« Faut-il, au nom de l’opposition aux
États-Unis, soutenir inconditionnellement l’Iran ?
Faut-il, au nom de la lutte contre les stratégies américaine et israélienne et
contre l’occupation de la Palestine, renoncer au combat pour le droit des
peuples à une vie digne ? Tels sont
les dilemmes qu’affrontent, depuis des décennies, les forces du changement
radical dans le monde arabe. Et qui se posent particulièrement aujourd’hui en
Irak et au Liban.
Comment vaincre la colonisation et Israël ? Est-il possible pour des peuples écrasés et pour des sociétés humiliées,
mises à mal par l’oppression, de résister à la tyrannie, alors même qu’il
s’agit d’une mission difficile nécessitant la mobilisation de toutes leurs
énergies pour contrebalancer le rapport de force inégal ? Non, c’est impossible, et toutes les
expériences mondiales l’ont prouvé.
Or, voici qu’à chaque fois que des voix contestataires s’élèvent dans le
Proche-Orient, notamment en Irak et au Liban, pour dénoncer l’injustice dont
ces peuples font l’objet, elles sont au pire accusées d’être celles des
collaborateurs des États-Unis ou d’Israël ou, au mieux, d’avoir mal choisi et
de s’être mises, par leur naïveté et sans le savoir, au service de ceux-là.
C’est un chantage très courant. Des partis de gauche du monde entier comme
du monde arabe, sans parler des partis « panarabistes » (des nassériens jusqu’aux baasistes) y ont eu
recours. Ils l’ont utilisé dans les luttes internes, allant jusqu’à prendre
pour cible des leaders dans leurs propres rangs ou contre des personnes dont
ils voulaient se débarrasser. Quand on ne formule pas des accusations
explicites, on répand des rumeurs qui ternissent la réputation de la persona
non grata. Et quand ces partis arrivent au pouvoir, cela se transforme en
assassinats, que ce soit de vrais espions ou des camarades.
La logique qui préside à ces pratiques est complexe. Elle nécessite un
certain niveau de discipline et d’obéissance de la part des adhérents de ces
partis, qui sont considérés comme une masse docile et aveugle. Quant à définir
les « membres »
en question, c’est là un vrai problème. Dans les milieux de gauche, ce sont
d’abord les encartés, puis, dans un second temps, « le milieu »
de gauche, y compris ceux qui ont quitté le parti ou qui lancent de nouvelles
idées, de nouveaux courants. Mais cela reste en fin de compte limité, c’est
presque de l’entre-soi, quand bien même le parti et « le milieu »
de gauche s’élargissent et touchent tout un public, comme cela a été le cas en
Irak ou au Soudan.
S’agissant du Hezbollah, cette attitude concerne l’ensemble d’un groupe
confessionnel. Car le Parti de Dieu ne souffre pas qu’une fraction issue de « ses quartiers » ou de « ses régions »
puisse lui désobéir, le critiquer ou s’opposer à lui. Elle doit alors être
réduite au silence et écartée de la scène. On ne cherchera même pas à la
convaincre. Cette discipline répressive a pu être mise en place au Liban lors
des récentes contestations. En Irak, elle a provoqué beaucoup de victimes, du
fait qu’un grand nombre de membres du « groupe
confessionnel » ont échappé à l’emprise de ceux qui s’en sont
autoproclamés les représentants et les protecteurs. À tel point que Moqtada
Al-Sadr lui-même a dû, après avoir exprimé sa solidarité avec les
manifestants, être recadré par le général iranien Ghassem Soleimani, venu pour
l’embarquer dans un vol retour pour Téhéran.
Recadrer leurs « enfants »
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ci-dessous :
Jean Vinatier
Seriatim 2020
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