allemagne (1) (près d’un million depuis le début de l’année)
tout en s’opposant à l’instauration d’un plafond chiffré, et en n’avançant
aucune solution, sauf à répéter que « les grands mouvements de réfugiés ne
peuvent être résolus que par une coopération internationale ». Elle était
donc en retrait sur sa déclaration à la chaine publique ARD du dimanche 13
décembre, quand elle déclarait vouloir réduire « drastiquement »
l’immigration. L’ambiguïté de ses déclarations est telle que la presse s’y
perd, indécise sur la position réelle de la chancelière – sauf à relever, comme
le fait Romaric Godin dans la Tribune (2) « l’habileté politique
» - nous dirions l’habileté tactique - de la dirigeante allemande.
Mais qu’en est-il une fois les flonflons de la fête dissipés ?
Eh bien, écrit le Spiegel (3) après avoir reconnu qu’Angela Merkel
avait conforté, par un « discours fort » son autorité sur son parti, (« la
motion principale du leader de la CDU a été adoptée presque à l’unanimité sur
la politique des réfugiés »), sa prestation à Karlsruhe, parce qu’elle a su
trouver « les mots justes du moment », lui a simplement « ouvert un
espace de respiration », un répit. Parce que pour Horst Seehofer, le leader
de la CSU, Union chrétienne sociale en Bavière, « la limitation du nombre de
réfugiés » est un sujet « central ». Ce qui veut dire qu’après
s’être posée en « homme d’Etat » d’envergure mondiale, avoir évoqué les
mânes de ses grands prédécesseurs en se posant comme leur égale, avoir rappelé
à son auditoire les racines chrétiennes de son parti, il faudra revenir aux
manœuvres du jour le jour, un exercice qui lui est familier, celui peut-être où
elle excelle. Si la politique de la chancelière est en effet toute de zigzags,
confiait au JDD un ancien conseiller politique d’Helmut Kohl, Angela Merkel « a
beau naviguer à vue, sans boussole, elle sait admettre qu’elle se trompe »
(4).
Admettre qu’elle se trompe ou changer d’avis sans préavis ? Parce qu’il
nous revient des souvenirs de la crise financière de 2008 et de la réunion à
Paris organisée par Nicolas Sarkozy en urgence le samedi 4 octobre avec Gordon
Brown, Silvio Berlusconi et Angela Merkel au secours des établissements
financiers en grande difficulté. La Chancelière avait campé sur une position
intransigeante, affirmant, tranquille pour ses banques, que les solutions
devaient être nationales : « Xavier Musca, alors directeur du Trésor, se
souvient très bien du sommet du 4 octobre 2008 », écrit Odile
Benyahia-Kouider (L’Allemagne paiera, Fayard, 2013) : « ‘Angela
Merkel était persuadée que si Nicolas Sarkozy insistait pour mettre en place un
fonds de soutien aux banques européennes, c’était parce qu’il lui cachait un
problème en rapport avec les banques françaises, et que nous voulions lui
pomper de l’argent’. Le lendemain, elle est devenue blême en apprenant
que c’était au tour d’une banque allemande, Hypo Real Estate, de se retrouver
au bord de la faillite ». Et vingt-quatre heures plus tard, alors qu’elle
avait nié qu’il y eût un problème, un premier gros chèque venait éviter
faillite et contagion : la chancelière est pragmatique, si elle manque de
longueur de vue. Deux ans plus tard : « En février 2010, rebelote. La
Grèce est au bord du défaut de paiement. Nicolas Sarkozy réclame des mesures
d’urgence pour calmer les marchés. Mais la chancelière regimbe
(…). ‘Angela, le problème, c’est pas la Grèce, c’est la zone euro’
prophétise Nicolas Sarkozy. Rien à faire ». On sait ce qu’il en a
été.
[….] »
La suite ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim2015
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