Luigi Mascilli Migliorini, le
grand spécialiste italien de l’époque napoléonienne, met en perspective dans
cet ouvrage, le prince de Metternich (1773-1859) sur deux plans :
premièrement, en qualité de père du congrès de Vienne qui voudra clore la période révolutionnaire
(1789-1815) et tenter d’établir en
Europe un nouvel équilibre entre les puissances lequel durera cahin-caha jusqu’en
1914 ; secondement, l’homme politique qui dirigera l’empire austro-hongrois
une bonne trentaine d’années jusqu’en 1848.
Le futur prince de Metternich est né dans une famille de bonne noblesse
rhénane au service de la maison de l’Auguste Maison de Habsbourg. Il est formé, à Strasbourg, à la
très réputée école diplomatique de Jean-Daniel Schoepflin d’où il assistera médusé aux troubles révolutionnaires
suite à la nouvelle de la chute de la Bastille. Le saccage des bâtiments, les
violences physiques le marqueront à jamais : il abominera le désordre qui
remet en cause ce qui est pour lui la légitimité. Marié à une nièce du prince
de Kaunitz, le très écouté ministre de feue l’impératrice Marie-Thérèse, il
deviendra l’homme de confiance du jeune empereur François II (1768-1835),
dernier souverain du Saint-Empire romain germanique et premier de celui de
l’Autriche-Hongrie en 1804.
Le prince de Metternich n’est, cependant pas, un homme obtus, habité
par la nostalgie. Il a bien vu et vécu l’Europe napoléonienne dans leurs
bouleversements, sociaux et géopolitiques. Mascilli Migliorini insiste bien sur
son dépit de voir les Bourbons revenir en France, à Parme, à Naples les jugeant
hors temps et sans adhésion populaire. C’est la nouveauté de ce début du XIXième
siècle la légitimité détachée du divin, n’est plus reconnue qu’avec l’onction
nationale.
Metternich, préoccupé par la pérennité de la maison de Habsbourg privée
de la Couronne du Saint Empire germanique, focalise son attention sur l’espace germanique redoutant une mainmise
prussienne appuyée par la Russie. Sa double idée politique sera premièrement de
former une sorte de fédération qui reconnaitrait à l’Autriche-Hongrie une
prépondérance en Allemagne du Sud, en Italie jusqu’aux domaines
pontificaux ; secondement d’irriguer l’Europe post-1815 par une quadruple alliance
(Autriche, Royaume-Uni, Prusse, Russie), que les troubles révolutionnaires à Naples et en
Espagne dans les années 1820, quoique matés, mettront à mal.
Depuis Vienne, il sera un conservateur modernisateur du jeune état
autrichien, dépassé par l’Europe romantique et le printemps des peuples qui le
balaieront d’un coup en mars 1848. Chassé du pouvoir, le prince de Metternich
gardera par devers lui cette image de l’homme du passé. Il a tenté de concilier
un ordre européen avec la légitimité des souverains, de gommer autant que ce
peut la tempête révolutionnaire française par un concert entre les puissances,
d’assurer à l’Autriche-Hongrie une place européenne incontournable alors même
que se levait de nouvelles identités nationales Italienne, Prussienne.
Cet ouvrage de qualité, très riche n’est pas une biographie mais une
présentation détaillée de l’homme politique Metternich. On regrettera un livre
parfois touffu, notamment dans les six premiers chapitres. Cette abondance pour
illustrer la personnalité intéressante et profonde du prince de Metternich découragera-t-elle
un lecteur plus curieux que féru ?
Mascilli Migliorini (Luigi) : Metternich, Paris, CNRS éditions, 2018, 27€
Jean Vinatier
Seriatim 2018
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire